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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> LOMBARDI v. ITALY - 66394/01 - HEJUD (French text) [2012] ECHR 1948 (15 November 2012)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2012/1948.html
Cite as: [2012] ECHR 1948

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ROSARIO LOMBARDI c. ITALIE

     

    (Requête no 66394/01)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    15 novembre 2012

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Lombardi c. Italie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

              Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
              Guido Raimondi,
              Helen Keller, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 octobre 2012,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 66394/01) dirigée contre la République italienne et dont deux ressortissants de cet État, MM. Rosario Lombardi et Mauro Lombardi (« les requérants »), ont saisi la Cour le 10 février 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Les requérants sont représentés par Me R. Marzo, avocat à Lecce. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora, et par ses coagents MM. F. Crisafulli et N. Lettieri.

  3. .  Le 19 février 2004, la requête a été communiquée au Gouvernement. En application du Protocole no 14, la requête a été attribuée à un comité.
  4. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
  6. A.  L’expropriation du terrain.


  7. .  Les requérants étaient propriétaires d’un terrain sis à Lizzanello.

  8. .  Par un arrêté du 29 janvier 1987, l’administration de Lizzanello ordonna l’occupation d’urgence de 3 353 mètres carrés du terrain, pour une période maximale de cinq ans, en vue de son expropriation pour y construire une caserne.

  9. .  Le 4 juin 1987, la municipalité de Lizzanello procéda à l’occupation matérielle du terrain et entama les travaux de construction.
  10. B.  La procédure engagée en vue de l’obtention de l’indemnité d’expropriation.


  11. .  Par un acte notifié le 21 juillet 1992, les requérants introduisirent devant le tribunal civil de Lecce une action en dommages-intérêts à l’encontre de la municipalité de Lizzanello. Ils faisaient valoir que l’occupation du terrain était illégale au motif que celui-ci avait été occupé sine titulo à compter de 1987. Les requérants réclamaient une somme correspondant à la valeur vénale du terrain.

  12. .  Selon le rapport de l’expert désigné par le tribunal, la valeur vénale du terrain des requérants était de 135 460 lires italiennes (ITL) le mètre carré, à savoir un total de 454 187 000 ITL (234 568 EUR environ).

  13. .  Par un jugement du 13 septembre 2000, se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’expropriation indirecte (« occupazione acquisitiva »), le tribunal de Lecce déclara que les requérants devaient se considérer comme ayant été privés de leur bien à partir de juin 1990 suite à la réalisation de l’ouvrage public. Les requérants avaient droit à des dommages intérêts, calculés en fonction de la loi no 662 du 1996, entre temps entrée en vigueur. Par conséquent, le tribunal accorda un dédommagement de 289 196 000 ITL (149 357 EUR environ), dont 251 475 000 ITL (129 876 EUR environ) au titre d’indemnité d’expropriation et 37 721 000 ITL (19 481 EUR environ) au titre d’indemnité d’occupation temporaire, à indexer au jour du prononcé, plus intérêts.

  14. .  Le jugement est devenu définitif au plus tard le 12 novembre 2001.
  15. C.  La procédure « Pinto »


  16. .  Le 11 avril 2002, les requérants saisirent la cour d’appel de Lecce, au sens de la loi no 89 du 24 mars 2001, dite « loi Pinto », afin de se plaindre de la durée de procédure décrite ci-dessus. Par une décision du 25 juin 2002, la cour d’appel constata son incompétence territoriale et renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Potenza.

  17. .  Les requérants demandèrent à la cour d’appel de Potenza de conclure à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de condamner l’État italien et le ministère de la Justice à les indemniser pour le préjudice moral et le dommage matériel qu’ils estimaient avoir subis du fait de la durée excessive de la procédure et de l’application à leur cas de la loi no 359/1992.

  18. .  Par une décision du 4 décembre 2002, la cour d’appel de Potenza déclara irrecevable la demande de satisfaction équitable. Contre cette décision, les requérants se pourvurent en cassation.

