BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CELIK v. TURKEY (No. 3) - 36487/07 - HEJUD [2012] ECHR 1935 (15 November 2012)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2012/1935.html
Cite as: [2012] ECHR 1935

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

     

    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ÇELİK c. TURQUIE (no 3)

     

    (Requête no 36487/07)

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    15 novembre 2012

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Çelik c. Turquie (no 3),

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Ineta Ziemele, présidente,
              Danutė Jočienė,
              Isabelle Berro-Lefèvre,
              András Sajó,
              Işıl Karakaş,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Helen Keller, juges,
    et de Stanley Naismith, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 octobre 2012,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 36487/07) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Murat Çelik (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 juin 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me S. Ballıkaya, avocate à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

  3. .  Devant la Cour, le requérant se plaignait en particulier d’une violation des articles 3, 11 et 5 de la Convention.

  4. .  Le 26 mai 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l’affaire.
  5. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  6. .  Le requérant est né en 1966 et réside à Istanbul.
  7. A.  La déclaration de presse


  8. .  Le requérant, avocat de profession, fut président de la section d’Istanbul de l’association des juristes contemporains (Çağdaş Hukukçular Derneği) de 1997 à 2000.

  9. .  Le 14 janvier 2000, les ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Santé signèrent un protocole réglementant la gestion, la protection et les services de santé des centres d’exécution des peines et des maisons d’arrêt.

  10. .  Le requérant allègue que, le 16 septembre 2000, vers 12 heures, lui-même, en sa qualité de président de l’association, et vingt-six autres membres de celle-ci - avocats de profession - avaient programmé la lecture d’une déclaration à la presse à Taksim (Istanbul).

  11. .  Toujours selon le requérant, les forces de l’ordre avaient pris des mesures de sécurité. Elles auraient affirmé au requérant qu’elles n’interviendraient pas pour disperser les manifestants après la lecture de la déclaration dès lors que lui-même avait assuré qu’il se chargerait de le faire. Elles auraient cependant arrêté les participants, y compris l’intéressé, avant même la lecture prévue.

  12. .  Selon le Gouvernement, le 16 décembre 2000, à midi, le requérant et soixante autres personnes s’étaient réunis dans la rue İstiklâl (Istanbul), une artère principale, pour manifester illégalement et lire une déclaration à la presse au sujet du protocole litigieux. La police aurait sommé les participants à cette manifestation - illégale selon elle - de se disperser. Les manifestants auraient refusé d’obtempérer, auraient scandé des slogans puis perturbé la circulation tant des véhicules que des piétons. Les policiers seraient intervenus et auraient dispersé le groupe de manifestants pour, à leurs dires, préserver la fluidité de la circulation des véhicules et des piétons. Les policiers auraient indiqué avoir dû procéder aux arrestations en utilisant la force pour briser la résistance des manifestants.

  13. .  Le procès-verbal d’arrestation et d’incident du 16 septembre 2000, établi à 12 h 30 par la police, indique que, selon une information parvenue à la police, la section d’Istanbul de l’association des juristes contemporains avait prévu de faire une déclaration à la presse le 16 septembre 2000, à 12 heures. Les mesures de sécurité nécessaires auraient été prises et le groupe de manifestants, en marche vers le lycée de Galatasaray, aurait été empêché d’avancer. Les manifestants, dont le président de l’association, auraient été informés que la manifestation était contraire à la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques. Ils se seraient vu accorder un délai d’un quart d’heure pour se disperser mais auraient refusé d’obtempérer. Ils auraient scandé les slogans suivants : « la cellule, c’est la mort, nous ne l’autorisons pas (Hücre ölümdür izin vermeyecegiz); détruis les cellules (Hücreleri parçala); défends les prisonniers (Tutsaklara sahip çık); les pressions ne nous décourageront pas (Baskılar bizi yıldıramaz); les prisonniers politiques sont notre honneur (Devrimci tutsaklar bizim onurumuzdur); à bas les cachots, libérez les prisonniers (Zindanlar yıkılsın tutsaklara özgürlük); la cellule, c’est la mort, nous allons résister (Hücre ölümdür direneceğiz) ». Les manifestants n’auraient pas été autorisés à lire la déclaration intitulée « La section d’Istanbul de l’association des juristes contemporains et les familles des détenus à la presse et à l’opinion » (Çağdaş Hukukçular Derneği Istanbul Derneği Şubesi ve Basına ve Kamuoyuna başlıklı Tutuklu Aileleri). Ils auraient refusé de se disperser malgré les sommations, quarante-neuf personnes auraient été appréhendées par la force et placées en garde à vue avec l’aide des forces d’intervention rapide.

  14. .  Un rapport médical collectif, établi le 16 septembre 2000, à 15 h 30, au nom de sept personnes, dont le requérant, par l’institut médicolégal de Beyoğlu, indique que le requérant avait une ecchymose de 3 x 2 cm sous l’œil gauche et des rougeurs au cou, qu’il se plaignait de brûlures à la gorge et que le médecin avait conclu à une incapacité de travail de cinq jours.

  15. .  Le 17 septembre 2000, le directeur de la sûreté établit un rapport (fezleke) pour le procureur de la République. Il y précisait en particulier que, d’après les recherches effectuées dans les archives, le requérant avait été placé en garde à vue le 3 décembre 1990 en raison de ses activités dans des organisations d’extrême gauche. D’après ce rapport, le procureur de la République de garde avait été informé par téléphone de l’arrestation des manifestants, y compris le requérant, et avait ordonné aux policiers de les remettre en liberté après un contrôle de leur identité et après leur examen par un médecin.
  16. B.  L’action pénale engagée contre le requérant


  17. .  Entre-temps, le 23 juin 2000, les policiers, se fondant sur la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques, avaient saisi le procureur de la République de Beyoğlu pour demander l’ouverture d’une action pénale contre, notamment, le requérant.

  18. .  Le 17 septembre 2000, le procureur de la République décida de ne pas poursuivre le requérant pour sa participation à une déclaration de presse.

  19. .  Par un acte d’accusation du même jour, il intenta une action pénale contre, entre autres, le requérant pour participation à une manifestation contraire à la loi no 2991.

