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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> S.C. IMH SUCEAVA S.R.L. v. ROMANIA - 24935/04 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 1047 (29 October 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1047.html
Cite as: [2013] ECHR 1047

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE S.C. IMH SUCEAVA S.R.L. c. ROUMANIE

     

    (Requête no 24935/04)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    29 octobre 2013

     

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire S.C. IMH Suceava S.R.L. c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Corneliu Bîrsan,
              Luis López Guerra,
              Nona Tsotsoria,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 octobre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 24935/04) dirigée contre la Roumanie et dont une société commerciale de cet État, la S.C. IMH Suceava S.R.L. (« la requérante »), a saisi la Cour le 24 février 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  La requérante a été représentée par M. I. Hîj, son administrateur. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, M. R.H. Radu et Mme I. Cambrea, du ministère des Affaires étrangères.

  3. .  La requérante se plaint, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, du défaut d’équité d’une procédure en contestation d’un procès-verbal de contravention. Elle estime également que l’amende infligée et la confiscation du gazole par la brigade financière ont emporté violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Elle se plaint enfin de ce qu’elle a été poursuivie et condamnée pénalement deux fois pour les mêmes faits, en violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.

  4. .  Le 14 octobre 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
  5. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  6. .  La société requérante est une société commerciale de droit roumain ayant son siège à Suceava.
  7. A.  Genèse de l’affaire


  8. .  La requérante gérait, parmi d’autres activités, une station d’essence.

  9. .  La 13 mars 2003, un particulier saisit l’Office départemental de protection des consommateurs de Suceava (« l’ODPC ») d’une plainte contre la requérante, soutenant qu’elle lui avait vendu du gazole mélangé avec de l’eau.

  10. .  À la suite de cette plainte, les représentants de l’ODPC firent deux prélèvements de ce carburant (un prélèvement de base et un prélèvement « témoin », confié à la requérante), dans des récipients en plastique. Ils envoyèrent le premier prélèvement au Centre national pour les tests et l’expertise des produits LAREX à Bucarest (« le CNPEP»). Par un rapport du 7 avril 2003, le CNPEP nota que le gazole prélevé contenait 0,18 % d’eau, au lieu des 0,05% prévus par les normes applicables et qu’il était moins inflammable que le gazole standard au niveau -5. Le rapport conclut que le gazole examiné ne correspondait à aucun type de gazole prévu par « la norme 240-80, gazole ».

  11. .  Le 18 avril 2003, la requérante se présenta au CNPEP avec le prélèvement témoin, demandant une contre-expertise, qui conclut que le taux d’eau était de 0 % et que ce gazole était moins inflammable que le gazole standard. La contre-expertise conclut que ce gazole ne correspondait à aucun type de gazole prévu par « la norme 240-80, gazole ».

  12. .  Dans les deux cas, les rapports soulignaient que la manière dont les scellés avaient été apposés sur les prélèvements permettait de sortir les flacons de gazole de leur sachet en plastique sans abimer les scellés.
  13. B.  Premier procès-verbal de contravention dressé contre la requérante


  14. .  Se fondant sur les conclusions du rapport d’expertise du 7 avril 2003, le 15 avril 2003, l’ODPC dressa un procès-verbal de contravention et infligea à la requérante, en vertu des articles 7 b) et 46 c) de l’Ordonnance du gouvernement no 21/1992, une amende de 30 000 000 ROL pour « avoir commercialisé du gazole qui ne correspondait à aucun type de gazole prévu par la norme 240-80 ».

  15. .  Par un jugement du 30 mai 2003, le tribunal de première instance de Suceava (« le tribunal de première instance ») accueillit la plainte de la requérante et annula le procès-verbal susmentionné, au motif que la responsabilité contraventionnelle de la requérante ne pouvait pas être engagée, de sérieux doutes existant quant à la situation de fait retenue par les agents de l’ODPC. Le tribunal se prononça ainsi :
  16. « Lors de la constatation de la contravention furent prélevés un échantillon placé sous scellé en tant que preuve et gardé par l’organe qui a constaté les faits et un autre échantillon « témoin » scellé remis à la requérante.