  19. .  La Cour de cassation cassa et annula la décision et renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Potenza.

  20. .  Par une décision du 30 octobre 2007, la cour d’appel de Potenza constata le dépassement d’une durée raisonnable, accorda aux requérants 5 000 EUR en équité comme réparation du dommage moral, rejeta la demande de satisfaction équitable concernant le dommage matériel et rejeta aussi la demande pour frais et dépens. Contre cette décision les requérants se pourvurent en cassation.

  21. .  Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de cassation accueillit le pourvoi des requérants pour la partie concernant les frais et dépens et accorda 4 421 EUR. La Haute juridiction rejeta le pourvoi pour la partie concernant le dommage matériel et moral, tout en confirmant la décision de la cour d’appel de Potenza.
  22. II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT


  23. .   Le droit interne pertinent se trouve décrit dans l’arrêt Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, 22 décembre 2009.
  24. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1


  25. .  Les requérants allèguent avoir été privés de leur terrain de manière incompatible avec l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
  26. « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

    Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »


  27. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
  28. A.  Sur la recevabilité


  29. .  Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes au motif que les requérants n’ont pas interjeté appel du jugement du tribunal de Lecce.

  30. .  Les requérants s’opposent à l’exception de non-épuisement du Gouvernement et font valoir que ni un appel, ni un pourvoi en cassation n’auraient remédié à la situation dénoncée.

  31. .  La Cour rappelle avoir déjà rejeté des exceptions semblables dans les affaires Giacobbe et autres c. Italie (no 16041/02, 15 décembre 2005) et Chirò c. Italie, (no 5), (no 67197/01, 11 octobre 2005). Elle n’aperçoit aucun motif de déroger à ses précédentes conclusions et rejette donc l’exception en question.

  32. .  Le Gouvernement affirme que la requête est tardive dans la mesure où celle-ci a été introduite plus de six mois après le moment où l’occupation du terrain est devenue sans titre.

  33. .  Les requérants demandent le rejet de l’exception.

  34. .  La Cour rappelle avoir déjà rejeté une exception semblable dans l’affaire Chirò (no2) et autres c. Italie, (no 65137/01, 11 octobre 2005). Elle n’aperçoit aucun motif de déroger à ses précédentes conclusions et rejette donc l’exception en question.

  35. .  La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il y a donc lieu de le déclarer recevable.
  36. B.  Sur le fond

    28.  Les requérants rappellent qu’ils ont été privés de leur bien en vertu du principe de l’expropriation indirecte, un mécanisme qui permet à l’autorité publique d’acquérir un bien en toute illégalité, ce qui n’est pas admissible dans un État de droit. En outre, l’application de la loi no 662 de 1996 les aurait privés de toute « réparation » du préjudice subi.

    29.  Selon le Gouvernement, en dépit de l’absence d’un arrêté d’expropriation et de la transformation du terrain de manière irréversible par la construction d’un ouvrage d’utilité publique, rendant sa restitution impossible, l’occupation litigieuse a été faite dans le cadre d’une procédure administrative reposant sur une déclaration d’utilité publique. L’application au cas d’espèce du critère d’évaluation du dédommagement introduit par la loi nº 662 de 1996 n’aurait pas constitué une entrave à l’exigence de garantir un juste équilibre entre le sacrifice imposé aux particuliers et la compensation octroyée à ceux-ci.


  37. .  La Cour note tout d’abord que les parties s’accordent pour dire qu’il y a eu « privation de la propriété ».

