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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ASSOCIATION OF THE VICTIMS OF S.C. ROMPETROL S.A. AND GEOMIN S.A. SYSTEM AND OTHERS v. ROMANIA - 24133/03 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 595 (25 June 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/595.html
Cite as: [2013] ECHR 595

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ASSOCIATION DES PERSONNES VICTIMES DU SYSTÈME S.C. ROMPETROL S.A. ET S.C. GEOMIN S.A.

    ET AUTRES c. ROUMANIE

     

    (Requête no 24133/03)

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    25 juin 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Association des personnes victimes du système S.C. Rompetrol S.A. et S.C. Geomin S.A. et autres c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Ján Šikuta,
              Luis López Guerra,
              Kristina Pardalos,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 juin 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 24133/03) dirigée contre la Roumanie et dont une association de droit roumain, l’Association des personnes victimes du système S.C. Rompetrol S.A. et S.C. Geomin S.A. (Asociatia pagubitilor din sistemul S.C. Rompetrol S.A. si S.C. Geomin S.A. ci-après « l’association requérante »), et les personnes individuelles Mihai Cristea, Ana Cristea, Gabriel Dioanca, Ioan Guseila, Valeriu Frigescu, Cristina Folea, Maria Simion, Pompiliu Simion, Pompiliu Dinca, Maria Gaman, Constantin Ionita, Gheorghe Tichie, Victoria Tian, Dumitru Stefan, Ioana Carasel, Nicolae Scarneci et Elena Stefan (« les requérants individuels ») ont saisi la Cour respectivement les 16 mai et 2 juin 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Tous les requérants sont représentés devant la Cour par M. Ioan Guseila, vice-président de l’association requérante. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté successivement par ses agents, M. Razvan-Horatiu Radu et Mme Irina Cambrea, du ministère des Affaires étrangères.

  3. .  Les requérants allèguent en particulier une atteinte à leur droit d’accès à un tribunal et de voir juger leur action dans un délai raisonnable.

  4. .  Le 16 juin 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

  5. .  A la suite du déport de M. Corneliu Bîrsan, juge élu au titre de la Roumanie (article 28 du règlement), le président de la chambre a désigné Mme Kristina Pardalos pour siéger en qualité de juge ad hoc (article 26 § 4 de la Convention et article 29 § 1 du règlement).
  6. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  7. .  L’association requérante a été créée en 1993 sous le nom de « Association des personnes victimes du système de dépôt de devises avec des intérêts au S.C. Rompetrol S.A. » et elle a son siège à Bucarest. Le requérant Ioan Guseila réside à Făget (Roumanie). Les autres requérants individuels n’ont pas indiqué à la Cour leurs dates de naissance et leur adresse.
  8. A.  La genèse de l’affaire


  9. .  En mars 1992, C.I., économiste de la société S.C. Rompetrol S.A. aurait informé les employés de la société qu’ils pouvaient placer de l’argent dans des opérations que les sociétés S.C. Rompetrol S.A. et S.C. Geomin S.A. effectuaient à l’étranger. Après une certaine période, dont la durée dépendait du montant des sommes investies, l’investisseur percevait un gain.

  10. .  Plusieurs milliers de personnes, y compris les requérants individuels, investirent de l’argent dans cette opération. En février 1993, le paiement des intérêts ainsi que la restitution des sommes investies cessa, sans que les requérants aient récupéré leurs investissements.
  11. B.  La plainte pénale avec constitution de partie civile


  12. .  En mars 1993, les requérants individuels et plusieurs autres personnes déposèrent des plaintes pénales contre C.I. et seize autres personnes du chef de tromperie, faux et usage de faux. Ils demandèrent également réparation de leur préjudice matériel subi. Dans sa plainte pénale formulée le 10 mars 1993, le requérant Ioan Guseila indiqua qu’il entendait se constituer partie civile dans la procédure pour voir réparé le préjudice subi.

  13. .  Au total vingt-six plaintes pénales furent déposées contre C.I. au nom de cent trente-trois personnes lésées. La police interrogea plus de cent personnes et estima que d’autres actes d’enquête complémentaires tels que des perquisitions à domicile et l’interrogatoire d’autres témoins étaient nécessaires pour établir la qualification juridique des faits reprochés à C.I. et S.E.

  14. .  Par une ordonnance du 21 mai 1993, la police entama des poursuites pénales contre C.I. du chef de tromperie. Il lui était reproché d’avoir organisé une opération financière en devises étrangères, qu’elle avait présenté comme un investissement réalisé par la société S.C. Rompetrol S.A. à l’étranger sans que cette dernière soit au prime abord impliquée.

