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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> RAMOS FERREIRA AND OTHERS v. PORTUGAL - 23321/11 71007/11 71014/11 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 693 (16 July 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/693.html
Cite as: [2013] ECHR 693

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE RAMOS FERREIRA ET AUTRES c. PORTUGAL

     

    (Requêtes nos 23321/11, 71007/11 et 71014/11)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    16 juillet 2013

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Ramos Ferreira et autres c. Portugal,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

                Guido Raimondi, président,
                Peer Lorenzen,
                Dragoljub Popović,
                András Sajó,
                Nebojša Vučinić,
                Paulo Pinto de Albuquerque,
                Helen Keller, juges,
    et de Stanley Naismith, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 juin 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouvent trois Requêtes (nos 23321/11, 71007/11 et 71014/11) dirigées contre la République portugaise et dont dix ressortissants de cet Etat, Mme Maria da Nazaré Ramos Ferreira, M. António José Ramos Silvestre Ferreira, M. Pedro Manuel Ramos Silvestre Ferreira, Mme Ana Isabel Barros Silvestre Ferreira Bicó, M. Miguel Barros Silvestre Ferreira (Requête no 23321/11), Mme Carmina Cândida Correia Martins Caiado, Mme Maria Teresa Correia Martins Caiado Bolas (Requête n71007/11), M. Francisco José Martins Caiado, M. José Miguel André Martins Caiado et M. Paulo Jorge André Martins Caiado (Requête no 71014/11), (« les requérants »), ont saisi la Cour le 1er avril 2011 et le 7 novembre 2011 respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Les requérants ont été représentés par Me B. Bagulho Albino, avocat à Lisbonne et, s’agissant de M. Pedro Manuel Ramos Silvestre Ferreira, par Me A. Ferraz de Andrade. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme M. F. Carvalho, procureur général adjoint.

  3. .  Les requérants alléguaient que la fixation et le paiement tardifs d’une indemnisation consécutive à l’expropriation de leurs terrains avaient porté atteinte au droit au respect de leurs biens.

  4. .  Le 12 mars 2012, les Requêtes ont été communiquées au Gouvernement.
  5. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  6. .  Les requérants sont nés respectivement en 1923, 1948, 1955, 1969, 1974, 1916, 1957, 1953, 1969 et 1968 et résident à Ferreira do Alentejo, Lisbonne, Faro et Vendas Novas (Portugal).

  7. .  Les présentes Requêtes concernent l’expropriation de divers terrains en 1975 dans le cadre de la politique relative à la réforme agraire au Portugal.

  8. .  La législation pertinente en la matière prévoyait que les propriétaires pouvaient, sous certaines conditions, exercer leur droit de « réserve » (direito de reserva) sur une partie des terrains afin d’y poursuivre leurs activités agricoles. Elle prévoyait par ailleurs l’indemnisation des intéressés. Le montant, le délai et les conditions de paiement d’une telle indemnisation restaient à définir.
  9. A.  Requête no 23321/11


  10. .  Les requérants Mme Maria da Nazaré Ramos Ferreira, M. António José Ramos Silvestre Ferreira, M. Pedro Manuel Ramos Silvestre Ferreira, Mme Ana Isabel Barros Silvestre Ferreira Bicó et M. Miguel Barros Silvestre Ferreira sont les héritiers de M. António Francisco Silvestre Ferreira, décédé le 2 avril 2010, lequel était propriétaire de plusieurs terrains d’une superficie totale de 3 291,17 hectares. Ceux-ci firent l’objet d’une expropriation en 1975 dans le cadre de la politique relative à la réforme agraire.

  11. .   A une date non précisée, ce dernier exerça son droit de réserve et récupéra l’ensemble des terrains, à l’exception de 30, 25 hectares.

  12. .  Les 22 mars 1999, 9 avril 2004 et 27 octobre 2005, le ministère de l’Agriculture proposa l’attribution d’une somme globale à titre d’indemnisation pour les dommages subis du fait de l’expropriation temporaire de ses propriétés et l’expropriation définitive d’une de ses parties. Le propriétaire originaire des terrains contesta successivement ces propositions.
  13. 11.  Par des arrêtés ministériels conjoints du ministre de l’Agriculture et du secrétaire d’Etat au Trésor en date du 10 mai 2010 et du 23 août 2010, respectivement, portés à la connaissance des requérants le 7 octobre 2010, une indemnisation définitive fut fixée à 136 769 543 escudos portugais (PTE), soit 682 203,60 euros (EUR). De cette somme devaient être déduits 4 992 878 PTE, soit 24 904,37 EUR et 7 674 826 PTE, soit 38 281,87 EUR qui avaient déjà été respectivement payés au propriétaire originaire, à titre d’indemnisation provisoire, et, en surplus, pendant l’exploitation des terrains en cause.

