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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> C.D. AND OTHERS v. GREECE - 33441/10 33468/10 33476/10 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 1336 (19 December 2013) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1336.html Cite as: [2013] ECHR 1336 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE C.D. ET AUTRES c. GRÈCE
(Requêtes nos 33441/10, 33468/10 et 33476/10)
ARRÊT
STRASBOURG
19 décembre 2013
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire C.D. et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 novembre 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouvent trois Requêtes (nos 33441/10, 33468/10 et 33476/10) dirigées contre la République hellénique et soumises à la Cour le 3 juin 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de leur identité formulée par les requérants (article 47 § 3 du règlement). Les informations complémentaires concernant les requérants figurent en annexe.
2. Les requérants ont été représentés par Mes K. Tsitselikis et H. Moustafa, avocats au barreau de Thessalonique et de Komotiní respectivement. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, Mme G. Papadaki, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et M. D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil juridique de l’Etat. Informé de son droit de prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement) en ce qui concerne la Requête no 33468/10, le gouvernement turc n’a pas répondu.
3. Les requérants alléguaient en particulier une violation des articles 3 et 5 de la Convention.
4. Le 30 mars 2011, les Requêtes ont été communiquées au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. La mise en détention des requérants en vue de leur expulsion et les recours y relatifs
1. En ce qui concerne la Requête no 33441/10
5. A des dates non précisées, les requérants quittèrent leurs pays respectifs, notamment au vu de la situation politique qui y régnait.
6. Les sixième, huitième et neuvième requérants pénétrèrent sur le territoire grec en octobre 2009 ; les 20 et 27 octobre 2009 ils furent arrêtés par la police des frontières car ils ne possédaient pas de titre de séjour. Les requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 4, 5 et 7 pénétrèrent sur le territoire grec en novembre 2009 ; le 26 novembre 2009 ils furent arrêtés par la police des frontières car ils ne possédaient pas de titre de séjour valable en Grèce. Le dixième requérant fut arrêté le 10 septembre 2009 car il ne possédait pas de titre de séjour valable en Grèce. Il avait déjà purgé une peine de quinze mois d’emprisonnement pour usage de faux documents de voyage.
7. Les requérants furent transférés au centre de rétention de Venna (région de Rodopi) et y furent mis provisoirement en détention en vue de leur expulsion. Le 13 septembre, le 1er novembre et le 30 novembre 2009 respectivement, le directeur de la police de Rodopi ordonna l’expulsion des requérants sur le fondement de l’article 76 § 3 de la loi no 33886/2005, au motif qu’ils étaient entrés clandestinement sur le territoire grec et qu’ils y séjournaient sans posséder les documents administratifs nécessaires. De plus, ladite autorité décida leur maintien en détention jusqu’à ce que la décision d’expulsion soit exécutée – dans la limite d’une durée de six mois à partir de leur mise en détention –, estimant que dans les circonstances de l’espèce les requérants étaient susceptibles de tenter de se soustraire à leur expulsion.
8. En vue de leur expulsion, les requérants furent détenus au centre de rétention de Venna. Le 19 novembre 2009, le huitième requérant adressa au président du tribunal correctionnel de Komotiní des objections à son maintien en détention. Il alléguait notamment que sa détention n’était pas nécessaire, du fait qu’il pouvait être hébergé à Athènes par son compatriote S.A. Le jour même, le président du tribunal administratif de Komotiní rejeta les objections. Il estima entre autres que la seule intention d’un compatriote d’héberger le requérant n’était pas suffisante pour lui conférer une résidence permanente et stable. Au contraire, il considéra que le requérant risquait de fuir (décision no 169/2009).
9. Le 5 février 2010, les requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 5 et 7 furent condamnés par le tribunal correctionnel de Rodopi à des peines d’emprisonnement allant de quatre à huit mois pour désobéissance et détérioration d’un bien appartenant à autrui. En particulier, ladite juridiction retint que le 3 février 2010, les requérants précités avaient mis le feu aux matelas, vêtements et couvertures de leurs cellules et n’avaient pas obéi aux ordres reçus de la part des policiers pour en sortir. Pour cette raison, les policiers avaient dû intervenir, sortir par la force les détenus de leurs cellules et les arrêter. Le tribunal correctionnel releva que les détenus impliqués dans cet incident réclamaient leur transfert dans un autre établissement que le centre de rétention de Venna en raison du niveau inacceptable des conditions de détention. En outre, le tribunal correctionnel de Rodopi ordonna le sursis à l’exécution des peines imposées et l’expulsion des requérants précités du territoire national, à titre de mesure de sécurité (jugement no 175/2010).
10. Le requérant identifié sous le no 1 fut détenu au centre de rétention de Venna du 26 novembre 2009 au 11 février 2010. A cette date il fut transféré dans les locaux de la direction de la police de Kavala et le 25 juin 2010 il fut expulsé, après s’être vu délivrer des documents de voyage par le consulat d’Irak à Athènes.
11. Le requérant identifié sous le no 2 fut détenu au centre de rétention de Venna du 26 novembre 2009 au 11 février 2010, date à laquelle il fut transféré dans les locaux de la direction de la police de Kavala et ensuite à la prison de Komotiní en vue de son expulsion. Les autorités de son pays étant restées en défaut de lui accorder des documents de voyage, le 30 août 2010, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Rodopi ordonna son élargissement, assorti d’une obligation de résider à Aegaleo Attikis et de se présenter tous les mois pendant trois ans au commissariat de police d’Aegaleo (décision no 216/2010). Le requérant identifié sous le no 2 ne fournit pas d’informations sur sa situation ultérieure.
12. Le requérant identifié sous le no 3 fut détenu au centre de rétention de Venna du 26 novembre 2009 au 11 février 2010, date à laquelle il fut transféré dans les locaux de la direction de la police de Kavala. Le 10 mai 2010, il fut transféré au centre de détention d’Avlona et le 21 juillet 2010, il fut expulsé vers l’Irak en vertu du jugement no 175/2010 du tribunal correctionnel de Rodopi.
13. Le requérant identifié sous le no 4 fut détenu au centre de rétention de Venna du 26 novembre 2009 au 19 janvier 2010, date à laquelle il fut transféré en Turquie en vertu du Protocole de réadmission des ressortissants étrangers signé entre la Grèce et la Turquie.
14. Le requérant identifié sous le no 5 fut détenu au centre de rétention de Venna du 26 novembre 2009 au 11 février 2010, date à laquelle il fut transféré à la direction de police de Kavala ; le 4 juin 2010, il fut transféré à la prison de Komotiní. Les autorités irakiennes ayant refusé de lui accorder des documents de voyage, la chambre d’accusation de Rodopi ordonna le 30 août 2010 (décision no 215/2010) son élargissement, assorti de l’obligation de résider à Aegaleo Attikis et de se présenter tous les mois au commissariat de police d’Aegaleo, pour une période de trois ans. Le requérant identifié sous le no 5 ne fournit pas d’informations sur sa situation ultérieure.
15. Le requérant identifié sous le no 6 fut détenu au centre de rétention de Venna du 20 octobre 2009 au 14 janvier 2010, date à laquelle il fut éloigné vers la Turquie en vertu du Protocole de réadmission des ressortissants étrangers entre la Grèce et la Turquie.
16. Le requérant identifié sous le no 7 fut détenu au centre de rétention de Venna du 26 novembre 2009 au 11 février 2010, date à laquelle il fut transféré dans les locaux de la direction de la police de Dráma, où il fut détenu jusqu’au 26 mars 2010. A cette date, il fut expulsé vers son pays d’origine après avoir obtenu des documents de voyage.
17. Le requérant identifié sous le no 8 fut détenu du 20 octobre 2009 au 14 janvier 2010 au centre de rétention de Venna. A cette dernière date, il fut éloigné vers la Turquie, en vertu du Protocole de réadmission entre la Grèce et la Turquie.
18. Le requérant identifié sous le no 9 fut détenu du 27 octobre 2009 au 18 décembre 2009 au centre de rétention de Venna. A cette date il fut remis en liberté avec l’obligation de quitter la Grèce dans un délai de trente jours.
19. Le requérant identifié sous le no 10 fut détenu du 14 septembre 2009 au 9 février 2010 au centre de rétention de Venna. Ensuite il fut transféré à la Direction des étrangers d’Attique, puis il fut élargi le 15 mars 2010 car la durée maximale de détention prévue par la décision d’expulsion était atteinte.