  15. .  Afin de mieux défendre leurs droits, le 20 août 1993, une partie des victimes décidèrent de se constituer dans une association à but non-lucratif. Par un jugement du 18 octobre 1993, le tribunal de première instance de Bucarest accueillit la demande d’enregistrement de l’association requérante.

  16. .  L’association requérante ne déposa pas de plainte pénale et ne se constitua pas partie civile dans la procédure pénale engagée contre C.I.

  17. .  Par une ordonnance du 12 octobre 1994, toutes les plaintes pénales formulées contre C.I. furent réunies dans un dossier unique.

  18. .  Les 26 juillet, 12 septembre et 10 novembre 1994, les poursuites pénales furent élargies contre L.M., N.V. et S.E. pour complicité de tromperie.

  19. .  Une expertise comptable ordonnée par les autorités de poursuite fut réalisée pour établir les règles régissant l’opération financière organisée par les mis en cause. Selon ses conclusions, les règles de l’investissement n’étaient pas écrites mais étaient transmises oralement d’un participant à l’autre et soixante-six personnes auraient reçu des paiements indus et excessifs pendant la période de son fonctionnement.

  20. .  Par une ordonnance du 16 mai 1996, se fondant sur le rapport d’expertise susmentionné, le parquet près la cour d’appel de Bucarest cessa les poursuites contre C.I., L.M., N.V. et S.E des chefs de tromperie et de complicité de tromperie. Toutefois, il estima que les faits reprochés devaient recevoir la qualification juridique d’abus de confiance et de complicité d’abus de confiance et ordonna leur renvoi en jugement devant le tribunal de première instance de Bucarest du chef de ces délits.

  21. .  Devant ce tribunal, pendant les années 1996 et 1997, les requérants se constituèrent parties civiles dans la procédure. Ils demandèrent la requalification juridique des faits en tromperie et relevèrent la durée excessive de la procédure. Au total, soixante-seize personnes s’étaient constituées parties civiles dans la procédure.

  22. .  De septembre 1996 à juin 1999, vingt-et-une audiences furent tenues par le tribunal de première instance : à dix reprises, les audiences furent ajournées à la demande des défenseurs des inculpés et trois autres pour obtenir les dossiers du parquet. Pendant huit audiences les parties civiles furent interrogées. Le 6 mars 1997, les sociétés S.C. Geomin S.A. et S.C. Rompetrol S.A. furent introduites dans la procédure en tant que parties civilement responsables. Le 26 juin 1997, la société S.C. Rompetrol S.A. se constitua partie civile dans la procédure.

  23. .  L’association requérante adressa régulièrement des courriers au tribunal de première instance pour soutenir la cause des parties civiles. En mai 1998, l’association requérante demanda que les soixante-six personnes ayant reçu des sommes indues selon l’expertise comptable soient intégrées dans la procédure. Elle demanda également que des actes de procédure soient réalisés dans l’affaire.

  24. .  Du 1er juillet 1999 au 8 juin 2000, l’affaire fut ajournée neuf fois pour interroger les inculpés et pour assurer la citation correcte de certaines parties civiles et inculpés.

  25. .  Le 30 septembre 1999, l’avocat de l’un des inculpés demanda que les poursuites soient étendues à treize autres personnes. Interrogés sur ce dernier point, les parties civiles et le parquet s’y opposèrent. A une date non précisée, l’affaire fut étendue à quatorze autres personnes qui furent par la suite interrogées dans la procédure.

  26. .  Par un jugement du 15 juin 2000, se fondant sur l’article 10 b) du code de procédure pénale (CPP), le tribunal de première instance de Bucarest acquitta tous les inculpés, au motif que les faits n’étaient pas sanctionnés par la loi pénale. Citant l’article 346 (4) du CPP, le tribunal ne trancha pas l’action civile.

  27. .  Les requérants individuels à l’exception des requérants Dioanca Gabriel et Stefan Elena formèrent un recours contre ce jugement.

  28. .  Par un arrêt définitif du 19 décembre 2000, le tribunal départemental de Bucarest fit droit au recours, cassa le jugement contesté et, après avoir requalifié juridiquement les faits, renvoya l’affaire au parquet afin d’entamer des poursuites pénales pour le délit de tromperie.

  29. .  Le 20 février 2001, le dossier de l’affaire fut transféré au parquet près le tribunal départemental de Bucarest. Le 28 février 2001, ce parquet renvoya le dossier auprès de la direction générale de la police afin de poursuivre l’enquête pour le délit de tromperie.

