BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> DELTA PEKARNY A.S. v. THE CZECH REPUBLIC - 97/11 - Chamber Judgment (French Text) [2014] ECHR 1014 (02 October 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1014.html
Cite as: [2014] ECHR 1014

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE DELTA PEKÁRNY A.S. c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

     

    (Requête no 97/11)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    2 octobre 2014

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire DELTA PEKÁRNY a.s. c. République tchèque,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

              Mark Villiger, président,
              Angelika Nußberger,
              Boštjan M. Zupančič,
              Ganna Yudkivska,
              Vincent A. De Gaetano,
              André Potocki,
              Aleš Pejchal, juges,
    et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 août 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 97/11) dirigée contre la République tchèque et dont une société anonyme de droit tchèque, DELTA PEKÁRNY a.s. (« la société requérante »), a saisi la Cour le 22 décembre 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  La société requérante a été représentée par Me P. Dejl, avocat au barreau tchèque. Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V.A. Schorm.

    3.  La société requérante allègue en particulier que l’inspection effectuée dans ses locaux selon le droit de la concurrence a enfreint son droit au respect du domicile et de la correspondance et qu’elle ne dispose pas d’un recours effectif à cet égard.

    4.  Le 27 septembre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  La requérante est une société anonyme de droit tchèque, ayant son siège social à Brno.

    6.  Le 19 novembre 2003, soit avant l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne en date du 1er mai 2004, une procédure administrative fut ouverte par l’Autorité de la concurrence tchèque (Úřad pro ochranu hospodářské soutěže, ci-après l’« Autorité ») à l’encontre de la société requérante et de deux autres sociétés. La société requérante en fut informée le jour même par une notification signée par le directeur supérieur de l’Autorité, qui mentionnait comme objet de la procédure une possible violation de l’article 3 § 1 de la loi no 143/2001 sur la protection de la concurrence économique (ci-après la « Loi ») consistant en une entente présumée sur les prix de vente de produits boulangers, et qui contenait une information sur les droits et obligations des parties telles qu’elles ressortaient des articles 21 §§ 4 et 5, 22 § 1 a) et 4, et 24 de la Loi. Cette notification fut remise aux représentants de la société requérante au moment où les agents de l’Autorité se rendirent dans ses bureaux situés à Brno et à Prague pour y effectuer une inspection en vertu de l’article 21 § 4 de la Loi. La notification fut accompagnée d’une autorisation à effectuer l’inspection (qui ne fut pas soumise à la Cour), établie par l’Autorité ; selon la société requérante, cette autorisation comportait uniquement les noms des agents chargés de l’inspection.

    A.  Déroulement de l’inspection

    7.  La présente requête concerne l’inspection dans les bureaux du département commercial à Prague, effectuée par trois agents de l’Autorité en présence de quatre représentants de la société requérante, à savoir K., directeur chargé du développement, des coentreprises et du marketing, J., directeur exécutif, P., directrice du service du personnel, et S., directrice du service juridique. Aucun tiers n’assista à l’inspection.

    8.  Le procès-verbal relatif au déroulement de l’inspection indique comme motif et but de l’inspection l’examen des documents aux fins de la procédure administrative susmentionnée, et contient une instruction sur les dispositions des articles 21 §§ 4 et 5, 22 § 1 a) et 4, et 24 de la Loi.

    9.  Selon le procès-verbal, l’inspection débuta dans le bureau de K. par l’examen de sa correspondance électronique. K. permit aux agents d’accéder à tous ses courriels ; les copies de certains d’entre eux furent emportées par les agents. Ceux-ci demandèrent ensuite de pouvoir s’entretenir avec le président ou le vice-président du conseil d’administration ou avec J. et M., directeur commercial, et d’avoir accès à leurs bureaux. K. répondit qu’il ne savait pas où se trouvaient les bureaux de ces derniers car ils étaient en train de déménager. J. indiqua que son bureau se trouvait dans une autre ville et que le président et le vice-président du conseil n’étaient pas présents. Seul le bureau de M. fut ensuite rendu accessible aux agents qui constatèrent que l’ordinateur de M. avait été débranché et emporté ; par téléphone, M. expliqua aux agents qu’il était en déplacement. Les agents demandèrent donc d’avoir accès à la correspondance électronique de J. dont l’ordinateur se trouvait dans le bureau de M. Une discussion eut alors lieu entre un agent et P., J. et S. ; évoquant que l’ordinateur pouvait contenir une correspondance privée sujette au secret, ces derniers firent valoir que l’Autorité ne pouvait pas accéder à cette correspondance, malgré les assurances de agents que la correspondance ne serait ni saisie ni imprimée. Ensuite, sans avoir indiqué les adresses dont pouvait émaner une éventuelle correspondance privée, J. autorisa les agents à consulter uniquement la correspondance qu’il désigna comme non privée, ; il refusa également de dévoiler trois e-mails envoyés respectivement par P., K. et un autre employé de la société. L’inspection dans le bureau de M. se termina lorsque J. refusa la poursuite de l’examen de sa correspondance en fermant l’ordinateur et en expliquant qu’il devait partir pour des raisons professionnelles.

    10.  Le procès-verbal contient en outre la liste de sept documents dont les copies furent remises aux agents qui demandèrent également de se faire envoyer d’autres informations. Selon les représentants de la société requérante présents à l’inspection, les copies desdits documents avaient été obtenues de manière illégale, sans l’accord de la société et des personnes à qui ces documents étaient destinés, alors que leur contenu n’était pas lié à l’objet de la procédure administrative et qu’ils étaient couverts par le secret commercial. À la fin, K. reprit deux des sept documents, indiquant qu’il s’agissait de sa correspondance privée qui n’était pas liée à l’objet de la procédure administrative, et refusa de les restituer.

    11.  Compte tenu du fait que S. et K. n’avaient pas été présents pendant toute la durée de l’inspection dans les deux bureaux et ne pouvaient donc pas attester de l’ensemble du déroulement de l’inspection, ils refusèrent de signer le procès-verbal.

    B.  Procédure relative à l’amende infligée à la société requérante

    12.  Le 30 décembre 2003, l’Autorité infligea à la société requérante, en vertu de l’article 22 § 1 a) de la Loi, une amende de 300 000 CZK (environ 11 500 EUR) pour ne pas lui avoir permis d’examiner l’intégralité des données électroniques à caractère commercial se trouvant dans ses locaux et pour s’être opposée à la réalisation de l’inspection en reprenant deux des documents remis. Ainsi, la société requérante aurait enfreint ses obligations découlant de l’article 21 §§ 4 et 5 de la Loi, qui limitait le droit au respect du secret de la correspondance.

    13.  Le 4 mars 2005, le président de l’Autorité, saisi du recours de la requérante, confirma la décision du 30 décembre 2003. Se référant à la jurisprudence de la Cour et de la Cour constitutionnelle, il releva que l’article 21 §§ 4 et 5 de la Loi constituait une loi au sens de l’article 8 § 2 de la Convention et permettait de restreindre les droits garantis par l’article 8 § 1 dans le but de protéger non seulement la stabilité économique et l’équilibre de la concurrence en République tchèque mais aussi l’intérêt de chaque acteur sur le marché à une concurrence équitable. En l’espèce, les agents de l’Autorité avaient agi conformément auxdites dispositions, les preuves obtenues l’avaient été de manière régulière et les droits de J. et K. n’avaient pas été méconnus ; ceux-ci avaient en revanche manqué de coopérer lorsqu’ils avaient refusé de séparer la correspondance privée et commerciale.

    14.  La société requérante attaqua la décision du 4 mars 2005 par une action en justice fondée sur l’article 65 du code de la justice administrative. Se référant à la jurisprudence de la Cour, elle soutint, entre autres, que l’article 21 §§ 4 et 5 de la Loi était contraire à la Constitution ainsi qu’à l’article 8 de la Convention en ce qu’il permettait à l’Autorité d’effectuer une inspection sans l’autorisation d’un tribunal.

    15.  Le 11 avril 2006, le tribunal régional de Brno accueillit l’action de la société requérante et annula la décision attaquée ainsi que celle du 30 décembre 2003 pour défaut de spécification des faits reprochés. Il ne se pencha pas sur les questions relatives au respect de l’article 8 de la Convention.

    16.  Le 27 juin 2006, l’Autorité rendit une nouvelle décision par laquelle elle infligea à la société requérante une amende de 300 000 CZK, et ce pour ne pas avoir, sans raison valable, autorisé les agents à consulter une partie de la correspondance électronique, d’avoir empêché la poursuite de l’examen d’une partie de cette correspondance et d’avoir repris deux documents initialement remis aux agents.

    17.  Le 8 novembre 2006, le président de l’Autorité apporta quelques précisions à la décision du 27 juin 2006, notamment en décrivant de manière plus détaillée les faits reprochés à la société requérante, mais la confirma pour l’essentiel (y compris le montant de l’amende). Selon lui, il existait une présomption, bien que réfutable, que tous les documents se trouvant dans les locaux commerciaux d’une société étaient de nature commerciale, et l’Autorité devait avoir la possibilité de juger si un certain document était réellement de nature privée et sans lien avec l’objet de la procédure.

    Quant à l’argument de la société requérante tiré de l’application anticonstitutionnelle de l’article 21 §§ 4 et 5 de la Loi, le président constata que l’Autorité était tenue par la loi et ne pouvait pas examiner sa conformité avec la Constitution. L’analogie avec les articles 82 et 83 du code de procédure pénale était selon lui sans pertinence dans la mesure où ces dispositions visaient la protection du domicile d’une personne physique et non pas les locaux commerciaux d’une personne morale. De plus, l’article 83a dudit code prévoyait la possibilité d’effectuer une perquisition d’ « autres locaux et terrains » sans autorisation préalable d’un tribunal. Le législateur distinguait ainsi entre la sphère privée des personnes physiques pour lesquelles une autorisation du tribunal était requise aux fins d’une perquisition des locaux non commerciaux, et les personnes morales pour lesquelles l’autorisation préalable d’un tribunal n’était pas nécessaire et un contrôle judiciaire ex post était suffisant.

    18.  Tout en s’acquittant, le 1er février 2007, de l’amende infligée, la société requérante attaqua la décision du 8 novembre 2006 par une action en justice. Se référant notamment à l’affaire Société Colas Est et autres c. France (no 37971/97, CEDH 2002-III), elle soutint que l’article 21 § 4 de la Loi appliqué par l’Autorité ne satisfaisait pas les exigences découlant de la jurisprudence de la Cour, telles un mandat judiciaire préalable et la supervision par une autorité indépendante. Elle se plaignit également de la violation du secret de la correspondance, contesta avoir enfreint une quelconque obligation prévue par l’article 21 § 5 de la Loi et s’opposa au montant de l’amende infligée.

    19.  Le 27 septembre 2007, le tribunal régional de Brno rejeta cette demande. Répondant de façon détaillée aux arguments de la société requérante, il considéra en particulier que les dispositions de l’article 21 § 4 de la Loi n’étaient pas contraires à la Constitution. Il releva que l’inspection dans les locaux commerciaux constituait une mesure spécifique correspondant à l’étendue des pouvoirs de la Commission européenne selon l’article 20 du Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (ci-après « le Règlement ») ainsi qu’aux obligations des autorités de la concurrence des États membres selon l’article 22 du Règlement.

    Le tribunal releva que l’inspection non annoncée (« dawn raid ») au sens de l’article 21 § 4 de la Loi ne pouvait avoir lieu que dans les locaux commerciaux, dans lesquels l’Autorité pouvait entrer sans autorisation particulière. Quant au contrôle par une autorité judiciaire, cette procédure était comparable à celle prévue pour les inspections similaires réalisées par la Commission européenne ; si celle-ci adoptait en vertu de l’article 20 § 4 du Règlement une décision formelle sur la réalisation d’une telle inspection, les acteurs économiques n’avaient pas le droit d’être informés au préalable ou de s’adresser à un tribunal, et un contrôle judiciaire ex post était suffisant. En droit tchèque, un contrôle a posteriori existait également car il était possible de contester le fait même que l’inspection avait eu lieu ainsi que la manière dont elle avait été réalisée par le biais de l’action dirigée contre la décision rendue dans la procédure administrative dans le contexte de laquelle l’inspection avait été effectuée. En vue d’apprécier la constitutionnalité des dispositions de la Loi, il était selon le tribunal nécessaire de trouver un équilibre entre les droits fondamentaux des personnes physiques et morales et l’intérêt général. À cette fin, il fallait examiner la question de savoir si l’intérêt des personnes physiques et morales à ce que l’inspection dans leurs locaux commerciaux, son étendue et sa durée soient soumises à un contrôle juridictionnel a priori, en plus du contrôle a posteriori existant, était ou non manifestement plus important que l’intérêt à dévoiler un comportement anticoncurrentiel. Le tribunal observa à cet égard que l’article 8 de la Convention autorisait des restrictions au principe du respect du domicile lorsqu’elles étaient prévues par la loi et nécessaires entre autres à la protection du bien-être économique du pays et à la protection des droits et libertés d’autrui. En l’occurrence, l’article 21 §§ 4 et 5 de la Loi constituait une loi au sens de la Convention ; elle fixait de façon claire les conditions de la réalisation d’une inspection, son étendue ainsi que les sujets concernés. Puis, la mesure poursuivait clairement l’intérêt légitime du bien-être économique du pays et la protection des droits et libertés d’autrui, en ce que l’article 81 du Traité instituant la Communauté européenne, trouvant son reflet dans l’article 3 § 1 de la Loi, qualifiait de délictuel le comportement anticoncurrentiel tel qu’examiné en l’espèce ; le Règlement même prévoyait la tenue des inspections non annoncées dans les locaux commerciaux. De surcroît, dans le cas d’entente illicite, les échanges entre les acteurs présents sur le marché constituaient la preuve clé qu’il n’aurait pas été possible de recueillir si l’inspection devait être annoncée au préalable. Les raisons justifiant l’existence des inspections non annoncées et sujettes à un contrôle judiciaire postérieur étaient donc suffisantes, proportionnelles et convaincantes du point de vue de l’intérêt de toute la société.