    Dans le rapport d’expertise (...) établi à partir de la preuve gardée par l’organe [ODPC] qui avait constaté les faits, il fut établi que le produit soumis à l’expertise ne correspondait à aucun type de gazole présenté dans la norme 240-80, gazole (...), mention étant toutefois faite de ce que la modalité d’apposition des scellés sur l’échantillon permettait l’extraction des flacons sans abîmer les scellés.

    La contre-expertise a retenu d’autres valeurs que celles mentionnées dans l’expertise antérieure (...).

    Étant donné que l’autorité compétente (organul constatator) a réalisé une mise sous scellé défectueuse tant de la preuve restée en sa possession que de l’échantillon témoin remis à la requérante, la modalité d’apposition des scelles sur les sachets dans lesquels les flacons avaient été déposés permettant l’accès à leur contenu sans détérioration des scellés, le tribunal estime qu’aucune des deux preuves ne prouve que la contravention a été commise.

    Étant donné qu’il n’y a pas de certitude quant au fait que l’une des deux preuves corresponde au gazole commercialisé par la requérante, le tribunal fait droit à sa plainte au motif qu’il ne peut pas y avoir de responsabilité contraventionnelle établie uniquement sur la base d’indices associés à des doutes sérieux quant à la situation de fait retenue par l’organe qui a constaté le contravention. »


  17. .  L’ODPC se pourvut en cassation contre ce jugement.

  18. .  Par un arrêt définitif du 10 octobre 2003, la section commerciale et de contentieux administratif du tribunal départemental de Suceava (« le tribunal départemental »), dans une formation de jugement composée de S.A., N.D. et M.M.D., rejeta le pourvoi en recours contre le jugement du 30 mai 2003. Il jugea que « le tribunal de première instance avait correctement jugé qu’aucun des deux prélèvements ne prouvait la contravention », étant donné la méthode défectueuse d’apposition des scellés.
  19. C.  Deuxième procès-verbal de contravention dressé contre la requérante


  20. .  L’ODPC saisit la brigade financière de Suceava (« la brigade financière ») des faits qu’elle avait constatés le 13 mars 2003. Cette dernière effectua un contrôle au siège de la requérante et demanda la présentation des documents qui prouveraient l’origine du gazole en cause. La société présenta la facture obtenue à la suite de l’achat du gazole à laquelle elle joignit un certificat de conformité autre que celui qu’elle avait présenté lors du contrôle effectué par l’ODPC.

  21. .  Au vu des conclusions du rapport de contre-expertise du 18 avril 2003 et en faisant référence aux documents sur la provenance du gazole, par un procès-verbal du 15 mai 2003, la brigade financière constata que la requérante avait commis une contravention aux règles de vente des carburants, prévue par l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 158/2001 sur les accises, telle que modifiée par l’ordonnance du gouvernement no 3/2003 (« l’OG no 3/2003 »). Elle fonda la sanction sur l’article V point 1 e) de l’ordonnance no 3/2003 selon lequel constituait contravention le fait de commercialiser du carburant qui ne correspondait pas au certificat de conformité. L’inspection des finances infligea à la requérante une amende de 5 000 000 000 ROL, ce qui représentait le minimum prévu par la loi. Comme prévu par l’ordonnance précitée, elle ordonna également la confiscation de 156 528 450 ROL, correspondant au montant encaissé par la vente du gazole jugé non-conforme.

  22. .  Par un jugement du 30 juin 2003, le tribunal de première instance de Suceava rejeta la plainte introduite par la requérante contre le procès-verbal de contravention du 15 mai 2003. Le tribunal de première instance se prononça ainsi :
  23. « Le jugement 1897/2003 du tribunal de première instance de Suceava [le jugement du 30 mai 2003] annula le procès-verbal de contravention émis par l’ODPC Suceava (...) ; il ressort du contenu du jugement qu’il s’agit du même rapport d’expertise réalisé par CNPEP, à savoir le rapport no 0003860 du 18 avril 2003.