20. Le 9 décembre 2009, les requérants identifiés sous les nos 1 à 10 avaient saisi, par le biais de leur avocat, le directeur du centre de rétention de Venna d’une plainte contre leurs conditions de détention. Ils alléguaient que les autorités n’avaient pris aucune mesure visant à l’amélioration de leurs conditions de détention. Il ressort du dossier que cette plainte est restée sans réponse.
2. En ce qui concerne la Requête no 33468/10
21. Le requérant allègue avoir quitté la Turquie parce qu’il était poursuivi pour son activité politique et avait fait l’objet de tortures. Il pénétra sur le territoire grec en août 2009 et fut arrêté par la police sur l’île d’Antipsara, le 6 août 2009. En vue de son expulsion, il fut placé au centre de rétention de Chios. Il allègue avoir aussitôt sollicité l’asile politique, demande qui aurait été ignorée par les autorités internes. Le 15 août 2009, un arrêté d’expulsion fut délivré contre lui en vertu de la loi no 3386/2005. Son maintien en détention jusqu’à son expulsion fut aussi ordonné, au motif qu’il était considéré comme dangereux pour l’ordre public et susceptible de s’enfuir.
22. Le 19 octobre 2009, le requérant fut transféré au centre de rétention de Venna. Le 21 octobre 2009, il déposa une demande d’asile qui fut enregistrée. Le 6 novembre 2009, le requérant saisit le président du tribunal administratif de Komotiní d’objections contre sa détention, sur le fondement de l’article 76 de la loi no 3386/2005. Le même jour, ses objections furent rejetées. En particulier, le président du tribunal administratif de Komotiní considéra que le requérant n’avait pas établi qu’il avait une résidence permanente en Grèce ; pour cette raison, il l’estima susceptible de tenter, en cas d’élargissement, de se soustraire à son expulsion. De plus, il jugea que la demande d’asile du requérant était sans incidence sur la légalité de sa détention (décision no 160/2009). Le 25 novembre 2009, le requérant saisit le directeur du centre de rétention de Venna d’une plainte contre ses conditions de détention. Il allègue que les autorités ne prirent aucune mesure visant à l’amélioration de celles-ci. Le 4 décembre 2009, le requérant se vit reconnaître le statut de réfugié politique et fut remis en liberté.
3. En ce qui concerne la Requête no 33476/10
23. Le 11 décembre 2009, le requérant pénétra sur le territoire grec et fut arrêté par la police, puisqu’il ne possédait pas de titre de séjour. Il fut mis en détention en vue de son expulsion au centre de rétention de Venna. Le 18 décembre 2009, un arrêté d’expulsion fut délivré contre le requérant, ordonnant également son maintien en détention. Le 14 janvier 2010, le requérant saisit la présidente du tribunal administratif de Komotiní, en vertu de l’article 76 de la loi no 3386/2005, d’objections contre sa détention. Il alléguait, entre autres, avoir dû quitter son pays en raison des risques de persécution ; il dénonçait aussi les conditions de détention dans le centre de rétention de Venna, l’insalubrité et la promiscuité dans les cellules et le fait qu’il était contraint de consommer de la viande porcine. Le jour même, ses objections furent rejetées. La présidente du tribunal administratif de Komotiní considéra que le requérant n’avait pas de résidence permanente en Grèce et que, partant, il était susceptible de tenter de se soustraire à son expulsion. Quant aux conditions de détention au centre de Venna, la présidente releva que le fait que celles-ci n’étaient pas appropriées ne pouvait pas constituer un motif d’élargissement, dans la mesure où, d’une part, celles-ci pouvaient s’améliorer et où, d’autre part, l’intéressé pouvait être transféré dans un autre lieu de détention plus approprié (décision no 1/2010).
24. Entretemps, le 5 février 2010 (jugement no 175/2010), le requérant avait été condamné par le tribunal correctionnel de Rodopi à quatre mois d’emprisonnement pour refus d’obtempérer aux ordres des policiers dans le contexte des incidents ayant eu lieu au sein des locaux du centre de rétention de Venna (voir paragraphe 9 ci-dessus). Le 11 février 2010, le requérant fut transféré à la direction de la police de Kavala. Il y fut détenu jusqu’au 10 mai 2010, date à laquelle il fut transféré de nouveau à la prison de Komotiní. Le 1er juillet 2010, il fut remis en liberté en vertu de la décision no 843/2010 de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Rodopi. L’exécution de son expulsion fut suspendue sous la condition que le requérant se présente une fois par mois au commissariat de police de son lieu de résidence à Athènes. Le requérant ne fournit pas d’autres informations sur sa situation ultérieure.
B. Les conditions de la détention des personnes en voie d’expulsion au centre de Venna
1. La version des requérants
25. Les requérants font état de l’absence d’espace pour se promener et faire de l’exercice physique. Ils affirment que les locaux étaient inappropriés pour une détention prolongée ; les cellules étaient insalubres et les douches et les toilettes n’étaient pas en nombre suffisant. Ils exposent que l’administration pénitentiaire n’assurait aucune restauration des détenus, affirmant que chacun d’eux avait droit à des repas équivalant à une somme de 5,87 euros par jour, ce qui n’était pas suffisant pour couvrir trois plats d’une valeur nutritive appropriée. De confession musulmane, les requérants affirment que, malgré leurs protestations, les autorités leur servirent à plusieurs reprises des repas contenant de la viande porcine, sans égard à leurs convictions religieuses. Selon leurs dires, ils devaient ainsi choisir entre ne pas se nourrir ou transgresser les règles de leur religion. Ils affirment que les autorités pénitentiaires leur avaient répondu que la teneur des repas était celle du menu de la taverne qui assurait par contrat la fourniture de repas au centre de rétention de Venna. Enfin, les requérants font état de l’impossibilité de se procurer des journaux ou des magazines et de l’absence de télévision ou de radio au sein de leurs cellules. Ils étaient ainsi, selon leurs dires, complètement coupés du monde extérieur.
2. La version du Gouvernement
26. Le Gouvernement affirme que le centre de rétention de Venna comprend six dortoirs d’une capacité totale de deux cent vingt personnes. Il relève qu’entre septembre 2009 et février 2010, période pendant laquelle les requérants y étaient détenus, le centre de Venna accueillait cent cinquante détenus. Le Gouvernement soutient que tous les dortoirs étaient équipés d’une toilette et disposaient d’eau chaude. De plus, selon le Gouvernement, ils bénéficiaient d’un éclairage correct et de chauffage pendant l’hiver. Par ailleurs, chaque détenu avait droit à un lit, un matelas et du linge propre. Les détenus pouvaient se promener dans la cour intérieure du centre de rétention et faire éventuellement de l’exercice physique. Le centre employait à temps plein un médecin et une infirmière.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS
A. Le droit national
1. La Constitution
27. L’article 5 de la Constitution prévoit :
« 1. Chacun a le droit de développer librement sa personnalité et de participer à la vie sociale, économique et politique du pays pourvu qu’il ne porte pas atteinte aux droits d’autrui ou aux bonnes mœurs ni ne viole la Constitution.
2. Tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique jouissent de la protection absolue de leur vie, de leur honneur et de leur liberté sans distinction de nationalité, de race, de langue, de convictions religieuses ou politiques. Des exceptions sont permises dans les cas prévus par le droit international.
L’extradition d’un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté est interdite.
3. La liberté individuelle est inviolable. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, emprisonné ni soumis à une quelconque restriction dans l’usage de sa liberté individuelle si ce n’est dans les cas prévus par la loi et dans les formes qu’elle prescrit.
(...) »
2. La loi no 3386/2005
28. Les articles pertinents en l’espèce de la loi no 3386/2005, telle qu’amendée par la loi no 3772/2009, relative à l’entrée, au séjour et à l’insertion des ressortissants de pays tiers sur le territoire grec, disposaient à l’époque des faits :
Article 2
« 1. Les dispositions de cette loi ne s’appliquent pas
(...)
c) aux réfugiés et aux personnes qui ont déposé une demande de reconnaissance de leur qualité de réfugié, au sens de la Convention de Genève de 1951 (...) »
Article 76
« 1. L’expulsion administrative d’un étranger est permise lorsque :
a) l’intéressé a été condamné de manière définitive à une peine privative de liberté (...) ;
b) [l’intéressé] a violé les dispositions de la présente loi ;
c) sa présence sur le territoire grec représente une menace pour l’ordre public ou la sécurité du pays.
