BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PLECHANOW v. POLAND - 22279/04 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 980 (15 October 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/980.html
Cite as: [2013] ECHR 980

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    QUATRIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE PLECHANOW c. POLOGNE

     

    (Requête no 22279/04)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

    (Satisfaction équitable - Radiation)

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    15 octobre 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Plechanow c. Pologne,

    La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant une chambre composée de :

              Ineta Ziemele, présidente,
              David Thór Björgvinsson,
              Päivi Hirvelä,
              Ledi Bianku,
              Zdravka Kalaydjieva,
              Vincent A. De Gaetano,
              Krzysztof Wojtyczek, juges,
    et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 septembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 22279/04) dirigée contre la République de Pologne et dont trois ressortissants de cet Etat, M. Jerzy Plechanow, Mme Ariadna Plechanow et M. Andrzej Plechanow, (« les requérants »), ont saisi la Cour le 3 juin 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Les requérants ont été représentés par Mme Małgorzata Lechna-Piotrowska, conseillère juridique à Varsovie. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz auquel a succédé Mme Justyna Chrzanowska, du Ministère des affaires Étrangères.

    3.  Les requérants alléguaient, essentiellement qu’ils ont été victimes d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

    4.  Par un arrêt du 7 juillet 2009 (« l’arrêt au principal »), la Cour a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

    5.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requérants réclamaient une satisfaction équitable de 1 025 970 zlotys polonais (PLN).

    6.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et les requérants à lui soumettre par écrit, dans les six mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, p. 20, et point 4 du dispositif).

    7.  Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations.

    EN FAIT

    I.   LES CIRCONSTANCES DE L’ESPECE

    8.  Les requérants, Jerzy Plechanow, Ariadna Plechanow et Andrzej Plechanow, sont des ressortissants polonais nés respectivement en 1953, 1924 et 1955 et résidants à Varsovie.

    9.  Les requérants sont les ayants droit du propriétaire de résidences à Varsovie qui avaient été transférées à la ville en application d’un décret de 1945. Sur le fondement de l’article 160 du code de procédure administrative qui accorde un droit d’indemnisation pour les dommages réels causés par certaines décisions administratives illicites, ils prièrent la commune de Varsovie de les dédommager à la suite d’une décision de la commission locale de recours, rendue en 1999, déclarant illégal le refus opposé par les autorités en 1964 d’accorder à l’ancien propriétaire la propriété provisoire des lieux. Cependant, leurs demandes furent rejetées au motif que c’était le trésor public, et non la commune, qu’il fallait assigner en justice. Cette décision fut confirmée en appel.

    La question de la bonne partie défenderesse dans ces affaires fit l’objet d’interprétations divergentes au sein des tribunaux nationaux, y compris de la Cour administrative suprême, tant avant qu’après le dépôt par les intéressés de leur demande d’indemnisation.

    10.  Invoquant essentiellement l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ils estimaient inéquitables les rejets des demandes d’indemnisation qu’ils avaient formées relativement à l’expropriation de leurs biens.

    11.  Le 7 juillet 2009, la Cour conclut à la violation de l’article 1 du Protocole no 1. Elle estima que l’Etat avait manqué à son obligation positive de prendre des mesures pour préserver le droit des requérants à la jouissance effective de leurs biens et n’avait pas respecté le « juste équilibre » entre les impératifs d’intérêt général et la nécessité de protéger le droit des intéressés.

    La Cour releva que la demande des requérants avait été rejetée au motif que, en application de la jurisprudence constante sur laquelle les juridictions sont ultérieurement revenues, ils n’avaient pas assigné en justice la bonne partie défenderesse.

    Elle constata que les amples réformes administratives entreprises en Pologne depuis les cinquante dernières années avaient amené les tribunaux à déterminer quelles autorités devaient assumer la responsabilité d’organes aujourd’hui inexistants. Les interprétations sans cesse fluctuantes des lois de réforme avaient souvent donné lieu à des divergences de jurisprudence, même au niveau de la Cour suprême. A l’époque où la demande des intéressés avait été examinée ou au cours des années suivantes, la question de la responsabilité du fait des dommages causés par les décisions administratives irrégulières était selon la Cour tout sauf claire.