    De même, l’amende infligée correspond au minimum prévu par la loi, à savoir l’OG no 3/2003.

    Le procès-verbal de contravention jouit d’une présomption relative de vérité et en vertu de l’article 1169 du code civil, celui qui fait des allégations devant le tribunal doit les prouver. En l’espèce, la requérante n’a pas prouvé le contraire des mentions faites dans le procès-verbal.

    Compte tenu des éléments retenus par le tribunal, il convient de rejeter la plainte comme mal fondée. »


  24. .  La requérante forma un recours contre ce jugement. Elle se plaignit, entre autres, d’avoir déjà été sanctionnée pour les mêmes faits par l’ODPC, les mêmes preuves étant interprétées de manière différente par le même tribunal de première instance. Elle faisait valoir qu’elle avait fait réaliser une expertise extrajudiciaire du gazole qu’elle commercialisait et qu’aucune irrégularité n’avait été trouvée. Elle demanda enfin que la mesure de confiscation soit annulée.

  25. .  La brigade financière releva devant le tribunal départemental que la requérante avait joint des certificats de conformité différents à la facture d’achat du gazole contrefait. Elle ajouta qu’il n’y avait pas de rapport d’expertise établissant que le gazole était conforme aux paramètres techniques. Ces documents mentionnés par la brigade financière furent versés au dossier.

  26. .  Par un arrêt définitif du 24 octobre 2003, le tribunal départemental, dans une formation de jugement composée de H.C., G.C. et C.B., rejeta le recours de la requérante. Après avoir considéré que ses allégations quant à l’existence d’une autre expertise n’étaient pas étayées, le tribunal jugea que la mention contenue dans le rapport du 18 avril 2003 du CNPEP, concernant la possibilité de contamination du prélèvement, ne visait pas la première expertise et que, de toute manière, même la deuxième expertise avait conduit à un constat de non-conformité du gazole.

  27. .  Le tribunal trancha dans les termes suivants :
  28. « Selon le rapport d’expertise (...) du 18 avril 2003, « le produit expertisé ne correspond à aucun type de gazole prévu par la norme 240-80 ». Il a été également mentionné dans le même rapport que « la modalité d’apposition des scellés sur le flacon permettait l’accès à son contenu sans détérioration des scellés ».

    Il ressort du contenu du jugement du 30 mai 2003 que ce rapport concerne la deuxième expertise (la contre-expertise) du flacon qui se trouvait en possession de la requérante et non pas, comme le prétend cette dernière de manière irréaliste, le résultat de l’expertise initiale. Conformément au même jugement, devenu définitif par l’arrêt du 10 octobre 2003 du tribunal départemental de Suceava et dont la conclusion n’a pas été contestée par la requérante, l’expertise initiale a retenu les paramètres 0,18 et le point d’inflammation -5.

    Les deux expertises ont révélé sans aucun doute que le produit prélevé chez la requérante ne correspondait pas à la norme 240-80, gazole.

    Dans ces conditions, le tribunal estime que le jugement rendu en première instance, à savoir le jugement du 30 juin 2003, est légal et bien-fondé, et que la sanction établie dans le procès-verbal a été déterminée correctement, à savoir tendant vers son minimum ; étant donné qu’aucun motif de nullité que le tribunal aurait pu soulever d’office n’a été relevé, le tribunal rejette le recours. »


  29. .  Selon les dires de son représentant, faute pour elle d’avoir le capital nécessaire pour payer l’amende, la société requérante est entrée en cessation de paiement. Le 14 septembre 2004, le juge syndic ouvrit la procédure de redressement judiciaire et de faillite de la requérante.
  30. II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT


  31. .  L’ordonnance d’urgence du Gouvernement no 21/1992 sur la protection des consommateurs, telle qu’en vigueur à l’époque des faits, disposait dans son premier alinéa que l’État protégeait les consommateurs contre les pratiques abusives. Selon l’article 7 lettre b) de cette ordonnance, les distributeurs devaient s’assurer que les produits commercialisés étaient sûrs et respectaient les conditions requises par des normes spécifiques ou déclarées. Le non-respect de cette disposition constituait une contravention sanctionnée par une amende allant de 5 000 000 à 30 000 000 lei roumains anciens.