2. L’expulsion est ordonnée par décision du directeur de la police et (...) après que l’étranger ait bénéficié d’un délai d’au moins quarante-huit heures pour déposer ses objections.
3. Lorsque l’étranger est considéré comme susceptible de fuir ou de constituer une menace pour l’ordre public ou lorsqu’il fait obstacle à la préparation de son éloignement, les organes mentionnés au paragraphe précédent ordonnent sa détention provisoire jusqu’à l’adoption, dans un délai de trois jours, de la décision d’expulsion (...) Lorsqu’une décision d’expulsion est adoptée, la détention est maintenue jusqu’à l’exécution de l’expulsion, sans pouvoir en aucun cas dépasser six mois. Lorsque l’expulsion est retardée parce que l’intéressé refuse de coopérer ou parce que la réception des documents devant être établis par son pays de provenance ou d’origine et nécessaires à l’exécution de la mesure est elle-même retardée, la détention peut être prorogée pour une durée ne pouvant dépasser douze mois. L’étranger détenu peut (...) former des objections à l’encontre de la décision ordonnant la détention devant le président (...) du tribunal administratif (...) »
4. Lorsque l’étranger sous écrou en vue de son expulsion n’est pas considéré comme susceptible de fuir ou de constituer une menace pour l’ordre public ou lorsque le président du tribunal administratif s’oppose à la détention de l’intéressé, il est fixé à celui-ci un délai pour quitter le territoire, qui ne peut dépasser trente jours.
5. La décision mentionnée aux paragraphes 3 et 4 de cet article peut être annulée à la Requête des parties si [cette] demande est fondée sur des faits nouveaux (...) »
Article 77
« L’étranger a le droit d’exercer un recours contre la décision d’expulsion auprès du ministre de l’Ordre public dans un délai de cinq jours à compter de sa notification (...) La décision est rendue dans un délai de trois jours ouvrables à compter de l’introduction du recours. L’exercice du recours entraîne la suspension de l’exécution de la décision [d’expulsion]. Dans le cas où la [mise en] détention a été ordonnée en même temps que la décision d’expulsion, la suspension concerne seulement l’expulsion. »
Article 79
« 1. L’expulsion est interdite, lorsque l’étranger :
(...)
d) est reconnu comme réfugié ou a demandé l’asile, sous réserve des articles 32 et 33 de la Convention de Genève de 1951 (...) »
Article 81
« 1. L’étranger est mis en détention dans un commissariat de police, dès que l’article 76 § 3 de cette loi trouve application dans son cas. Jusqu’à l’achèvement de la procédure d’expulsion à son encontre, il est placé dans des locaux spéciaux établis par décision [conjointe] du ministre de l’Intérieur, du ministre de la Fonction publique et de la Décentralisation, du ministre des Finances, du ministre de la Santé et de la Solidarité sociale et du ministre de l’Ordre public. Par la même décision sont fixées les conditions de fonctionnement de ces lieux.
2. La responsabilité de la garde de ces lieux est confiée à la police grecque ».
29. L’article 76 de la loi no 3386/2005 a été modifié par la loi no 3900/2010 (entrée en vigueur le 1er janvier 2011) et est désormais ainsi libellé :
Article 76
« 1. L’expulsion administrative d’un étranger est permise :
a) lorsqu’il est condamné de manière définitive à une peine privative de liberté d’au moins un an pour avoir (...) prêté assistance à des clandestins pour pénétrer à l’intérieur du pays, facilité le transport et la pénétration de clandestins ou fourni le gîte à des clandestins pour qu’ils se cachent (...) ;
b) lorsqu’il a violé les dispositions de la présente loi ;
c) lorsque sa présence sur le territoire grec est dangereuse pour l’ordre public ou la sécurité du pays ;
(...)
2. L’expulsion est ordonnée par décision du directeur de la police et (...) après que l’étranger ait bénéficié d’un délai d’au moins quarante-huit heures pour déposer ses objections.
3. Lorsque l’étranger est considéré, en raison des circonstances, comme susceptible de fuir ou dangereux pour l’ordre public, qu’il [cherche à] se soustraire ou à faire obstacle à la préparation de son départ ou à la procédure pour son éloignement, les organes mentionnés au paragraphe précédent ordonnent sa détention provisoire jusqu’à l’adoption, dans un délai de trois jours, de la décision d’expulsion. Lorsque la décision d’expulsion est adoptée, la détention se poursuit jusqu’à l’exécution de l’expulsion, sans pouvoir en aucun cas dépasser six mois. Au cas où l’expulsion est retardée parce que l’étranger refuse de collaborer ou que la réception des documents nécessaires à son expulsion devant parvenir de son pays d’origine ou de provenance traîne en longueur, la détention peut être prolongée pour une durée limitée, ne pouvant dépasser douze mois. L’étranger doit être informé, dans une langue qu’il comprend, des raisons de sa détention, et sa communication avec son avocat doit être facilitée. L’étranger détenu peut (...) former des objections à l’encontre de la décision ordonnant la détention ou la prolongation de celle-ci devant le président (...) du tribunal administratif (...) de la région dans laquelle il est détenu.
4. Les objections doivent contenir des motifs concrets. Elles peuvent aussi être présentées oralement ; dans ce cas, le greffier rédige un rapport y relatif.
Pour l’examen de celles-ci les dispositions de l’article 27 § 2 c) et de l’article 204 § 1 du code de procédure administrative s’appliquent. Si l’étranger demande à être entendu, le juge est tenu de l’entendre (...). Dans tous les cas, le juge peut aussi ordonner de sa propre initiative la comparution de l’étranger,
Les allégations présentées lors de cette procédure doivent être prouvées séance tenante.
Le juge compétent, selon le paragraphe 3, qui se prononce aussi sur la légalité de la détention ou de sa prolongation, rend séance tenante sa décision sur les objections, qu’il consigne de manière sommaire dans le procès-verbal. Copie du procès-verbal est délivrée immédiatement aux autorités de police. Si la procédure a lieu un jour férié, la présence d’un greffier n’est pas nécessaire et le procès-verbal précité ainsi que le rapport mentionné au sous-paragraphe 1 sont rédigés par le juge lui-même.
Cette décision n’est sujette à aucune voie de recours.
5. Au cas où l’étranger détenu dans l’attente de son expulsion n’est pas considéré comme dangereux pour l’ordre public ou susceptible de fuir, ou si le président du tribunal administratif s’oppose à sa détention, il lui est fixé, à moins qu’il n’existe des motifs empêchant son expulsion, un délai pour quitter le territoire, qui ne peut dépasser trente jours.
6. La décision mentionnée aux paragraphes 3 et 4 de cet article peut être annulée à la Requête des parties, si la demande est fondée sur des faits nouveaux (...). »
30. Les dispositions pertinentes du code pénal, telles qu’elles étaient en vigueur à l’époque des faits, sont ainsi libellées :
Article 74
« 1. Le tribunal peut ordonner l’expulsion d’un étranger [lorsque celui-ci] s’est vu condamner en vertu des articles 52 et 53 du code pénal, pour autant que les obligations internationales du pays soient respectées. Un étranger qui séjourne légalement en Grèce ne peut être expulsé que s’il a été condamné à une peine d’emprisonnement d’au moins trois mois. L’expulsion a lieu dès que l’étranger a fini de purger sa peine ou est relâché. Les mêmes conditions s’appliquent lorsque l’expulsion est ordonnée à titre de peine accessoire. (...)
4. L’étranger reste détenu dans des espaces spéciaux des prisons ou des établissements de rétention jusqu’à ce que son expulsion ait lieu. »
Article 99
« (...)
2. (...) Le sursis à l’exécution de la peine prend effet à partir du moment de l’accomplissement de l’expulsion de l’étranger. Dans ce cas, la durée de sa détention, conformément à l’article 74 § 4 du code pénal, est déduite du restant de la peine suspendue.