    Le tribunal développa ensuite la question de savoir si un contrôle judiciaire postérieur en vertu de l’article 65 du code de la justice administrative pouvait être considéré comme suffisant. Accordant du poids au libellé de l’article 20 §§ 6-8 du Règlement qui n’exigeait pas a priori une autorisation judicaire préalable et s’en remettait à cet égard aux législations nationales, le tribunal considéra que :

    « (...) l’ensemble des garanties de l’article 8 de la Convention visent avant tout le développement de la personnalité de chaque individu dans ses relations avec d’autres personnes, sans ingérence extérieure indésirable, ainsi qu’il a été constaté dans l’affaire Niemietz c. Allemagne (...). Il découle de cet arrêt ainsi que de l’arrêt adopté dans l’affaire Chappell c. Royaume-Uni (...) que l’article 8 de la Convention devrait s’appliquer sans réserve seulement aux « locaux à caractère commercial » qui servent « en même temps » de lieu d’exercice de la profession d’avocat (là il convient sans doute de prendre en compte le principe de confidentialité de la correspondance entre l’avocat et son client) ou de lieu d’habitation (là il s’agit sans doute d’un « domicile » dont la protection requiert légitimement une réglementation plus stricte). Le constat de la Cour, selon lequel il n’existe pas de raison pour exclure de l’interprétation de la notion de « vie privée » les activités de nature commerciale ou professionnelle car « c’est précisément dans le cadre de leur activité professionnelle que la majorité des gens ont une occasion significative de développer leurs relations avec le monde extérieur », ne change rien à la conclusion du tribunal car cet argument avait soutenu la conclusion que la perquisition d’un cabinet d’avocat était constitutive d’une ingérence dans le droit garanti par l’article 8 de la Convention (l’affaire Niemietz c. Allemagne). De même, la conclusion de la Cour selon laquelle les locaux à caractère commercial devaient constituer un « domicile » au sens de l’article 8 de la Convention ne pouvait pas être déduite du constat selon lequel « si l’ingérence concernée était dirigée contre une activité commerciale, il n’était pas possible d’exclure automatiquement l’applicabilité de l’article 8 de la Convention » (Chappell c. Royaume-Uni). Dans l’affaire Société Colas Est et autre c. France (...) invoquée par la requérante, qui s’apparente le plus par ses faits à la présente affaire, la Cour avait constaté qu’« il était temps de reconnaître, dans certaines circonstances, que les droits garantis sous l’angle de l’article 8 (de la Convention) pouvaient être interprétés comme incluant le droit au respect du siège social, des agences et d’autres locaux à caractère commercial ». Le fait qu’il « peut en être » ainsi « dans certaines circonstances » ne signifie pas qu’il devrait nécessairement en aller ainsi dans le cas où la qualification d’un comportement comme anticoncurrentiel (...) dépendait de l’examen du contenu de la correspondance des acteurs sous examen (...), qui n’était possible qu’au moyen d’une inspection non-annoncée et inattendue. Le tribunal considère comme significatif le fait que l’inspection s’était concentrée sur des matériaux de nature commerciale se trouvant dans des équipements professionnels (ordinateur portable) (...), ainsi que le fait que l’inspection n’avait pas eu lieu dans un endroit où il pouvait être raisonnablement considéré qu’il était utilisé par les personnes travaillant pour la société requérante également pour des activités autres que professionnelles.

    En dépit du fait que le tribunal perçoit la tendance qu’une des décisions de la Cour (affaire Société Colas Est et autres c. France) pourrait indiquer, à savoir que dans certaines circonstances la protection selon l’article 8 § 2 de la Convention peut aller au-delà du « domicile » au sens traditionnel, il estime que les circonstances de fait de la présente affaire correspondent à celles de l’affaire Hoechst AG c. Commission européenne (...), dans laquelle la Cour de Justice des Communautés Européennes (...), consciente sans doute de tous les aspects de la détection des comportements anticoncurrentiels, avait explicitement refusé l’extension de la protection de l’article 8 de la Convention aux locaux à caractère commercial. Si la réalisation d’une inspection (...) devait être suspendue jusqu’au moment où une « autorisation d’un tribunal » (...) prend effet (...), la découverte effective des comportements anticoncurrentiels pourrait être mise en péril sinon exclue, alors que le contrôle des tribunaux administratifs a posteriori offre un degré de protection comparable. Le tribunal ne parvient pas à déceler dans la jurisprudence de la Cour une conclusion aussi catégorique que celle présentée par la société requérante et qui aurait pour conséquence d’infirmer de façon générale et indépendamment des circonstances la conclusion de la Cour de Justice des Communautés Européennes adoptée dans l’affaire Hoechst AG c. Commission européenne.

    De surcroît, (...) le régime établi par l’article 21 §§ 4 et 5 ne s’éloignait pas du régime codifié dans certains autres États membre de l’Union européenne. D’un côté, l’autorisation préalable d’un tribunal (...) était requise pour une inspection dans des « locaux à caractère commercial » par exemple en France (L 450-4 du Code de commerce), en Allemagne (article 98 du Code de procédure pénale applicable à ce domaine), en Irlande (article 45 de la loi sur la protection de la concurrence) ou en Hongrie (article 65 de la loi sur la protection de la concurrence). D’un autre côté, il était possible de procéder à l’inspection sans autorisation préalable d’un tribunal (seulement sur la base d’une mesure de l’autorité de la concurrence) par exemple en Belgique (article 44 § 3 de la loi sur la protection de la concurrence), aux Pays-Bas (article 5 § 17 du Code de procédure administrative), en Espagne (article 33 de la loi sur la protection de la concurrence) ou en Slovaquie (article 22 de la loi sur la protection de la concurrence). De la sorte, l’autorisation préalable d’un tribunal n’était pas à être regardée, aux fins d’une inspection effectuée dans des locaux à caractère commercial, comme un procédé habituel dans des États démocratiques fondés sur une économie de marché et donc souhaitable ex usu. »

    Le tribunal constata en outre que la Loi définissait clairement les cas dans lesquels les inspections pouvaient être effectuées (ratione personae vis-à-vis des acteurs de la concurrence, ratione loci dans leurs locaux commerciaux, ratione materiae aux fins de l’enquête prévue par la Loi), et le déroulement de l’inspection qui faisait partie du processus de rassemblement des preuves n’échappait pas au réexamen judiciaire au sens de l’article 65 du code de la justice administrative, ce qui constituait une garantie contre l’arbitraire.

    Le reste de la demande de la requérante fut également considéré infondé.

    20.  La société requérante forma un recours en cassation, considérant que l’article 21 § 4 de la Loi était contraire à l’article 8 de la Convention et relevant que, dans son arrêt Société Colas Est et autres c. France, la Cour avait déclaré contraire à la Convention une disposition analogue du droit français. Selon la société requérante, le tribunal régional s’était à tort fondé sur l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Hoechst datant de 1989 et non sur l’autorité la plus récente constituée par l’arrêt précité de la Cour, alors même que le droit communautaire n’était pas applicable car la République tchèque n’était pas encore membre de l’UE à l’époque des faits. De plus, le tribunal avait considéré que l’exigence d’un contrôle judiciaire préalable impliquait que l’acteur concerné soit averti du projet d’inspection, alors qu’un tel lien n’existait pas entre l’un et l’autre et que le contrôle judiciaire préalable n’était donc pas de nature à porter préjudice à l’efficacité de la régulation en matière de droit de la concurrence. Par ailleurs, un tel contrôle était déjà exigé par le droit interne dans le cas des personnes physiques (article 21 § 5 de la Loi en conjonction avec l’article 200h et s. du code de procédure civile).

    21.  Par l’arrêt du 29 mai 2009, la Cour administrative suprême rejeta pour manque de fondement le recours en cassation de la société requérante. Après avoir rappelé l’évolution de la jurisprudence communautaire, elle considéra que les dispositions de l’article 21 § 4 de la Loi n’étaient pas en soi contraires à l’article 8 de la Convention et que l’ingérence litigieuse avait été proportionnée. La Cour administrative suprême se fonda notamment sur l’arrêt Société Colas Est et autres c. France dans lequel la Cour avait constaté une violation en raisons de quatre facteurs : (i) l’autorité de la concurrence française disposait de pouvoirs très larges qui lui avaient permis d’apprécier seule l’opportunité, le nombre, la durée et l’ampleur des opérations litigieuses ; (ii) elle n’avait pas respecté l’objet de l’enquête ; (iii) le droit français n’offrait pas de mécanisme de protection judiciaire immédiate ; (iv) dans ces conditions, la seule garantie adéquate aurait été une autorisation judiciaire préalable, qui n’était cependant pas prévue par le droit français. Par la suite, la Cour administrative suprême considéra :

    « L’autorisation de l’autorité de la concurrence dans la présente affaire avait une base légale, à savoir l’article 21 § 4 de la Loi dans sa version au 19 novembre 2003 (...) L’ingérence poursuivait du moins l’intérêt du bien-être économique du pays et de la protection des droits d’autrui. Reste donc à analyser la question de la proportionnalité. Il faut alors se concentrer, à la lumière de l’argumentation de la société requérante dans le recours en cassation et notamment de l’arrêt Colas, sur l’étendue des pouvoirs de l’autorité de contrôle, la manière d’effectuer le contrôle (du point de vue du dépassement de l’objet et du but de l’inspection), sur la possibilité pour les entités contrôlées de contester la légalité de l’inspection et donc sur la possibilité d’une protection effective de leur droit au respect des locaux à caractère commercial (et ce même sous l’angle de l’autorisation préalable d’un tribunal).

    La Loi ne prévoit à aucun endroit l’obligation pour les employés de l’autorité d’obtenir une autorisation du tribunal afin d’effectuer une inspection sur place. Elle les autorise à entrer sur les terrains, dans tous les lieux, locaux ou véhicules faisant l’objet du contrôle, ainsi qu’à consulter tous les documents commerciaux, à en établir des relevés et à demander des explications orales sur place. L’argument selon lequel une telle ingérence est disproportionnée en l’absence d’autorisation préalable d’un tribunal ou d’un autre contrôle judiciaire (...) n’est pas fondé dès lors que les personnes contrôlées disposent de moyens de protection contre une ingérence disproportionnée et illégale.

    En droit tchèque, ce sont les articles 82 et s. du code de justice administrative régissant l’action en protection contre une ingérence illégale qui offrent un mécanisme de protection immédiate aux compétiteurs qui estiment que l’inspection avait été effectuée de manière illégale ou disproportionnée. Une telle objection pouvait aussi être soulevée, et l’avait été en l’espèce, en dehors de la procédure sur le fond (c’est-à-dire en dehors de la procédure sur le recours contre la décision de l’autorité administrative ayant pour objet la violation matérielle des règles du droit de la concurrence), à savoir dans le cadre de la procédure sur le recours dirigé contre la décision par laquelle l’autorité administrative avait infligé une amende, prévue par l’article 65 et s. du code de justice administrative.

    Le droit tchèque consacre donc une garantie pour les personnes faisant l’objet de l’inspection qui peuvent s’opposer aux ingérences irrégulières de manière susmentionnée. C’est aussi pour cette raison que cette cour considère que l’article 21 § 4 de la Loi n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention.

    La Loi ne contient aucune limitation concrète des autorités de contrôle quant à la durée de l’inspection, du nombre des inspections pouvant être effectuées, leur vitesse etc. A cet égard, il paraît nécessaire de vérifier si les personnes contrôlées disposent de garanties adéquates contre les abus. (...)

    Dans l’affaire Colas, la Cour avait constaté que les personnes ne disposaient pas de garanties adéquates et effectives contre les abus de pouvoir des autorités de contrôle ; de plus, ces autorités avaient des compétences très étendues et illimitées pour effectuer le contrôle, aucune autorisation préalable d’un tribunal n’avait été délivrée et aucun organe indépendant n’avait assisté au contrôle. Tenant compte du fait que le but du contrôle avait été dépassé et que des documents n’ayant aucun lien avec l’objet de l’enquête avaient été saisis, la Cour avait considéré, en raison de l’ensemble de ces circonstances, que l’ingérence avait été disproportionnée au regard des objectifs légitimes poursuivis.