  20. .  Par un jugement du 28 mars 2001, le 7e tribunal correctionnel de Beyoğlu acquitta le requérant pour absence d’élément constitutif de l’infraction. Dans ses motifs, il indiquait que le requérant, en sa qualité de président de l’association des juristes contemporains, et les autres membres, avocats de profession, avaient décidé de faire une déclaration à la presse le jour de l’incident litigieux, que le déroulement d’une telle manifestation, conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, ne constituait pas une infraction et que le fait d’avoir manifesté n’était que l’exercice d’un droit constitutionnel qui avait été empêché par la police.
  21. C.  La plainte pénale déposée par le requérant contre les policiers


  22. .  Entre-temps, le 18 septembre 2000, le requérant avait déposé avec les autres manifestants une plainte pénale contre les policiers pour mauvais traitements et pour privation arbitraire de liberté. Dans cette plainte, le requérant précisait que l’intervention des policiers ayant empêché la lecture de la déclaration prévue avait également porté atteinte à son droit à la liberté de manifester.

  23. .  Le même jour, l’intéressé avait été entendu par le procureur de la République de Beyoğlu. Il avait déclaré n’avoir pas demandé à la préfecture d’Istanbul l’autorisation d’organiser une déclaration de presse. Le jour dit, les forces de l’ordre auraient pris des mesures de sécurité. Le requérant aurait assuré aux policiers que les participants se disperseraient après la lecture de la déclaration. Il aurait convenu avec eux du lieu où se tiendrait cette lecture. Les forces de l’ordre auraient empêché la lecture prévue en précisant qu’elles obéissaient aux ordres. Arrêté puis placé en garde à vue avec d’autres participants, le requérant aurait été frappé à coups de pied et de poing et injurié par les policiers. Il aurait continué à faire l’objet de violences et d’insultes dans le véhicule de la police, où les policiers l’auraient aspergé de gaz lacrymogène, au point qu’il se serait évanoui. Il aurait refusé de signer une décharge mentionnant qu’il renonçait à être examiné par un médecin. Les policiers auraient refusé de l’interroger en prétextant qu’il ne faisait pas l’objet d’une mesure de garde à vue.

  24. .  Le 2 novembre 2000, le requérant fut entendu par deux inspecteurs désignés par le préfet d’Istanbul. Il déclara que, s’il n’avait pas demandé d’autorisation aux autorités compétentes pour la lecture de la déclaration de presse, c’est parce qu’une telle autorisation n’était pas nécessaire d’un point de vue légal. Il précisa que, le jour de l’évènement, l’adjoint de la direction de la sûreté, T.T., lui avait désigné l’endroit où il pouvait procéder à la déclaration de presse, à condition de ne pas perturber la circulation. Alors que la lecture allait débuter, les policiers l’auraient informé que les participants devaient se disperser. Dans le même temps, ils auraient encerclé les manifestants. Le requérant ajouta qu’avant de monter dans le véhicule de police il n’y avait pas eu de violences ou d’injures à son encontre. En revanche, une fois dans le véhicule, il aurait été violenté, insulté et aspergé de gaz lacrymogène par les policiers et il se serait évanoui.

  25. .  Le 7 novembre 2000, plusieurs policiers furent entendus par l’inspecteur désigné par le préfet d’Istanbul. Le policier S.C. déclara ne pas se souvenir si un incident était survenu ou non le 16 septembre 2000.

  26. .  Les policiers D.G. et E.K. déclarèrent avoir emmené les manifestants jusqu’au véhicule de police.

  27. .  Le policier M.S. affirma avoir reçu l’ordre de placer les manifestants en garde à vue. Il les aurait fait monter à bord des véhicules et n’aurait exercé aucune violence contre eux.

  28. .  Le 8 novembre 2000, le requérant, invité à identifier, sur 198 photographies de policiers, ceux qui étaient de service le jour de l’incident, déclara n’en reconnaître aucun.

  29. .  Toujours le 8 novembre 2000, les policiers Ş.A., K.K., H.N. et H.K., conducteurs des véhicules de police, furent entendus par l’inspecteur désigné par le préfet d’Istanbul. Ils déclarèrent qu’aucun incident ne s’était déroulé à bord de leur véhicule.

  30. .  Le 9 novembre 2000, d’autres policiers furent entendus par l’inspecteur désigné par le préfet d’Istanbul. Le policier M.G. déclara qu’il était en service le jour de l’incident et qu’il faisait partie de l’équipe qui avait pris les mesures de sécurité. Il aurait effectivement emmené les personnes arrêtées jusqu’au véhicule de police mais n’en aurait frappé ni insulté aucune.

  31. .  Les policiers E.K., G.F.K., B.K., S.G., A.T., M.A. et Ş.K. furent entendus par l’inspecteur désigné par le préfet d’Istanbul. Ils déposèrent dans les mêmes termes que M.G. L’un d’eux, S.G., précisa qu’il avait emmené une dame jusqu’au véhicule de police et que celle-ci n’avait pas présenté de difficulté lors de son arrestation.

  32. .  Le policier T.T. déclara n’avoir reçu d’ordre de personne, pas même du préfet de police. Il aurait agi conformément aux pouvoirs qui lui auraient été conférés par la loi. Ayant constaté l’infraction, il aurait sommé les participants à la manifestation de se disperser puis les aurait invités à monter à bord des véhicules. Les manifestants ayant refusé d’obtempérer et ayant résisté, ils auraient été placés en garde à vue. T.T. affirma n’avoir pas exercé de violence contre des manifestants et n’avoir pas utilisé de gaz lacrymogène.

  33. .  Le policier A.T. déclara qu’il était en service le jour de l’incident et qu’il faisait partie de l’équipe qui avait pris les mesures de sécurité. Il précisa que personne ne leur avait donné l’ordre de placer en garde à vue les participants à la déclaration de presse. Lui-même aurait agi dans le cadre de ses fonctions et conformément à la loi. Après avoir été sommés de se disperser, les manifestants auraient été invités à monter à bord des véhicules de police, mais, ayant résisté, ils auraient été placés en garde à vue un à un. A.T. affirma qu’aucun gaz n’avait été utilisé.