  30. .  Par une décision du 11 mai 2001, la police proposa au parquet de mettre fin aux poursuites, au motif que la responsabilité pénale était prescrite. La police nota que la peine maximale prévue par le code pénal pour le délit de tromperie était de trois ans et que pour ce type de délit le délai de prescription était de cinq ans. Elle ajouta que, bien que le délai de prescription avait été interrompu à plusieurs reprises, il devait être mis fin aux poursuites pénales en raison de la prescription spéciale, laquelle intervenait, en l’occurrence, sept ans et demi après l’accomplissement des faits.

  31. .  Par une ordonnance du 12 juin 2001, le parquet près le tribunal départemental de Bucarest mit fin aux poursuites pénales en raison de la prescription de l’action publique. Le requérant Ioan Guseila, en sa qualité de partie civile et de représentant de l’association requérante, forma une plainte contre cette ordonnance. Par une décision du 25 juin 2001, le procureur en chef du parquet près le tribunal départemental de Bucarest confirma l’ordonnance du 12 juin 2001 précitée.

  32. .  Le 3 juillet 2002, le requérant Ioan Guseila, en sa qualité de représentant de l’association requérante déposa une plainte auprès du tribunal départemental de Bucarest contre l’ordonnance du 12 juin 2001, en contestant la prescription de l’infraction et critiquant le fait que l’action civile n’avait pas été examinée.

  33. .  Par un jugement du 22 octobre 2002, le tribunal départemental rejeta ce recours et confirma la clôture des poursuites pénales pour prescription. Sur recours du requérant Ioan Guseila agissant en sa qualité de représentant de l’association requérante, par un arrêt définitif du 20 décembre 2002, la cour d’appel de Bucarest confirma le bien-fondé du jugement rendu en première instance.
  34. C.  La procédure devant la Cour


  35. .  Le 16 mai 2003, l’association requérante, par le biais de M. Ioan Guseila, a envoyé une lettre à la Cour dans laquelle elle exposait les faits de l’affaire. Elle indiquait que les droits civils qu’elle revendiquait au niveau national appartenaient à ses membres.

  36. .  La Cour a reçu ensuite un formulaire de Requête daté du 29 mai 2003. Sur ce formulaire, à l’emplacement réservé à la présentation du requérant sont mentionnés les renseignements concernant l’association requérante. Ce formulaire de Requête était accompagné d’une page séparée datée du 25 mai 2003 sur laquelle le titre « Délégation » est noté. Sur cette page figurent les noms des requérants individuels, y compris celui de M. Ioan Guseila, accompagnés de leurs signatures, à l’exception de Mme Folea Cristina. Le texte suivant figure également sur cette feuille :
  37. « Nous les soussignés, membres de l’Association des personnes victimes du système Rompetrol et Geomin, confirmons par signature, être représentés par M. Guseila Ioan, pour la présentation devant la CEDH de nos demandes tendant à récupérer notre préjudice. »


  38. .  Le 11 février 2011, M. Ioan Guseila a transmis à la Cour une lettre accompagnée de plusieurs documents : une déclaration signée par Mme Folea Cristina par laquelle elle donne pouvoir à M. Ioan Guseila pour la représenter dans la procédure devant la Cour, une déclaration olographe signée par Blaga Dana Carmen par laquelle elle se déclare être l’héritière des feux Cristea Mihai et Cristea Ana et vouloir continuer la procédure devant la Cour, et une déclaration olographe signée par Dinca Maria Elena dans laquelle elle indique être l’épouse de feu Dinca Pompiliu et vouloir continuer la procédure devant la Cour au nom de son époux.
  39. II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    A.  Les dispositions légales pertinentes concernant l’exercice de l’action civile


  40. .  En vertu de l’article 24 du code de procédure pénale (« CPP »), la partie lésée est la personne qui, à cause d’un fait pénal, a subi un préjudice corporel, moral ou matériel et qui participe au procès pénal. La partie civile est la partie lésée qui exerce l’action civile dans le procès pénal. La plainte pénale doit être présentée par écrit (article 222 du CPP).

  41. .  En vertu de l’article 15 alinéa 1 du CPP, tel qu’applicable au moment des faits, la victime d’une infraction pénale a la faculté d’introduire une action en réparation du préjudice résultant d’une infraction en se constituant partie civile dans le cadre de la procédure pénale. Par ailleurs, l’article 347 du CPP dispose que l’examen de l’action civile ne doit pas avoir pour effet de retarder la procédure pénale ; en pareil cas, la juridiction pénale peut refuser l’examen conjoint de l’action civile.