    Dans la présente affaire, à la différence de l’affaire Colas, l’autorité de contrôle n’avait pas méconnu ses compétences et aucun document concernant des contrats ne faisant pas l’objet de l’enquête n’avait été saisi. (...) Les autorités de contrôle étaient compétentes en vertu de la loi pour solliciter toute information et tous documents, y compris la correspondance, et la société requérante avait la possibilité de se défendre immédiatement contre la réalisation de l’inspection au travers d’une action en protection contre une ingérence illégale de l’autorité administrative selon l’article 82 du code de justice administrative, action qu’il est possible de considérer comme un moyen de protection adéquate et effective contre les abus de pouvoirs des organes de contrôle.

    Ayant comparé les deux affaires, et tenant compte de toutes les circonstances pertinentes pour l’appréciation de la proportionnalité de l’ingérence et des garanties de protection contre les abus de pouvoir des organes de contrôle, la cour estime que l’équilibre avait en l’espèce été respecté entre les intérêts et droits de l’entité contrôlée et les intérêts de la société.

    La Cour administrative suprême ne partage pas l’avis de la société requérante selon lequel le tribunal régional s’était écarté de la jurisprudence de la Cour, car la Cour n’avait pas examiné la compatibilité des dispositions du droit de la concurrence tchèque avec l’article 8 de la Convention. Or, de l’avis de la Cour administrative suprême, les différences entre la présente affaire et l’affaire Colas sont fondamentales (malgré les similitudes alléguées).

    Compte tenu de l’argumentation de la société requérante dans le recours en cassation, la Cour administrative suprême s’est penchée également de façon détaillée sur l’étendue des pouvoirs des autorités de la concurrence tchèque (...) et française. Les compétences de l’autorité française sont différentes et plus étendues dans les domaines suivants :

    - concernant le droit d’accès aux documents, la Loi tchèque (dans sa version pertinente en l’espèce) et l’ordonnance française de 1945 autorisent les agents inspecteurs à solliciter des documents mais seule l’ordonnance les autorise également à les saisir : à cet égard, les compétences de l’autorité de la concurrence française sont plus étendues ;

    - concernant le droit de restreindre le secret des correspondances, les compétences de l’autorité française sont également plus étendues car ses agents inspecteurs peuvent en cas de soupçon de violation de la loi demander à l’administration des postes d’ouvrir des envois suspicieux ;

    - concernant le droit d’effectuer des perquisitions à domicile, les pouvoirs de l’autorité française sont également plus étendus : l’article 16, al. 5 de l’ordonnance française autorise les agents disposant d’un pouvoir particulier émanant du président de l’autorité administrative compétente à effectuer des inspections sur place y compris à l’intérieur d’un domicile, et ce seulement en présence d’un fonctionnaire de l’administration locale ou de la police judiciaire mais sans autorisation préalable d’un tribunal ;

    - des compétences plus étendues existent également quant au pouvoir d’arrêter un délinquant en cas de violation flagrante de la réglementation, en ce que l’article 16 al. 1 autorise l’agent inspecteur à traduire le délinquant devant le parquet, alors que le droit tchèque ne prévoit pas un tel pouvoir ;

    - il est possible de déduire une plus grande étendue des compétences de l’autorité française également du fait que le droit français de la concurrence ne prévoit aucune obligation pour l’autorité de la concurrence concernant l’ampleur des informations devant être notifiées par l’agent inspecteur à l’entité qui sera soumise à l’inspection. Or, en vertu du droit de la concurrence tchèque, l’agent inspecteur est tenu, lorsqu’il sollicite des documents et informations, de préciser les motifs juridiques de l’inspection et son but et d’avertir la personne concernée que le manquement de fournir les informations sollicités est passible d’une amende ;

    - par rapport au droit français, le code administratif tchèque prévoit également un contenu plus détaillé du procès-verbal ;

    - du point de vue des sanctions, les sanctions pour méconnaissance des obligations correspondant aux pouvoirs des agents inspecteurs en droit français sont régies par le code de procédure pénale ((...) refus de délivrer des documents, résistance au travail des agents inspecteurs dans le cadre de l’inspection sur place - peine privative de liberté de six jours à six mois et/ou amende de 1 000 à 50 000 CZK environ). En droit tchèque, l’article 22 § 1 de la Loi prévoit des amendes jusqu’à 300 000 CZK ou jusqu’à 1% du dernier chiffre d’affaires net de l’entité concernée ; quant à la possibilité d’infliger une peine privative de liberté, les réglementations sont donc de nouveau incomparables ;

    - pour conclure la comparaison de la réglementation tchèque et française (...) la Cour administrative suprême a comparé les possibilités pour les personnes concernées de contester l’illégalité ou le caractère disproportionné de l’ingérence en ce qui concerne la manière dont l’inspection a été effectuée. Selon l’ordre juridique tchèque, il est possible de former une action en protection contre l’ingérence illégale (...) en vertu de l’article 82 du code de justice administrative ou une action contre la décision de l’autorité administrative infligeant une amende en vertu l’article 65 dudit code. Il ressort en revanche de l’arrêt Colas qu’en vertu de la règlementation française les contestations ne peuvent être présentées que dans le cadre de la procédure sur le fond.

    Concernant l’argument de la société requérante tiré de l’absence de raison pour accorder aux personnes physiques une plus grande protection de leur sphère privée, la Cour administrative suprême constate que l’essence du litige ne concerne pas la différence entre la protection des personnes physiques et morales mais entre la protection des locaux à caractère privé et à caractère commercial.

    La Cour administrative suprême considère que les dispositions de l’article 21 § 4 de la Loi autorisant l’autorité à entrer au siège et dans d’autres bureaux des acteurs économiques sans leur accord et sans autorisation préalable d’un tribunal sont conformes aux dispositions juridiques contenues dans le droit européen et dans l’ordre juridique tchèque y compris la Convention. (...)

    Concernant l’argumentation de la société requérante tirée de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Wiesner et BICOS Beteiligungen GmbH c. Autriche du 16 octobre 2007, la société requérante généralise en ce que, selon elle, la question d’abus de pouvoirs et d’arbitraire dans le contexte d’une ingérence dans la vie privée, correspondance ou domicile devrait être toujours soumise au « test » de savoir si une autorisation préalable avait été délivrée par un tribunal. Or, dans l’affaire Wiesner, il s’agissait d’une enquête pénale et le code de procédure pénale autrichien soumettait les perquisitions, en règle générale, à une autorisation judiciaire préalable et motivée. La Cour avait vérifié si la perquisition avait été autorisée par un tribunal en raison de cette exigence de droit interne, et non parce qu’il s’agirait d’une condition générale de toute ingérence au droit au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance. En conséquence, il n’est pas possible en l’espèce de tenir compte de l’argumentation de la requérante fondée sur l’affaire Wiesner. »

    La Cour administrative suprême confirma ensuite la démarche du tribunal régional qui n’avait pas appliqué le droit communautaire en tant que tel mais l’avait utilisé comme un instrument d’interprétation de la Loi tchèque. Elle écarta enfin le parallèle perçu par la société requérante entre les locaux privés des personnes physiques et les locaux commerciaux des personnes morales. Selon la cour, il y avait lieu de distinguer, en matière d’ingérence dans le droit au respect du domicile, entre une inspection dans le domicile d’un organe statutaire, d’un membre de ce dernier ou d’un employé de l’entité économique et entre une inspection dans les locaux commerciaux d’une entité. Une telle distinction correspondait au droit tchèque applicable et n’était pas non plus contraire au droit communautaire ni à la jurisprudence de la Cour de Justice et de la Cour.

    22.  Le 1er septembre 2009, la société requérante introduisit un recours constitutionnel. Invoquant l’article 8 de la Convention, elle se plaignit d’une violation de son droit au respect de son domicile et de sa correspondance. Se référant par analogie à l’affaire Société Colas Est c. France, elle estimait que, compte tenu des pouvoirs étendus dont disposait l’Autorité, une inspection dans ses locaux ne pouvait pas avoir lieu sans autorisation préalable d’un tribunal et sans assistance de la police et que l’Autorité seule ne pouvait pas valablement apprécier la nécessité, la durée et l’étendue de l’inspection. La société requérante contesta comme inexacte l’analyse comparative faite par la Cour administrative suprême des pouvoirs des autorités de la concurrence française et tchèque, alléguant que celle-ci tenait compte de pouvoirs sans pertinence pour l’ingérence en l’espèce (ouverture des envois postaux, arrestation d’un délinquant, formalités du procès-verbal). De surcroît, contrairement à l’avis de la Cour administrative suprême, l’article 82 du code de justice administrative n’offrait pas un recours effectif car l’action prévue par cette disposition ne concernait que les ingérences en cours ; en tout état de cause, il ne s’agissait pas d’un recours préventif. En ce qui concerne la procédure sur le recours contre l’amende, celle-ci ne représentait pas non plus un moyen de protection effectif dans la mesure où elle ne portait pas sur la proportionnalité de l’ingérence ayant eu lieu en l’espèce. En effet, les tribunaux n’avaient à aucun moment examiné quelles étaient les considérations, faits et preuves ayant conduit l’Autorité à effectuer l’inspection et justifiant la nécessité et la proportionnalité de celle-ci. Or, selon la société requérante, l’ingérence litigieuse n’avait pas respecté le principe de la proportionnalité et les tribunaux n’avaient pas suffisamment examiné sa légalité.

    Elle se plaignit en outre d’une atteinte à ses droits au respect des biens et à un procès équitable. Se référant à l’affaire J. B. c. Suisse, elle soutint que l’infliction d’une amende pour défaut de coopération était contraire à son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

    23.  Le 26 août 2010, la Cour constitutionnelle rejeta la totalité du recours constitutionnel pour défaut manifeste de fondement, considérant que l’Autorité et les tribunaux saisis n’avaient pas commis d’excès et qu’ils avaient dûment répondu à l’ensemble des griefs de la société requérante. Elle se prononça comme suit :

    « Concernant l’allégation de la société requérante qu’il était nécessaire de soumettre l’inspection par l’Autorité à l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable, les tribunaux administratifs y avaient dûment répondu. (...) Les conclusions des tribunaux selon laquelle une telle exigence ne découlait pas de la jurisprudence de la Cour (ni de l’affaire Colas) aussi strictement et clairement que le soutenait la requérante ne sont nullement contraires à la Constitution. Les tribunaux ont dûment analysé la jurisprudence de la Cour (y compris celle invoquée par la requérante) et conclu qu’il y avait des différences fondamentales avec la présente affaire (...)

    Dans ce contexte la Cour constitutionnelle ne peut pas oublier l’arrêt [du Plénum] no Pl. ÚS 3/09 du 8 juin 2010 où elle s’est exprimée au sujet du respect du domicile dans le contexte de la jurisprudence pertinente de la Cour. Cet arrêt, portant sur l’exigence d’autorisation préalable par un tribunal d’une perquisition d’ « autres locaux », a été rendu suite à un recours constitutionnel introduit par une personne physique dans le contexte d’une procédure pénale (à savoir dans le contexte d’un risque de répression pénale) ; il a alors été souligné l’impossibilité de séparer de manière stricte les activités personnelles de l’individu et ses activités professionnelles et associatives, ainsi que le besoin de la protection de la sphère privée de l’individu. (...)

    L’argument selon lequel il n’était pas possible d’infliger une amende à la société requérante pour ne pas avoir autorisé l’Autorité à consulter les courriels susceptibles d’entraîner une sanction pour comportement anticoncurrentiel, fondé sur l’arrêt de la Cour dans l’affaire J. B. c. Suisse (...), est nouveau. Il s’agit d’une nouveauté soulevée de façon inadmissible pour la première fois dans le recours constitutionnel. Pour cette raison, la Cour constitutionnelle ne constate qu’à la marge que la requérante contredit ainsi son allégation ferme que les courriels concernés n’étaient pas de nature commerciale mais relevaient de la vie privée de son employé. De plus, l’analogie n’est pas pertinente (différences entre les deux affaires). »

    C.  Procédure sur la violation des règles de la concurrence par la requérante

    24.  Cette procédure fut ouverte le 19 novembre 2003 (voir paragraphe 6 ci-dessus).

    25.  Dans sa décision du 19 mars 2004, l’Autorité conclut, entre autres, à l’existence de pratiques concertées entre la requérante et deux autres sociétés concernant les prix de vente de produits boulangers et, partant, à la violation par ces sociétés de l’interdiction prévue par l’article 3 de la Loi. La société requérante se vit infliger une amende de 55 millions de CZK (environ 2 129 000 EUR). Il est indiqué dans les motifs de cette décision que l’enquête menée par l’Autorité avait été déclenchée par les informations de la presse relatant une hausse envisagée des prix de produits boulangers ; ensuite, l’Autorité avait demandé aux distributeurs de ces produits de lui fournir des informations quant à leur prix d’achat. Ces informations faisaient ressortir un indice fort d’une conduite concertée des sociétés en question, ce qui mena à l’ouverture de la procédure administrative le 19 novembre 2003.