  34. .  Le 23 novembre 2000, le policier A.C., entendu par l’inspecteur désigné par le préfet d’Istanbul, déclara qu’il était en service le jour de l’incident entre 12 heures et 14 heures mais qu’il ne se souvenait pas du lieu. Il indiqua qu’il n’avait fait usage de la force contre personne dans l’exercice de ses fonctions et qu’il ne se trouvait pas non plus dans le véhicule à bord duquel les personnes arrêtées avaient été placées.

  35. .  Par une décision du 21 décembre 2000, le préfet d’Istanbul, se fondant sur la loi no 4483 sur la procédure relative à la poursuite des fonctionnaires ainsi que sur le rapport rédigé par l’inspecteur désigné par le préfet, n’autorisa pas l’ouverture de poursuites pénales contre les policiers M.G., Ş.G., E.K., G.F.K., A.C. et B.K. Dans les motifs de la décision, il indiquait que l’action menée par le requérant était contraire à l’article 44 de la loi sur les associations, que la déclaration de presse prévue n’était pas légale, que les manifestants n’avaient pas obtempéré à l’ordre de dispersion lancé par les policiers, qu’ils avaient été placés en garde à vue dans les véhicules de police, qu’ils avaient résisté et scandé des slogans illicites et que la force utilisée par les policiers pour les placer en garde à vue n’avait pas excédé le seuil autorisé par leurs fonctions (yetki dahilinde bulunan zorla). Le préfet concluait que le procès-verbal d’identification dressé à l’issue de la présentation de photographies des policiers et du visionnage d’enregistrements vidéo n’avait pas permis d’établir la commission par les policiers des faits reprochés.

  36. .  Par un jugement du 17 avril 2001, le tribunal administratif régional d’Istanbul, considérant qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve dans le dossier de l’affaire pour autoriser l’ouverture d’une action pénale contre les policiers incriminés, infirma la décision du 21 décembre 2000.

  37. .  Le 11 mai 2001, sur le fondement de l’article 245 de l’ancien code pénal et à la lumière du rapport médical du 16 septembre 2000, le procureur de la République intenta une action pénale contre les six policiers du chef de mauvais traitements.

  38. .  Par un jugement du 28 septembre 2004, le 4e tribunal correctionnel de Beyoğlu acquitta le policier A.C. au motif qu’il n’était pas en service le jour de l’incident. Sur le fondement de l’article 245 du code pénal, constatant que les policiers avaient fait usage contre l’un des manifestants d’une force et de violences ayant outrepassé les limites prévues dans le cadre de leurs fonctions, et eu égard au rapport médical établi par l’institut médicolégal, le tribunal condamna les policiers M.A., Ş.Ö. et E.K. à une peine d’emprisonnement de trois mois et à leur exclusion provisoire de la fonction publique pour une période de trois mois ; puis, sur le fondement de l’article 4 de la loi no 647, le tribunal commua la peine d’emprisonnement en une amende pénale de 273 780 000 livres turques (TRL). Sur le fondement de l’article 245 du code pénal, constatant que les policiers avaient fait usage contre deux des manifestants d’une force et de violences ayant outrepassé les limites prévues dans le cadre de leurs fonctions, et eu égard au rapport médical établi par l’institut médicolégal, le tribunal condamna le policier G.F.K. à une peine d’emprisonnement de trois mois et à son exclusion provisoire de la fonction publique pour une période de trois mois ; puis, sur le fondement de l’article 4 de la loi no 647, il commua la peine d’emprisonnement en une amende pénale de 273 780 000 TRL ; il réunit ensuite les peines prononcées contre G.F.K. et condamna celui-ci à une amende pénale de 547 560 000 TRL et à son exclusion de la fonction publique pour une période de six mois. Sur le fondement de l’article 245 du code pénal, constatant que le policier avait fait usage contre l’un des manifestants d’une force et de violences ayant outrepassé les limites prévues dans le cadre de ses fonctions, et eu égard au rapport médical établi par l’institut médicolégal, le tribunal condamna le policier B.K. à une peine d’emprisonnement de trois mois et à son exclusion de la fonction publique pour une période de trois mois ; puis, sur le fondement de l’article 4 de la loi no 647, il commua la peine d’emprisonnement en une amende pénale de 273 780 000 TRL. Constatant que le casier des policiers était vierge et estimant qu’ils ne commettraient pas d’autres infractions similaires à l’avenir, le tribunal, sur le fondement de l’article 6 § 1 de la loi no 647 sur l’exécution des peines, prononça le sursis à l’exécution des peines prononcées.

  39. .  Dans ses attendus, le 4e tribunal correctionnel de Beyoğlu indiqua que le requérant n’avait pas identifié les policiers qui lui auraient infligé des mauvais traitements et qu’il n’avait pas été en mesure de dire si les policiers accusés étaient bien ceux qui avaient commis les faits reprochés.

  40. .  Par un arrêt du 6 novembre 2006, la Cour de cassation infirma le jugement du 28 septembre 2004, en raison de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal qui comportait des dispositions favorables aux policiers.

  41. .  Par un jugement du 11 septembre 2007, le 4e tribunal correctionnel de Beyoğlu réitéra son précédent jugement.

  42. .  Par un arrêt du 22 décembre 2009, la Cour de cassation éteignit l’action publique pour prescription.
  43. D.  Le recours en dommages et intérêts introduit par le requérant sur le fondement de la loi no 466


  44. .  Entre-temps, le 27 juin 2001, le requérant avait introduit, sur le fondement de la loi no 466 sur l’octroi d’indemnités aux personnes arrêtées ou détenues, une action en dommages et intérêts contre l’Etat au motif que son placement en garde à vue avait été illégal.

  45. .  Par un arrêt du 27 décembre 2004, la cour d’assises de Bakırköy condamna l’Etat à verser au requérant 14 487 150 TRL en dédommagement de sa garde à vue du 16 septembre 2000. Dans ses attendus, elle précisait que l’intéressé avait présenté un rapport médical lui reconnaissant une incapacité de travail de cinq jours qui découlait des coups et violences infligés par les policiers.

  46. .  Par un arrêt du 27 novembre 2006, la Cour de cassation infirma l’arrêt attaqué au motif que le requérant avait été arrêté pour des raisons plausibles et qu’il avait été libéré dans un délai raisonnable après l’accomplissement par la police des formalités légales.