    12.  Le 18 février 2011, l’indemnisation majorée de 530 916,05 EUR, à titre d’intérêts, fut versée aux requérants.

    B.  Requête no 71007/11


  14. .  Les requérantes Mme Carmina Cândida Correia Martins Caiado et Mme Maria Teresa Correia Martins Caiado Bolas sont les héritières de M. Virgílio Martins Caiado, décédé le 27 janvier 2001, lequel était propriétaire de plusieurs terrains d’une superficie totale de 2 038, 85 hectares. Ceux-ci firent l’objet d’une expropriation en 1975 dans le cadre de la politique relative à la réforme agraire.

  15. .  A une date non précisée, ce dernier exerça son droit de réserve et récupéra l’ensemble des terrains.

  16. .  Les 14 février 2002 et 18 juillet 2003, le ministère de l’Agriculture proposa l’attribution d’une somme globale à titre d’indemnisation pour les dommages subis du fait de l’expropriation temporaire des propriétés. Les requérantes contestèrent ces propositions.

  17. .  Par des arrêtés ministériels conjoints du ministre de l’Agriculture et du secrétaire d’Etat au Trésor en date du 16 février 2011 et du 12 avril 2011, respectivement, portés à la connaissance des requérantes le 4 juillet 2011, une indemnisation définitive fut fixée à 78 618 800 PTE, soit 392 148,92 EUR.
  18. 17.  Le 17 janvier 2012, l’indemnisation majorée de 367 389,35 EUR, à titre d’intérêts, fut versée aux requérantes.

    C.  Requête no 23321/11

    18.  Les requérants M. Francisco José Martins Caiado, M. José Miguel André Martins Caiado et M. Paulo Jorge André Martins Caiado sont les héritiers de M. Horácio Martins Caiado, décédé le 6 mai 1994, lequel était propriétaire de plusieurs terrains d’une superficie totale de 2 636, 275 hectares. Ceux-ci firent l’objet d’une expropriation en 1975 dans le cadre de la politique relative à la réforme agraire.


  19. .  A une date non précisée, ce dernier exerça son droit de réserve et récupéra l’ensemble des terrains.

  20. .  Les 3 février 1999, 14 février 2002, 18 juillet 2003, le ministère de l’Agriculture proposa l’attribution d’une somme globale à titre d’indemnisation pour les dommages subis du fait de l’expropriation temporaire des propriétés. Les requérants contestèrent ces propositions.

  21. .  Par des arrêtés ministériels conjoints du ministre de l’Agriculture et du secrétaire d’Etat au Trésor en date du 16 février 2011 et du 12 avril 2011, respectivement, portés à la connaissance des requérants le 4 juillet 2011, une indemnisation définitive fut fixée à 74 259 542 PTE, soit 370 405,03 EUR.
  22. 22.  Le 12 mai 2011, l’indemnisation majorée de 352 451,82 EUR, à titre d’intérêts, fut versée aux requérantes.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS


  23. .  L’arrêt Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres c. Portugal (nos 29813/96 et 30229/96, CEDH 2000-I) décrit, en ses paragraphes 31 à 37, le droit et la pratique internes pertinents en matière de réforme agraire. Il convient d’ajouter que le Tribunal constitutionnel a confirmé sa jurisprudence en la matière (arrêt Almeida Garrett précité, § 37) par son arrêt no 85/03/T du 12 février 2003.
  24. EN DROIT

    I.  SUR LA JONCTION DES RequêteS

    24.  Compte tenu de la similitude des affaires quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1


  25. .  Les requérants allèguent que le montant des indemnisations définitives versées ne saurait correspondre à une « juste indemnisation » et se plaignent du retard dans la fixation et le paiement de celles-ci.

  26. .  A l’appui de leurs griefs, les requérants invoquent la violation des articles 6 et 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole nº 1 à la Convention.

  27. .  Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil des arrêts et décisions 1998-I), la Cour estime que l’affaire doit être examinée uniquement à la lumière de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, lequel est ainsi libellé :
  28. « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

    Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »


  29. .  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
  30. A.  Sur la recevabilité


  31. .  En ce qui concerne le grief portant sur le montant de l’indemnisation ayant été attribuée au niveau interne, la Cour rappelle d’emblée ne pas être compétente pour examiner les questions directement liées à la privation de propriété, ni, a fortiori, celles relatives au montant des indemnisations, lesquels se trouvent en dehors de sa compétence ratione temporis (Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres précité, §§ 43 et 48).