  42. .  La victime peut aussi introduire directement sa demande en réparation devant les juridictions civiles (article 19 du CPP) dès le moment des faits. Dans ce cas, étant donné que les juridictions civiles sont liées par les jugements définitifs des juridictions pénales en ce qui concerne la commission des faits et la culpabilité du prévenu (article 22 du CPP), la procédure est en règle générale suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale (article 19 alinéa 2 du CPC).

  43. .  Lorsque le parquet met fin à l’enquête pénale, il n’est pas compétent pour trancher l’action civile (article 14 du CPP). La plainte formulée contre l’acte du procureur permet à la juridiction d’examiner la légalité et le bien-fondé de l’acte du procureur, sans qu’elle ait, en cas de rejet de la plainte, à trancher l’action civile (article 278 du CPP).

  44. .  Lorsque le tribunal prononce la relaxe en raison de l’existence d’éléments qui écartent le caractère pénal des faits, il peut statuer sur l’action civile (article 346 (2) du CPP). Tel peut être le cas, par exemple, lorsque la prescription est intervenue.
  45. B.  La prescription des infractions pénales


  46. .  En vertu de l’article 121 du code pénal (CP), l’action pénale est prescrite si des poursuites n’ont pas été engagées dans un délai déterminé. Ce délai varie en fonction de la peine dont l’infraction est passible et peut aller de trois à quinze ans (article 122 du CP). Il est interrompu par tout acte de poursuite (article 123 alinéa 2 du CP).

  47. .  Indépendamment des actes de poursuite effectués et des interruptions et suspensions de la prescription, l’action pénale s’éteint avec l’écoulement du délai de la prescription dite « spéciale », qui correspond à une fois et demi le délai de prescription normal (123 alinéa 3 du CP). Dans pareil cas, les poursuites doivent être clôturées.
  48. C.  La prescription en matière civile

    41.  Aux termes de l’article 3 alinéa 1 du décret no 167/1958 sur la prescription extinctive, la responsabilité civile délictuelle prescrit à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la commission du fait délictueux. Le délai de prescription est interrompu et ne court pas pendant la durée d’une action civile introduite dans le cadre d’une procédure pénale. Cependant, la prescription n’est pas interrompue lorsqu’il y a eu cessation du procès (article 16 § 3 du décret no 167/1958).

    EN DROIT


  49. .  Invoquant l’article 6 de la Convention, tous les requérants se plaignent d’une atteinte au droit d’accès à un tribunal, que leur cause n’a pas été jugée dans un délai raisonnable et de la violation du droit à un double degré de juridiction. Ils se plaignent également d’une atteinte à leur droit au respect de leurs biens, en raison de l’impossibilité de récupérer les sommes investies dans les opérations financières ainsi que les intérêts y afférents.
  50. I.  SUR LA RECEVABILITÉ DE LA Requête

    A.  Sur l’exception du Gouvernement tiré de l’absence de la qualité de victime des requérants

    1.  Sur la qualité de victime de l’association requérante


  51. .  Le Gouvernement estime que l’association requérante ne peut pas se prétendre victime de la violation des droits qu’elle revendique devant la Cour. Elle n’a jamais été partie dans la procédure interne et aucun transfert des droits civil du patrimoine des parties civiles dans le patrimoine de l’association requérante n’a été réalisé.

  52. .  L’association requérante réplique que le fait pour ses membres de déposer des plaintes pénales et de se constituer partie civile dans la procédure était suffisant. Cela rendait, selon elle, inopportun et caduc le dépôt d’une plainte séparée en son propre nom.

  53. .  La Cour rappelle que peut valablement se prétendre victime d’une ingérence dans l’exercice de ses droits garantis par la Convention notamment la personne directement touchée par les faits prétendument constitutifs de l’ingérence. Faute de pouvoir se prétendre elle-même victime, une association n’a donc pas qualité pour introduire une Requête dirigée contre une mesure qui frappe ses membres (Mişcarea Producătorilor Agricoli pentru Drepturile Omului c. Roumanie, no 34461/02, § 32, 22 juillet 2008).

