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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> EVLIYAOGLU v. TURKEY - 42956/09 - HEJUD (French Text) [2013] ECHR 191 (05 March 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/191.html
Cite as: [2013] ECHR 191

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE EVLİYAOĞLU c. TURQUIE

     

    (Requête no 42956/09)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    5 mars 2013

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Evliyaoğlu c. Turquie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

              Peer Lorenzen, président,
              András Sajó,
              Nebojša Vučinić, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 février 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 42956/09) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant, M. İbrahim Evliyaoğlu (« le requérant »), a saisi la Cour le 29 juillet 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant est représenté par Me N. Özdemir, avocat à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

  3. .  Le 5 mai 2011, la Cour a communiqué la Requête au Gouvernement et a indiqué qu’elle n’avait pas besoin d’observations mais le Gouvernement pouvait, s’il le souhaitait, soumettre ses observations. Le Gouvernement ne les a pas soumis.
  4. EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  5. .  Le requérant est né en 1971.

  6. .  Le 24 janvier 2000, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue par des agents de la direction de sûreté de Bursa parce qu’il était soupçonné d’appartenance au Hizbullah, une organisation illégale armée.

  7. .  Le 30 janvier 2000, il fut mis en détention provisoire.

  8. .  A une date non précisée, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul inculpa le requérant, avec d’autres personnes, pour appartenance à l’organisation illégale précitée.

  9. .  A la suite de l’abolition des cours de sûreté de l’Etat, le procès du requérant se poursuivit devant la cour d’assises d’Istanbul.

  10. .  Durant la procédure pénale, plusieurs audiences se tinrent devant les juridictions de première instance, lesquelles ordonnèrent, à la fin de chaque audience, le maintien en détention provisoire du requérant, eu égard à la nature des infractions et au contenu du dossier.

  11. .  Le 4 janvier 2011, le requérant fut mis en liberté provisoire.

  12. .  La procédure pénale est toujours en cours devant la cour d’assises d’Istanbul et le requérant a pris la fuite à l’étranger.
  13. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION


  14. .  Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire et allègue une violation de l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé :
  15. « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »


  16. .  Le Gouvernement ne se prononce pas sur ce grief.
  17. A.  Sur la recevabilité


  18. .  La Cour constate que la Requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
  19. B.  Sur le fond


  20. .  La Cour constate que la détention provisoire du requérant a débuté le 24 janvier 2000 avec son arrestation et s’est terminée le 4 janvier 2011 avec sa remise en liberté. Elle a donc duré environ onze ans.

  21. .  La Cour rappelle qu’elle a déjà examiné des cas similaires et a conclu à maintes reprises à la violation de l’article 5 § 3 de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Dereci c. Turquie, no 77845/01, §§ 34-41, 24 mai 2005 et Taciroğlu c.Turquie, no 25324/02, §§ 18-24, 2 février 2006). Tout en reconnaissant les difficultés posées aux autorités nationales par cette affaire, la Cour parvient néanmoins, à la lumière de sa jurisprudence constante, à la même conclusion en l’espèce. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
  22. II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    17.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  23. .  Le requérant réclame 45 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et 45 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

  24. .  Le Gouvernement conteste ces montants.

  25. .  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 11 000 EUR au titre du préjudice moral.
  26. B.  Frais et dépens


  27. .  Le requérant demande également 10 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. A titre de justificatifs, il ne fournit aucun document.

  28. .  Le Gouvernement conteste ce montant.

  29. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.
  30. C.  Intérêts moratoires


  31. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  32. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 11 000 EUR (onze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 mars 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                           Peer Lorenzen
      Greffière adjointe                                                                   
    Président


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