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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CELIKALP v. TURKEY - 51259/07 - HEJUD [2012] ECHR 2087 (18 December 2012)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2012/2087.html
Cite as: [2012] ECHR 2087

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      DEUXIÈME SECTION

       

       

       

       

       

       

      AFFAIRE ÇELİKALP c. TURQUIE

       

      (Requête no 51259/07)

       

       

       

       

       

       

       

       

       

      ARRÊT

       

       

       

      STRASBOURG

       

      18 décembre 2012

       

       

      Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

       


      En l’affaire Çelikalp c. Turquie,

      La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :

                Guido Raimondi, président,
                Danutė Jočienė,
                Peer Lorenzen,
                András Sajó,
                Işıl Karakaş,
                Nebojša Vučinić,
                Helen Keller, juges,
      et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

      Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 novembre 2012,

      Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

      PROCÉDURE



    1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 51259/07) dirigée contre la République de Turquie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Fatmana Çelikalp (« la requérante »), a saisi la Cour le 14 novembre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).


    2. .  La requérante a été représentée par Me A. Toraman, avocat à Muğla. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.


    3. .  Le 1er septembre 2009, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la Chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
    4. EN FAIT

      LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE



    5. .  La requérante est née en 1956 et réside à Muğla.


    6. .  En 1978, la commission de cadastre établit des plans cadastraux et inscrit les parcelles nos 115 et 116, situées au village de Hisarönü, sur le registre foncier au nom du de cujus de la requérante.


    7. .  Le 11 janvier 1978, une action en annulation du titre de propriété de ce terrain a été introduite devant le tribunal de cadastre de Marmaris par des tiers. Le tribunal de cadastre de Marmaris déclara recevable leur demande mais suspendit ladite procédure en attendant l’issue d’une autre procédure concernant les faits similaires. Cette dernière s’acheva par un jugement rendu le 1er mai 2003.
    8. 7.  Le 14 mai 2003, tenant compte de son jugement du 1er mai 2003, le tribunal de cadastre de Marmaris rejeta l’action engagée à l’encontre du de cujus de la requérante.

      8.  Le 15 décembre 2003, le de cujus de la requérante décéda. A une date non précisée, la requérante se constitua partie à la procédure litigieuse en lieu et place de son père en qualité d’héritière.

      9.  Par un arrêt du 22 mai 2007, après avoir confirmé le jugement attaqué, la Cour de cassation rejeta le recours en rectification de l’arrêt.



    9. .  A une date non précisée en 2007, la requérante obtint son titre de propriété.
    10. EN DROIT

      I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE EN RAISON DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE CIVILE



    11. .  La requérante, invoquant l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, se plaint de la durée excessive de la procédure engagée devant les juridictions nationales. La Cour estime opportun d’examiner ces griefs uniquement sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
    12. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »



    13. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
    14. A.  Sur la recevabilité



    15. Le Gouvernement considère que la requérante, en tant qu’héritière, ne dispose pas de qualité suffisante de victime pour justifier la poursuite de l’examen de la requête.


    16.   La Cour rappelle que de sa jurisprudence relative à l’intervention des tiers dans des procédures civiles, se dégage la distinction suivante : lorsqu’un requérant est intervenu dans la procédure nationale uniquement en son nom propre, la période à prendre en considération commence à courir à compter de cette date, alors que, lorsqu’un requérant se constitue partie au litige en tant qu’héritier, il peut se plaindre de toute la durée de la procédure (Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, § 113, CEDH 2006-V, et Ümmühan Kaplan c. Turquie, no 24240/07, § 40, 20 mars 2012).


    17.   En l’espèce, la Cour ne décèle aucun motif pour se départir de cette jurisprudence et rejette l’exception du Gouvernement.


    18. .  La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
    19. B.  Sur le fond



    20.   La Cour observe que la période à considérer a débuté le 11 janvier 1978 et a pris fin le 22 mai 2007 (paragraphes 6 et 9 ci-dessus).


    21.   La période à considérer n’a toutefois commencé, avec prise d’effet le 28 janvier 1987, qu’avec la reconnaissance du droit de recours individuel par la Turquie. Elle s’élève donc à environ vingt ans et quatre mois, pour deux instances.


    22.   Cela étant, pour apprécier le caractère raisonnable du délai écoulé à partir de la date de reconnaissance du recours individuel, la Cour tiendra compte du fait que l’affaire avait déjà durée presque neuf ans à cette date.


    23. .  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).


    24. .  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, §§ 19-29, 16 juillet 2009, et Ümmühan Kaplan, précité, §§ 32-77).


    25. .  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
    26. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

      II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION



    27. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
    28. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

      A.  Dommage



    29. .  La requérante réclame 17 500 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi.


    30. .  Le Gouvernement conteste ce montant.


    31. .  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 13 000 EUR au titre du préjudice moral.
    32. B.  Frais et dépens



    33. .  La requérante demande également 2 500 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. A ce titre, elle présente la convention d’honoraire signé entre son de cujus et son avocat, dans laquelle aucun montant ne figure.


    34. .  Le Gouvernement conteste ce montant.


    35. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Compte tenu des circonstances de l’espèce et de l’absence de justificatif à l’appui de la demande formulée par l’intéressée au titre des frais et dépens, la Cour rejette les prétentions de la requérante à cet égard.
    36. C.  Intérêts moratoires



    37. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
    38. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

      1.  Déclare la requête recevable ;

       

      2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

       

      3.  Dit

      a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 13 000 EUR (treize mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir en livres turques, au taux applicable à la date du règlement :

      b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

       

      4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

      Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 décembre 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      Françoise Elens-Passos                                                        Guido Raimondi
           Greffière adjointe                                                                  Président


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