    La Cour souligna que les divergences de jurisprudence étaient certes la conséquence inhérente à tout système judiciaire qui repose sur un ensemble de juridictions, mais une juridiction suprême avait pour rôle de régler ces contradictions. Or, en l’espèce, même la jurisprudence de la Cour suprême sur les points de droit en question n’était pas uniforme. Si les problèmes auxquels les tribunaux avaient été confrontés en raison des réformes étaient sans doute complexes, il était néanmoins disproportionné selon la Cour de faire peser sur les requérants l’obligation de trouver l’autorité compétente à attaquer et, faute pour eux d’y parvenir, de les priver d’indemnisation.

    12.  La Cour conclut que les intéressés avaient été victimes de réformes administratives nationales, de l’incohérence de la jurisprudence et du droit internes et de l’absence de sécurité juridique en la matière. De ce fait, ils n’avaient pas pu obtenir une réparation suffisante pour le préjudice qu’ils ont subi, en violation de l’article 1 du Protocole no 1.

    13.  La Cour considéra également que la question de l’application de l’article 41 n’était pas en l’état.

    14.  Le 27 mai 2011, la représentante des requérants informa la Cour que postérieurement à l’arrêt de celle-ci les intéressés avaient engagé des actions administratives tendant à annuler les décisions de vente par l’Etat des appartements composant l’ensemble immobilier objet du litige, rendues dans les années 1970-1990 (Plechanow c. Pologne, 22279/04, § 11, 7 juillet 2009). A l’issue de 10 procédures concernant 10 appartements (sur les 19 au total), l’autorité administrative compétente avait conclu que les décisions de vente avaient été rendues en violation de la loi, mais dans la mesure où elles avaient produit des effets sur des tiers (acquéreurs de bonne foi des biens en question) leur annulation n’était pas possible.

    15.  Le 13 avril 2012, la Cour suprême rendit le premier (I CSK 402/11), d’une série (III CZP 28/12 du 21 juin 2012; I CSK 665/11 et I CSK 632/11 du 4 octobre 2012) d’arrêts dans le cadre de litiges soulevant des questions de droit concernant le droit à l’indemnisation, sur le fondement de l’article 160 du code de procédure administrative pour les dommages causés par l’administration publique. La Cour suprême donna une nouvelle interprétation de l’article précité et confirma l’efficacité de l’action en dommages et intérêts à l’encontre du trésor public.

    16.  Le 10 juillet 2012, les requérants présentèrent à la Cour une copie de la demande datée du 27 avril 2012, introduite auprès du tribunal régional de Varsovie tendant à obtenir la somme de 3 218 616 PLN de dommages et intérêts dirigée contre le trésor public et fondée sur l’article 160 du code de procédure administrative.

    La procédure en question est en cours devant le tribunal régional de Varsovie.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    Le droit et la pratiques internes pertinents ont été détaillés dans l’arrêt au principal Plechanow c. Pologne, no 22279/04, §§ 33-72, 7 juillet 2009.

    EN DROIT

    I.  LES ARGUMENTS DES PARTIES

    17.  Le 11 octobre 2012, le Gouvernement a demandé à la Cour de rayer la Requête du rôle dans la mesure où une voie de recours était désormais disponible en droit polonais. Il a invité la Cour à appliquer le principe de subsidiarité et d’accorder aux tribunaux nationaux la possibilité de réparer les erreurs commises dans l’ordre juridique interne. Le gouvernement défendeur a également souligné que compte tenu de la complexité du différend, les tribunaux internes étaient les mieux placés pour évaluer le dommage subi et résoudre le litige en question. Il a conclu en précisant qu’en cas d’échec de la procédure interne, la Cour avait toute liberté de réinscrire la Requête au rôle.

    18.  Le 12 novembre 2012, les requérants ont rejeté les arguments du Gouvernement. Ils ont souligné, sans citer d’exemples, que certes la jurisprudence désormais établie des tribunaux internes en la matière tendait à octroyer des dommages et intérêts à des personnes placées dans la même situation, mais que des décisions contraires avaient également été rendues. Les requérants ont demandé le maintien de leur Requête estimant que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exigeait.

    II.  LA DECISION DE LA COUR

    19.  De nouveaux éléments factuels ont été portés à la connaissance de la Cour après son arrêt constatant la violation. La Cour recherchera donc, si les faits en question permettent de conclure que, pour tout autre motif, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de l’affaire (article 37 § 1 c) de la Convention) (voir Association SOS Attentats et Béatrix de Boëry c. France [GC] (radiation), no 76642/01, § 37, 4 octobre 2006).

    20.  L’article 37 § 1 de la Convention est ainsi libellé :

    « 1. A tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une Requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure

    (...)

    c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la Requête.