  47. .  Par un arrêt du 23 novembre 2007, faisant siens les motifs de la Cour de cassation, la cour d’assises de Bakırköy rejeta l’action en dommages et intérêts introduite par le requérant. Dans ses motifs, elle indiquait que le requérant avait été placé en garde à vue le 16 septembre 2000 et qu’il avait été remis en liberté dès le lendemain après avoir été entendu par le procureur de la République.

  48. .  Par un arrêt du 14 juin 2010, la Cour de cassation confirma l’arrêt de la cour d’assises de Bakırköy.
  49. II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS


  50. .  Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques et de la loi no 2559 sur les fonctions et compétences de la police, ainsi que celles de la directive relative aux forces d’intervention rapide (Polis Çevik Kuvvet Yönetmeliği) du 30 décembre 1982 qui fixent les principes régissant la surveillance, le contrôle et l’intervention des forces d’intervention rapide dans des situations de manifestations figurent aux paragraphes 15 à 17 de l’arrêt Kop c. Turquie, no 12728/05, §§ 15-17, 20 octobre 2009.

  51. .  L’article 6 § 1 de la loi no 647 sur l’exécution des peines se lit ainsi :
  52. « Quiconque n’ayant jamais été condamné (...) à une peine autre qu’une amende se voit infliger (...) une amende (...) et/ou une peine d’emprisonnement d’un an [maximum] peut bénéficier d’un sursis à l’exécution de cette peine, si le tribunal est convaincu que [l’auteur], compte tenu de [sa] propension à transgresser ou non la loi, se gardera de récidiver si on lui accorde un tel sursis (...) »


  53. .  L’article 1 de la loi no 466 sur l’octroi d’indemnités aux personnes arrêtées ou détenues dispose ce qui suit :
  54. « Seront réparés par l’Etat les dommages subis par toute personne :

    1.  arrêtée ou placée en détention dans des conditions et circonstances non conformes à la Constitution et aux lois ;

    2.  à laquelle les griefs à l’origine de son arrestation ou détention n’auront pas été immédiatement communiqués ;

    3.  qui n’aura pas été traduite dans le délai légal devant le juge après avoir été arrêtée ou placée en détention ;

    (...) ;

    5.  dont les proches n’auront pas été immédiatement informés de son arrestation ou de sa détention ;

    6.  qui, après avoir été arrêtée ou mise en détention conformément à la loi, aura bénéficié d’un non-lieu (...), d’un acquittement ou d’un jugement la dispensant d’une peine ;

    (...) »

    47.  La loi no 4483 sur la procédure relative à la poursuite des fonctionnaires, entrée en vigueur le 2 décembre 1999, dispose dans son article 9 que les décisions rendues par les organes administratifs compétents sur les demandes d’ouverture d’enquêtes pénales formulées par les parquets et mettant en cause un fonctionnaire sont susceptibles d’opposition dans un délai de dix jours. Les juridictions administratives sont seules compétentes pour connaître de telles oppositions et leurs décisions sont définitives.

    48.  Une fois le refus de l’organe d’enquête confirmé par les juges administratifs, les parquets sont liés et ne peuvent que classer l’affaire sans suite. Il s’agit là d’un acte purement formel, qui se limite à entériner la décision définitive de l’organe d’enquête. Dans la pratique, il arrive que les parquets rendent des « ordonnances de non-lieu » à la suite d’un refus d’autoriser la poursuite d’un fonctionnaire. Pareilles ordonnances sont caduques et la voie pénale d’opposition, théoriquement ouverte contre celles-ci, ne saurait entraîner l’ouverture de poursuites pénales en dépit du refus de l’organe administratif. La position des chambres répressives de la Cour de cassation le confirme (voir, par exemple, les arrêts no 2006/14865 du 4 octobre 2006 et no 2006/10703 du 10 mai 2006) :

    « L’ouverture de poursuites pénales contre des fonctionnaires pour des délits tombant sous le coup de la loi no 4483 (...) requiert une « autorisation ». En vertu de l’article 4 de la loi no 4483, les procureurs de la République saisis d’une plainte ou d’une dénonciation relative à de tels délits (...) demandent l’autorisation d’ouvrir une instruction et se bornent à administrer les preuves susceptibles de disparaître (...) Si l’autorisation requise est refusée, le parquet peut prendre une décision de « classement sans suite » de la plainte ou de la dénonciation (...), mais il lui est impossible de rendre une « ordonnance de non-lieu à poursuivre », au sens de l’article 172 du code de procédure pénale (...), car aucune instruction pénale n’est censée avoir été ouverte auparavant. Le fait que l’instance répressive appelée à connaître d’une opposition formée contre une telle ordonnance statue sur le bien-fondé du recours au lieu de conclure à un « classement sans suite » est contraire à la loi (...) »


  55. .  Jusqu’à la promulgation de la loi d’amendement no 4778, le 2 janvier 2003, la procédure susmentionnée s’appliquait à toute forme de délit commis dans l’exercice de la fonction publique, à l’exception des cas de flagrant délit, passibles de peines de prison ferme. Depuis cette date, selon l’article 2 de la loi no 4483, les poursuites pour mauvais traitements (article 243 de l’ancien code pénal et articles 94 et 95 du nouveau code pénal du 26 septembre 2004) et recours excessifs à la force (article 245 de l’ancien code pénal et article 256 du nouveau code pénal) par des agents de l’Etat sont exclues du champ d’application de la loi no 4483 (Çamçı et autres c. Turquie, no 25172/02, §§ 21-22, 24 février 2009).

  56. .  Aux termes du premier alinéa de l’article 128 de l’ancien code de procédure pénale, la durée de la garde à vue est de vingt-quatre heures.
  57. Aux termes du deuxième alinéa du même article, dans le cadre d’un délit collectif commis par trois personnes ou plus, en cas de difficulté pour réunir les preuves ou bien eu égard au nombre de prévenus ou pour d’autres raisons similaires, le procureur de la République peut proroger par écrit la durée de la garde à vue jusqu’à quatre jours.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 3, 6, 13 ET 14 DE LA CONVENTION


  58. .  Le requérant se plaint de violences exercées contre lui par les policiers et dénonce l’ineffectivité de la procédure pénale engagée contre les policiers en service le jour de l’incident litigieux au motif qu’elle se serait terminée par la prescription des faits. Il invoque les articles 3, 6, 13 et 14 de la Convention.
  59. Eu égard à la formulation et au contenu des griefs du requérant, la Cour décide de les examiner uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention (Dönmüş et Kaplan c. Turquie, no 9908/03, § 55, 31 janvier 2008, et Kop,précité, § 42), ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »


  60. .  Le Gouvernement combat la thèse du requérant.
  61. A.  Sur la recevabilité


  62. .  Le Gouvernement soulève d’abord une exception d’irrecevabilité tirée de l’absence de qualité de victime du requérant. Se référant à cet égard au rapport médical délivré après l’arrestation de l’intéressé, le Gouvernement soutient que le traitement dénoncé n’a pas atteint le degré minimum de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Il rappelle par ailleurs que l’action pénale engagée contre les policiers concernés s’est terminée par un acquittement pour insuffisance de preuves.