  32. .  L’ordonnance d’urgence no 158/2001 régissait à l’époque des faits les accises. L’article 26 de cette ordonnance prévoyait que le gazole faisait partie des produits taxés. Cette ordonnance a été complétée par l’ordonnance du gouvernement no 3/2003 qui imposait de nouvelles mesures afin d’améliorer la collecte des accises dues pour le gazole et d’autres carburants. Parmi ces mesures, figurait l’obligation pour les distributeurs des carburants d’afficher visiblement le nom du producteur et du fournisseur de chaque produit commercialisé et de détenir le certificat de conformité émis dans les conditions prévus par la loi (article IV, lettre f). L’ordonnance prévoyait également que la commercialisation des carburants qui ne correspondaient pas au certificat de conformité constituait une contravention (article V alinéa 1, lettre e)) punie par une amende allant de 5 à 10 milliards lei roumains anciens et la confiscation du carburant (article V, deuxième alinéa).

  33. .  L’article pertinent en l’espèce du nouveau code de procédure civile, entré en vigueur le 15 février 2013, se lit ainsi :
  34. Article 509 § 10

    « La révision d’une décision portant sur le fond d’une affaire (pronunţate asupra fondului sau care evocă fondul) peut être demandée si :

    (...)

    10. la Cour européenne des Droits de l’Homme a constaté une violation des droits et libertés fondamentaux en raison d’une décision de justice et si les conséquences graves de cette violation existent toujours. »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  35. .  La requérante dénonce une atteinte à son droit à un procès équitable, au motif que dans le cadre de son recours formulé contre la sanction infligée par la brigade financière, les tribunaux nationaux ont interprété de manière différente les mêmes preuves qu’ils avaient déjà examinées dans le cadre de la plainte contre la sanction infligée par l’ODPC. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  36. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) impartial (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

    A.  Sur la recevabilité

    27.  La Cour note que l’applicabilité de l’article 6 de la Convention à la procédure ayant pour objet la contestation du procès-verbal de contravention du 15 mai 2003 émis par la brigade financière n’est pas contestée par les parties. En renvoyant aux critères établis par sa jurisprudence constante quant à l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » (Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, série A no 22, Jussila c. Finlande [GC], no 73053/01, §§ 30-31, CEDH 2006-XIV, et Ezeh et Connors c. Royaume-Uni [GC], nos 39665/98 et 40086/98, §§ 82-86, CEDH 2003-X), la Cour estime que l’article 6 de la Convention est applicable à la procédure contestée sous son volet pénal (OAO Neftyanaya Kompaniya Yukos c. Russie (déc.), no 14902/04, §§ 450-453, 29 janvier 2009). Constatant ensuite que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties


  37. .  La requérante relève que les mêmes tribunaux internes ont donné une interprétation différente de la même preuve, à savoir les rapports d’expertise et de contre-expertise réalisés en l’espèce, ce qui a abouti à des conclusions différentes quant à l’établissement des faits. Elle indique également que les juridictions internes n’auraient pas accepté de verser au dossier une expertise extrajudiciaire qu’elle aurait réalisée sur le gazole qu’elle commercialisait.

  38. .  Le Gouvernement admet que l’un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit est le principe de la sécurité des rapports juridiques qui veut que la solution donnée de manière définitive à tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause. Il met toutefois en avant qu’en l’espèce, les faits à l’origine des contraventions n’étaient ni identiques, ni en substance les mêmes, les procédures portant sur des objets différents. Ainsi, la première contravention visait à protéger le consommateur contre la vente des produits qui n’étaient pas sûrs et qui ne respectaient pas les conditions prescrites et déclarées. Pour ce qui est de la deuxième contravention, elle était de nature fiscale et tendait à éviter la vente des carburants pour lesquels des accises n’ont pas été payées. Sur ce point, le Gouvernement fait valoir que le rapport d’expertise effectué sur le gazole constituait seulement un élément de preuve pour la brigade financière pour prouver les différences existant entre les caractéristiques du gazole vendu et celles du gazole pour lequel la déclaration de conformité avait été émise.