(...) »
31. Les articles pertinents du code de procédure pénale disposent :
Article 565
« Tout doute ou objection quant à l’exécution du jugement ainsi qu’à la nature ou à la durée de la peine est levé par le tribunal correctionnel du lieu de l’exécution de la peine. Le procureur et le condamné peuvent se pourvoir en cassation contre cette décision. »
Article 572
« 1. Le procureur près le tribunal correctionnel du lieu où la peine est purgée exerce les compétences prévues par le code [de procédure pénale] concernant le traitement des détenus et contrôle l’exécution des peines et l’application des mesures de sécurité, conformément aux dispositions du présent code, du code pénal et des lois y afférentes.
2. Pour l’exercice des fonctions susmentionnées, le procureur près le tribunal correctionnel visite les prisons au moins une fois par semaine. Lors de ces visites, il entend les détenus qui ont préalablement sollicité une audition. »
32. Les dispositions pertinentes du code pénitentiaire (loi no 2776/1999) se lisent ainsi :
Article 6
« 1. Les détenus ont le droit de s’adresser par écrit et dans un délai raisonnable au conseil de la prison, en cas d’acte ou d’ordre illégal à leur encontre et si les dispositions du présent code ne prévoient pas d’autre recours. Dans les quinze jours suivant la notification d’une décision de rejet ou un mois après le dépôt de la demande, si l’administration a omis de prendre une décision, les détenus ont le droit de saisir le tribunal de l’exécution des peines compétent. Si le tribunal fait droit au recours, il ordonne les mesures susceptibles de remédier à l’acte ou à l’ordre illégal (...).
Article 86
(...)
2. Chaque tribunal de l’exécution des peines est compétent pour les affaires concernant les détenus incarcérés dans son ressort (...) ».
3. Le décret no 114/2010 relatif au statut de réfugié et à la procédure unique applicable aux étrangers et aux apatrides
33. Les articles pertinents en l’espèce du décret no 114/2010, entré en vigueur le 22 novembre 2010, prévoient :
Article 5 § 1
« Les demandeurs [d’asile] sont autorisés à rester sur le territoire jusqu’à la fin de la procédure administrative d’examen de leur demande et ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement. »
Article 6
« 1. Les demandes [d’asile] ne peuvent être rejetées ou leur examen être exclu du seul fait qu’elles n’ont pas été déposées aussitôt que possible.
2. Les décisions concernant les demandes [d’asile] sont prises au cas par cas, après un examen circonstancié, objectif et impartial (...) »
Article 13
« 1. Un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride qui demande la protection internationale ne peut être détenu au seul motif qu’il séjourne ou est entré illégalement sur le territoire. La personne qui, pendant sa détention, dépose une demande de protection internationale reste en détention si les conditions du paragraphe 2 sont réunies.
2. La détention des demandeurs dans un espace approprié est permise exceptionnellement et lorsque des mesures alternatives ne peuvent pas être appliquées pour l’une des raisons suivantes :
a) le demandeur ne dispose pas de documents de voyage ou les a détruits et il est nécessaire de vérifier son identité, les circonstances de son entrée sur le territoire et la véracité des données relatives à ses origines (...) ;
b) il constitue une menace pour la sécurité nationale ou l’ordre public pour des motifs qui doivent être exposés en détail dans la décision de détention ;
c) la détention est jugée nécessaire pour un examen rapide et efficace de la demande.
(...)
4. La détention est imposée pour la durée strictement nécessaire et ne peut en aucun cas dépasser quatre-vingt-dix jours. Si le demandeur a été détenu auparavant en vue d’une expulsion administrative, la durée totale de sa détention ne pourra pas dépasser cent quatre-vingts jours.
5. Les demandeurs détenus en vertu des paragraphes précédents ont le droit d’exercer les recours et de formuler les objections prévus au paragraphe 3 de l’article 76 de la loi no 3386/2005 telle qu’en vigueur.
6. Si des demandeurs sont en détention, les autorités compétentes chargées de recevoir et d’examiner les demandes (...) s’engagent à :
(...)
d) fournir aux détenus les soins médicaux requis ;
e) garantir le droit des détenus à une représentation juridique ;
f) veiller à ce que les détenus soient informés des motifs et de la durée de leur détention. »
B. La pratique internationale
1. La Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes (adoptée par le Comité des Ministres le 11 janvier 2006 lors de la 952e réunion des Délégués des Ministres)
34. Les dispositions pertinentes de ladite Recommandation prévoient :
« (...)
Régime alimentaire
22.1 Les détenus doivent bénéficier d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur état de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail.
22.2 Le droit interne doit déterminer les critères de qualité du régime alimentaire en précisant notamment son contenu énergétique et protéinique minimal.
22.3 La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques.
22.4 Trois repas doivent être servis tous les jours à des intervalles raisonnables.
22.5 Les détenus doivent avoir accès à tout moment à l’eau potable.
22.6 Le médecin ou un(e) infirmier (ère) qualifié(e) doit prescrire la modification du régime alimentaire d’un détenu si cette mesure apparaît nécessaire pour des raisons médicales. »
2. Les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)
a) Les constats du CPT lors de sa visite des postes de police et centres de rétention des étrangers en 2007
35. Le CPT a visité en 2007 vingt-quatre postes de police et plusieurs centres de rétention, dont celui de Venna (région de Rodopi). Il a noté que les conditions de détention n’étaient pas satisfaisantes, en général, notamment en ce qui concernait la superficie des lieux de détention, les possibilités d’exercice physique, l’hygiène et la qualité du suivi médical des détenus. Il a ajouté que les locaux de police étaient, en principe, destinés à la détention de courte durée de personnes arrêtées dans le cadre d’une procédure pénale. Or, il a été constaté qu’elles servaient aussi de lieux de détention, pour des périodes longues, d’étrangers en voie d’expulsion (§ 21 du rapport publié le 8 février 2008 – voir notamment les §§ 26, 31 et 36 du rapport en ce qui concerne plus spécifiquement les conditions de détention au centre de rétention de Venna).
b) Les constats du CPT lors de sa visite des postes de police et centres de rétention des étrangers en 2009
36. Le CPT a réitéré ses constatations incluses dans le rapport de 2007 quant au centre de rétention de Venna (§§ 62 et 67). En particulier, le rapport relève que l’accès aux services médicaux était restreint, puisque les médecins refusaient de visiter les détenus dans leurs cellules (§ 46). Il ajoute que le centre était insalubre, insuffisamment éclairé et qu’il y avait des fenêtres brisées. Le rapport affirme que le 8 août 2009, le syndicat local de la police s’adressa aux autorités régionales en demandant la prise de mesures urgentes pour améliorer les conditions de détention à Venna. Les autorités régionales ont reconnu le caractère légitime de la demande sans pouvoir pour autant la satisfaire, faute de moyens financiers. Le rapport note aussi l’existence de deux cours extérieures et relève que, pour cette raison, la restriction à deux heures un jour sur deux de la possibilité d’activités récréatives n’était pas justifiée (§ 67). Enfin, le rapport fait état du manque de personnel médical au centre de Venna (§ 73).
3. Les rapports des Rapporteurs spéciaux des Nations unies
37. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Manfred Nowak, a effectué une visite en Grèce du 10 au 20 octobre 2010. En ce qui concerne le centre de rétention de Venna, il a noté que les locaux servaient auparavant de hangar de stockage de produits agricoles. Le centre comprenait six grandes cellules et deux cours ouvertes. Sa capacité était de deux cent vingt détenus et au moment de la visite il en accueillait deux cent trois. Le rapport relève que le directeur du centre de Venna s’est plaint des conditions de vie au centre de Venna, qui étaient inadéquates tant pour le personnel que pour les détenus. Les locaux étaient en mauvais état en raison du manque d’entretien approprié. La société responsable du nettoyage des locaux ne prenait soin que des bureaux du personnel. Les cellules étaient sales et mal éclairées. Pendant la nuit, l’éclairage fort à l’entrée du centre empêchait les détenus de dormir. La plupart des détenus étaient pourvus de minces couvertures et de vêtements inappropriés et, par conséquent, ils grelottaient en hiver. De plus, les détenus ne recevaient pas d’informations sur la durée de leur détention et sur les modalités de dépôt d’une demande d’asile. Il existait certes un espace ouvert autour du centre, mais pour des raisons de sécurité les détenus ne s’y promenaient que rarement. L’atmosphère était agitée au sein du centre, qui ressemblait à un camp de concentration. Le rapport relève aussi que les centres de rétention de Fylakio et Venna étaient destinés à des détentions de longue durée, bien qu’ils ne pussent satisfaire aux besoins les plus essentiels des détenus. Enfin, le rapport relevait que les décisions ministérielles nécessaires pour établir les centres de rétention de Fylakio et de Venna et fixer leurs normes opérationnelles n’avaient jamais été adoptées (notamment §§ 45 et 77 du rapport).