  32. .  A l’exception de ce qui précède, la Cour constate que les Requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’elles ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.
  33. B.  Sur le fond


  34. .  La Cour rappelle qu’elle a déjà été appelée à examiner des affaires similaires, s’agissant de la politique d’indemnisation des nationalisations et expropriations ayant eu lieu au Portugal en 1975 (voir l’arrêt Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres précité et, en dernier lieu, Colares Pereira Fernandes Soares c. Portugal, no 43359/07, 22 mai 2012). Dans toutes ces affaires, elle a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole n1, considérant que les intéressés avaient eu à supporter une charge spéciale et exorbitante ayant rompu le juste équilibre devant régner entre, d’une part, les exigences de l’intérêt général et, d’autre part, la sauvegarde du droit au respect des biens.

  35. .  La Cour n’aperçoit pas de motifs justifiant de s’écarter de cette jurisprudence dans les présentes affaires.

  36. .  Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.
  37. III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


  38. .  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
  39. « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    35.  Les requérants de la Requête no 23321/11 réclament 793 437,05 euros (EUR), conjointement, et 10 000 EUR, chacun, au titre du préjudice matériel et moral respectivement subi.

    36.  Les requérantes de la Requête no 71007/11 réclament 482 972,31 EUR, conjointement, et 10 000 EUR, chacune, au titre du préjudice matériel et moral respectivement subi.

    37.  Les requérants de la Requête no 71014/11 réclament 452 201,32 EUR, conjointement, et 10 000 EUR, chacun, au titre du préjudice matériel et moral respectivement subi.

    38.  Le Gouvernement conteste ces demandes.

    39.  La Cour relève, conformément à sa jurisprudence constante en la matière, que les requérants ont pu subir un préjudice matériel, correspondant à la différence entre les intérêts à recevoir aux termes de la législation pertinente et la dépréciation monétaire au Portugal pendant la période concernée, qui a débuté le 9 novembre 1978, date de l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard du Portugal, et s’est terminée à la date de mise à disposition des requérants de l’indemnisation en cause. En effet, les sommes que les requérants devaient recevoir n’ont pas été mises à leur disposition dans les délais prévus par la législation interne pertinente et le taux d’intérêt moratoire était trop faible par rapport à la dépréciation de la monnaie pendant la période concernée (voir Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres c. Portugal (satisfaction équitable), nos 29813/96 et 30229/96, §§ 22 et 23, 10 avril 2001).


  40. .  Etant donné que le caractère adéquat d’un dédommagement risque de diminuer si le paiement de celui-ci fait abstraction d’éléments susceptibles d’en réduire la valeur, tel l’écoulement d’un laps de temps considérable, qu’il faut aussi l’assortir d’intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps s’étant écoulé depuis la dépossession du terrain (voir, mutatis mutandis, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 258, CEDH 2006-V), la Cour juge raisonnable de dédommager le préjudice matériel des requérants moyennant l’application d’un taux d’intérêt compensatoire annuel de 6 %, pour la période entre le 9 novembre 1978 et la date de paiement des indemnisations internes, sur les montants au principal de ces mêmes indemnisations internes, tels que fixés par les arrêtés ministériels rendus dans chaque affaire (voir, parmi d’autres, Costa Capucho et autres c. Portugal, 15723/05, du 15 janvier 2008, § 19 ; Sousa Carvalho Seabra c. Portugal, no 25025/05, § 20, 16 décembre 2008). Aux sommes ainsi obtenues doivent être ensuite déduits les montants versés aux requérants à titre d’intérêts et de subventions diverses, tels que calculés aux termes de la législation interne pertinente par les services compétents de l’administration.
  41. 41.  La Cour décide ainsi d’allouer conjointement aux requérants, pour chaque Requête, respectivement, la somme de 726 644 EUR, pour la Requête no 23321/11, la somme de 413 314 EUR, pour la Requête no 71007/11 et la somme de 369 715 EUR pour la Requête no 71014/11.

    42.  En ce qui concerne le dommage moral, la Cour décide d’octroyer la somme de 1 000 EUR conjointement aux requérants pour chaque Requête.

