![]() |
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | |
European Court of Human Rights |
||
You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SAINZ CASLA v. SPAIN - 18054/10 - Committee Judgment (French Text) [2013] ECHR 1129 (12 November 2013) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1129.html Cite as: [2013] ECHR 1129 |
[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE SAINZ CASLA c. ESPAGNE
(Requête no 18054/10)
ARRÊT
STRASBOURG
12 novembre 2013
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Sainz Casla c. Espagne,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Alvina Gyulumyan, présidente,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 octobre 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18054/10) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont un ressortissant de cet Etat, M. José Antonio Sainz Casla (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 mars 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
« il n’a pas été prouvé que [le requérant] ait participé à la tricherie (...). En effet, les seuls indices disponibles pour appuyer sa participation aux faits sont [d’une part], sa condition de mandataire de [la société] I., (donnée non pertinente à elle seule) et, [d’autre part] sa présumée signature de plusieurs mandats adressés à [une entité bancaire] (...). Cependant, ce dernier indice n’a pas été pleinement avéré, dans la mesure où le requérant nie qu’il s’agisse de sa signature, sans qu’un test de graphologie n’ait été effectué pour conclure qu’il a lui-même effectivement signé. Par ailleurs, il n’existe pas non plus de témoignages d’employés ou de responsables de l’entité bancaire qui pourraient confirmer le lien du requérant avec les mandats litigieux ou avec le compte bancaire de I. ».
6. Plusieurs moyens de preuve furent administrés lors de l’audience publique, dont les documents comptables de la société ainsi que plusieurs témoignages, parmi lesquels celui de l’épouse du requérant ou A.O.D., un autre mandataire de la société.
7. Lors de sa déposition devant le juge, le requérant affirma ignorer tout sur les questions fiscales de la société, tâche qu’il avait délégué à un tiers. Cette ignorance rendait inexistante l’intention de frauder du requérant, indispensable pour considérer rempli l’élément subjectif du délit contre le Trésor public.
8. Le ministère public ainsi que l’Avocat de l’État et les deux co-accusés firent appel, recours auquel s’opposa le requérant. L’Audiencia Provincial de Barcelone n’estima pas nécessaire la tenue d’une audience publique et rendit un arrêt le 23 mars 2009 condamnant le requérant à une peine de prison et au paiement d’une amende comme auteur de deux délits contre le Trésor public consistant à éluder le paiement de la TVA et d’une partie de l’impôt sur les revenus, en concours avec un délit de comptabilité frauduleuse.
9. L’Audiencia accepta les faits déclarés prouvés par le juge a quo et ajouta un nouvel élément factuel, à savoir :
« L’accusé (...) signa plusieurs mandats adressés à l’entité bancaire C.C. (...) ».
10. Dans son arrêt, l’Audiencia Provincial considéra que le requérant avait participé directement à la commission des délits en cause. Afin de parvenir à cette conclusion, elle se référa entre autres à la déposition d’un des co-accusés ainsi qu’au témoignage d’un expert lors de l’audience publique tenue devant le juge pénal et retint que le requérant pouvait être considéré, sans aucun doute, comme « administrateur de fait » de la société I , connaissant l’affectation de l’argent en cause pour en avoir été le décideur, de sorte qu’il ne pouvait ignorer que les montants destinés au paiement de la TVA ou de l’impôt sur les revenus n’étaient pas utilisés à ces fins.
11. Par ailleurs, l’Audiencia releva que l’absence d’expertise sur l’authenticité de la signature ne pouvait à elle seule exclure que le requérant ait pu en être l’auteur. En effet, l’Audiencia nota que d’autres indices prouvaient que le requérant était au courant des opérations frauduleuses, au point de faire tomber le principe de la présomption d’innocence, sans pour autant s’écarter des faits déclarés prouvés par le juge a quo.
12. L’Audiencia Provincial considéra que son raisonnement respectait les exigences constitutionnelles relatives au principe d’immédiateté.