38. Le Rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme des migrants, M. F. Crépeau, a effectué une visite en Grèce du 25 novembre au 3 décembre 2012. Il a visité plusieurs centres de rétention pour étrangers, parmi lesquels celui de Venna. Il a relevé les conditions de détention problématiques au sein de ces centres, et tout particulièrement à Venna. A la suite de sa visite, le centre de Venna a été fermé (voir § 48 du rapport).
EN DROIT
I. JONCTION DES RequêteS
39. Compte tenu de la similitude des présentes Requêtes quant aux faits et aux questions de fond qu’elles posent, la Cour décide de les joindre et de les examiner conjointement dans un seul arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
40. Les requérants allèguent que les conditions de détention dans les locaux du centre de rétention de Venna ont constitué un traitement inhumain et dégradant. Ils se plaignent à cet égard d’une violation de l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la recevabilité
41. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. En particulier, il soutient que les requérants ont omis d’introduire, en vertu de la loi no 3386/2005, un recours administratif préalable devant le ministre de l’Ordre public pour contester la décision d’expulsion et, en cas de rejet, un recours en annulation devant les juridictions administratives contre l’ordonnance d’expulsion. En outre, le Gouvernement soutient que, mis à part trois d’entre eux, les requérants n’ont pas formé d’objections devant le président du tribunal administratif à l’encontre de leur détention, comme prévu par l’article 76 de la loi no 3386/2005. Par conséquent, ils n’auraient pas épuisé les voies de recours internes.
42. Les requérants se réfèrent à la jurisprudence de la Cour, et notamment à l’arrêt R.U. c. Grèce (no 2237/08, 7 juin 2011) pour soutenir que les recours auxquels le Gouvernement fait référence étaient, en tout état de cause, ineffectifs.
43. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes, énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention, se fonde sur l’hypothèse incorporée dans l’article 13, avec lequel elle présente d’étroites affinités, que l’ordre interne offre un recours effectif, en pratique comme en droit quant à la violation alléguée (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000-XI ; Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, §§ 96-98, CEDH 2000‑XI). Elle rappelle qu’en vertu de la règle de l’épuisement des voies de recours internes le requérant doit, avant de saisir la Cour, avoir donné à l’Etat responsable, en utilisant les ressources judiciaires pouvant être considérées comme effectives et suffisantes offertes par la législation nationale, la faculté de remédier par des moyens internes aux violations alléguées (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999‑I).
44. L’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, entre autres, McFarlane c. Irlande [GC], no 31333/06, § 107, 10 septembre 2010). Le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est pas de toute évidence voué à l’échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non-utilisation de recours internes (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 71, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV). Lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Günaydin c. Turquie (déc.), no 27526/95, 25 avril 2002 et Moreira Barbosa c. Portugal (déc.), no 65681/01, CEDH 2004-V). En outre, celui qui a exercé un recours de nature à remédier directement – et non de façon détournée – à la situation litigieuse n’est pas tenu d’en épuiser d’autres éventuellement ouverts mais à l’efficacité improbable ( Manoussakis et autres c. Grèce, 26 septembre 1996, § 33, Recueil 1996‑IV ; Anakomba Yula c. Belgique, no 45413/07, § 22, 10 mars 2009).
45. En l’occurrence, la Cour note que tous les requérants de la Requête no 33441/10 se sont plaints auprès de la direction du centre de rétention de Venna de leurs conditions de détention sans recevoir, ainsi qu’il ressort du dossier, de réponse à leurs doléances. Par conséquent, ils n’étaient pas tenus d’épuiser les voies de recours mises en avant par le Gouvernement. La Cour relève en particulier que les doléances de tous les requérants portent de manière générale sur les conditions de détention dans les locaux du centre de rétention de Venna et que les conditions dénoncées s’apparentaient à un phénomène structurel qui ne concernait pas exclusivement leur cas particulier mais de façon générale la situation des personnes détenues pour une durée autre que courte dans les locaux du centre de rétention précité (voir en ce sens, Nisiotis c. Grèce, no 34704/08, § 29, 10 février 2011, et Bygylashvili c. Grèce, no 58164/10, § 47, 25 septembre 2012). Par conséquent, les requérants n’étaient pas tenus d’épuiser les recours invoqués par le Gouvernement. Cela est d’autant plus vrai que leur efficacité était improbable, puisque la simple référence de la part du Gouvernement aux voies de recours précitées ne suffit pas pour démontrer que ceux-ci pouvaient à eux seuls remédier à la situation se trouvant à l’origine du grief tiré de l’article 3 de la Convention (voir A.F. c. Grèce, no 53709/11, § 58, 13 juin 2013).
46. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que le grief tiré de l’article 3 de la Convention ne saurait être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes. Partant, l’objection y afférente du Gouvernement doit être écartée. Par ailleurs, la Cour constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
47. Le Gouvernement affirme que, pendant toute la durée de leur détention dans les locaux du centre de rétention de Venna, les requérants étaient placés dans des cellules qui offraient des conditions de détention adéquates. Ils bénéficiaient de bonnes conditions d’hygiène et pouvaient se promener dans la cour attenante au centre. En ce qui concerne la qualité de la nourriture, celle-ci était satisfaisante : les requérants avaient droit à trois plats par jour. Quant au petit déjeuner, il se composait de croissants accompagnés soit de café, soit de lait, soit de jus de fruit.
48. Pour étayer leurs allégations, les requérants se prévalent de la jurisprudence de la Cour en matière de détention d’étrangers en vue de leur expulsion, notamment des arrêts Tabesh c. Grèce (no 8256/07, 26 novembre 2009) et Efremidze c. Grèce (no 33225/08, 21 juin 2011), ainsi que des rapports établis par divers organes internationaux, tels que le CPT et le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture (missions de 2010 et 2012).
49. La Cour réaffirme tout d’abord que l’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques. Il prohibe en termes absolus la torture et les traitements ou peines inhumains ou dégradants, quels que soient les circonstances et les agissements de la victime (voir, par exemple, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 119, CEDH 2000‑IV).
50. Pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de l’espèce, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime (voir, parmi d’autres, Van der Ven c. Pays-Bas, no 50901/99, § 47, CEDH 2003‑II). La Cour a ainsi jugé un traitement « inhumain » au motif notamment qu’il avait été appliqué avec préméditation pendant des heures et qu’il avait causé soit des lésions corporelles, soit de vives souffrances physiques ou mentales ; elle a par ailleurs considéré qu’un traitement était « dégradant » en ce qu’il était de nature à inspirer à ses victimes des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier et à les avilir (Kudła, précité, § 92).
51. Les mesures privatives de liberté s’accompagnent inévitablement de souffrance et d’humiliation. S’il s’agit là d’un état de fait inéluctable qui, en tant que tel et à lui seul n’emporte pas violation de l’article 3, cette disposition impose néanmoins à l’Etat de s’assurer que toute personne est détenue dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités de sa détention ne la soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à une telle mesure et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, sa santé et son bien-être sont assurés de manière adéquate (Kudła, précité, §§ 92-94, Ramirez Sanchez c. France [GC], no 59450/00, § 119, CEDH 2006‑IX).
52. Si les Etats sont autorisés à placer en détention des candidats à l’immigration en vertu de leur « droit indéniable de contrôler (...) l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire » (Amuur c. France, 25 juin 1996, § 41, Recueil 1996‑III), ce droit doit s’exercer en conformité avec les dispositions de la Convention (Mahdid et Haddar c. Autriche (déc.), no 74762/01, CEDH 2005-XIII). La Cour doit avoir égard à la situation particulière de ces personnes lorsqu’elle est amenée à contrôler les modalités d’exécution de la mesure de détention à l’aune des dispositions conventionnelles (Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 100, 24 janvier 2008).