  54. .  En l’espèce, l’association requérante se prévaut des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention. Or, la Cour constate que l’association requérante n’a pas été partie à la procédure interne dans la mesure où elle n’a pas déposé de plainte pénale et ne s’est pas constituée partie civile. Le simple fait qu’elle ait soutenu devant les juridictions nationales l’action de ses membres ne lui permet pas de se plaindre devant la Cour en son propre nom des aspects soulevés sous l’angle de l’article 6 de la Convention (Mişcarea Producătorilor Agricoli pentru Drepturile Omului, précité, § 33). S’agissant du grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, la Cour note que, bien qu’elle ait introduit la présente Requête en son nom propre, l’association requérante n’a jamais été reconnue en tant que titulaire des créances litigieuses qui sont restées la propriété de ses membres (Mişcarea Producătorilor Agricoli pentru Drepturile Omului, précité, § 34). Il s’ensuit que cette partie de la Requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 (a) et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.
  55. 2.  Sur la qualité de victime des requérants individuels


  56. .  Le Gouvernement fait valoir que les requérants individuels n’ont pas rempli un formulaire de Requête et n’ont pas précisé qu’elles étaient leurs propres prétentions devant la Cour, de sorte que leur volonté de saisir la Cour ne peut pas être établie. Il indique également que ces requérants n’ont pas prouvé être tous membres de l’association requérante.

  57. .  Le Gouvernement relève que la requérante Folea Cristina n’a pas signé la « délégation » donnée en faveur de M. Ioan Guseila le 25 mai 2003. Il ajoute que les requérants Cristea Mihai, Cristea Ana et Dinca Pompiliu sont décédés et que les personnes qui ont manifesté leur intention de poursuivre la procédure devant la Cour n’ont pas fourni des documents pertinents pour justifier leur qualité d’héritiers des requérants décédés.

  58. .  Le requérant Ioan Guseila fait valoir que la Cour a été saisie par les requérants individuels, étant donné leur qualité de membres de l’association requérante. Il admet que la requérante Folea Cristina n’a pas signé la « délégation » rédigée le 25 mai 2003, mais elle a transmis sa déclaration signée le 11 février 2011 (paragraphe 33 ci-dessus). Pour ce qui est des requérants décédés, il estime que leurs héritiers peuvent poursuivre la procédure.

  59. .  La Cour examinera cette exception successivement pour les différents requérants individuels.
  60. a)  Quant à la requérante Folea Cristina


  61. .  La Cour note avec le Gouvernement que la requérante Folea Cristina n’a pas signé le pouvoir du 25 mai 2003 pour que M. Ioan Guseila la représente devant la Cour. Ce n’est que le 11 février 2011 qu’elle a donné valablement pouvoir à M. Ioan Guseila pour la représenter dans la procédure. Dès lors, ce n’est qu’à cette dernière date que la requérante a saisi la Cour de sa Requête (Post c. Pays Bas, (déc.), no 21727/08, 20 janvier 2009) et la date de son introduction serait le 11 février 2011. A supposer même que la décision interne définitive à l’égard de cette requérante soit l’arrêt définitif du 20 décembre 2002 de la cour d’appel de Bucarest, il s’ensuit que sa Requête est tardive et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  62. b)  Quant aux requérants décédés Mihai Cristea, Ana Cristea et Dinca Pompiliu


  63. .  La Cour constate que ces requérants sont décédés respectivement en 2005, 2009 et 2006. Les personnes qui ont demandé à poursuivre la procédure au nom de ces requérants n’ont pas présenté un certificat d’héritier attestant de leur qualité d’héritiers des requérants décédés (Gavrileanu c. Roumanie (radiation), no 18037/02, § 12, 5 mai 2009). Dès lors, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la Requête à l’égard de ces requérants au sens de l’article 37 § 1 c) de la Convention. Par ailleurs, conformément à l’article 37 § 1 in fine, la Cour estime qu’aucune circonstance particulière touchant au respect des droits garantis par la Convention ou ses Protocoles n’exige la poursuite de l’examen de la Requête.
  64. c)  Quant aux autres requérants individuels


  65. .  La Cour relève que le formulaire de Requête a été accompagné d’un pouvoir intitulé « délégation » dans lequel les requérants individuels ont indiqué leurs noms et apposé leurs signatures, en soulignant qu’ils entendaient être représentés dans la procédure devant la Cour « engagée afin d’obtenir la réparation de leur préjudice», par M. Ioan Guseila. Ils ont précisé ultérieurement vouloir saisir la Cour tant au nom de l’association requérante qu’en leur nom propre. Partant, la Cour considère qu’elle dispose d’éléments suffisants pour établir sans équivoque l’intention de ces requérants individuels de la saisir en leur nom propre (voir, a contrario, Pana et autres c. Roumanie (déc.), no 3240/03, § 69, 15 novembre 2011). Il convient donc de rejeter l’exception du Gouvernement pour cette partie de la Requête.
  66. B.  Sur les exceptions du Gouvernement tirées du non-épuisement des voies de recours internes et du non-respect du délai de six mois


  67. .  Le Gouvernement considère que les requérants individuels, à l’exception de M. Ioan Guseila, n’ont pas saisi la Cour dans le délai de six mois. A cet égard, il indique qu’aucun des requérants individuels, à l’exception de M. Ioan Guseila, n’a contesté l’ordonnance du 12 juin 2001 par laquelle le parquet a clôturé la poursuite pénale pour prescription. Il plaide également qu’il ne ressort pas du dossier que les requérants individuels aient donné mandat à M. Ioan Guseila ou à l’association requérante pour former une plainte en leur nom contre cette ordonnance.