  39. .  Le Gouvernement souligne particulièrement que les deux contraventions avaient une existence indépendante, compte tenu de leur nature, de leur but et de la valeur sociale défendue. Le rapport d’expertise effectué sur le gazole constituait en l’espèce seulement un élément de preuve pour la brigade financière qui avait établi les faits en prenant en compte également d’autres irrégularités concernant le certificat de conformité.
  40. 2.  Appréciation de la Cour


  41. .  La Cour rappelle qu’elle a pour seule tâche, conformément à l’article 19 de la Convention, d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les parties contractantes. Spécialement, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par un tribunal interne, ou de substituer sa propre appréciation à celle des juridictions nationales, sauf si et dans la mesure où ces erreurs pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Si l’article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne (Teixeira de Castro c. Portugal, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, § 34, et Jalloh v. Allemagne [GC], arrêt du 11 juillet 2006, §§ 94-96).

  42. .  Par ailleurs, bien que l’article 6 § 1 de la Convention ne réglemente pas l’admissibilité et la force probante des moyens, arguments et offres de preuve des parties, il institue à la charge des tribunaux une obligation de se livrer à leur examen effectif, sauf à en apprécier la pertinence (Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, § 59, série A no 288). Sans exiger une réponse détaillée à chaque argument du plaignant, cette obligation présuppose, tout de même, que la partie lésée puisse s’attendre à une réponse spécifique et explicite aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause (García Ruiz c. Espagne [GC], n30544/96, § 26, CEDH 1999-1).

  43. .  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour note que la requérante se plaint plus particulièrement de la valeur probante différente que les juridictions nationales ont reconnue aux mêmes rapports d’expertise réalisés en l’espèce dans le cadre de deux procédures différentes. Elle rappelle ensuite que la question fondamentale en l’espèce consiste à savoir si la procédure pénale a été équitable dans son ensemble, offrant les garanties des droits de la défense à la requérante.

  44. .  En l’espèce, l’autorité chargée de la réalisation de l’expertise et de la contre-expertise, à savoir le laboratoire du CNPEP, a noté sur les deux rapports qu’elle avait constaté que la modalité d’apposition des scellés sur les prélèvements permettait de sortir les flacons de gazole de leurs sachets en plastique sans abîmer les scellés. Force est néanmoins de constater que cet élément n’a pas empêché le CNPEP de procéder à la réalisation de l’expertise et de la contre-expertise.

  45. .  La Cour note également que les deux amendes infligées à la requérante avaient des objets différents : l’une visait à sanctionner le fait pour la requérante d’avoir vendu du gazole non conforme à la norme 240-80, alors que la deuxième visait à combattre le non-paiement des accises à l’État. Si, pour avoir imposé la première sanction à la requérante, l’ODPC s’était fondé exclusivement sur le rapport d’expertise réalisé le 7 avril 2003, la brigade financière s’était fondée dans sa décision non seulement sur les rapports scientifiques mais également sur le fait que l’intéressée avait présenté des documents différents pour justifier la provenance du gazole commercialisé (paragraphe 19 ci-dessus).

  46. .  Certes, les deux sanctions visaient des objectifs différents. Néanmoins, en l’espèce, le point principal que les juridictions internes étaient amenées à établir dans le cadre des deux procédures était la possession par la requérante de gazole non-conforme, dans le but de le commercialiser. La preuve principale à l’appui dans le cadre des deux procédures a été constituée par les rapports d’expertise et de contre-expertise réalisés sur la base des échantillons dont les experts ont constaté qu’ils avaient été conservés de manière défectueuse.

