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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> X-CODE LYSEIS PLIROFORIKIS A.E. v. GREECE - 57628/09 - HEJUD (French text) [2013] ECHR 228 (14 March 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/228.html
Cite as: [2013] ECHR 228

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE X-CODE LYSEIS PLIROFORIKIS A.E. c. GRÈCE

     

    (Requête no 57628/09)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

    STRASBOURG

     

    14 mars 2013

     

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire X-Code Lyseis Pliroforikis A.E. c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

              Elisabeth Steiner, présidente,
              Mirjana Lazarova Trajkovska,
              Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 février 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 57628/09) dirigée contre la République hellénique et dont une société anonyme, X-Code Lyseis Pliroforikis A.E. (« la requérante »), ayant son siège à N. Chalkidona, a saisi la Cour le 30 septembre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  La requérante est représentée par Me Ch. Chrysanthakis, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
  3. 3.  Le 31 août 2011, la Requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

      LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  4. .  La requérante, X-Code Lyseis Pliroforikis A.E., est une société anonyme qui exerce des activités dans le domaine de vente de systèmes informatiques fiscaux.

  5.   Par décision ministérielle no 1051082/549/0015/ΠΟΛ.1082/2.6.2003, devint obligatoire l’utilisation par les professionnels d’un système informatique fiscal spécial à partir du 1er janvier 2003. La requérante développa donc un tel système conforme aux exigences de la décision ministérielle et reçut un grand nombre de commandes. La requérante allègue avoir subi des pressions de la part du ministère des Finances qui la poussait à procéder rapidement au développement du système afin que la mesure ministérielle soit appliquée. Le 1er juillet 2004, par une nouvelle décision ministérielle, l’utilisation dudit système devint facultative. Par conséquent, les clients de la requérante annulèrent leurs commandes et la demande baissa fortement.

  6.   Le 9 août 2004, la requérante saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation de la deuxième décision ministérielle, invoquant entre autres que l’attitude de l’administration avait fait naître chez elle la conviction que la réglementation initiale serait maintenue en vigueur.

  7.   Le 27 mai 2009, le Conseil d’Etat rejeta le recours au motif que l’adoption et le maintien en vigueur pour un an de la décision ministérielle initiale, qui était génératrice de bénéfices pour la requérante, n’empêchait pas le législateur de la changer ultérieurement (arrêt no 1802/2009). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 19 juin 2009.
  8. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE


  9.   La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du délai raisonnable tel que prévu par l’article 6 § 1 tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
  10. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  11.   Le Gouvernement n’a pas soumis d’observations.

  12.   La période à considérer a débuté le 9 août 2004, avec la saisine du Conseil d’Etat par la requérante et s’est terminée le 19 juin 2009, avec la mise au net de l’arrêt no 1802/2009. Elle a donc duré quatre ans et dix mois environ pour un degré de juridiction.
  13. A.  Sur la recevabilité


  14.   La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  15. B.  Sur le fond


  16.   La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

  17.   La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

  18.   Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse, dans laquelle il a fallu quatre ans et dix mois environ au Conseil d’Etat pour se prononcer sur le recours de la requérante, est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

  19.   Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
  20. II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES


  21.   Invoquant aussi l’article 6 § 1, la requérante se plaint que l’arrêt no 1802/2009 du Conseil d’Etat n’était pas suffisamment motivé. Invoquant enfin l’article 1 du Protocole no 1, elle se plaint que la modification inattendue de la décision ministérielle a porté atteinte au principe de la protection de la confiance légitime de l’administré à l’administration et lui a causé un préjudice financier important (frais engendrés par l’élaboration du système informatique ainsi que perte de gains futurs).

  22.   Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. La Cour conclut donc que cette partie de la Requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
  23. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  24.   Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  25. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  26.   Au titre du préjudice matériel, elle réclame 2 602 983,4 EUR, somme qui correspond aux frais engendrés par l’élaboration du système informatique, à la perte de gains futurs ainsi qu’aux intérêts créditeurs versés. Elle réclame aussi 1 000 000 EUR au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison de la cessation des activités de son entreprise et de la longueur de la procédure.

  27.   Le Gouvernement estime qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le préjudice matériel allégué et le grief tiré du délai raisonnable de la procédure et invite la Cour à écarter cette demande. Il soutient que le constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante au titre du préjudice moral.

  28.   La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère que la requérante a subi un dommage moral en raison de la longueur de la procédure. Statuant en équité, elle lui accorde 4 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
  29. B.  Frais et dépens


  30.   La requérante ne sollicite aucune somme au titre de ses frais et dépens. Partant, il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
  31. C.  Intérêts moratoires


  32.   La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  33. PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de la durée de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 mars 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    André Wampach                                                                  Elisabeth Steiner
      Greffier adjoint                                                                       
    Présidente


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