  68. .  Le Gouvernement note également que les requérants Dioanca Gabriel et Stefan Elena n’ont pas formé de recours contre le jugement du 15 juin 2000 du tribunal de première instance de Bucarest, et que pour eux la procédure a été donc finalisée à cette dernière date.

  69. .  M. Ioan Guseila réplique que tous les membres de l’association requérante, qui étaient très âgés, lui avaient donné un mandat de représentation générale pour qu’il les représente dans la procédure interne.

  70. .  La Cour note que ces exceptions ne concernent plus les requérants mentionnés aux paragraphes 50 et 51 ci-dessus. Elle rappelle ensuite que, aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes. Tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux États contractants, à savoir éviter ou redresser les violations alléguées contre lui (Ben Salah Adraqui et Dhaime c. Espagne (déc.), no 45023/98, CEDH 2000-IV, et Merger et Cros c. France (déc.), no 68864/01, 11 mars 2004).

  71. .  D’après les documents à la disposition de la Cour, seul M. Ioan Guseila a poursuivi la procédure interne après que l’ordonnance du parquet du 12 juin 2001 a été rendue. Il ne ressort pas du dossier et les juridictions nationales n’ont pas retenu dans leurs jugements que M. Ioan Guseila ait agi également en tant que représentant des autres requérants individuels. Dès lors, il convient de conclure que ces derniers n’ont pas valablement épuisé les voies de recours internes. Il s’ensuit que la partie de la Requête concernant les requérants individuels, à l’exception de M. Ioan Guseila, doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  72. C.  Sur les autres motifs d’irrecevabilité


  73. .  Invoquant l’article 6 de la Convention, M. Ioan Guseila se plaint de ce qu’il n’a pas eu accès à un tribunal et de ce qu’il n’a pas bénéficié au niveau national d’un double degré de juridiction. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, il se plaint de l’impossibilité de récupérer les sommes investies ainsi que les intérêts y afférents.
  74. 1.  Quant au droit d’accès à un tribunal


  75. .  Le requérant considère que les autorités internes ont ajourné délibérément la procédure pour qu’elle aboutisse à la prescription et leur reproche d’avoir omis de trancher son action civile.

  76. .  Le Gouvernement souligne qu’en l’espèce l’action pénale a été conclue par le constat de la prescription devant les organes de poursuite pénale et que selon le droit interne le parquet n’était pas compétent de trancher l’action civile (paragraphe 37 ci-dessus). Il indique que l’intéressé avait eu la possibilité de saisir dès le début les juridictions civiles, d’une action civile séparée (paragraphe 36 ci-dessus), possibilité qu’il gardait également après la clôture des poursuites pénales. L’obligation pour le requérant d’introduire une action civile séparée devant les juridictions civiles ne peut être considéré excessive, compte tenu des compétences limitées du procureur, de la nature juridique de la plainte formulée contre l’ordonnance de non-lieu et de la nécessité d’assurer la cohérence du système judiciaire.

  77. .  La Cour rappelle d’emblée que, dans la mesure où le requérant invoque une atteinte de son droit d’accès à un tribunal en vue de l’établissement de la responsabilité pénale de C.I. et des autres personnes mises en cause, l’article 6 ne garantit pas le droit de faire poursuivre ou condamner pénalement des tiers (voir, parmi d’autres, Perez c. France [GC], no 47287/99, § 70, CEDH 2004-I). La question qui se pose dès lors dans la présente espèce est de savoir si le fait que les juridictions pénales n’ont pas examiné l’action civile du requérant, a porté atteinte au droit de l’intéressé d’avoir accès à un tribunal en matière civile.

  78. .  La Cour rappelle à cet égard que l’article 6 § 1 consacre le droit à un tribunal, dont le droit d’accès, à savoir le droit de saisir le tribunal en matière civile, constitue un aspect. Ce droit n’est toutefois pas absolu : il se prête à des limitations implicitement admises car il commande de par sa nature même une réglementation par l’État. Les États contractants jouissent en la matière d’une certaine marge d’appréciation. Il appartient pourtant à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention (Atanasova c. Bulgarie, no 72001/01, § 37, 2 octobre 2008).