  47. .  Se fondant principalement sur le fait que les échantillons de gazole n’avaient pas été prélevés correctement, la requérante a demandé l’annulation des deux sanctions qui lui avaient été infligées. Dans le cadre de la plainte qu’elle a formée contre le procès-verbal de contravention du 15 avril 2003 par l’ODPC, les juridictions nationales ont jugé qu’elles ne pouvaient pas prendre en compte les rapports d’expertise comme preuves en raison de la manière défectueuse dont les échantillons avaient été recueillis. Par conséquent, elles ont jugé que les faits reprochés à la requérante et sa responsabilité contraventionnelle ne pouvaient pas être établis.

  48. .  Dans le cadre de la plainte formée par la requérante contre le procès-verbal de contravention établi par la brigade financière, les mêmes tribunaux nationaux, dans des formations de jugement différentes, ont jugé que le rapport d’expertise réalisé le 7 avril 2003 constituait une preuve fiable des faits reprochés à la requérante et elle a pris en compte que les deux expertises ont révélé que le produit prélevé chez la requérante ne correspondait pas à la norme 240-80, gazole.

  49. .  Tout en rappelant que l’admissibilité des preuves relève au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-1), la Cour note que dans la présente affaire, la validité et la fiabilité d’une même preuve ont été interprétées de manière différente par les juridictions internes. Cette appréciation contradictoire a abouti à des solutions juridiques différentes quant à l’établissement des faits et plus particulièrement quant à la possession par la requérante de gazole non-conforme. Or, dans la mesure où cette preuve constituait la preuve déterminante pour l’établissement des faits, un problème surgit sur le plan de l’équité de la procédure. Certes, afin d’infliger la sanction à la requérante, la brigade financière s’était fondée, outre les expertises, sur des documents écrits. Néanmoins, les juridictions nationales qui ont examiné la plainte de la requérante contre cette sanction n’ont nullement mentionné ces documents dans leurs décisions.

  50. .  La Cour note que l’intéressée a informé les juridictions statuant dans le cadre de la deuxième procédure de l’existence du jugement du 30 mai 2003 qui avait abouti à une conclusion différente quant à la validité de la preuve. Bien que le tribunal départemental de Suceava y fasse référence dans son arrêt du 24 octobre 2003, il ne fournit pas des motifs suffisants pour expliquer pourquoi il a préféré adopter une position contraire quant à la validité de la même preuve. Or, compte tenu du rôle décisif de cette preuve, la Cour estime que s’imposait de la part des tribunaux une réponse spécifique et explicite à cet argument. En son absence, il est impossible de savoir si ces juridictions l’ont simplement négligée ou bien si elles ont voulu la rejeter et dans cette dernière hypothèse, pour quelles raisons.

  51. .  Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’en l’espèce la requérante n’a pas bénéficié d’une procédure équitable, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
  52. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION


  53. .  La société requérante se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens, en raison du montant très élevé de l’amende et de la confiscation des sommes obtenues par la commercialisation du gazole non-conforme. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
  54. « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

    Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »


  55. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse et estime que rien n’indique dans le dossier que l’article 1 du Protocole no 1 susmentionné a été méconnu par les autorités nationales.

  56. .  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

  57. .  Cependant, compte tenu de la conclusion à laquelle elle est parvenue en ce qui concerne l’article 6 § 1 de la Convention (paragraphe 41 ci-dessus), et du fait que la requérante peut demander la réouverture de la procédure devant les tribunaux roumains (paragraphe 56 ci-dessous), la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner de surcroît ce grief.
  58. III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 4 DU PROTOCOLE No 7 À LA CONVENTION


  59. .  La requérante se plaint d’avoir été poursuivie, puis condamnée à deux reprises, pour une seule et même contravention, alors que les faits ayant conduit à sa condamnation n’avaient pas été établis au-delà de tout doute raisonnable. Elle invoque l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, ainsi libellé :
  60. « 1.  Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

    2.  Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

    3.  Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la Convention. »


  61. .  Le Gouvernement estime que l’article 4 du Protocole no 7 n’est pas applicable en l’espèce. À cet égard, il indique que la sanction infligée à la requérante par l’ODPC ne peut pas être qualifiée de « pénale » au sens de la Convention. Il met en avant la dépénalisation des faits en droit interne, le champ d’application restreint de la disposition légale applicable et le montant peu élevé de l’amende.