  38. .   La Cour renvoie à sa jurisprudence en matière d’expropriation indirecte (voir, parmi d’autres, Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI ; Scordino c. Italie (no 3), no 43662/98, 17 mai 2005; Velocci c. Italie, no 1717/03, 18 mars 2008) pour la récapitulation des principes pertinents et pour un aperçu de sa jurisprudence dans la matière.
  39. 32.  Dans la présente affaire, la Cour relève qu’en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, les juridictions internes ont considéré les requérants privés de leur bien à compter de la date de la réalisation de l’ouvrage public. Or, en l’absence d’un acte formel d’expropriation, la Cour estime que cette situation ne saurait être considérée comme « prévisible », puisque ce n’est que par la décision judiciaire définitive que l’on peut considérer le principe de l’expropriation indirecte comme ayant effectivement été appliqué et que l’acquisition du terrain par les pouvoirs publics a été consacrée. Par conséquent, les requérants n’ont eu la « sécurité juridique » concernant la privation du terrain qu’au plus tôt le 12 novembre 2001, date à laquelle le jugement du tribunal de Lecce est devenu définitif.


  40. .  La Cour estime que l’ingérence litigieuse n’est pas compatible avec le principe de légalité et qu’elle a donc enfreint le droit au respect des biens des requérants entraînant la violation de l’article 1 du Protocole no 1.
  41. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON DE L’ABSENCE D’ÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE

    A.  Sur la recevabilité

    34.  Les requérants se plaignent en substance de l’absence d’équité de la procédure. Ils font valoir qu’ils ne pourront pas être dédommagés à hauteur de la valeur vénale du terrain par effet de la loi no 662 de 1996, entrée en vigueur en cours de procédure.

    35.  La Cour rappelle que lors de la communication de l’affaire, elle a estimé que les requérants se plaignaient en substance d’une atteinte à leur droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses passages pertinents, dispose :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  42. .  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  43. B.  Sur le fond


  44. .  La Cour vient de constater, sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1, que la situation dénoncée par les requérants n’est pas conforme au principe de légalité. Eu égard aux motifs l’ayant amenée à ce constat de violation, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément s’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 6 § 1 (voir Macrì et autres c. Italie, no 14130/02, § 49, 12 juillet 2011; Rivera et di Bonaventura c. Italie, no 63869/00, § 30, 14 juin 2011).
  45. III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON DE LA DURÉE EXCESSIVE DE LA PROCÉDURE


  46. .  Les requérants se plaignent de la durée de la procédure civile et de l’insuffisance du redressement obtenu dans le cadre du recours « Pinto ». La disposition invoquée, dans ses parties pertinentes, se lit ainsi :
  47. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  48. .  La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement et tirées du non-épuisement des voies de recours internes, dans la mesure où, le grief est en tout état de cause irrecevable pour défaut manifeste de fondement pour les raisons suivantes.

  49. .  La Cour rappelle sa jurisprudence dans l’affaire Cocchiarella c. Italie ([GC], no 64886/01, § 84) selon laquelle, dans ce genre d’affaires, il appartient à la Cour de vérifier, d’une part, s’il y a eu reconnaissance par les autorités, au moins en substance, d’une violation d’un droit protégé par la Convention et, d’autre part, si le redressement peut être considéré comme approprié et suffisant.

  50. .  La première condition, à savoir le constat de violation par les autorités nationales, ne prête pas à controverse puisque la cour d’appel de Potenza l’a expressément constaté.

  51. .  Quant à la seconde condition, la Cour rappelle les caractéristiques que doit avoir un recours interne pour apporter un redressement approprié et suffisant ; il s’agit tout particulièrement du fait que pour évaluer le montant de l’indemnisation allouée par la cour d’appel, la Cour examine, sur la base des éléments dont elle dispose, ce qu’elle aurait accordé dans la même situation pour la période prise en considération par la juridiction interne (Cocchiarella c. Italie, précité, §§ 86-107).

  52. .  La Cour note que la cour d’appel de Potenza a accordé aux requérants la somme globale de 5 000 EUR pour le dommage moral subi, ce qui représente environ 50% de ce qu’elle-même aurait pu allouer aux requérants. L’indemnisation reçue par les requérants peut donc passer pour adéquate et, de ce fait, apte à réparer la violation subie (Garino c. Italie (déc.), no 16605/03, 16641/03 et 16644/03, 18 mai 2006).