  63. .  Le requérant conteste cette exception.

  64. .  Eu égard au rapport médical du 16 septembre 2000 ainsi qu’à l’issue de l’action pénale engagée contre les policiers qui s’est terminée par la prescription de l’action publique, la Cour estime que cette exception soulève des questions étroitement liées à celles posées par le grief que le requérant a formulé sur le terrain de l’article 3 de la Convention quant à l’effectivité de l’enquête pénale (voir, mutatis mutandis, Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 104, CEDH 2004-IV (extraits)). Partant, elle décide de la joindre au fond.

  65. .  Le Gouvernement soulève ensuite une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que le requérant n’a pas utilisé contre l’Etat ou contre les forces de l’ordre les voies de recours administrative et civile qui seraient prévues en droit interne pour l’obtention de dommages et intérêts. Il ajoute que, indépendamment de la solution adoptée par les tribunaux répressifs, l’intéressé pouvait engager de telles actions.

  66. .  Le requérant conteste cette exception.

  67. .  La Cour rappelle avoir déjà, dans des circonstances similaires à celles de l’espèce, rejeté une telle exception (voir, entre autres, Mete et autres c. Turquie, no 294/08, § 96, 4 octobre 2011). Ayant examiné la présente affaire, elle considère que le Gouvernement n’a fourni en l’espèce aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente. Partant, il convient de rejeter cette exception du Gouvernement.

  68. .  La Cour constate que le grief tiré de l’article 3 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  69. B.  Sur le fond

    1.  Sur les allégations de mauvais traitements

    a)  Arguments des parties


  70. .  Le Gouvernement soutient d’abord que le rapport médical établi après l’arrestation du requérant n’indique aucun signe de mauvais traitements. Renvoyant aux circonstances dans lesquelles le requérant a été arrêté, il est d’avis que les traces relevées sur le corps du requérant sont la conséquence du comportement de l’intéressé lors de son arrestation.

  71. .  Le Gouvernement soutient ensuite que le requérant, en participant à la manifestation en cause dans une artère principale d’Istanbul, à contrevenu à la loi no 2911. Il indique que, malgré les sommations des policiers leur ordonnant de mettre fin à la manifestation - illégale selon eux -, les manifestants avaient refusé de se disperser, avaient scandé des slogans et perturbé la circulation des personnes et des véhicules. Les forces de l’ordre seraient alors intervenues pour disperser le groupe et assurer la circulation des piétons et des véhicules. Les policiers auraient finalement dû procéder aux arrestations en utilisant la force pour briser la résistance des manifestants.

  72.   A cet égard, se référant à la loi no 2559 sur les fonctions et compétences de la police, le Gouvernement soutient que, dans les circonstances de l’espèce, la force utilisée par les policiers était strictement nécessaire compte tenu du refus des manifestants de se disperser et de leur résistance aux forces de l’ordre, autant de comportements qui auraient menacé la paix et l’ordre publics. En outre, il soutient que la nature des blessures constatées sur le corps du requérant ne permet pas d’établir « au-delà de tout doute raisonnable » le caractère excessif de la force utilisée contre lui.

  73. .  Le requérant conteste les thèses du Gouvernement et réitère ses allégations.
  74. b)  Appréciation de la Cour


  75. .  La Cour rappelle d’abord que, pour tomber sous le coup de l’article 3, les mauvais traitements doivent atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des circonstances propres à l’affaire, telles que la durée du traitement ou ses effets physiques ou psychologiques et, dans certains cas, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (Mouisel c. France, no 67263/01, § 37, 14 novembre 2002, CEDH 2002-IX, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 91, CEDH 2000-XI, Peers c. Grèce, no 28524/95, § 67, CEDH 2001-III, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, 11 juillet 2006, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 120, CEDH 2000-IV). La Cour réaffirme en outre que, lorsqu’un individu se trouve privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, par exemple lors d’une arrestation, l’utilisation à son égard de la force physique excessive et injustifiée par rapport à son comportement constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 (voir, parmi d’autres, Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, §§ 23 et 24, série A no 269, Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, §§ 68-78, CEDH 2000-XII, Günaydın c. Turquie, no 27526/95, § 29, 13 octobre 2005).

  76. .  Dans les circonstances où il est question de recours à la force rendu strictement nécessaire pour procéder à l’arrestation, il échoit de rechercher si en l’espèce cet usage de la force a été proportionné (voir Altay c. Turquie, n22279/93, § 54, 22 mai 2001, Hulki Güneş c. Turquie, no 28490/95, § 70, CEDH 2003-VII). A cet égard, la Cour rappelle attacher une importance particulière aux lésions ou séquelles qui ont été occasionnées et aux circonstances dans lesquelles elles l’ont été (R.L. et M.-J.D. c. France, no 44568/98, § 68, 19 mai 2004, et Gülizar Tuncer c. Turquie, no 23708/05, § 31, 21 septembre 2010).

  77. .  En l’espèce, la Cour constate qu’il ressort du rapport médical collectif établi le 16 septembre 2000 à l’issue de la manifestation litigieuse que le requérant présentait en particulier une ecchymose de 3 x 2 cm sous l’œil gauche et des rougeurs au cou et que le médecin a conclu à une incapacité de travail de cinq jours (paragraphe 12 ci-dessus). A la lumière des constats figurant dans ce rapport médical, la Cour considère que les traitements dont le requérant a été victime tombent sous le coup de l’article 3 de la Convention.