  62. .  La requérante estime que les faits qui lui étaient reprochés par l’ODPC constituaient une « accusation en matière pénale ».

  63. .  La Cour rappelle que l’article 4 du Protocole no 7 a pour but de prohiber la répétition de poursuites pénales définitivement clôturées, en évitant qu’une personne soit poursuivie ou punie pénalement deux fois pour le même comportement par les juridictions d’un même État (Gradinger c. Autriche, 23 octobre 1995, série A no 328-C, §§ 53-55, et Sergueï Zolotoukhine c. Russie [GC], no 14939/03, § 82, CEDH 2009-...).

  64. .  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur la base de trois critères, que l’on désigne couramment sous le nom de « critères Engel » (Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, série A no 22). Le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le second est la nature même de l’infraction et le troisième est le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé. Les deuxième et troisième critères sont alternatifs et pas nécessairement cumulatifs. Cela n’empêche pas l’adoption d’une approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en matière pénale (Jussila c. Finlande [GC], no 73053/01, §§ 30-31, CEDH 2006-XIV, et Ezeh et Connors c. Royaume-Uni [GC], nos 39665/98 et 40086/98, §§ 82-86, CEDH 2003-X).

  65. .  En l’espèce, l’ODPC a infligé à la requérante une amende qualifiée de contraventionnelle par le droit interne. Cela n’est toutefois pas décisif aux fins de l’applicabilité de l’article 6 de la Convention, les indications que fournit le droit interne n’ayant qu’une valeur relative (Öztürk c. Allemagne, 21 février 1984, § 52, série A no 73). Quant à la nature de l’infraction, il apparaît que les dispositions dont la violation a été reprochée à la requérante visaient à assurer la protection des consommateurs. Elles n’avaient pas un caractère général et elles ne s’adressaient qu’à un groupe déterminé de personnes, à savoir les distributeurs. Pour ce qui est de la nature et la sévérité de la sanction « susceptible d’être infligée » à la requérante (Ezeh et Connors c. Royaume-Uni, précité, § 120), force est de constater que l’amende en question ne pouvait pas être remplacée par une peine privative de liberté en cas de non-paiement (a contrario, Anghel c. Roumanie, no 28183/03, § 52, 4 octobre 2007). S’il est vrai que la requérante s’était vu infliger le montant maximum de l’amende, à savoir 30 000 000 ROL (soit 798 euros), il n’en reste pas moins qu’en l’occurrence il n’est pas très élevé pour une société commerciale. Partant, cette procédure ne portait pas sur une « accusation en matière pénale ».

  66. .  Dans la mesure où l’amende infligée à la requérante par l’ODPC ne constitue pas une poursuite pénale au sens de la Convention, l’article 4 du Protocole no 7 ne saurait être applicable en l’espèce. Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
  67. IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    53.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  68. .  La requérante réclame la restitution du préjudice matériel qu’elle aurait subi en renvoyant à un rapport d’expertise versé au dossier. Selon ce rapport la valeur marchande de la station d’essence, d’un espace commercial détenu par la requérante à l’époque des faits et des différents paiements réalisés par l’intéressée aurait été en 2011 de 1 017 541 EUR.

  69. .  Le Gouvernement relève que la requérante n’a pas chiffré ses prétentions formulées au titre du préjudice matériel et estime que le simple fait d’avoir joint le rapport d’expertise à ses observations ne saurait constituer une demande de satisfaction équitable correctement formulée. Il ajoute que les conclusions du rapport d’expertise présentent une situation hypothétique et ont un caractère spéculatif.