  53. .  Il s’ensuit que le requérant ne peut plus se prétendre victime de la violation de la durée de la procédure. Ce grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté en application des articles 34 et 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
  54. IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    45.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage matériel


  55. .  Les requérants sollicitent une somme correspondant à la différence entre la valeur vénale du terrain et le montant du dédommagement accordé au niveau national, à réévaluer et à majorer des intérêts à partir de juin 1990. Lors du dépôt de leur demande de satisfaction équitable en 2004, ils chiffraient ce préjudice à 650 453 EUR.

  56. .  Le Gouvernement s’oppose à cette demande.

  57. .  La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], nº 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

  58. .  Elle rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], nº 58858/00, 22 décembre 2009), la Grande Chambre a modifié la jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation indirecte. En particulier, elle a décidé d’écarter les prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur des terrains à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l’État sur les terrains.

  59. .  L’indemnisation doit donc correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriété, telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la juridiction compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l’on aura déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant doit être actualisé pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s’est écoulé depuis la dépossession des terrains.

  60. .  En l’espèce, les requérants ont perdu la propriété de leur terrain en juin 1990 (voir paragraphe 11 ci-dessus). Il ressort de l’expertise ordonnée par le tribunal de Lecce que la valeur du terrain à cette date était de 454 187 000 ITL, soit 234 568 EUR.

  61. .  Compte tenu de ces éléments et statuant en équité, la Cour estime raisonnable d’accorder aux requérants 347 300 EUR plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme.

  62. .  Reste à évaluer la perte de chances subie à la suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC] précité, § 107). La Cour juge qu’il y a lieu de prendre en considération le préjudice découlant de l’indisponibilité du terrain pendant la période allant du début de l’occupation légitime jusqu’au moment de la perte de propriété. Statuant en équité, la Cour alloue conjointement aux requérants 12 000 EUR.
  63. B.  Dommage moral.


  64. .  Dans les observations présentées à la suite de la communication de la requête au Gouvernement, les requérants demandaient un dédommagement conforme aux critères dégagés par la jurisprudence de la Cour, sans toutefois chiffrer celui-ci.

  65. .  Le Gouvernement s’y oppose et fait valoir que les requérants ont manqué à leur obligation de chiffrer leur prétentions, contrairement aux termes de l’article 60 § 2 du règlement. Il demande à la Cour de rejeter la partie de la demande relative à la réparation d’un préjudice moral prétendument subi.

  66. .  La Cour estime que, bien que les requérants n’aient pas détaillé leurs prétentions relatives au préjudice moral, ils ont nécessairement subi un préjudice du fait de la dépossession illégale de leur bien.

  67. .  Statuant en équité, la Cour accorde conjointement aux requérants la somme de 10 000 EUR au titre du préjudice moral.
  68. C.  Frais et dépens


  69. .  Dans les observations présentées à la suite de la communication de la requête au Gouvernement, les requérants ont demandé le remboursement des frais de procédure, sans toutefois chiffrer celui-ci.

  70. .  La Cour rappelle que l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce, précité, § 54).

  71. .  En l’espèce, la Cour relève que les requérants ont demandé le remboursement des frais et dépens engagés devant la Cour, sans fournir les documents à l’appui de leur demande. Pour ces motifs, la Cour rejette cette demande.
  72. D  Intérêts moratoires


  73. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  74. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention et de l’article 6 § 1 de la Convention à raison de l’absence de l’équité de la procédure et irrecevable pour le surplus;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention à raison de l’absence d’équité de la procédure ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois, les sommes suivantes :

    i)  359 300 EUR (trois cent cinquante-neuf mille trois cents euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

    ii)  10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 novembre 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                    Isabelle Berro-Lefèvre
    Greffière adjointe                                                                  Présidente


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