    26.  Le 11 mai 2005, cette décision fut en partie confirmée et en partie annulée (pour ce qui est de l’infliction de l’amende) par le président de l’Autorité agissant en tant qu’organe d’appel. À la suite de l’action administrative dirigée contre la décision de confirmation, dans laquelle la société requérante contesta non seulement l’existence d’un comportement anti-concurrentiel mais aussi la légalité de l’inspection du 19 novembre 2003, la décision du 11 mai 2005 fut annulée, pour défaut de cohérence et de clarté, par l’arrêt du tribunal régional de Brno daté du 24 août 2006 ; le point concernant la légalité de l’inspection ne fut pas abordé.

    27.  Après plusieurs développements de la procédure, le président de l’Autorité décida, le 2 février 2009, qu’il y avait eu en l’espèce violation de l’interdiction de pratiques concertées et que la requérante devait à ce titre s’acquitter d’une amende de 24,8 millions de CZK (environ 960 000 EUR).

    28.  Le 21 octobre 2010, le tribunal régional de Brno rejeta le recours de la société requérante.

    29.  Ayant examiné le recours en cassation introduit par la requérante et les deux autres sociétés, la Cour administrative suprême jugea fondés leurs arguments tirés de la fixation incorrecte du montant de l’amende et annula, par son arrêt du 29 mars 2012, l’arrêt du 21 octobre 2010.

    30.  Le 20 septembre 2012, le tribunal régional annula pour irrégularité la décision du président de l’Autorité datée du 2 février 2009 dans la partie portant sur l’amende infligée et renvoya l’affaire devant l’Autorité ; le restant de l’action administrative de la société requérante fut rejeté. Quant à l’argument de la société requérante selon lequel certaines preuves avaient été obtenues de manière illégale, à savoir lors de l’inspection qui n’avait pas été autorisée par un tribunal, le tribunal renvoya aux conclusions auxquelles étaient parvenues les juridictions dans la procédure relative à l’amende infligée à la société requérante et desquelles il ne pouvait pas s’écarter. En ce qui concerne la justification de l’inspection par les faits concrets se rapportant à l’objet de la procédure, le tribunal considéra que l’ingérence dans la sphère du compétiteur concerné était justifiée dès le moment où l’Autorité avait des soupçons qu’un certain comportement sur le marché résultait d’un contact entre les compétiteurs, contact qui ne pouvait être démontré que par les preuves obtenues lors de l’inspection. Il n’y avait donc pas lieu de justifier l’inspection par les éléments plus concrets, au risque de saper la mise en œuvre du droit de la concurrence.

    31.  La société requérante contesta ce rejet partiel par un recours en cassation, dans lequel elle critiqua l’absence de preuves démontrant le comportement anti-concurrentiel qui lui était reproché, et réitéra ses objections relatives à l’illégalité et l’inconventionnalité de l’inspection effectuée sans un mandat judiciaire. Au moment où les parties ont soumis leurs observations à la Cour, ce recours était pendant devant la Cour administrative suprême.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A.  Législation tchèque

    1.  Loi no 143/2001 sur la protection de la concurrence économique

    a)  Version en vigueur à l’époque des faits et jusqu’au 1er juin 2004

    32.  L’exposé des motifs de cette loi indique qu’elle a été élaborée en vue d’harmoniser la législation tchèque avec les dispositions du droit de la concurrence de la Communauté européenne, qui laisse les questions de procédure essentiellement à l’appréciation des législateurs nationaux. Selon cet exposé, l’article 21 § 4 est conforme à la législation européenne et l’article 21 § 5, indispensable pour garantir une protection efficace de la concurrence, correspond aux obligations et aux pouvoirs de la Commission européenne.

    33.  Aux termes de l’article 3 § 1, les accords entre acteurs économiques, les décisions de leurs associations et les pratiques concertées qui conduisaient ou pouvaient conduire à fausser la concurrence sont interdits et nuls, sauf disposition contraire et sauf si l’Autorité de la concurrence (Úřad pro ochranu hospodářské soutěže, ci-après l’« Autorité ») n’a pas décidé de déroger à cette interdiction.

    34.  L’article 21 § 4 disposait:

    « Dans les procédures menées par l’Autorité en vertu de cette loi, les acteurs économiques sont tenus de se soumettre à l’inspection de l’Autorité. L’Autorité est compétente pour solliciter, aux fins de l’inspection, (...) des documents et des informations dont elle a besoin pour sa mission, et pour vérifier leur complétude, véracité et exactitude. A cette fin, les employés de l’Autorité sont autorisés à entrer sur les terrains, dans tous les lieux, locaux et véhicules faisant l’objet de l’examen, à consulter les livres commerciaux et autres documents commerciaux, à en établir des relevés et à demander des explications orales sur place. »

    35.  L’article 21 § 5 disposait:

    « Les acteurs sont tenus de fournir à l’Autorité, à sa demande et dans le délai imparti, les documents et informations complets, exactes et véridiques et de rendre possible leur examen selon le paragraphe 4. (...) ».

    36.  L’article 21 § 6 disposait:

    « Lorsque l’Autorité sollicite les documents ou informations, elle informe l’acteur concerné du motif juridique et du but de l’inspection et l’avertit de la possibilité de lui infliger une amende selon l’article 22 en cas de défaut de les fournir ou de rendre possible leur examen. »

    37.  L’article 22 § 1 disposait:

    « L’Autorité peut décider d’infliger une amende :

    a)       jusqu’à 300 000 CZK à celui qui ne lui fournit pas dans le délai imparti les documents ou informations sollicités ou qui les fournit incomplets, non-véridiques ou inexacts, qui ne fournit pas les livres commerciaux demandés ou autres documents commerciaux ou ne rend pas possible leur examen selon l’article 21 § 4, ou qui refuse d’une autre manière de se soumettre à l’examen selon cette loi. »

    38.  Aux termes de l’article 22 § 2 de la loi, l’Autorité pouvait infliger aux acteurs économiques qui avaient enfreint, avec intention ou par négligence, l’interdiction visée à l’article 3 une amende pouvant aller jusqu’à 10 millions de CZK ou jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires net enregistré au cours de la dernière année civile écoulée.

    39.  Selon l’article 24, toute personne ayant travaillé ou exercé une activité pour le compte de l’Autorité était tenue de préserver la confidentialité des faits relevant du secret commercial ou des informations confidentielles dont elle avait pris connaissance pendant son activité, et ce même après qu’elle a terminé de travailler pour l’Autorité.

    b)  Version amendée par la loi no 340/2004 entrée en vigueur le 1er juin 2004

    40.  L’article 21 § 5 a rajouté aux dispositions antérieures que, lorsqu’il existait des soupçons sérieux que les livres ou autres documents commerciaux se trouvaient dans les locaux autres que ceux à caractère commercial, y compris les appartements des personnes physiques qui étaient les organes statutaires, leurs membres ou employés, l’inspection ne pouvait y être effectuée qu’avec l’autorisation préalable d’un tribunal (la procédure de l’autorisation étant régie par les articles 200h et 200i du code de procédure civile).

    c)  Version en vigueur à compter du 1er décembre 2012

    41.  L’article 21f § 5 dispose désormais que l’inspection dans les locaux commerciaux est réalisée sur le fondement d’une autorisation écrite délivrée par le président de l’Autorité ou toute autre personne habilitée en vertu de la réglementation interne de l’Autorité. Cette autorisation doit comporter entre autres les dispositions juridiques régissant la réalisation de l’inspection, la désignation des locaux commerciaux à inspecter, l’objet de l’inspection et la date de son début, ainsi que les noms des agents de l’Autorité ou des personnes mandatées par elle qui doivent effectuer l’inspection.

    2.  Code de justice administrative (loi no 150/2002 dans sa version en vigueur jusqu’au 1er juin 2004)

    42.  Aux termes de l’article 65, toute personne qui s’estimait limitée dans ses droits, directement ou en conséquence d’une violation de ses droits dans le cadre d’une procédure antérieure, par un acte de l’autorité administrative créant, modifiant, annulant ou déterminant ses droits ou obligations, pouvait introduire une action en annulation d’une telle décision.

    43.  Aux termes de l’article 82, toute personne qui s’estimait limitée dans ses droits par une ingérence, un ordre ou une contrainte de caractère illégal émanant de l’autorité administrative lesquels ne constituaient pas une décision et qui ont été dirigés directement contre elle ou par lesquels elle a été directement atteinte, pouvait introduire une action en justice afin d’obtenir la protection contre une telle ingérence, à condition que l’ingérence ou ses conséquences soient toujours en cours ou qu’elle risque de se répéter (cette condition a été abrogée au 1er janvier 2012).

    3.  Code de procédure pénale (loi no 141/1961)

    44.  L’article 83 prévoit qu’une perquisition à domicile ne peut être ordonnée que par le président de la chambre et, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le juge sur demande du procureur. En cas d’urgence, l’ordre du président ou du juge compétent peut être remplacé par celui du président ou du juge du lieu de la perquisition.

    45.  Selon l’article 83a tel qu’en vigueur jusqu’au 8 juillet 2010, la perquisition d’autres locaux et terrains pouvait être ordonnée par le président de la chambre et, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le procureur ou l’organe de police ; l’organe de police devait toutefois obtenir l’accord préalable du procureur. Suivant l’arrêt de la Cour constitutionnelle no Pl. ÚS 3/09, l’article 83a disposait, du 8 juillet 2010 au 31 décembre 2011, qu’une perquisition d’autres locaux ou terrains ne pouvait être ordonnée que par le président de la chambre. Enfin, depuis le 1er janvier 2012, les dispositions de l’article 83 s’appliquent en vertu de l’article 83a également à la perquisition d’autres locaux et terrains.

    B.  Pratique des juridictions tchèques

    46.  Dans le cadre de l’examen de la condition de l’épuisement des voies de recours disponibles, la Cour constitutionnelle applique (voir, à titre d’exemple, les arrêts nos III. ÚS 359/96 et III. ÚS 117/00 ou les décisions nos III. ÚS 2479/11, III.ÚS 1055/13 ou IV. ÚS 307/13) le principe de subsidiarité de manière et formelle et matérielle, c’est-à-dire que les recours pertinents doivent non seulement avoir été introduits mais ils doivent aussi contenir les griefs qui seront ensuite soulevés dans le recours constitutionnel. Un plaignant ne saurait donc soumettre à la Cour constitutionnelle des objections qu’il formule ex post, sans les avoir fait valoir dans ses recours ordinaires. En effet, la condition de l’épuisement des voies de recours disponibles prévue par la loi sur la Cour constitutionnelle n’est pas remplie par la seule introduction d’un recours à la disposition du plaignant ; encore faut-il que celui-ci y dénonce la violation de son droit fondamental qui fait l’objet de son recours constitutionnel. Dans le cas contraire, toutes les possibilités de protection juridique n’auront pas été exercées, pour ce qui est du motif à l’origine du recours constitutionnel, et la condition de l’épuisement des voies de recours internes ne sera pas satisfaite. La Cour constitutionnelle souligne à cet égard que la protection de la constitutionnalité incombe à toutes les autorités publiques, notamment à la justice de droit commun ; le recours constitutionnel ne saurait avoir lieu qu’au moment où toutes les autres possibilités de protection ont échoué. Sinon, la Cour constitutionnelle serait amenée à réexaminer par exemple la légalité des décisions administratives et à endosser ainsi un rôle qui ne lui appartient pas car elle ne saurait se substituer aux tribunaux de droit commun.

    1.  Arrêt du Plénum de la Cour constitutionnelle no Pl. ÚS 3/09 du 8 juin 2010, rendu public le 16 juin 2010 et publié dans le Journal officiel le 8 juillet 2010

    47.  Par cet arrêt, le plénum de la Cour constitutionnelle a abrogé, au 8 juillet 2010, la partie de l’article 83a du code de procédure pénale prévoyant que la perquisition d’autres locaux et terrains pouvait être ordonnée, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le procureur ou l’organe de police. En effet, à l’issue d’une analyse détaillée de la jurisprudence de la Cour et se référant notamment à l’affaire Camenzind c. Suisse, la Cour constitutionnelle a estimé que la notion de vie privée ne permettait pas de distinguer en fonction de la nature de l’endroit faisant l’objet d’une perquisition comme l’avait fait le législateur. En effet, la vie privée ne se réalisait pas uniquement au domicile mais également dans les « autres locaux et terrains ». En conséquence, les deux types de perquisition devaient être entourés des mêmes garanties contre les abus et, en particulier, soumis à une autorisation préalable d’un tribunal. Une telle autorisation était d’autant plus importante que le code de procédure pénale ne permettait pas un contrôle judiciaire a posteriori, et elle ne pouvait pas être remplacée par l’autorisation du procureur ou de l’organe de police qui n’offraient pas les garanties d’impartialité et d’indépendance. En raison de la doctrine de « l’ingérence actuelle » appliquée par la Cour constitutionnelle et du principe de subsidiarité voulant qu’un recours constitutionnel ne vise que la décision définitive adoptée sur le fond de l’affaire, laquelle devrait répondre également au grief concernant l’atteinte à la vie privée sous forme de perquisition, le recours constitutionnel dirigé uniquement contre le mandat de perquisition n’apparaissait pas comme effectif. De plus, il n’était pas souhaitable que la Cour constitutionnelle se prononce en premier lieu sur la proportionnalité du mandat de perquisition et de sa mise en œuvre.