    B.  Frais et dépens


  42. .  Pour chaque Requête, les requérants demandent également 20 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

  43. .  Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

  44. .  Conformément à sa pratique dans ce type d’affaires et en tenant compte des documents soumis par les requérants, la Cour décide d’octroyer à titre de frais et dépens la somme forfaitaire de 2 000 EUR aux requérants conjointement, pour chaque Requête.
  45. C.  Intérêts moratoires


  46. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  47. PAR CES MOTIFS, LA COUR,

    1.  Décide à l’unanimité de joindre les Requêtes ;

     

    2.  Déclare, à l’unanimité, les Requêtes recevables pour autant qu’elles concernent le retard dans la fixation et le paiement de l’indemnisation définitive, et irrecevables pour le surplus ;

     

    3.  Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole n1 de la Convention ;

     

    4.  Dit, par six voix contre une,

    a)  que l’Etat défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

    i)  Requête no 23321/11 : 726 643 EUR (sept cent vingt six mille six cent quarante quatre euros) pour dommage matériel, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et dépens aux requérants, conjointement, en leur qualité d’héritiers de M. António Francisco Silvestre Ferreira ;

    ii)  Requête no 71007/11 : 413 314 EUR (quatre cent treize mille trois cent quatorze euros) pour dommage matériel, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et dépens aux requérantes, conjointement, en leur qualité d’héritières de M. Virgílio Martins Caiado ;

    iii)  Requête no 71014/11 : 369 715 EUR (trois cent soixante-neuf mille sept cent quinze euros) pour dommage matériel, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et dépens aux requérants, conjointement, en leur qualité d’héritiers de M. Horácio Martins Caiado ;

    b)  qu’aux sommes accordées ci-dessus, il faut ajouter tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;

    c)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

     

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 juillet 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Stanley Naismith                                                                 Guido Raimondi
            Greffier                                                                               Président

     

    Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Lorenzen.

    G.R.A.
    S.H.N.


     

    OPINION EN PARTIE DISSIDENTE
    DU JUGE LORENZEN

    (Traduction)

    J’ai voté avec la majorité en faveur d’un constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 dans ces affaires. Cependant, je ne peux accepter la façon dont le dommage matériel a été calculé au titre de l’article 41, pour les raisons suivantes.

    La Cour s’est déjà prononcée sur un nombre considérable d’affaires similaires et, jusqu’à juillet 2007, le dommage matériel était, dans la plupart d’entre elles, calculé selon la méthode utilisée par la majorité au paragraphe 40 de l’arrêt (voir, par exemple, Companhia Agricola Cortes e Valbom S.A. c. Portugal, no 24668/05, § 19, 30 septembre 2008). Dans aucune de ces affaires la demande de réparation pour le dommage matériel n’excédait 350 000 euros.

    Toutefois, en juillet 2007, la Cour fut appelée à statuer sur deux Requêtes concernant des biens d’une étendue et d’une valeur considérables (Sociedade Agrícola Herdade da Palma, S.A. c. Portugal, no 31677/04, 10 juillet 2007, et Herdade da Comporta - Actividades Agro Silvícolas e Turísticas S.A., c. Portugal, no 41453/02, 10 juillet 2007). La Cour décida à l’unanimité dans ces affaires de calculer l’indemnisation en équité, déclarant que « [l]e calcul précis d’un tel préjudice se heurte toutefois à des difficultés ». Malgré la portée de la demande et indépendamment du résultat auquel on serait parvenu dans ces affaires avec la méthode antérieurement utilisée, l’indemnisation accordée a été limitée à 350 000 euros.

    Outre les deux affaires de 2008 évoquées dans l’arrêt, cette pratique a été suivie dans toutes les autres affaires depuis lors, soit onze au total depuis 2009 dont, pour les plus récentes Silva Barreira Júnior c. Portugal, nos 38317/06 et 38319/06, 11 janvier 2011, Graça Pina c. Portugal, no 59423/09, 15 février 2011, Companhia Agrícola do Maranhão - CAMAR SA c. Portugal, no 335/10, 22 février 2011 et Passanha Braamcamp Sobral c. Portugal, no 10145/07, 12 avril 2011. Rien ne distingue ces affaires des présentes espèces, et la Cour n’a pas jugé que la question de la méthode de calcul méritait un renvoi en Grande Chambre. De plus, la majorité n’a avancé aucune raison pouvant justifier un nouveau changement de pratique. A mon avis, la Cour aurait donc dû appliquer les mêmes principes pour calculer le dommage matériel. Une déviation aussi flagrante de la pratique établie est incompatible avec le principe de sécurité juridique - auquel la Cour devrait donner une priorité absolue dans sa jurisprudence - et entraîne une différence de traitement injustifiée entre les requérants de ces diverses affaires pourtant analogues.

    En conséquence, je n’aurais pas accordé plus de 350 000 EUR à aucun des requérants au titre du dommage matériel.


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