  70. .  En l’espèce, la Cour a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du non-respect du droit à un procès équitable. Elle observe ensuite que, lorsqu’elle constate la violation des droits d’un requérant sous cet angle, l’article 509 § 10 du nouveau code de procédure civile roumain permet la révision d’un procès sur le plan interne. Compte tenu de ces circonstances, la Cour estime que le redressement le plus approprié pour la requérante serait de rejuger ou de rouvrir, à sa demande, la procédure en temps utile et dans le respect des exigences de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Sfrijan c. Roumanie, no 20366/04, § 48, 22 novembre 2007). Il n’échet dès lors pas d’accorder à la requérante d’indemnité au titre du dommage matériel.
  71. B.  Frais et dépens


  72. .  La requérante demande le remboursement « des frais et dépens engagés jusqu’à présent ».

  73. .  Le Gouvernement indique que, dans la mesure où la requérante n’a pas chiffré ces prétentions, sa demande devrait être rejetée.

  74. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En l’espèce, compte tenu de ce que la requérante n’a pas chiffré et ventilé sa demande, aucune somme ne sera allouée à ce titre.
  75. C.  Intérêts moratoires


  76. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  77. PAR CES MOTIFS, LA COUR

    1.  Déclare, à la majorité, la Requête recevable quant aux griefs tirés des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

     

    4.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président

     

    Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Silvis.

    J.C.M.
    S.Q.


    OPINION DISSIDENTE DU JUGE SILVIS

    Il me semble que la Cour, tout en rappelant que l’admissibilité des preuves ou leur appréciation relèvent au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (García Ruiz c. Espagne [GC], n30544/96, § 28, CEDH 1999-1), se substitue en l’espèce aux juridictions internes.

    L’affaire concerne un garagiste qui aurait vendu du gazole mélangé avec de l’eau. Des représentants de l’Office départemental de protection des consommateurs de Suceava (« l’ODPC ») firent deux prélèvements de ce carburant dans la station d’essence de la requérante. Selon des rapports d’expertise, la méthode d’apposition des scellés aurait été défectueuse. Dans une première procédure visant la requérante pour commercialisation de gazole ne correspondant à aucun type prévu par la norme, le tribunal de première instance conclut que la responsabilité contraventionnelle de la requérante ne pouvait pas être engagée, de sérieux doutes existant quant à la situation de fait retenue par les agents de l’ODPC. Le tribunal départemental conclut en cassation que « le tribunal de première instance avait correctement jugé qu’aucun des deux prélèvements ne prouvait la contravention », étant donné la méthode défectueuse d’apposition des scellés. Une deuxième procédure engagée contre la requérante, également à la suite des expertises susmentionnées, concernait une contravention sur les accises, le fait de commercialiser du carburant qui ne correspondait pas au certificat de conformité. Cette fois, la méthode défectueuse d’apposition des scellés n’a pas empêché le tribunal de première instance de Suceava de conclure à la responsabilité contraventionnelle de la requérante ; le tribunal départemental a par la suite rejeté le recours de la requérante.

    La Cour note (au paragraphe 39 de l’arrêt) que, dans la présente affaire, la validité et la fiabilité d’une même preuve ont été interprétées de manière différente par les juridictions internes. Il est vrai que les appréciations des tribunaux semblent être différentes ou le sont. Mais les deux amendes infligées à la requérante avaient des objectifs différents : l’une visait à protéger le consommateur, alors que la deuxième visait à combattre le non-paiement des accises à l’État. Si, pour avoir imposé la première sanction à la requérante, l’ODPC s’est fondé exclusivement sur un rapport d’expertise, la brigade financière s’est appuyée dans sa décision non seulement sur les rapports mais également sur le fait que l’intéressée avait présenté des documents différents pour justifier la provenance du gazole commercialisé, comme la Cour l’a observé. Dans cette perspective, la force probante des rapports d’expertise n’est pas nécessairement identique et également décisive dans les deux procédures. Surtout, il ne me semble ni nécessaire ni souhaitable que la Cour entre dans ce type de débat parce que, à mon avis, l’admissibilité des preuves ou leur appréciation relèvent au premier chef du droit interne et des juridictions nationales.


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