    2.  Arrêt no 8 Aps 6/2007 rendu par la Cour administrative suprême le 17 avril 2009

    48.  Dans cet arrêt portant sur une action en protection contre une ingérence de l’autorité administrative formée selon l’article 82 du code de justice administrative, la Cour administrative suprême a d’abord rappelé, se référant à la décision de sa chambre élargie, que la question de savoir si tous les éléments définissant une ingérence au sens de l’article 82 étaient remplies relevait de l’examen du bien-fondé de l’action et non de l’existence des fins de non-recevoir. Elle a ensuite souligné le caractère accessoire de cette action qui pouvait être introduite notamment suite à un contrôle qui n’avait pas donné lieu à une décision susceptible d’être contestée en vertu de l’article 65 dudit code. Selon elle, la protection contre un acte concret d’une autorité administrative ne pouvait être accordée en vertu de l’article 82 que lorsqu’il était impossible de revendiquer la protection ou la réparation par d’autres moyens (par exemple, comme en cas d’une conduite prétendument illégale de la procédure administrative, dans le cadre de l’examen du recours contre la décision issue de cette procédure).

    3.  Arrêt no 5 Aps 4/2011 rendu par la Cour administrative suprême le 22 septembre 2011

    49.  Dans cet arrêt portant sur une action introduite en vertu de l’article 82 du code de justice administrative en vue de contester la légalité d’une enquête préliminaire menée selon la loi no 143/2001 (et en cours au moment de l’introduction de l’action), la Cour administrative a constaté qu’une telle enquête, dont le but était de vérifier certains faits en vue de décider s’il y avait lieu ou non d’ouvrir une procédure administrative, était placée hors contrôle judiciaire en vertu de l’article 65 du code de justice administrative car elle ne donnait lieu à aucune décision ; elle devait donc être considérée comme une ingérence qui pouvait être contestée en vertu de l’article 82 dudit code. Pour répondre à la question de savoir si cette ingérence pouvait être qualifiée d’illégale et appelait donc la protection, il fallait examiner si elle respectait les limites fixées par la loi, poursuivait un but légitime et si elle était proportionnée à ce but.

    4.  Arrêt no 7 Aps 2/2013 rendu par la Cour administrative suprême le 13 février 2014

    50.  Par cet arrêt, la Cour administrative suprême a rejeté le recours en cassation d’une société dirigé contre l’arrêt du tribunal régional de Brno. Celui-ci l’avait débouté de sa demande, formée en vertu de l’article 82 du code de justice administrative, tendant à faire constater que l’inspection dans ses locaux commerciaux réalisée dans le cadre d’une procédure administrative sur la violation des règles de la concurrence constituait une ingérence illégale. La cour constata que, eu égard aux larges compétences conférées en la matière à l’Autorité de la concurrence par l’article 21f de la loi no 143/2001, une inspection réalisée de manière illégale pouvait enfreindre plusieurs droits fondamentaux, dont le droit au respect du domicile. Il était dès lors indispensable que l’entité concernée par l’inspection dispose de moyens de protection contre d’éventuelles irrégularités. Pour choisir le bon moyen il importait de savoir si l’inspection avait été réalisée dans le cadre d’une procédure administrative dûment ouverte qui allait déboucher sur une décision, ou en dehors d’une telle procédure. En effet, une action contre une ingérence illégale prévue par l’article 82 ne pouvait être introduite que s’il n’était pas possible de se prévaloir d’une action en annulation d’une décision en vertu de l’article 65 du code de justice administrative. Selon la cour, la procédure sur une action dirigée contre une ingérence illégale ne pouvait pas porter sur la légalité des différents actes effectués par l’autorité administrative dans une procédure administrative dûment ouverte. Si un tel réexamen était admis, les tribunaux interviendraient dans la procédure administrative avant sa clôture et influenceraient de manière inadmissible l’activité des autorités administratives. Si le plaignant est reconnu coupable et sanctionné pour un délit administratif, il a la possibilité de faire réexaminer la légalité de l’inspection au travers d’une action formée en vertu de l’article 65 du code de justice administrative. Si l’Autorité de la concurrence conclut à l’issue de la procédure administrative que le délit n’a pas été commis et prononce l’extinction de l’instance, le plaignant peut toujours introduire une action fondée sur l’article 65 mais le tribunal n’examinera pas la légalité de l’inspection car son examen portera uniquement sur la question de savoir s’il y avait ou non les motifs pour éteindre l’instance. Néanmoins, cette lacune dans la protection juridique peut être comblée par la possibilité de se prévaloir de la loi no 82/1998 qui permet de demander une indemnisation tant du préjudice matériel que du préjudice moral, causé par une conduite irrégulière de la procédure.

    III.  LE DROIT ET LA PRATIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE PERTINENTS

    51.  La Cour note que, en vertu des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (anciennement articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne), les dispositions du droit de l’Union européenne relatives à la concurrence ne sont applicables que « dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté ». Les situations purement internes à un État membre échappent donc à son champ d’application et ne sont régies que par le droit interne.

    A.  Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (anciennement articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne)

    52.  Les points 23-26 des considérants mentionnent inter alia que, la détection des infractions aux règles de concurrence devenant de plus en plus difficile, il est nécessaire, pour protéger efficacement la concurrence, de compléter les pouvoirs d’enquête de la Commission. Celle-ci doit pouvoir exiger tous les renseignements, interroger les personnes et procéder aux inspections nécessaires pour déceler les pratiques interdites par les articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne (devenus les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), tout en bénéficiant d’une collaboration active des autorités de la concurrence des Etats membres. Afin de préserver l’efficacité des inspections, les agents et d’autres personnes mandatées par la Commission doivent pouvoir accéder à tous les locaux susceptibles de receler les documents professionnels, y compris les domiciles privés ; l’exercice de ce dernier pouvoir doit néanmoins être subordonné à l’autorisation de l’autorité judiciaire.

    53.  Les dispositions auxquelles se sont référées les autorités nationales se lisent comme suit :

    Article 20

    Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection

    1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

    2. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants:

    a) accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises;

    b) contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support;

    c) prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents;

    d) apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci;

    e) demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.

    3. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection exercent leurs pouvoirs sur production d’un mandat écrit qui indique l’objet et le but de l’inspection, ainsi que la sanction prévue à l’article 23 au cas où les livres ou autres documents professionnels qui sont requis seraient présentés de manière incomplète et où les réponses aux demandes faites en application du paragraphe 2 du présent article seraient inexactes ou dénaturées. La Commission avise, en temps utile avant l’inspection, l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

    4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

    5. Les agents de l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée ainsi que les agents mandatés ou désignés par celle-ci doivent, à la demande de cette autorité ou de la Commission, prêter activement assistance aux agents et aux autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission. Ils disposent à cette fin des pouvoirs définis au paragraphe 2.

    6. Lorsque les agents ou les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission constatent qu’une entreprise s’oppose à une inspection ordonnée en vertu du présent article, l’État membre intéressé leur prête l’assistance nécessaire, en requérant au besoin la force publique ou une autorité disposant d’un pouvoir de contrainte équivalent, pour leur permettre d’exécuter leur mission d’inspection.

    7. Si, en vertu du droit national, l’assistance prévue au paragraphe 6 requiert l’autorisation d’une autorité judiciaire, cette autorisation doit être sollicitée. L’autorisation peut également être demandée à titre préventif.

    8. Lorsqu’une autorisation visée au paragraphe 7 est demandée, l’autorité judiciaire nationale contrôle que la décision de la Commission est authentique et que les mesures coercitives envisagées ne sont ni arbitraires ni excessives par rapport à l’objet de l’inspection. Lorsqu’elle contrôle la proportionnalité des mesures coercitives, l’autorité judiciaire nationale peut demander à la Commission, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité de concurrence de l’État membre, des explications détaillées, notamment sur les motifs qui incitent la Commission à suspecter une violation des articles 81 et 82 du traité, ainsi que sur la gravité de la violation suspectée et sur la nature de l’implication de l’entreprise concernée. Cependant, l’autorité judiciaire nationale ne peut ni mettre en cause la nécessité de l’inspection ni exiger la communication des informations figurant dans le dossier de la Commission. Le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice.

    Article 21

    Inspection d’autres locaux

    1. S’il existe un soupçon raisonnable que des livres ou autres documents professionnels liés au domaine faisant l’objet de l’inspection qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article 81 ou 82 du traité sont conservés dans d’autres locaux, terrains et moyens de transport, y compris au domicile des chefs d’entreprises, des dirigeants et des autres membres du personnel des entreprises et associations d’entreprises concernées, la Commission peut ordonner par voie de décision qu’il soit procédé à une inspection dans ces autres locaux, terrains et moyens de transport.

    2. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et signale que la décision est susceptible de recours devant la Cour de justice. Elle expose notamment les motifs qui ont conduit la Commission à conclure qu’il existe un soupçon au sens du paragraphe 1. La Commission prend ces décisions après avoir consulté l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.

    3. Une décision prise conformément au paragraphe 1 ne peut être exécutée sans autorisation préalable de l’autorité judiciaire nationale de l’État membre concerné. L’autorité judiciaire nationale contrôle que la décision de la Commission est authentique et que les mesures coercitives envisagées ne sont ni arbitraires ni excessives eu égard notamment à la gravité de la violation suspectée, à l’importance des éléments de preuve recherchés, à l’implication de l’entreprise concernée et à la probabilité raisonnable que les livres et documents liés à l’objet de l’inspection soient conservés dans les locaux dont l’inspection est demandée. L’autorité judiciaire nationale peut demander à la Commission, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité de concurrence de l’État membre, des explications détaillées sur les éléments qui lui sont nécessaires pour pouvoir contrôler la proportionnalité des mesures coercitives envisagées.

    Cependant, l’autorité judiciaire nationale ne peut remettre en cause la nécessité d’une inspection ni exiger la communication des informations figurant dans le dossier de la Commission. Le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice.

    4. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection ordonnée conformément au paragraphe 1 disposent des pouvoirs définis à l’article 20, paragraphe 2, points a), b) et c). L’article 20, paragraphes 5 et 6, s’applique mutatis mutandis.

    Article 22

    Enquêtes par les autorités de concurrence des États membres

    1. Une autorité de concurrence d’un État membre peut exécuter sur son territoire toute inspection ou autre mesure d’enquête en application de son droit national au nom et pour le compte de l’autorité de concurrence d’un autre État membre afin d’établir une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 du traité. Le cas échéant, les informations recueillies sont communiquées et utilisées conformément à l’article 12.

    2. Sur demande de la Commission, les autorités de concurrence des États membres procèdent aux inspections que la Commission juge indiquées au titre de l’article 20, paragraphe 1, ou qu’elle a ordonnées par voie de décision prise en application de l’article 20, paragraphe 4. Les agents des autorités de concurrence des États membres chargés de procéder aux inspections, ainsi que les agents mandatés ou désignés par celles-ci, exercent leurs pouvoirs conformément à leur législation nationale. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission peuvent, sur sa demande ou sur celle de l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée, prêter assistance aux agents de l’autorité concernée.

    B.  Pratique pertinente

    54.  La jurisprudence pertinente est en partie résumée dans l’arrêt Société Colas Est c. France (no 37971/97, §§ 26-27, CEDH 2002-III).

    55.  Dans l’affaire ultérieure Roquette Frères SA c. Commission (no C 94/00, arrêt du 22 octobre 2002, § 29), la Cour de justice des Communautés européennes (devenue la Cour de justice de l’Union européenne après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009) se prononça comme suit :

    « (...) en ce qui concerne la protection des locaux commerciaux des sociétés, il convient de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme postérieure à l’arrêt Hoechst/Commission précité, jurisprudence dont il ressort, d’une part, que la protection du domicile dont il est question à l’article 8 de la CEDH peut être étendue, dans certaines circonstances, auxdits locaux (voir, notamment, arrêt Colas Est e.a. c. France du 16 avril 2002 (...), § 41) et, d’autre part, que le droit d’ingérence autorisé par l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH "pourrait fort bien aller plus loin pour des locaux ou activités professionnels ou commerciaux que dans d’autres cas" (arrêt Niemietz c. Allemagne, précité, § 31) ».

    C.  Rapport Investigative Powers Report

    56.  Ce rapport, publié par la Commission le 31 octobre 2012, dresse un aperçu des différences dans les pouvoirs en matière d’enquête de la Commission et des autorités de concurrence des différents Etats membres de l’Union européenne.

    57.  Selon ce rapport, dans les affaires de protection de la concurrence, un mandat judiciaire préalable est exigé, aux fins d’une perquisition dans les locaux commerciaux, dans quatorze Etats membres de l’Union européenne (Autriche, Allemagne, Belgique, Danemark, Estonie, France, Hongrie, Irlande, Lituanie, Lettonie, Pologne, Portugal, Suède et Royaume-Uni) ; dans les autres Etats membres, un tel mandat n’est pas nécessaire. Dans certains Etats (Espagne, Italie, Luxembourg et Malte), le mandat judiciaire n’est exigé que lorsque l’autorité de concurrence rencontre une opposition de l’entité contrôlée qui nécessite l’emploi de moyens coercitifs ou la présence de la police.