  78. .  La Cour note aussi que, dans sa plainte, le requérant a relaté sa version du déroulement de la manifestation et des traitements subis par lui et par les autres manifestants. A la suite de cette plainte, une action pénale a été intentée contre les policiers auteurs présumés des mauvais traitements infligés au requérant. Il ressort des motifs du jugement du tribunal correctionnel que les policiers ont fait usage contre les manifestants, y compris le requérant, d’une force et de violences ayant outrepassé les limites prévues dans le cadre de leurs fonctions. Par conséquent, la Cour constate que rien n’indique dans les faits de l’espèce que le requérant ait fait preuve d’une agressivité telle qu’il n’eût pu être maîtrisé que par le recours à la force. Elle rappelle en outre que la dispersion d’un rassemblement ne saurait suffire en soi à expliquer la gravité de coups portés au visage ou à la tête de manifestants.

  79. .  C’est pourquoi, eu égard aux constats qui précèdent ainsi qu’au rapport médical présenté par le requérant, la Cour estime que les explications du Gouvernement quant au recours à la force en cause ne se fondent pas sur des arguments convaincants pour démontrer que le recours à la force n’a pas été excessif ou qu’il a été rendu strictement nécessaire par le comportement du requérant dans la dispersion du rassemblement en question. Partant, la Cour conclut que la force utilisée dans la présente affaire était excessive et injustifiée.

  80. .  Il s’ensuit qu’il y a eu violation du volet matériel de l’article 3 de la Convention.
  81. 2.  Sur le caractère effectif des investigations menées

    a)  Arguments des parties


  82. .  Pour le Gouvernement, les autorités internes ont pris toutes les mesures nécessaires pour identifier et poursuivre les responsables des mauvais traitements dénoncés par le requérant. Elles auraient ainsi mené immédiatement une enquête au sujet de ces allégations ; les dépositions des policiers et du requérant auraient été recueillies et les rapports médicaux auraient été réunis ; les autorités auraient également demandé au requérant d’identifier les policiers en cause à partir de photographies et d’enregistrements vidéo, mais l’intéressé n’aurait pas été en mesure de les reconnaître ; enfin, le rapport médical établi aurait été soumis à l’institut médicolégal. Aussi le Gouvernement conclut-il au caractère effectif de l’enquête menée au sujet des allégations de mauvais traitements du requérant. Il indique ensuite que les policiers auteurs des mauvais traitements ont été poursuivis au pénal et que le requérant a participé à cette procédure.

  83. .  Le requérant conteste les thèses du Gouvernement et réitère ses allégations.
  84. b)  Appréciation de la Cour


  85. .  D’abord, en ce qui concerne l’obligation pour les autorités nationales d’ouvrir et de mener une enquête effective, la Cour se réfère aux principes qui se dégagent de sa jurisprudence dans les arrêts Khachiev et Akaïeva c. Russie, nos 57942/00 et 57945/00, § 177, 24 février 2005, Menecheva c. Russie, no 59261/00, § 67, CEDH 2006-III, Batı et autres, précité, §§ 134-137, Abdülsamet Yaman c. Turquie no 32446/96, § 54, 2 novembre 2004, et Ciğerhun Öner c. Turquie (no 2), no 2858/07, § 98, 23 novembre 2010.

  86. .  Ensuite, la Cour rappelle que, lorsqu’un individu affirme de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d’autres services comparables de l’Etat, de graves sévices illicites et contraires à l’article 3, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’Etat par l’article 1 de la Convention de « reconnaître à toute personne relevant de [sa] juridiction, les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention », requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective (Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, §§ 102-103, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, Ay c. Turquie, no 30951/96, § 59-60, 22 mars 2005, et Şafak c. Turquie, no 38879/03, § 66, 25 janvier 2011). Cette enquête, à l’instar de celle résultant de l’article 2, doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables. S’il n’en allait pas ainsi, nonobstant son importance fondamentale, l’interdiction légale générale de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants serait inefficace en pratique, et il serait possible dans certains cas à des agents de l’Etat de fouler aux pieds, en jouissant d’une quasi-impunité, les droits de ceux soumis à leur contrôle (Labita, précité, § 131, et les références qui y sont citées).

  87. .  En l’espèce, la Cour constate que, à la suite de la plainte déposée par le requérant, une procédure pénale a été ouverte contre les policiers pour mauvais traitements devant le tribunal correctionnel compétent. Ce tribunal a établi que les policiers avaient fait usage à l’égard des manifestants - dont le requérant - d’une force et de violences ayant outrepassé les limites prévues dans le cadre de leurs fonctions. Toutefois, la Cour de cassation a éteint cette action publique pour prescription (paragraphe 38 ci-dessus). A cet égard, la Cour rappelle avoir déjà jugé, dans des circonstances similaires à celles de l’espèce, que les autorités nationales devaient prendre toutes les mesures positives nécessaires pour agir avec une promptitude suffisante et une diligence raisonnable, de sorte que les auteurs de traitements contraires à l’article 3 ne jouissent pas d’une quasi-impunité, nonobstant l’existence de preuves irréfutables contre eux (Batı et autres, précité, § 147 ; voir également, mutatis mutandis, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, §§ 78-79, CEDH 1999-V, et Fazıl Ahmet Tamer et autres c. Turquie, no 19028/02, § 96, 24 juillet 2007). Elle redit également que, lorsqu’un fonctionnaire de l’Etat est accusé d’actes contraires à l’article 3, la procédure ou la condamnation ne sauraient être rendues caduques par exemple par une prescription, et que l’application de mesures telles que l’amnistie, la grâce ou le sursis à l’exécution de la peine ne saurait être autorisée (voir, en ce sens, Zeynep Özcan c. Turquie, no 45906/99, § 45, 20 février 2007, et Okkalı c. Turquie, no 52067/99, §§ 76 et 78, CEDH 2006-XII (extraits); voir également, mutatis mutandis, Abdülsamet Yaman, précité, § 55, et Ciğerhun Öner (no 2), précité, § 101).

  88. .  Dès lors, en l’espèce, la Cour considère que les manquements quant à la promptitude et la diligence dans l’action pénale engagée contre les policiers, qui ont eu pour conséquence d’accorder une quasi-impunité à ces policiers, auteurs présumés de tels faits, ont rendu le recours pénal ineffectif. En conséquence, dans les circonstances particulières de l’espèce, la Cour estime que le recours dont le requérant disposait n’était pas normalement disponible et suffisant pour lui permettre d’obtenir réparation des violations qu’il allègue (voir, mutatis mutandis, Selmouni, précité, § 81). Il s’ensuit qu’il convient donc de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement à cet égard.