  79. .  Elle note qu’en droit roumain, lorsque le tribunal est saisi du bien-fondé d’une plainte pénale avec constitution de partie civile et qu’il est amené à constater la prescription de la responsabilité pénale, il peut toutefois décider d’examiner l’action civile (paragraphe 38 ci-dessus et voir, a contrario, Atanasova précité, § 23 et Anagnostopoulos c. Grèce, no 54589/00, § 19, 3 avril 2003). Dans la présente affaire, toutefois, ce n’est pas le tribunal qui a clôturé les poursuites pénales pour cause de prescription mais le parquet. Or, ce dernier n’est pas compétent pour trancher le volet civil d’une affaire. En conséquence, le tribunal qui a rejeté la plainte du requérant contre l’ordonnance constatant la cessation de l’affaire n’était compétent que pour vérifier la légalité et le bien-fondé de la décision du parquet.

  80. .  La Cour relève également que dans d’autres affaires où était en cause l’absence d’examen d’une action civile en raison de l’irrecevabilité ou de la clôture des poursuites pénales dans le cadre desquelles celle-ci avait été introduite, elle a tenu compte de l’existence d’autres voies ouvertes aux requérants pour faire valoir leurs prétentions. Dans les cas où les requérants disposaient de recours accessibles et efficaces, elle a conclu à l’absence de violation du droit d’accès à un tribunal (Ernst et autres c. Belgique, no 33400/96, §§ 53-55, 15 juillet 2003 et Forum Maritime S.A. c. Roumanie, nos 63610/00 et 38692/05, §§ 91-93, 4 octobre 2007).

  81. .  En l’espèce, le droit interne pertinent permettait au requérant de saisir les juridictions civiles d’une demande en réparation dès le moment des faits, la condamnation au pénal n’étant pas une condition sine qua non pour une demande en compensation. En effet, il avait le choix entre l’action civile devant les juridictions de droit civil et la constitution de partie civile dans le cadre de sa plainte pénale. Cela étant, le requérant n’a fait aucune démarche devant les juridictions civiles. Il a choisi de son plein gré, alors que l’action civile séparée était déjà prescrite (paragraphe 41 ci-dessus), de se constituer partie civile dans la cadre de sa plainte pénale, une voie probablement plus simple et moins onéreuse mais encourant le risque que les autorités saisies ne puissent pas examiner son action civile.

  82. .  Dans les circonstances de l’espèce, la Cour estime que le défaut d’examen de l’action civile du requérant dans la cadre de sa plainte pénale n’a pas porté atteinte à la substance même de son droit d’accès à un tribunal. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.
  83. 2.  Quant au droit à un double degré de juridiction


  84. .  La Cour rappelle que l’article 6 de la Convention ne garantit pas le droit de faire poursuivre ou condamner pénalement des tiers (voir, parmi d’autres, Perez c. France [GC], no 47287/99, § 70, CEDH 2004-I). Dès lors, cet article n’est pas applicable au volet pénal de la plainte de l’intéressé. En outre, la Convention ne garantit pas comme tel un double degré de juridiction en matière civile (Iorga c. Roumanie, no 4227/02, § 44, 25 janvier 2007). Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 (a) et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
  85. 3.  Quant au droit du requérant au respect de ses biens


  86. .  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, le requérant se plaint de l’impossibilité de récupérer les sommes investies dans les actions de la société S.A. Rompetrol S.A. ainsi que les intérêts y afférents. Cependant, la Cour vient de constater que le requérant aurait pu saisir les juridictions nationales d’une action civile séparée pour récupérer son préjudice et que son droit d’accès à un tribunal n’a pas été méconnu. Dès lors, le requérant n’a pas fait usage d’une voie de recours qui lui était disponible en droit interne (voir, mutatis mutandis, Forum Maritime S.A. c. Roumanie, nos 63610/00 et 38692/05, §§ 91-93, 4 octobre 2007). Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  87. D.  Sur le bien-fondé du grief tiré de la durée de la procédure


  88. .  Pour ce qui est du grief du requérant tiré de l’articles 6 de la Convention et portant sur la durée de la procédure, la Cour constate qu’il n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  89. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  90. .  Le requérant allègue que son droit à voir sa cause jugée dans un délai raisonnable a été méconnu, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans sa partie pertinente :
  91. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  92. .  Il estime que la durée de la procédure est due exclusivement au comportement des autorités qui ont accepté facilement l’ajournement de la procédure pour qu’elle aboutisse à la prescription de l’action pénale.