    58.  Dans le cadre des perquisitions de locaux commerciaux des entités économiques, les autorités de concurrence de tous les Etats membres de l’Union européenne ont le pouvoir d’effectuer des copies des documents demandés ; dans la plupart des Etats (à l’exception de la République tchèque, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Portugal, Roumanie et Suède), elles sont aussi habilitées à saisir les documents.

    59.  Au cours des perquisitions, les autorités de concurrence de tous les Etats membres ont le pouvoir de poser aux acteurs économiques des questions concernant les soupçons à l’origine de la perquisition ; ce pouvoir est toutefois limité par le droit des acteurs économiques de ne pas s’auto-incriminer. Ce dernier signifie le droit de ne pas répondre aux questions qui, d’une certaine façon, conduisent à l’auto-incrimination de l’acteur concerné.

    60.  Sauf quelques Etats où la présence de la police est obligatoire lors des perquisitions (Bulgarie, France, Luxembourg, Lettonie), la question de la présence de policiers est laissée à l’appréciation des autorités de concurrence.

    61.  Enfin, dans la plupart des Etats membres de l’Union européenne, les autorités de concurrence sont autorisées à infliger aux acteurs économiques une amende (pouvant souvent aller jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires net réalisé au cours du dernier exercice comptable) pour sanctionner un refus de coopérer ou une communication d’informations incomplètes ou trompeuses. Dans de nombreux Etats, les amendes peuvent être infligées même aux personnes physiques agissant pour le compte de l’acteur économique.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

    62.  La société requérante allègue que l’inspection effectuée dans ses locaux sans aucun contrôle judiciaire a enfreint notamment son droit au respect du domicile et de la correspondance tel que prévu par l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

    « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...), de son domicile et de sa correspondance.

    2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

    63.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    64.  Le Gouvernement observe que la société requérante se plaint entre autres du fait que, ayant consulté également certains e-mails que leurs destinataires avaient désignés comme étant de nature privée, les agents chargés de l’inspection ont violé le droit au respect de la vie et de la correspondance privées de ses employés. Il note cependant que, d’une part, les agents n’ont pas pu accéder aux e-mails qualifiés de privés et que, d’autre part, la requête n’a pas été introduite par les salariés mais uniquement par la société elle-même, qui ne saurait se prévaloir d’une vie ou correspondance privées.

    65.  La Cour note que l’intérêt de la société requérante à protéger la vie ou la correspondance privées de ses employés ne semble pas constituer un grief séparé mais plutôt un aspect de son plus ample grief soulevé sous l’angle de l’article 8 de la Convention. Le fait qu’aucun de ces employés n’a été partie à la procédure interne ni n’a introduit une requête devant la Cour n’empêche pas celle-ci de prendre ces considérations en compte dans son appréciation générale du bien-fondé de la requête (voir, mutatis mutandis, Bernh Larsen Holding AS et autres c. Norvège, no 24117/08, § 90, 14 mars 2013).

    66.  Par conséquent, la Cour rejette l’exception tirée par le Gouvernement de l’incompatibilité ratione personae d’une partie de la requête. Elle constate également que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    67.  Se référant aux arrêts Société Colas Est et autres c. France (no 37971/97, § 41, CEDH 2002-III) et Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH c. Autriche (no 74336/01, § 57, 16 octobre 2007), la société requérante soutient que l’inspection effectuée par l’Autorité de la concurrence dans ses locaux commerciaux n’a pas satisfait aux exigences de l’article 8 § 2 de la Convention, en ce qu’elle n’était pas soumise à une autorisation préalable d’un tribunal ou d’un autre organe indépendant ni n’était entourée d’autres garanties contre l’arbitraire. Selon elle, ne peuvent être considérées comme suffisantes que les garanties prévoyant un contrôle judiciaire préalable du caractère nécessaire, justifié et proportionnel d’une ingérence dans les droits garantis par l’article 8, puisque ce sont les seules capables de prévenir les ingérences ne remplissant pas les conditions du second paragraphe de cette disposition.

    68.  La société requérante ne conteste pas que l’inspection litigieuse effectuée dans ses locaux était prévue par la loi no 143/2001 et qu’elle était justifiée par l’intérêt de protéger la compétition économique. Toutefois, les juridictions nationales se sont en l’espèce contentées de ce constat, sans pouvoir se pencher sur les motifs, le but et l’ampleur de l’inspection et sans tenir compte du fait que les dispositions de ladite loi relatives aux pouvoirs de l’Autorité contredisent ses propres droits conférés par la Convention. Il n’y a selon elle aucune raison légitime à protéger la compétition économique au détriment des droits des compétiteurs, d’autant plus que, en l’espèce, les autorités ne disposaient et ne disposent toujours pas de preuves relatives à son prétendu comportement anticoncurrentiel.

    69.  Quant à la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, la société requérante relève que non seulement le droit tchèque ne soumet pas une inspection au sens de la loi no 143/2001 à une autorisation judiciaire préalable mais que ce défaut n’est pas non plus compensé par un examen effectif a posteriori des motifs censés justifier l’inspection et de la manière dont celle-ci a été menée (voir, mutatis mutandis, Heino c. Finlande, no 56720/09, § 45, 15 février 2011). Contrairement au Gouvernement, la société requérante estime que cet examen n’est dispensé ni dans la procédure relative à l’amende infligée en vertu de l’article 22 de la loi no 143/2011, qui porte uniquement sur le comportement de la personne contrôlée et sur le montant de l’amende, ni dans la procédure sur le fond, qui se concentre sur la question de savoir s’il y a eu violation des règles matérielles de la concurrence. En l’espèce, les tribunaux se sont limités à examiner la légalité de l’inspection et le comportement de la requérante lors de celle-ci, mais n’ont jamais n’examiné la conduite de l’Autorité, les motifs, le but et l’ampleur de l’inspection, ni son caractère nécessaire et proportionné.

    70.  La société requérante estime en outre que l’argument du Gouvernement selon lequel d’autres Etats membres de l’Union européenne ne soumettent pas les inspections à une autorisation judiciaire préalable n’a pas de pertinence en l’absence d’une analyse complexe de toutes les garanties offertes par leurs ordres juridiques. Or, le droit tchèque ne prévoit pas non plus d’autres garanties adéquates, comme la possibilité de demander le scellage de la correspondance en vue d’une décision judiciaire sur sa pertinence pour l’enquête ; selon elle, ne sauraient être considérées comme telles la possibilité pour la personne concernée d’être présente lors de l’ingérence ou l’obligation pour l’Autorité de dresser un procès-verbal. Par ailleurs, le fait que l’Autorité n’est pas compétente pour saisir les documents n’a pas d’importance puisqu’elle peut se procurer des copies qui ont la même valeur probante.

    71.  La société requérante estime également que, afin que les droits des personnes contrôlées par les autorités soient protégés, les inspections ne peuvent avoir lieu que sur la base des soupçons plausibles et étayés qui sont notifiés aux personnes concernées, et leur ampleur doit être délimitée au préalable. Or, en l’espèce, tout comme dans l’affaire Smirnov c. Russie (no 71362/01, § 47, 7 juin 2007), les agents chargés de l’inspection litigieuse étaient munis d’une simple notification d’ouverture de la procédure administrative établie par l’Autorité, qui ne constituait pas une décision susceptible d’être réexaminée par un tribunal. Cette notification était de surcroît formulée dans des termes vagues reprenant le libellé de l’article 3 § 1 de la loi no 143/2001, ne délimitait pas l’ampleur de l’inspection et ne contenait pas les motifs justifiant cette mesure. Ainsi, sans indiquer de faits concrets donnant à penser que la société requérante avait violé les règles de la concurrence, et sans désigner les documents qu’elle voulait consulter, l’Autorité a exigé, sous peine d’amende, l’accès à tous les documents commerciaux de la requérante et à l’intégralité de la correspondance électronique de ses employés, et ce dans le seul but de se procurer les preuves contre la requérante. De l’avis de la société requérante, les circonstances de l’ingérence litigieuse sont en l’espèce comparables à celles que la Cour a critiquées dans l’affaire Société Colas Est et autres.

    72.  Le Gouvernement rappelle d’abord que, comme les locaux des sociétés commerciales ne servent pas prima facie aux professions et métiers qui peuvent être exercés à partir du domicile privé des individus, les attentes des représentants de telles sociétés ne peuvent pas être les mêmes que dans le cas de domiciles privés ou de locaux destinés à l’exercice d’activités professionnelles par les particuliers (Debút Zrt. et autres c. Hongrie (déc.), no 24851/10, 20 novembre 2012). De plus, si la législation et la pratique en matière de perquisition offrent des garanties adéquates contre les abus, l’ingérence dans le droit à la protection des locaux commerciaux d’une personne morale peut aller beaucoup plus loin que dans le cas du « domicile » stricto sensu (Société Colas Est et autres, précité, §§ 48-49). Bien que le mandat de perquisition préalable soit généralement considéré comme une garantie suffisante, l’absence de mandat judiciaire peut être contrebalancé par l’existence d’un contrôle juridictionnel a posteriori (Smirnov, précité, § 45 ; Heino c. Finlande, précité, § 45), en tenant compte des autres garanties procédurales contre les abus.

    73.  Pour ce qui est de l’affaire en l’espèce, le Gouvernement rappelle que l’inspection des locaux commerciaux de la société requérante a eu lieu dans le cadre d’une procédure administrative régie par la loi no 143/2001, l’ouverture de laquelle lui a été notifiée avant le début de l’inspection (voir paragraphe 6 ci-dessus). Selon le Gouvernement, la légalité et le déroulement de l’inspection ont fait l’objet d’un contrôle judiciaire a posteriori réalisé, d’une part, dans le cadre de cette même procédure portant sur la violation des règles matérielles de la concurrence et, d’autre part, dans le cadre de l’examen du recours formé par la société requérante contre la décision de l’Autorité de lui infliger une amende pour avoir manqué à son obligation de se soumettre à l’inspection. Puis, la mesure contestée, qui avait pour objectif de réunir les preuves d’un comportement anticoncurrentiel présumé à l’issue d’une enquête préliminaire, poursuivait manifestement des buts légitimes, à savoir les intérêts de bien-être économique du pays et de protection des droits d’autrui.

    74.  Quant à la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, le Gouvernement s’oppose à la thèse de la société requérante selon laquelle l’inspection litigieuse devait nécessairement faire l’objet d’un mandat judiciaire préalable. Se référant au rapport établi par la Commission européenne au sujet des pouvoirs d’enquête de celle-ci et des autorités de concurrence existant dans les Etats membres de l’Union européenne, il relève qu’en cas de perquisition dans une procédure visant la protection de la concurrence, un mandat judiciaire préalable est exigé dans seulement quatorze Etats membres de l’Union européenne. De plus, dans certains Etats, ce mandat (de même que la présence des agents de police) ne sert pas tant à protéger les droits des personnes contrôlées qu’à garantir le bon déroulement de la perquisition et à vaincre une éventuelle opposition de ces personnes.

    75.  Le Gouvernement note ensuite que l’article 21 § 4 de la loi no 143/2001 autorisait les agents de l’Autorité à entrer dans les locaux de la société requérante, à consulter les documents commerciaux, à en établir des relevés ou copies et à demander des explications orales ; en revanche, l’Autorité n’avait pas le pouvoir de saisir les documents ou objets, et ne pouvait donc pas sérieusement interférer avec les activités commerciales de la requérante. Les modalités et le déroulement de l’inspection ont été consignés dans un procès-verbal détaillé (voir, a contrario, Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH, précité, §§ 63-64) qui ne fait état d’aucun excès ou abus commis par l’Autorité. Lorsque les employés J. et K. n’ont pas permis aux agents de l’Autorité de consulter certains messages prétendument privés, ceux-ci ont respecté leur volonté et n’ont aucunement cherché à vaincre leur résistance (voir, a contrario, Robathin c. Autriche, no 30457/06, § 10, 3 juillet 2012) ; puis, s’agissant des documents remis à l’Autorité, le secret professionnel a également été respecté par ses agents.

    76.  Le Gouvernement souligne enfin que l’ingérence dans le droit au respect des locaux commerciaux de la société requérante a été contrôlée par l’instance administrative supérieure ainsi que par trois juridictions ; dans leurs arrêts du 27 septembre 2007 et du 29 mai 2009, le tribunal régional et la Cour administrative suprême ont notamment examiné les griefs de la requérante sur le terrain de l’article 8 de la Convention, et ce à la lumière de la jurisprudence de la Cour et des juridictions de l’Union européenne. La Cour administrative suprême a ainsi conclu que le cadre juridique défini par l’article 21 § 4 de la loi no 143/2001 n’était pas en tant que tel contraire à l’article 8. Se référant à l’arrêt Société Colas Est et autres, elle a ensuite jugé que, à la différence de ladite affaire, les pouvoirs de l’Autorité tchèque étaient considérablement limités et les agents ne les avaient en l’espèce pas outrepassés. Les décisions des juridictions nationales démontrent ainsi selon le Gouvernement que le contrôle judiciaire portait en l’espèce sur la légalité et le déroulement de l’inspection et qu’il s’agissait d’un contrôle de pleine juridiction au travers duquel la société requérante pouvait, bien que ex post, contester la mesure et soulever ses griefs (voir, mutatis mutandis, Debút Zrt. et autres, décision précitée ; a contrario, Varga c. Roumanie, no 73957/01, § 73, 1er avril 2008 ; Heino c. Finlande, arrêt précité, § 45).