  89. .  Partant, la Cour conclut qu’il y a eu violation des exigences procédurales de l’article 3 de la Convention.
  90. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 10 ET 11 DE LA CONVENTION


  91. .  Le requérant dénonce une atteinte à l’exercice de son droit à la liberté d’expression et de son droit à la liberté de réunion pacifique. A cet égard, il invoque respectivement les articles 10 et 11 de la Convention.

  92. .  Eu égard à la formulation des griefs du requérant, la Cour décide d’examiner ces griefs uniquement sous l’angle de l’article 11 de la Convention (Serkan Yılmaz et autres c. Turquie, no 25499/04, § 28, 13 octobre 2009), ainsi libellé dans sa partie pertinente :
  93. « 1.  Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

    2.  L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. (...) »


  94. .  Le Gouvernement combat la thèse du requérant.
  95. A.  Sur la recevabilité


  96. .  Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-respect du délai de six mois. Indiquant que la manifestation litigieuse s’est déroulée le 16 septembre 2000 et que le tribunal correctionnel de Beyoğlu a acquitté le requérant par un jugement du 28 mars 2001, il reproche au requérant de n’avoir introduit sa requête que le 12 juin 2007.

  97. .  Le requérant conteste cette exception.

  98. .  La Cour observe, à l’instar du Gouvernement, que l’action pénale intentée contre le requérant en raison de sa participation à une déclaration de presse s’est conclue par un jugement d’acquittement du 28 mars 2001. Cela étant, la Cour note que l’intéressé a déposé, le 18 septembre 2000, une plainte pénale contre les policiers pour mauvais traitements, privation arbitraire de liberté et atteinte à son droit à la liberté de manifester. Cette action pénale s’est terminée par l’arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2009. Le requérant ayant introduit sa requête le 12 juin 2007, il convient de rejeter cette exception.

  99. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  100. B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties


  101. .  Le Gouvernement indique que la manifestation litigieuse a méconnu la loi no 2911 et que l’ingérence dans le droit à la liberté de réunion ou d’association pacifique du requérant était fondée sur cette même loi, qu’elle avait pour but de protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique et de prévenir le désordre ou le crime, et de maintenir le trafic dans une artère à grande circulation.

  102. .  Le Gouvernement soutient également que l’ingérence en cause était nécessaire dans une société démocratique. A ses dires, le requérant a été arrêté par la police conformément à la loi nationale, et ce pour protéger l’ordre public dans une rue très fréquentée et répondre ainsi à un besoin social impérieux. Le Gouvernement souligne en outre que la procédure pénale engagée contre le requérant sur le fondement de la loi no 2911 s’est terminée par son acquittement.

  103. .  Le requérant combat les thèses du Gouvernement et réitère ses allégations.
  104. 2.  Appréciation de la Cour


  105. .  A titre liminaire, la Cour relève que les parties ne contestent pas l’existence d’une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté de réunion. Elle note que cette ingérence avait une base légale, à savoir la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques, et qu’elle était ainsi « prévue par la loi » au sens de l’article 11 § 2 de la Convention. Par ailleurs, l’ingérence en cause visait au moins un des buts légitimes mentionnés par le paragraphe 2 de l’article 11, à savoir la défense de l’ordre.

  106. .  Quant à la question de savoir si l’intervention litigieuse était nécessaire dans une société démocratique, la Cour se réfère d’abord aux principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 11 (Djavit An c. Turquie, no 20652/92, §§ 56-57, CEDH 2003-III, Piermont c. France, 27 avril 1995, §§ 76-77, série A no 314, Plattform « Ärzte für das Leben » c. Autriche, 21 juin 1988, § 32, série A no 139, et Schwabe et M.G. c. Allemagne, nos 8080/08 et 8577/08, §§ 110-113, CEDH 2011 (extraits)). Il ressort de cette jurisprudence que les autorités ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement de toute manifestation légale et la sécurité de tous les citoyens.

  107. .  La Cour rappelle ensuite que les Etats doivent non seulement protéger le droit de réunion pacifique mais également s’abstenir d’apporter des restrictions indirectes abusives à ce droit. Elle réaffirme par ailleurs que, si l’article 11 tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics dans l’exercice de ses droits protégés, il peut engendrer de surcroît des obligations positives afin d’assurer la jouissance effective de ces droits (Djavit An, précité, § 57).

  108. .  La Cour rappelle encore que ces principes sont également applicables aux manifestations et défilés organisés dans les lieux publics (Djavit An, précité, § 56). Toutefois, le fait pour une Haute Partie contractante de soumettre à autorisation préalable la tenue de réunions et de réglementer les activités des associations pour des raisons d’ordre public et de sécurité nationale n’est pas contraire à l’esprit de l’article 11 (Karatepe et autres c. Turquie, nos 33112/04, 36110/04, 40190/04, 41469/04 et 41471/04, § 46, 7 avril 2009).

  109. .  En l’espèce, la Cour note d’abord que la manifestation n’avait pas été annoncée aux autorités comme le prévoit le droit interne, ce que le requérant n’a pas contesté. A cet égard, la Cour rappelle avoir déjà jugé que le droit d’organiser des manifestations spontanées ne peut passer outre l’obligation de préavis que dans des circonstances particulières.