53. En l’espèce, la Cour note que les parties présentent des versions qui ne coïncident pas quant aux conditions de détention prévalant dans le lieu de détention en cause. Néanmoins, les allégations des requérants, détenus en ce lieu entre fin 2009 et début 2010, sont corroborés par plusieurs rapports concordants d’organes internationaux. En particulier, lors de sa visite en 2009 à Venna, le CPT a relevé le caractère inadéquat des conditions de détention, déjà constaté en 2007, notamment en ce qui concerne la superficie et l’état des locaux de détention, l’hygiène, la possibilité d’exercice physique et la qualité des services médicaux (voir paragraphes 35 et 36 ci-dessus). Pour leur part, les Rapporteurs spéciaux des Nations unies confirment les conclusions du CPT. En particulier, dans son rapport concernant sa visite en octobre 2010, M. Nowak a, entre autres, relevé que le directeur du centre de rétention de Venna s’est plaint que les conditions de vie au sein dudit centre étaient inadéquates non seulement pour les détenus mais aussi pour le personnel. De plus, il a considéré que le centre de rétention de Venna ne pouvait satisfaire aux besoins les plus essentiels des détenus, bien qu’il fût destiné à des détentions de longue durée. Ces considérations ont encore été confirmées dans le rapport de M. F. Crépeau, qui a effectué une visite en Grèce du 25 novembre au 3 décembre 2012. Celui-ci a aussi noté qu’à la suite de sa visite le centre de Venna a été fermé (voir paragraphes 37 et 38 ci-dessus).
54. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 3 de la Convention en raison des conditions générales de vie prévalant dans le centre de rétention de Venna, qui ont constitué à l’endroit des requérants un traitement dégradant.
III. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION
55. Les requérants se plaignent de l’illégalité de leur mise en détention au centre de rétention de Venna en vue de leur expulsion. En outre, ils se plaignent qu’ils ne disposaient d’aucun recours réel et effectif pour contester la légalité de leur détention. Ils invoquent l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention, disposition dont les parties pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »
(...)
« 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
A. Sur le grief tiré de l’article 5 § 4 relatif à l’ineffectivité du contrôle juridictionnel de la détention
1. Sur la recevabilité
56. Le Gouvernement allègue que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes. En particulier, il relève que, mis à part ceux identifiés sous les nos 8, 11 et 12, les requérants n’ont pas déposé d’objections auprès du président du tribunal administratif contre leur détention. De plus, le Gouvernement note qu’aucun des requérants n’a exercé de recours juridictionnel ou même simplement administratif contre l’ordonnance d’expulsion.
57. La Cour estime que l’objection du Gouvernement est étroitement liée à la substance du grief énoncé par les requérants sur le terrain de l’article 5 § 4 de la Convention et décide de la joindre au fond. Par ailleurs, elle constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
2. Sur le fond
58. La Cour rappelle que le concept de « lawfulness » (« régularité », « légalité ») doit avoir le même sens au paragraphe 4 de l’article 5 qu’au paragraphe 1, de sorte qu’une personne détenue a le droit de faire contrôler sa détention sous l’angle non seulement du droit interne, mais aussi de la Convention, des principes généraux qu’elle consacre et du but des restrictions qu’autorise le paragraphe 1. L’article 5 § 4 ne garantit pas le droit à un contrôle juridictionnel d’une ampleur telle qu’il habiliterait le tribunal à substituer sur l’ensemble des aspects de la cause, y compris des considérations de pure opportunité, sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision. Il n’en veut pas moins un contrôle assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables à la régularité de la détention d’un individu au regard du paragraphe 1 (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 127, Recueil 1996‑V ; Dougoz c. Grèce, no 40907/98, § 61, CEDH 2001‑II).
59. En l’espèce, la Cour note, tout d’abord, qu’en ce qui concerne les objections qu’un étranger peut former à l’encontre de la décision ordonnant sa détention en vue de son expulsion, à l’époque des faits, le quatrième paragraphe de l’article 76 de la loi no 3386/2005 prévoyait que ledit organe judiciaire pouvait examiner la décision de la détention uniquement sur le terrain du risque de fuite ou de danger pour l’ordre public. La Cour a, à plusieurs reprises, considéré que cette formulation était empreinte d’ambiguïté dans la mesure où, tel qu’il était rédigé, l’article 76 § 4 n’accordait pas expressément au juge le pouvoir d’examiner la légalité du renvoi qui constituait, selon le droit grec, le fondement juridique de la détention (R.U. c. Grèce, précité, § 103 ; A.A. c. Grèce, no 12186/08, § 73, 22 juillet 2010 ; Tabesh, précité, § 62 ; S.D. c. Grèce, no 53541/07, § 73, 11 juin 2009). Il est vrai qu’en vertu de la loi no 3900/2010 le paragraphe 4 de l’article 76 de la loi no 3386/2005 a été modifié et prévoit désormais que le juge compétent « se prononce aussi sur la légalité de la détention ou de sa prolongation ». Il ressort de cette nouvelle formulation que le juge compétent peut dorénavant examiner la légalité du renvoi ainsi que les questions afférentes aux conditions matérielles de la détention de la personne en voie d’expulsion, dans la mesure où la loi pertinente prévoit maintenant explicitement l’examen de la légalité de la détention. Or, la Cour note que la loi no 3900/2010 est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, tandis qu’en l’occurrence les faits litigieux ont eu lieu à la fin de 2009 et durant l’année 2010. Partant, les conclusions auxquelles la Cour est déjà parvenue dans la jurisprudence précitée quant à l’effectivité des objections devant le président du tribunal administratif sont aussi valables dans la présente affaire.
60. S’agissant du recours en annulation contre la décision d’expulsion devant le ministre de l’Ordre public, prévu par l’article 77 de la loi no 3386/2005, la Cour note qu’il s’agit d’un recours administratif préalable dont l’exercice conditionne la saisine éventuelle des juridictions administratives d’un recours en annulation contre l’ordonnance d’expulsion. La Cour a déjà souligné les difficultés que pose ledit recours. En effet, il ne peut porter que sur la seule question du renvoi, et non sur celle de la détention (A.A. c. Grèce, précité, § 72). En outre, la Cour a déjà rappelé la longue durée de la procédure qui suit normalement l’introduction d’un recours en annulation et d’une demande de sursis à exécution contre la décision d’expulsion devant les juridictions administratives. De plus, ces procédures ne peuvent aboutir à la levée de la mesure de détention (voir R.U. c. Grèce, § 104 ; Tabesh, § 62, et S.D. c. Grèce, § 74, précités).
61. La Cour considère que ces insuffisances du droit interne à l’époque des faits quant à l’effectivité du contrôle juridictionnel de la mise en détention aux fins d’expulsion ne peuvent se concilier avec les exigences de l’article 5 § 4 de la Convention. Elle rejette donc l’objection du Gouvernement quant au non-épuisement des voies de recours internes et conclut qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
B. Sur le grief tiré de l’article 5 § 1 relatif à l’irrégularité de la détention
1. Sur la recevabilité
62. La Cour constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
2. Sur le fond
63. Le Gouvernement allègue que la mise en détention des requérants était légale, puisqu’elle visait à permettre leur expulsion et se fondait sur l’article 76 de la loi no 3386/2005. En outre, en ce qui concerne les requérants ayant été condamnés par le jugement no 175/2010 du tribunal correctionnel de Rodopi, leur détention postérieure au 5 février 2010, date à laquelle ledit jugement a été rendu, visait à l’exécution de leur expulsion judiciaire. Le Gouvernement soutient aussi que la durée de la détention des requérants était raisonnable et que les autorités compétentes ont fait preuve de diligence dans l’application des ordonnances d’expulsion. S’agissant tout particulièrement des requérants ayant été condamnés par le jugement no 175/2010, le prolongement de leur détention était dû à l’arrêt de leur expulsion par la voie administrative pour mettre en œuvre l’expulsion judiciaire décidée par la voie judiciaire.
64. Les requérants rétorquent que leur détention n’était pas conforme aux exigences de la Convention, du fait notamment que la décision ministérielle nécessaire pour la création du centre de rétention de Venna n’a jamais été adoptée. Ils ajoutent que les autorités internes n’ont pas examiné la situation de chacun d’eux avec la diligence requise et dans le respect de leurs droits. Sur ce point, ils soutiennent que s’agissant des requérants ayant été condamnés au pénal, ceux-ci ont été sanctionnés par le juge pénal pour avoir protesté à l’égard de leurs conditions inacceptables de détention. Les requérants ajoutent que les conditions de vie dans les locaux du centre de rétention de Venna devaient être prises en compte par la Cour dans l’appréciation de la conformité de leur détention à l’article 5 § 1 f) de la Convention.