13. La demande de nullité de la procédure introduite par le requérant fut rejetée le 11 juin 2009.
14. Invoquant les articles 24 (droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence) et 25 (principe de légalité pénale) de la Constitution, le requérant forma un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel. Par une décision notifiée le 1er octobre 2009, la haute juridiction déclara le recours irrecevable, le requérant n’ayant pas justifié la pertinence constitutionnelle de celui-ci.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. Constitution
Article 24
« 1. Toute personne a le droit d’obtenir la protection effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et ses intérêts légitimes, sans qu’en aucun cas elle ne soit mise dans l’impossibilité de se défendre.
2. De même, toute personne a droit à un juge de droit commun déterminé préalablement par la loi, à se défendre et à se faire assister par un avocat, à être informée de l’accusation portée contre elle, à avoir un procès public sans délais indus et dans le respect de toutes les garanties, à utiliser les moyens de preuve pertinents pour sa défense, à ne pas s’incriminer soi-même, à ne pas s’avouer coupable et à être présumée innocente (...) ».
B. Code pénal (en vigueur à l’époque du jugement de première instance)
Article 305 § 1
« Toute action ou omission constituant une fraude contre le Trésor public (...) sera punie par une peine de prison d’un à quatre ans et le paiement d’une amende (...) ».
Article 310
« Celui qui en raison de la loi fiscale est obligé de tenir une comptabilité commerciale ou un livre ou registre fiscal sera puni avec une peine de prison de cinq à sept mois lors qu’il :
(...)
d) effectue des annotations comptables fictives dans les livres (...) ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION EN CE QUI CONCERNE LE PRINCIPE D’IMMÉDIATETÉ
16. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Gatt c. Malte, no 28221/08, § 19, 27 juillet 2010, Jusic c. Suisse, no 4691/06, § 99, 2 décembre 2010), la Cour estime plus approprié d’examiner cette question sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, conformément à la jurisprudence bien établie à ce sujet (voir, entre autres, Lacadena Calero c. Espagne (no 23002/07, 22 novembre 2011), Valbuena Redondo c. Espagne (no 21460/08, 13 décembre 2011), Igual Coll c. Espagne (no 37496/04, 10 mars 2009) et Bazo González c. Espagne (no 30643/04, 16 décembre 2008). Les parties pertinentes de cette disposition sont ainsi libellées :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
A. Sur la recevabilité
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
b) Application de ces principes en l’espèce
27. En l’espèce, le juge pénal no 4 de Barcelone a statué sur la base de plusieurs preuves, dont l’examen de la documentation comptable de la société ainsi que plusieurs témoignages, dont celui de l’épouse du requérant et d’un autre administrateur. Des experts furent également entendus. En outre, le juge entendit le requérant lui-même, qui affirma ne pas avoir connaissance des opérations comptables de la société.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION EN CE QUI CONCERNE LA DÉCISION DU TRIBUNAL CONSTITUTIONNEL
Sur la recevabilité
36. En l’espèce, force est de constater que la haute juridiction espagnole, se fondant sur les dispositions de la loi organique du Tribunal constitutionnel, précisa le motif d’irrecevabilité du recours d’amparo du requérant, à savoir que le requérant n’avait pas justifié la pertinence constitutionnelle de son recours.
37. Dans la mesure où le requérant conteste cette affirmation et estime avoir rempli cette tâche, la Cour rappelle qu’il appartient en principe aux tribunaux nationaux d’apprécier et appliquer la législation interne. En l’espèce, la décision contestée ne s’avère pas comme étant déraisonnable ou arbitraire, le requérant se limitant à montrer son désaccord avec une telle appréciation.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION
Sur la recevabilité
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
42. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
B. Frais et dépens
C. Intérêts moratoires
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré du principe d’immédiateté et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes :
i) 8 000 EUR (huit mille euros) pour dommage moral ;
ii) 5 000 EUR (cinq mille euros), pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 novembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Marialena
Tsirli Alvina Gyulumyan
Greffière adjointe Présidente