    Toutefois, la Cour poursuit l’examen de la Requête si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exige.

    (...) »

    21.  Les parties ont confirmé à la Cour que les requérants avaient engagé une série de procédures administratives tendant à annuler les ventes successives par l’Etat dans les années 1970-1990 des appartements constituant l’ensemble immobilier l’objet du litige. A l’issue de certaines procédures une décision d’annulation de la décision de vente comme contraire à la loi a été rendue et d’autres seraient en cours.

    22.  Il demeure également indiscutable que l’annulation en question ne donnait pas droit à la restitution du bien dans la mesure où il avait été cédé entre temps à des tiers, acquéreurs de bonne foi.

    Dès lors, la seule question qui restait ouverte et avait été soumise à la Cour était celle de savoir si les requérants disposaient d’une voie de recours pour obtenir une réparation suffisante pour le préjudice qu’ils ont subi, en violation de l’article 1 du Protocole no 1.

    23.  Dans son arrêt au principal, la Cour a conclu que les requérants n’ont pas pu obtenir d’indemnisation pour les dommages subis. Elle a également rappelé qu’il incombait aux juridictions suprêmes de régler les divergences de jurisprudences existantes.

    24.  La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Elle souligne aussi que, conformément aux principes dégagés par sa jurisprudence constante, la forme et le montant de la satisfaction équitable tendant à la réparation d’un préjudice diffèrent selon les cas et dépendent directement de la nature de la violation constatée (Sovtransavto Holding c. Ukraine (satisfaction équitable), no 48553/99 §§ 52- 55, 2 octobre 2003 ; Todorova et autres c. Bulgarie (satisfaction équitable), no 48380/99, 51362/99, 60036/00 et 73465/01, §§ 8 et suivants, 24 avril 2008).

    25.  La Cour constate que les exemples de jurisprudence interne cités par le Gouvernement confirment l’efficacité des actions en dommages et intérêts engagées contre le trésor public dans différents types de litiges en général et dans celui concernant les requérants en particulier.

    26.  Les intéressés disposent dès lors, d’une voie de recours de nature à redresser la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention constatée par la Cour, voie dans laquelle ils se sont engagés (§ 16 ci- dessus).

    27.  Après ce constat, la Cour rappelle qu’elle peut rechercher, même à un stade avancé de la procédure, si la Requête se prête à l’application de l’article 37 de la Convention. Pour conclure que le maintien de la Requête par le requérant ne se justifie plus objectivement au sens de l’article 37 § 1 c), la Cour doit examiner, d’une part, la question de savoir si les faits dont les requérants tirent directement grief persistent ou non et, d’autre part, si les conséquences qui pourraient résulter d’une éventuelle violation de la Convention à raison de ces faits ont également été effacées (Pisano c. Italie [GC] (radiation), no 36732/97, § 42, 24 octobre 2002).

    28.  En l’espèce, la Cour avait conclu dans son arrêt sur le fond que les requérants n’avaient pas pu obtenir de réparation suffisante pour le préjudice qu’ils ont subi en violation de l’article 1 du Protocole no 1 du fait d’une incohérence de la jurisprudence. Or, depuis l’adoption de son arrêt, l’incohérence en question a été réglée et les voies de recours existantes se sont avérées efficaces dans des situations similaires (§ 15 ci-dessus). La Cour rappelle par ailleurs que les requérants ont choisi de s’engager dans cette voie et que la procédure est pendante devant le tribunal régional de Varsovie.

    29.  La Cour estime alors qu’en vertu du principe de subsidiarité il ne se justifie pas pour elle de poursuivre l’examen d’une Requête ayant exactement le même objet que celle menée devant les juridictions internes (article 37 § 1 c).

    30.  La Cour observe également que les juridictions nationales sont sans conteste les mieux placées pour évaluer le préjudice subi et disposent de moyens juridiques adéquats pour mettre un terme à une violation de la Convention et d’en effacer les conséquences.

    31.  Par ailleurs, la Cour est convaincue que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen des Requêtes (article 37 § 1 in fine).

    En conséquence, il y a lieu de rayer du rôle la partie de l’affaire relative à la question de l’article 41 de la Convention.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    Décide de rayer du rôle la partie de l’affaire relative à la question de l’article 41 de la Convention.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Françoise Elens-Passos                                                           Ineta Ziemele
           Greffière                                                                             Présidente


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/980.html