65. La Cour rappelle que l’examen du but et de l’objet de l’article 5 dans son contexte et des éléments de droit international fait ressortir l’importance de cette disposition dans le système de la Convention : elle consacre un droit fondamental de l’homme, à savoir la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’Etat à sa liberté (voir, notamment, Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, § 37, série A no 33).
66. Si la règle générale exposée à l’article 5 § 1 est que toute personne a droit à la liberté, l’alinéa f) de cette disposition prévoit une exception en permettant aux Etats de restreindre la liberté des étrangers dans le cadre du contrôle de l’immigration. Ainsi que la Cour l’a déjà observé, sous réserve de leurs obligations en vertu de la Convention, les Etats jouissent du « droit indéniable de contrôler souverainement l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire » (Chahal, précité, § 73 ; Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, § 64, CEDH 2008).
67. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour relative aux différents alinéas de l’article 5 § 1 que toute privation de liberté doit non seulement relever de l’une des exceptions prévues aux alinéas a) à f), mais aussi être « régulière ». En matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure. Toutefois, le respect du droit national n’est pas suffisant : l’article 5 § 1 exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but consistant à protéger l’individu contre l’arbitraire (voir, parmi bien d’autres, Winterwerp, précité, § 37, et Witold Litwa c. Pologne, no 26629/95, § 78, CEDH 2000‑III). Il est un principe fondamental selon lequel nulle détention arbitraire ne peut être compatible avec l’article 5 § 1, et la notion d’« arbitraire » que contient l’article 5 § 1 va au-delà du défaut de conformité avec le droit national, de sorte qu’une privation de liberté peut être régulière selon la législation interne tout en étant arbitraire et donc contraire à la Convention.
68. Ainsi, la Cour doit s’assurer que le droit interne se conforme lui‑même à la Convention, y compris aux principes généraux énoncés ou impliqués par elle. Sur ce dernier point, la Cour souligne que lorsqu’il s’agit d’une privation de liberté, il est particulièrement important de satisfaire au principe général de la sécurité juridique. Par conséquent, il est essentiel que les conditions de la privation de liberté en vertu du droit interne soient clairement définies et que la loi elle-même soit prévisible dans son application, de façon à remplir le critère de « légalité » fixé par la Convention, qui exige que toute loi soit suffisamment précise pour permettre au citoyen – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé (Baranowski c. Pologne, no 28358/95, §§ 50-52, CEDH 2000-III).
69. Il ressort de la jurisprudence relative à l’article 5 § 1 f) que pour ne pas être taxée d’arbitraire, la mise en œuvre d’une mesure de détention doit se faire de bonne foi ; elle doit aussi être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire ; en outre, la durée de la détention ne doit pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi ; enfin, les lieu et conditions de détention doivent être appropriés (Saadi, précité, § 74).
70. La Cour note que la privation de liberté de tous les requérants était initialement fondée sur l’article 76 de la loi no 3386/2005. En outre, en ce qui concerne les requérants identifiés sous les nos 1, 2, 3, 5, 7 et 12, après leur condamnation, le 5 février 2010, par le tribunal correctionnel de Rodopi, leur maintien en détention avait pour seul but d’assurer la mise en œuvre de leur expulsion judiciairement décidée. Partant, la Cour estime que tous les cas individuels des requérants tombent sous le coup de l’alinéa f) de l’article 5 § 1 de la Convention et trouvaient un fondement en droit interne. La Cour rappelle sur ce point que, dans le cadre de l’article 5 § 1 f), tant qu’un individu est détenu dans le cadre d’une procédure d’expulsion, rien n’exige des motifs raisonnables de croire à la nécessité de la détention pour, par exemple, empêcher l’intéressé de commettre une infraction ou de s’enfuir (Chahal, précité, § 112). Au vu de ce qui précède, la Cour considère que la détention des requérants servait le but de les empêcher de rester irrégulièrement sur le territoire grec et de garantir la possibilité de procéder à leur expulsion.
71. La Cour prend aussi note de l’argument des requérants, également énoncé par le Rapporteur spécial des Nations unies (paragraphe 37 ci‑dessus), à savoir qu’à défaut de la décision ministérielle nécessaire pour la création du centre de rétention de Venna, la détention dans ses locaux était illégale. Toutefois, à supposer même qu’une telle décision ministérielle fasse défaut, la détention des requérants ne manquait pas de base légale : elle a été ordonnée sur la base des décisions du directeur de police compétent, comme prévu par l’article 76 § 3 de la loi no 3386/2005. De surcroît, la détention au titre de l’expulsion de certains des requérants était la conséquence légale du jugement no 175/2010 du tribunal correctionnel de Rodopi. En tout état de cause, la Cour note que la création de centres de rétention, comme celui de Venna, était prévue par l’article 81 de la loi no 3386/2005. En ce qui concerne tout particulièrement le centre de Venna, l’existence de rapports établis par des organes internationaux, auxquels la Cour a déjà fait référence dans le cadre du grief tiré de l’article 3 de la Convention, atteste que ledit centre de rétention ne fonctionnait pas de manière secrète, élément qui aurait pu exercer une influence sur la légalité de la détention (voir, en ce sens, El Masri c. « l’ex-République yougoslave de Macédoine » [GC], no 39630/09, § 233, CEDH 2012). Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la bonne foi des autorités compétentes ne peut pas être mise en question en l’espèce.
72. En outre, en ce qui concerne la durée de la détention, la Cour rappelle que, dans le contexte de l’article 5 § 1 f), seul le déroulement de la procédure d’expulsion justifie la privation de liberté fondée sur cette disposition et que, si la procédure n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée (Chahal, précité, § 113 ; Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, § 74, CEDH 2007‑II). En l’espèce, la Cour note que la détention des requérants, ordonnée en vue de leur expulsion, n’était pas possible dans l’immédiat en raison des démarches administratives nécessaires à l’égard de chacun d’entre eux pour assurer leur expulsion. Comme il ressort du dossier, la durée de la détention de chaque requérant dépendait de la spécificité de son cas.
73. Ainsi, en ce qui concerne les requérants identifiés sous les nos 4, 6 et 8, ils ont été transférés en Turquie les 19 et 14 janvier 2010 respectivement, en vertu du Protocole de réadmission signé entre la Grèce et la Turquie. Etant donné que ces requérants avaient été mis en détention les 26 novembre et 20 octobre 2009 respectivement, la Cour estime qu’un délai de deux à trois mois environ ne peut pas être considéré comme excessif pour l’accomplissement des formalités administratives entre les autorités grecques et turques dans ce but. En ce qui concerne les autres requérants, les autorités internes n’ont pas fait preuve d’une approche uniforme à leur égard mais ont suivi la procédure pertinente dans chaque cas spécifique, ce qui a entraîné des répercussions diverses mais raisonnables sur la durée de leur détention. Ainsi, à titre d’exemple, les requérants identifiés sous les nos 1 et 7 ont été expulsés les 25 juin et 26 mars 2010 respectivement, lorsque le consulat de leur pays d’origine leur a délivré les documents de voyage nécessaires. En outre, en ce qui concerne les cas où le consulat d’Irak à Athènes n’a pas délivré certains documents aux intéressés, comme dans le cas des requérants identifiés sous les nos 2 et 5, la chambre du tribunal correctionnel compétent a ordonné le 30 août 2010 leur élargissement avec imposition de mesures restrictives de liberté moins strictes, en l’occurrence une simple obligation de se présenter une fois par mois au commissariat de police de leur lieu de résidence. De façon générale, la Cour estime raisonnable un prolongement de la durée de détention des requérants ayant été condamnés le 5 février 2010 par le jugement no 175/2010 du tribunal correctionnel de Rodopi, du fait que la procédure relative à leur expulsion a été arrêtée pour mettre en œuvre le processus d’expulsion judiciaire. En somme, la Cour considère que pendant la période en cause, les autorités nationales n’ont pas fait preuve de passivité dans le déroulement de la procédure d’expulsion des requérants (voir, en ce sens, Agnissan c. Danemark (déc.), no 39964/98, 4 octobre 2001).