  93. .  Le Gouvernement fait valoir que la durée de la procédure est justifiée en l’espèce par la complexité particulière de l’affaire. A cet égard, il relève le nombre très élevé des parties dans la procédure et la qualification juridique difficile des faits. Il souligne l’absence de périodes d’inactivité imputables aux autorités.

  94. .  Le requérant ayant porté plainte avec constitution de partie civile, il ne fait pas de doute pour la Cour que l’article 6 § 1 sous son volet civil est applicable à la procédure, dans la mesure où l’action civile en cause ne vise pas des fins purement répressives (Perez, précité, §§ 70- 71 et Gorou c. Grèce (no 2) [GC], no 12686/03, § 26 in fine, 20 mars 2009).

  95. .  La Cour note ensuite que la période à prendre en considération a débuté le 20 juin 1994, date de la prise d’effet de la reconnaissance du droit de recours individuel par la Roumanie, date à laquelle le requérant s’était déjà constitué partie civile dans le cadre de la procédure pénale. La procédure a pris fin par l’arrêt définitif du 20 décembre 2002 de la cour d’appel de Bucarest. Dès lors, la durée de la procédure à prendre en compte est de huit ans et six mois pour deux degrés de juridiction.

  96. .  Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour en la matière, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

  97. .  L’affaire en cause portait sur l’action civile engagée par le requérant dans le cadre d’une plainte pénale afin d’obtenir la réparation de son préjudice subi à la suite d’une prétendue infraction reprochée à des tiers.

  98. .  Tout en prenant en compte la complexité de l’affaire, la Cour estime un certain nombre de délais imputables aux autorités dans le cours de la procédure. En premier lieu, quatre ans se sont écoulés entre le 16 mai 1996, date du renvoi de l’affaire devant le tribunal départemental de Bucarest, et le 15 juin 2000, date du premier jugement portant sur le fond rendu par ce tribunal. Ce premier jugement ayant été cassé en raison de la qualification juridique incorrecte des faits, l’enquête pénale a redémarré plus de sept ans après les événements en cause. Après ce renvoi du dossier à la police, la procédure s’est terminée en vertu de la prescription, empêchant ainsi le requérant d’obtenir une décision sur le bien-fondé de la demande qu’il avait formulée dans le cadre de la procédure pénale (Textile Traders, Ltd c. Portugal, no 52657/99, § 27, 27 février 2003).

  99. .  Quant à l’attitude du requérant, elle ne semble pas avoir été à l’origine de retards injustifiés.

  100.  En conclusion, après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et à la lumière des critères établis par sa jurisprudence, la Cour estime que la durée de la procédure en l’espèce n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable », en violation de l’article 6 § 1.
  101. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    81.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  102. .  Le requérant réclame 140 424 dollars américains (USD) au titre du préjudice matériel, somme qui représente l’investissement de tous les requérants individuels dans l’opération menée par C.I., réactualisée de 1993 à 2011. Il réclame également 380 000 USD au titre du préjudice moral subi par tous les requérants individuels dans la procédure.

  103. .  Le Gouvernement indique qu’aucune instance nationale n’a confirmé que les requérants aient subi un préjudice. Il estime que la somme sollicitée au titre du préjudice moral est excessive.

  104. .  Concernant le préjudice matériel allégué, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité avec la violation constatée et rejette par conséquent cette partie de la demande. En revanche, elle considère que le requérant a supporté un dommage moral du fait de la violation constatée de l’article 6 § 1 de la Convention et qu’il y a lieu de lui octroyer 2 250 EUR au titre du préjudice moral.
  105. B.  Frais et dépens


  106. .  Le requérant demande également 200 USD pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. Il fournit des justificatifs pour une partie de ces frais. Il demande également à la Cour le remboursement des frais qu’il aurait engagés pour des consultations juridiques, somme qu’il laisse à l’appréciation de la Cour.

  107. .  Le Gouvernement estime qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les violations alléguées et les frais et dépens dont la restitution est demandée. Il invite la Cour à octroyer au requérant uniquement les frais encourus dans la procédure devant la Cour.

  108. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 50 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.
  109. C.  Intérêts moratoires


  110. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  111. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide de rayer la Requête du rôle pour ce qui est des requérants Mihai Cristea, Ana Cristea et Dinca Pompiliu ;

     

    2.  Déclare la Requête recevable pour ce qui est du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention relatif à la durée de la procédure soulevé par le requérant M. Ioan Guseila, et irrecevable pour le surplus ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de la procédure ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, M. Ioan Guseila, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement) :

    i)  2 250 EUR (deux mille deux cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  50 EUR (cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 juin 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président


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