    2.  Appréciation de la Cour

    77.  La Cour rappelle d’abord qu’au sens de sa jurisprudence, le terme « domicile » a une connotation plus large que le mot « home » (figurant dans le texte anglais de l’article 8) et peut englober par exemple le bureau ou le cabinet d’un membre d’une profession libérale. Dans certaines circonstances, les droits garantis sous l’angle de l’article 8 de la Convention peuvent être interprétés comme incluant pour une société le droit au respect de son siège social, son agence ou ses locaux professionnels, à l’égard desquels le droit d’ingérence des Etats peut cependant aller plus loin (voir Niemietz c. Allemagne, 16 décembre 1992, §§ 30-31, série A no 251-B ; Société Colas Est et autres c. France, no 37971/97, §§ 40-41, 49, CEDH 2002-III).

    78.  En l’espèce, il n’est pas contesté que l’inspection opérée dans les locaux professionnels de la société requérante s’analyse en une ingérence dans son droit au respect du « domicile » au sens de l’article 8, qui englobe également sa « correspondance », voire, dans une certaine mesure, celle, de nature privée, de ses employés (voir paragraphe 65 ci-dessus et, mutatis mutandis, Bernh Larsen Holding AS et autres c. Norvège, no 24117/08, §§ 106 et 163, 14 mars 2013).

    79.  Il convient dès lors de déterminer si cette ingérence était justifiée au regard du paragraphe 2 de l’article 8, c’est-à-dire si elle était « prévue par la loi », poursuivait un ou plusieurs buts légitimes et était « nécessaire », « dans une société démocratique », à la réalisation de ce ou ces buts.

    a)  Prévue par la loi

    80.  La Cour rappelle qu’une ingérence ne saurait passer pour « prévue par la loi » que si, d’abord, elle a une base en droit interne.

    En l’occurrence, cette condition a été remplie puisque l’inspection litigieuse reposait sur l’article 21 §§ 4-6 de la loi no 143/2001 sur la protection de la concurrence économique (voir paragraphes 34-36 ci-dessus), réglementant les pouvoirs de l’Autorité en matière de concurrence. D’ailleurs, la requérante ne conteste pas que la mesure dénoncée ait eu une base en droit interne.

    b)  But légitime

    81.  La Cour observe que l’inspection a été effectuée dans le cadre d’une procédure administrative ouverte à l’encontre de la société requérante et portant sur une possible violation des règles de la concurrence. Elle tendait à la recherche d’indices et de preuves de l’existence d’une entente illicite sur les prix entre les producteurs de produits boulangers. De toute évidence, l’ingérence poursuivait donc le « bien-être économique du pays ».

    c)  Nécessaire dans une société démocratique

    82.  La Cour rappelle que la notion de nécessité implique une ingérence fondée sur un besoin social impérieux et notamment proportionnée au but légitime recherché. Pour se prononcer sur la « nécessité » d’une ingérence dans « une société démocratique », la Cour doit tenir compte de la marge d’appréciation laissée aux États contractants, laquelle est plus large lorsque la mesure vise les personnes morales et non les particuliers (voir Bernh Larsen Holding AS et autres, précité, § 159 in fine). Toutefois, la Cour ne se borne pas à se demander si l’État défendeur a usé de son pouvoir d’appréciation de bonne foi, avec soin et de manière sensée mais recherche aussi si le principe de proportionnalité a été respecté (voir Smirnov c. Russie, no 71362/01, § 44, 7 juin 2007 ; Société Canal Plus et autres c. France, no 29408/08, § 54, 21 décembre 2010).

    83.  S’agissant en particulier des perquisitions et des saisies, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que, si les États peuvent estimer nécessaire de recourir à de telles mesures pour établir la preuve matérielle d’un comportement irrégulier, il faut que leur législation et leur pratique en la matière offrent des garanties adéquates et suffisantes contre les abus (voir Funke c. France, 25 février 1993, § 57, série A no 256-A ; Société Canal Plus et autres, précité, § 54 in fine). Dans des affaires comparables, elle a ainsi recherché en particulier si la perquisition a été opérée en vertu d’un mandat décerné par un juge et reposant sur des motifs plausibles de soupçonner l’intéressé et si le mandat était d’une portée raisonnable (Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH c. Autriche, no 74336/01, § 57, CEDH 2007-IV). Lorsque le droit national habilite les autorités à conduire une perquisition sans mandat judiciaire, la Cour doit redoubler de vigilance, et ce nonobstant la marge d’appréciation qu’elle reconnaît en la matière aux États contractants. Ainsi, dans les affaires concernant la protection des individus contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par l’article 8, elle a eu l’occasion d’affirmer que l’absence d’un mandat de perquisition peut être compensé par un contrôle judiciaire effectif, réalisé ex post facto (voir Heino, précité, § 45 ; Smirnov, précité, § 45 in fine).

    84. Dans la présente affaire, l’inspection dans les locaux commerciaux de la société requérante situés à Prague a eu lieu le 19 novembre 2003, à savoir le jour même de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre, motivée par des soupçons d’un comportement anti-concurrentiel. Si, dans un domaine tel que la protection de la compétition économique, les autorités peuvent estimer nécessaire de recourir à certaines mesures, comme les perquisitions ou inspections, pour éviter la disparition ou la dissimulation des éléments de preuve, établir la preuve matérielle de pratiques anticoncurrentielles et en poursuivre le cas échéant les auteurs, encore faut-il que la législation et la pratique en la matière prévoient suffisamment de garanties pour éviter que les autorités ne puissent prendre des mesures arbitraires portant atteinte au droit des requérants au respect de leur domicile (voir, mutatis mutandis, Société Colas Est et autres, précité, § 48 ; Dumitru Popescu c. Roumanie (no 2), no 71525/01, § 65, 26 avril 2007).

    85.  En l’espèce, la société requérante a été informée de l’ouverture de cette procédure par une notification signée par le directeur supérieur de l’Autorité et remise à ses représentants au début de l’inspection, qui mentionnait comme objet de la procédure une possible violation de l’article 3 § 1 de la loi no 143/2001 sur la protection de la concurrence économique consistant en une entente présumée sur les prix de vente de produits boulangers. La notification a été accompagnée d’une autorisation à effectuer l’inspection, établie par l’Autorité, laquelle comportait selon la requérante les noms des agents chargés de l’inspection. Force est donc de constater que cette notification ne mentionne que très sommairement l’objet de la procédure administrative et ne détaille ni les faits ni les pièces sur lesquels reposent les présomptions de pratiques anticoncurrentielles (voir, a contrario, Société Canal Plus et autres, précité, §§ 8 et 55 ; Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH, précité, § 58).

    86.  Conformément au droit interne, le seul fait d’avoir ouvert une procédure administrative à l’encontre de la société requérante donnait à l’Autorité de la concurrence le droit de procéder à l’inspection. Celle-ci n’a donc pas fait l’objet d’une autorisation préalable par un juge, qui aurait pu la circonscrire ou contrôler son déroulement (voir, a contrario, Société Canal Plus et autres, précité, §§ 8, 55 et 56 ; Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH, précité, § 59), ni n’a été ordonnée par une décision susceptible de réexamen judiciaire. L’article 21 § 4 de la loi no 143/2001 laisse en effet une large marge de manœuvre à l’Autorité quant à l’appréciation de la nécessité et de l’ampleur des perquisitions (voir, a contrario, Bernh Larsen Holding AS et autres, § 164). Le seul document écrit précisant de manière succincte le but de l’inspection et les motifs ayant conduit l’Autorité à la mener a été le procès-verbal d’inspection rédigé à la fin de celle-ci (voir paragraphe 8 ci-dessus et, pour le changement législatif intervenu au 1er décembre 2012, paragraphe 41 ci-dessus; puis, mutatis mutandis, Varga, précité, § 72).

    87.  Néanmoins, la Cour a déjà eu l’occasion d’affirmer que, dans de telles situations, l’absence d’un mandat de perquisition peut être contrecarrée par un contrôle judiciaire ex post facto sur la légalité et la nécessité de cette mesure d’instruction (voir Heino, précité, § 45 ; Gutsanovi, précité, § 222). Encore faut-il que ce contrôle soit efficace dans les circonstances particulières de l’affaire en cause (Smirnov c. Russie, no 71362/01, § 45 in fine, 7 juin 2007). En pratique, cela implique que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la mesure litigieuse et de son déroulement ; lorsqu’une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, le ou les recours disponibles doivent permettre de fournir à l’intéressé un redressement approprié (voir, mutatis mutandis, Ravon et autres c. France, no 18497/03, § 28, 21 février 2008 ; Société Canal Plus et autres, précité, § 40).

    88.  En l’espèce, le contrôle effectif de la légalité et de la nécessité de l’inspection en cause était d’autant plus nécessaire qu’à aucun moment avant celle-ci il n’avait été précisé quels étaient concrètement les documents liés à la procédure administrative que l’Autorité s’attendait à découvrir dans les locaux de la société requérante (voir, mutatis mutandis, Gutsanovi, § 224).

    89.  Il existe en l’occurrence une controverse entre les parties quant à la question de savoir si ce contrôle a été dispensé dans les deux procédures menées en l’espèce sur le fondement de l’article 65 du code de justice administrative, à savoir celle portant sur la violation des règles matérielles de la concurrence et celle relative à l’amende infligée à la société requérante. En revanche, les deux parties semblent admettre qu’il n’y avait pas lieu pour la requérante d’engager une action contre une ingérence illégale au sens de l’article 82 du code de justice administrative, qui semble être pourtant le mécanisme de protection le plus adéquat dans ces situations (voir les considérations de la Cour administrative suprême dans son arrêt du 29 mai 2009 cité au paragraphe 21 ci-dessus et l’affaire citée au paragraphe 49 ci-dessus). En effet, dans les circonstances de la cause, cette action était vouée à l’échec, soit parce qu’elle ne remplirait pas la condition de viser une ingérence en cours ou susceptible de se répéter (condition abrogée au 1er janvier 2012, voir paragraphe 43 ci-dessus), soit parce qu’elle revêt un caractère subsidiaire à celle prévue par l’article 65 dudit code, que la requérante a engagée pour contester la décision sur l’amende (voir paragraphe 102 ci-dessous).

    90.  La société requérante allègue que la procédure relative à l’amende infligée en vertu de l’article 22 de la loi no 143/2011 portait uniquement sur son comportement et sur le montant de l’amende, alors que la procédure sur le fond engagée le 19 novembre 2003 se concentrait sur la question de savoir s’il y a eu violation des règles matérielles de la concurrence. Selon la société requérante, les tribunaux se sont donc en l’espèce limités à examiner la légalité de l’inspection mais n’ont jamais examiné la conduite de l’Autorité, les motifs, le but et l’ampleur de l’inspection, ni son caractère nécessaire et proportionné (voir paragraphe 69 ci-dessus).

    91.  La Cour constate en effet qu’aucune de ces deux procédures ne visait directement la régularité de l’inspection même et qu’aucun recours en contestation du déroulement de l’inspection n’était prévu. Même si notamment la Cour suprême administrative s’est livrée, dans son arrêt du 29 mai 2009 (voir paragraphe 21 ci-dessus), à une analyse des questions relatives à la base légale, au but légitime et à la proportionnalité, elle s’est concentrée essentiellement sur l’étendue des pouvoirs que la loi conférait aux agents de l’autorité une fois qu’il a été décidé d’effectuer une inspection, et sur le respect de ces pouvoirs par les agents. Tout en notant que les arguments de la société requérante relatifs à l’étendue du contrôle judiciaire revêtent un caractère plutôt théorique et tout en reconnaissant que les décisions des juridictions nationales sont très bien élaborées et s’appuient sur la jurisprudence de la Cour, la Cour se doit de constater que les tribunaux saisis en l’espèce ne se sont pas penchés sur les éléments de fait ayant conduit l’Autorité à effectuer l’inspection (voir, mutatis mutandis, Société Canal Plus et autres, précité, § 36). En conséquence, l’exercice par l’Autorité de son pouvoir d’apprécier l’opportunité, la durée et l’ampleur de l’inspection n’a pas fait l’objet d’un examen judiciaire. A ce titre, ne saurait être considéré comme suffisant le constat du tribunal régional selon lequel l’ingérence dans la sphère du compétiteur concerné était justifiée dès le moment où l’Autorité avait des soupçons qu’un certain comportement sur le marché résultait d’un contact entre les compétiteurs, contact qui ne pouvait être démontré que par les preuves obtenues lors de l’inspection (voir paragraphe 30 ci-dessus).