74. En dernier lieu, ayant conclu à une violation de l’article 3 en raison des conditions de détention dans le centre de rétention de Venna, la Cour n’estime pas nécessaire de se placer une fois de plus sur ce terrain sous l’angle de l’article 5 § 1 f) (voir Horshill c. Grèce, no 70427/11, § 65, 1er août 2013).
Par conséquent, il n’y pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
75. Invoquant l’article 9 de la Convention, les requérants identifiés sous les nos 1, 2, 8 et 12 se plaignent d’une violation de leur liberté de religion. Ils font valoir qu’alors qu’ils sont musulmans, ils n’avaient souvent le choix qu’entre manger de la viande de porc ou jeûner, faute pour les autorités de fournir des repas de substitution.
76. Le Gouvernement soutient que jamais aucune viande de porc n’a été donnée aux immigrés clandestins détenus, qui dans leur grande majorité sont des musulmans. Il affirme que la restauration des détenus à Venna était assurée par plusieurs fournisseurs, dont deux étaient des musulmans qui fournissaient des plats sans aucune viande de porc.
77. Les requérants reconnaissent que deux des fournisseurs de plats cuisinés à Venna étaient musulmans mais affirment qu’il y en avait cinq autres qui étaient chrétiens et qui livraient au centre de rétention de la nourriture contenant du porc.
78. La Cour rappelle que dans l’arrêt Jacóbski c. Pologne (no 18429/06, 7 décembre 2010), elle a conclu à une violation de l’article 9 de la Convention en raison du refus des autorités de permettre à un détenu de suivre un régime sans viande en prison, au mépris des règles prescrites par sa religion en la matière. La Cour note que dans l’affaire Jacóbski le requérant avait introduit plusieurs demandes tendant à l’obtention de repas sans viande et plusieurs plaintes auprès des autorités et de l’inspecteur régional des prisons. Il avait même engagé contre les employés de la prison des poursuites qui avaient donné lieu à des décisions de justice.
79. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que les requérants concernés se soient plaints auprès des autorités du centre de rétention de Venna d’une atteinte à leurs convictions religieuses à raison du fait que les repas qui leur étaient servis comprenaient de la viande de porc. La Cour note à cet égard que, contrairement aux griefs de surpeuplement et de manque d’hygiène, d’exercice physique et de services médicaux adéquats, le présent grief est relatif au cas individuel des requérants concernés (voir paragraphe 45 ci-dessus). En tout état de cause, la Cour relève que les requérants reconnaissent dans leurs observations que deux des restaurateurs approvisionnaient le centre de Venna en plats exempts de viande de porc. A cet égard, la Cour ne décèle pas d’autre élément dans le dossier permettant de douter de la véracité des affirmations du Gouvernement selon lesquelles la nourriture qui était offerte aux détenus musulmans ne comprenait pas de porc.
80. Il s’ensuit que cette partie de la Requête doit, à supposer même qu’il ait été satisfait aux conditions de l’article 35 § 1 de la Convention, être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
81. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
82. Les requérants identifiés sous les nos 1, 4, 8 et 9 réclament chacun 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi. Les requérants identifiés sous les nos 6 et 7 demandent chacun 6 000 EUR au même titre. Quant aux requérants identifiés sous les nos 2, 3, 5 et 10, ils sollicitent chacun le paiement de 9 000 EUR au titre du dommage moral subi. Les requérants identifiés sous les nos 11 et 12 réclament 12 000 et 10 000 EUR respectivement au titre du dommage moral. Ils demandent que toute indemnité qui leur serait accordée à ce titre soit versée directement sur le compte bancaire indiqué par leurs représentants. En faisant référence aux arrêts Stoica c. Roumanie (no 42722/02, 4 mars 2008) et Galotskin c. Grèce (no 2945/07, 14 janvier 2010), ils invoquent en ce sens des questions d’ordre logistique relatives à leur nombre.
83. Le Gouvernement estime que les constats de violation opérés constituent une satisfaction suffisante en l’espèce.
84. Compte tenu du nombre et de la gravité des violations constatées dans la présente affaire, la Cour estime que les requérants doivent percevoir une indemnité pour le dommage moral subi. Statuant en équité, comme le veut l’article 41, elle alloue à titre de dommage moral aux requérants identifiés sous les nos 1 à 10 les sommes réclamées, à savoir 5 000 EUR à chacun des requérants identifiés sous les nos 1, 4, 8 et 9, 6 000 EUR à chacun des requérants identifiés sous les nos 6 et 7, et 9 000 EUR à chacun des requérants identifiés sous les nos 2, 3, 5 et 10, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt. En outre, la Cour alloue au même titre, 10 000 EUR à chacun des requérants identifiés sous les nos 11 et 12, plus tout montant pouvant être dû à titre de l’impôt. Quant à la demande des requérants tendant à ce que les sommes allouées au titre du dommage moral soient versées sur le compte bancaire indiqué par leurs représentants, la Cour note que dans les arrêts Stoica et Galotskin, précités, invoqués par les requérants, la Cour n’a ordonné le versement sur le compte bancaire indiqué par les représentants des requérants que de la somme allouée au titre des frais et dépens. Il convient donc de rejeter cette demande des requérants (Stoica et Galotskin, précités, §§ 142 et 74, respectivement).
B. Frais et dépens
85. Les requérants demandent également 1 500 EUR dans chacune des trois présentes affaires pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Ils ne produisent pas de facture ou de note d’honoraires. Ils précisent qu’ils paieront leurs avocats à l’issue de la procédure. En outre, pour les raisons invoquées ci-dessus, ils demandent que toute somme allouée à ce titre soit versée sur le compte bancaire indiqué par leurs représentants.
86. Le Gouvernement soutient que les demandes au titre des frais et dépens sont excessives et doivent être rejetées.
87. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, § 130, 23 février 2012).
88. La Cour juge établi que les requérants ont réellement exposé des frais dès lors que, en leur qualité de clients, ils ont contracté l’obligation juridique de payer leurs représentants en justice sur une base convenue (voir, mutatis mutandis, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas, no 38224/03, § 110, 31 mars 2009, et M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, § 414, CEDH 2011). Elle estime raisonnable d’accorder à ce titre la somme de 2 000 EUR conjointement aux douze requérants, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt. Cette somme sera à verser directement sur le compte bancaire indiqué par leurs représentants (voir, en ce sens, Galotskin, ibidem, et Carabulea c. Roumanie, no 45661/99, § 180, 13 juillet 2010).
C. Intérêts moratoires
89. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les Requêtes ;
2. Joint au fond l’exception du Gouvernement tirée du défaut d’épuisement des voies de recours internes et la rejette ;
3. Déclare les Requêtes recevables en ce qui concerne les griefs tirés des articles 3 et 5 §§ 1 et 4 et irrecevables pour le surplus ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;
5. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
6. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
7. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention :
i. 5 000 EUR (cinq mille euros) à chacun des requérants identifiés sous les nos 1, 4, 8 et 9 ; 6 000 EUR (six mille euros) à chacun des requérants identifiés sous les nos 6 et 7 ; 9 000 EUR (neuf mille euros) à chacun des requérants identifiés sous les nos 2, 3, 5 et 10 ; 10 000 EUR (dix mille euros) à chacun des requérants identifiés sous les nos 11 et 12, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
ii. 2 000 EUR (deux mille euros) conjointement à tous les requérants pour les frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt, à verser directement sur le compte bancaire indiqué par leurs représentants ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
8. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 décembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Isabelle Berro-Lefèvre
Greffier adjoint Présidente
Annexe
Liste des requérants
Requête no 33441/10
1. C.D., ressortissant irakien né en 1980
2. F.H., ressortissant irakien né en 1978
3. G.C., ressortissant irakien né en 1990
4. H.Z., ressortissant irakien né en 1980
5. D.S., ressortissant irakien né en 1985
6. A.Y., ressortissant irakien né en 1986
7. K.S., ressortissant irakien né en 1979
8. S.Y., ressortissant irakien né en 1990
9. R.F., ressortissant pakistanais né en 1980
10. A.M., ressortissant pakistanais né en 1981
Requête no 33468/10
11. B.R., ressortissant turc né en 1985
Requête no 33476/10
12. M.A., ressortissant afghan né en 1981