  110. .  La Cour réitère ensuite que, en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, du moins avant l’usage de la force à leur égard par la police, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance envers les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion garantie par l’article 11 de la Convention ne soit pas privée de tout contenu. Dans la présente affaire, à la lumière des documents présentés par les parties, la Cour constate que le groupe de manifestants, composé de quelques dizaines d’avocats réunis pour attirer l’attention du public sur une question d’actualité, ne menaçait pas l’ordre public, tout au plus présentait-il le risque d’éventuelles perturbations de la circulation. A cet égard, elle rappelle sa jurisprudence selon laquelle toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certain désordre dans le déroulement de la vie quotidienne et de susciter des réactions hostiles ; elle estime que cette circonstance ne justifie pas en soi une atteinte à la liberté de réunion (Berladir et autres c. Russie, no 34202/06, §§ 38-43, 10 juillet 2012). C’est pourquoi elle n’est pas convaincue par l’argument du Gouvernement selon lequel l’ingérence litigieuse avait pour but de maintenir le trafic dans une artère principale très fréquentée. Elle relève en particulier l’empressement des autorités nationales à mettre fin à cette manifestation en plaçant en garde à vue les manifestants, dont le requérant qui avait décidé d’organiser la manifestation litigieuse (voir Oya Ataman c. Turquie, no 74552/01, § 41, CEDH 2006-XIII, et, a contrario, Éva Molnár c. Hongrie, no 10346/05, § 42, 7 octobre 2008).

  111. .  La Cour constate enfin que l’action pénale intentée contre le requérant pour sa participation à la manifestation litigieuse s’est conclue par l’acquittement de l’intéressé : le tribunal national a en effet jugé que la police avait empêché la lecture de la déclaration à la presse alors que le requérant et les autres manifestants n’avaient fait qu’exercer un droit constitutionnel (paragraphe 17 ci-dessus). Elle rappelle, d’ailleurs, qu’une manifestation pacifique ne devrait pas, en principe, être soumise à la menace d’une sanction pénale (Akgöl et Göl c. Turquie, nos 28495/06 et 28516/06, § 43, 17 mai 2011, Aşıcı c. Turquie (no 2), no 26656/04, § 49, 31 janvier 2012).

  112. .  En conséquence, la Cour estime qu’en l’espèce la police, par son intervention musclée contre les manifestants, dont le requérant, a fait usage d’une force disproportionnée et qu’elle a empêché le déroulement de la manifestation au cours de laquelle il devait être fait lecture d’une déclaration à la presse. Elle considère que pareille intervention n’était pas non plus nécessaire à la défense de l’ordre public, au sens du deuxième paragraphe de l’article 11 de la Convention.

  113. .  Dès lors, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.
  114. III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION


  115. .  Le requérant se plaint enfin de l’illégalité de son placement en garde à vue. Il allègue que celui-ci avait pour but de l’empêcher de participer à la déclaration de presse prévue. Il reproche en outre aux juridictions nationales d’avoir rejeté sa demande en réparation à cet égard. Il invoque l’article 5 §§ 1 et 5 de la Convention.

  116. .  Le Gouvernement combat cette thèse. Il soutient que l’arrestation du requérant, appréhendé le 16 septembre 2000 et remis en liberté le 17 septembre 2000 sur ordre du procureur de la République, n’était pas illégale ni contraire à l’article 5 § 1 de la Convention.

  117. .  Il ajoute que l’action en dommages et intérêts introduite par le requérant a été rejetée par les juridictions nationales en raison de la légalité de son arrestation.

  118. .  Le requérant combat les thèses du Gouvernement et réitère ses allégations.

  119. .  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné sous l’angle de l’article 11 de la Convention et qu’il doit donc lui aussi être déclaré recevable.

  120. .  Cependant, la Cour constate que la police a placé le requérant en garde à vue dès avant la manifestation au cours de laquelle une déclaration devait être lue à la presse et dont elle a ainsi empêché le déroulement (paragraphe 95 ci-dessus). Partant, même en considérant que l’arrestation du requérant au sens de l’article 5 § 1 c) de la Convention a pu avoir un effet dissuasif sur la liberté de manifester au sens de l’article 11, la Cour considère que les questions juridiques principales posées par la présente requête consistent à savoir si le requérant, d’une part, a subi des mauvais traitements en raison de l’intervention des forces de l’ordre et si, d’autre part, il a ainsi été empêché de mener la manifestation en cause. Eu égard à ses conclusions relatives aux articles 3 et 11 de la Convention (paragraphes 70, 77 et 97), elle estime qu’il ne s’impose pas statuer séparément sur le grief que le requérant a formulé sous l’angle de l’article 5 de la Convention.
  121. IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    102.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  122. .  Le requérant réclame 1 000 euros (EUR) pour préjudice matériel et 50 000 EUR pour préjudice moral.

  123. .  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  124. .  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 10 000 EUR au titre du préjudice moral.
  125. B.  Frais et dépens


  126. .  Le requérant demande également 7 744 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. Il décompose ainsi les frais et dépens engagés devant les juridictions internes :
  127. -  100 EUR pour les frais de photocopie, de téléphone, de papier et de télécopie ;

    -  100 EUR pour les frais de procédure ;

    -  536 EUR pour les frais engagés devant la cour d’assises dans le cadre de son action en réparation fondée sur la loi 466. L’intéressé ne présente aucun justificatif à l’appui de cette demande.

    Quant aux frais et dépens engagés devant la Cour de Strasbourg le requérant les décompose ainsi, sans fournir de justificatif pour les deux premiers montants :

    -  127 EUR pour les frais de poste, de photocopies et de secrétariat ;

    -  550 EUR pour les frais de traductions ;

    -  6 331 EUR pour les frais d’avocat. L’intéressé se réfère à cet égard au barème du barreau d’Istanbul et présente une convention d’honoraires de résultat précisant que cette somme ne sera versée à la défense que lorsque la Cour de Strasbourg aura statué sur sa requête.


  128. .  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

  129. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence (Mehmet Nuri Özen et autres c. Turquie, nos 15672/08, 24462/08, 27559/08, 28302/08, 28312/08, 34823/08, 40738/08, 41124/08, 43197/08, 51938/08 et 58170/08, § 71, 11 janvier 2011), la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens exposés lors de la procédure nationale. Elle estime raisonnable la somme de 3 000 EUR réclamée pour la procédure devant elle et l’accorde au requérant.
  130. C.  Intérêts moratoires


  131. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  132. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide de joindre l’exception préliminaire du Gouvernement au fond du grief tiré de l’article 3 et la rejette, et déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation des volets matériel et procédural de l’article 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention ;

     

    4.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément les griefs tirés de l’article 5 de la Convention ;

     

    5.  Dit,

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en livres turques, au taux applicable à la date du règlement :

    i.  10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

    ii.  3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 novembre 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Stanley Naismith                                                                    Ineta Ziemele
            Greffier                                                                              Présidente


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2012/1935.html