    Il s’ensuit que, par ce biais, la requérante n’aurait pas pu prétendre à un redressement approprié dans l’hypothèse où l’inspection aurait été jugée irrégulière. Sur ce point, la Cour observe que la possibilité de se prévaloir dans ces circonstances de la loi no 82/1998 pour demander une indemnisation semble avoir été pour la première fois évoquée dans l’arrêt de la Cour administrative suprême du 13 février 2014 (voir paragraphe 50 ci-dessus), et que le Gouvernement ne mentionne pas ce moyen.

    92.  Il est vrai que l’inspection litigieuse s’est déroulée en présence de représentants de la société requérante (voir paragraphe 7 ci-dessus), que l’Autorité n’avait pas le droit de saisir des documents et s’est vu remettre seulement des copies (voir paragraphe 10 ci-dessus) et que ses agents étaient tenus par l’obligation de confidentialité (voir paragraphe 39 ci-dessus). Toutefois, la Cour considère qu’en l’absence d’une autorisation préalable d’un juge, d’un contrôle effectif a posteriori de la nécessité de la mesure contestée et d’une réglementation relative à une éventuelle destruction des copies obtenues (voir, a contrario, Bernh Larsen Holding AS et autres, précité, § 171), ces garanties procédurales n’étaient pas suffisantes pour prévenir le risque d’abus de pouvoir de la part de l’Autorité de la concurrence (voir, mutatis mutandis, Gutsanovi, précité, § 225)..

    93.  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que, tel qu’effectué en l’espèce, le contrôle judiciaire ex post facto n’a pas offert à la société requérante suffisamment de garanties contre l’arbitraire, de sorte que l’ingérence dans ses droits ne peut pas être considérée comme étant étroitement proportionnée au but légitime recherché.

    94.  Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

    95.  La société requérante se plaint également de ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour faire valoir son grief tiré de l’article 8 de la Convention. Elle invoque l’article 13 de la Convention, libellé comme suit :

    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    96.  Le Gouvernement conteste cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    97.  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.

    B.  Sur le fond

    98.  La société requérante soutient qu’elle ne disposait d’aucun recours effectif se rapportant aux motifs de l’inspection, à son but et à la manière dont elle a été effectuée.

    99.  Premièrement, l’inspection a été réalisée sur la base d’une notification d’ouverture de la procédure administrative, qui ne spécifiait ni des motifs ou soupçons concrets justifiant l’inspection ni son but et son ampleur, et qui n’était pas susceptible de réexamen judiciaire. L’inspection même n’a fait l’objet d’aucune décision qui pourrait être contestée en vertu de l’article 65 du code de justice administrative. S’il est vrai que l’inspection a été effectuée dans le cadre d’une procédure portant sur la violation des règles de la concurrence, laquelle a donné lieu à une décision susceptible d’un examen judiciaire selon l’article 65, cet examen portait uniquement sur le prétendu comportement anticoncurrentiel de la requérante et non sur le caractère justifié, proportionné et nécessaire de l’inspection. De plus, la première décision relative à la violation de l’article 3 § 1 de la loi no 143/2001 n’a été adoptée qu’en juillet 2005, soit presque deux ans après l’inspection, et a été ensuite annulée. Ne saurait non plus être considérée comme effective l’action dirigée en vertu de l’article 65 contre la décision relative à l’infliction de l’amende, dans le cadre de laquelle la société requérante, dépourvue d’autres moyens, tentait de dénoncer la violation de l’article 8 de la Convention par l’Autorité. Dans cette procédure, les tribunaux ont examiné seulement la légalité de l’inspection et le comportement de la société requérante durant cette inspection, et non les questions de la nécessité et de la proportionnalité de celle-ci. L’ineffectivité découle également du fait que la dernière décision judiciaire à ce sujet n’a été adoptée qu’en août 2010, soit presque sept ans après l’inspection.

    La société requérante affirme en outre que ne peut être qualifié d’effectif qu’un recours dont la personne concernée dispose en toutes circonstances, et non seulement en fonction des circonstances indépendantes de son influence et de sa volonté. En effet, si l’Autorité n’avait pas décidé de lui infliger une amende ou si la procédure sur la violation des règles de la concurrence s’était terminée par une décision favorable à la requérante ou par une extinction, il n’existerait aucune décision pouvant faire l’objet d’un réexamen judiciaire dans le cadre duquel elle pourrait soulever ses griefs relatifs à l’inspection.

    100.  Deuxièmement, l’action selon l’article 82 du code de procédure administrative n’aurait pas eu de chances de succès car elle ne pouvait viser qu’une ingérence toujours en cours ou une ingérence susceptible de se répéter, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Rien ne saurait y changer le fait, mis en avant par le Gouvernement, qu’une telle action ne serait pas rejetée pour irrecevabilité mais pour manque de fondement.

    101.  Selon le Gouvernement, ce grief est identique à la question, examinée sur le terrain de l’article 8, de l’existence d’un contrôle judiciaire a posteriori de la légalité et du déroulement de l’inspection litigieuse. Il réitère que la société requérante disposait de voies de recours au travers desquels elle pouvait faire valoir ses doléances (voir aussi paragraphe 73 ci-dessus).

    102.  Le Gouvernement s’oppose en outre à l’argument de la société requérante selon lequel l’action contre une ingérence illégale au sens de l’article 82 du code de justice administrative ne peut pas être considérée comme un recours effectif car elle ne vaut que pour les ingérences en cours (alors que l’inspection est généralement terminée au moment de l’introduction de l’action). Se référant à la jurisprudence de la Cour administrative suprême (voir paragraphe 48 ci-dessus), il note que l’absence d’un élément prévu par l’article 82 du code de justice administrative relève de l’examen du bien-fondé mais n’entraîne pas l’irrecevabilité de l’action. Il ressort néanmoins de cette jurisprudence que l’action selon l’article 82 revêt un caractère subsidiaire par rapport à celle prévue par l’article 65 dudit code ; elle sera donc recevable uniquement lorsque le contrôle n’aboutit pas à une décision de l’autorité administrative que la personne concernée pourrait contester en vertu de l’article 65. En l’espèce, une telle décision a cependant été rendue, à savoir celle sur l’infliction d’une amende, et la société requérante a donc pu saisir les tribunaux administratifs sur le fondement de l’article 65. Dans le cadre de cette procédure, les tribunaux ont dûment examiné ses arguments ainsi que la légalité et le déroulement de l’inspection. Par son étendue, ce contrôle correspondait à celui auquel les tribunaux procèdent dans une procédure menée selon l’article 82 du code de justice administrative et aussi au test utilisé par la Cour pour apprécier la compatibilité d’une ingérence avec la Convention.

    103.  Eu égard au constat relatif à l’article 8, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition (voir, entre autres, Heino, arrêt précité, § 55).

    III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    A.  Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention

    104.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la société requérante allègue également une méconnaissance de son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Faisant référence à l’affaire J.B. c. Suisse (no 31827/96, CEDH 2001-III), elle se plaint d’avoir été obligée, sous peine d’amende, de coopérer avec l’Autorité de la concurrence durant l’inspection de ses locaux. De surcroît, une amende de 300 000 couronnes tchèques lui a effectivement été infligée en raison du manque de coopération de ses employés, qui n’auraient pas permis à l’Autorité d’accéder à l’intégralité de leur correspondance électronique.

    105.  Le Gouvernement excipe d’abord de l’incompatibilité ratione materiae. Tout en admettant que, vu le montant de l’amende encourue et son but répressif et dissuasif, le volet pénal de l’article 6 s’appliquerait en l’espèce, il note que la société requérante se plaint de s’être vu infliger une amende en invoquant le caractère privé de la correspondance à laquelle elle a refusé de donner accès. Ainsi, elle a elle-même exclu que cette correspondance puisse avoir un quelconque rapport avec l’objet de l’enquête, alors que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ne saurait porter que sur les informations relatives à « l’accusation » examinée dans la procédure en question.

    106.  Le Gouvernement soulève ensuite une exception de non-épuisement des voies de recours internes, relevant que la société requérante n’a formulé ce grief pour la première fois que dans son recours constitutionnel, ce que la Cour constitutionnelle a qualifié d’une nouveauté soulevée de façon inadmissible. Si cette juridiction s’est malgré tout brièvement exprimée sur ce grief, il s’agissait selon le Gouvernement uniquement d’un constat obiter dictum par lequel la cour a simplement relevé des incohérences dans les allégations de la société requérante, sans se prononcer davantage.

    107.  Selon la société requérante, il importe pour l’applicabilité de l’article 6 que l’Autorité a considéré sa correspondance comme étant une preuve de son comportement anticoncurrentiel, preuve dont elle ne disposait pas avant l’inspection et qu’elle espérait recueillir à cette occasion. De l’avis de la société requérante, il ressort de l’arrêt J.B. (précité) que les autorités ne peuvent pas contraindre les personnes concernées à leur remettre, contre leur gré, des documents pouvant mener à leur inculpation, en particulier lorsque les autorités ne savent pas précisément si de tels documents existent.

    108.  La société requérante objecte également que, dès lors que l’inspection n’a pas fait l’objet d’une décision susceptible d’être réexaminée par un tribunal, elle ne disposait d’aucun recours à cet égard. Elle ne pouvait contester que la décision relative à l’amende et faire valoir ses objections contre la conduite de l’Autorité dans ce cadre, mais la procédure qui s’en est suivie n’a pas porté sur l’exercice des pouvoirs par l’Autorité ni sur le caractère justifié de l’inspection. C’est pourquoi elle a soumis ses doléances à la juridiction appelée à protéger les droits garantis par la Convention, à savoir la Cour constitutionnelle, qui a cependant rejeté tous ses griefs. La société requérante estime en outre que tous les tribunaux saisis en l’espèce étaient obligés de tenir compte des éventuelles violations de ses droits fondamentaux d’office, sans une objection expresse de sa part.

    109.  La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner la question de savoir si l’article 6 s’applique en l’espèce car, même si tel était le cas, le présent grief est irrecevable pour un autre motif.

    110.  Elle rappelle à cet égard que, en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, le grief dont on entend saisir la Cour doit d’abord être soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (Sabeh El Leil c. France [GC], no 34869/05, § 32, 29 juin 2011 ; Bureš c. République tchèque, no 37679/08, § 141, 18 octobre 2012).

    111.  Il ressort de la jurisprudence établie par la Cour dans les affaires tchèques que, à l’exception de certains griefs liés notamment à la durée de la procédure, le recours constitutionnel est en principe un moyen susceptible de remédier à la violation des droits et libertés reconnus dans la Convention et doit donc être exercé aux fins de l’article 35 § 1. En effet, en annulant une décision pour non-respect de la Convention, la Cour constitutionnelle reconnaît la violation, la fait cesser et rétablit l’état de droit antérieur. Pour ce qui est des conditions de recevabilité du recours constitutionnel, elles font l’objet d’une réglementation par l’Etat relative aux formalités et délais, que la Cour constitutionnelle est appelée à interpréter. En l’occurrence, la Cour n’aperçoit pas de raison de douter que l’exigence selon laquelle un grief se rapportant à une décision mise en cause dans le recours constitutionnel doit être soulevé devant les juridictions inférieures ayant statué avant la Cour constitutionnelle (voir paragraphe 46 ci-dessus) vise à assurer la bonne administration de la justice, dont font partie le rôle de l’instance suprême conféré à la Cour constitutionnelle et la subsidiarité d’un recours constitutionnel.

    112.  En l’espèce, la Cour relève que la société requérante n’a pas manqué d’entamer la procédure prévue en droit tchèque pour contester la décision de lui infliger une amende datée du 30 décembre 2003. Tout au long de cette procédure, dans laquelle elle a été représentée par un avocat, elle faisait valoir entre autres ses doléances tirées de l’article 8 de la Convention. Or, même si elle se plaint à présent que le fait de s’être vu infliger une amende pour ne pas avoir donné accès à certaines informations susceptibles selon l’Autorité de démontrer son comportement anticoncurrentiel n’était pas conforme au droit garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la société requérante n’a pas soulevé cet argument ni devant le tribunal régional ni devant la Cour administrative suprême. De l’avis de la Cour, ce grief ne saurait être considéré comme inhérent à la situation telle qu’elle était dénoncée par la société requérante sur le terrain de l’article 8, de sorte à appeler un examen d’office par ces tribunaux.

    113.  Il convient également de relever que, à la différence de l’affaire D.H. et autres c. République tchèque [GC] (no 57325/00, §§ 117-118, CEDH 2007-IV), la Cour constitutionnelle n’a pas décidé de ne pas tenir compte de ce manquement procédural ; au contraire, elle a considéré que ce grief constituait une nouveauté soulevée de façon inadmissible pour la première fois dans le recours constitutionnel (voir paragraphe 23 ci-dessus). C’est pourquoi elle s’est bornée uniquement à un constat à la marge, sans se prononcer sur le bien-fondé de ce grief (bien qu’elle n’ait pas formellement rejeté cette partie du recours pour non-épuisement des voies de recours).

    114.  Dans ces circonstances, la Cour estime que la société requérante ne peut pas passer pour avoir fait tout ce qu’on pouvait raisonnablement attendre d’elle pour dûment épuiser les voies de recours internes au regard du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

    B.  Sur la violation alléguée de l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention

    115.  Invoquant l’article 14 de la Convention, la société requérante se plaint de ne pas avoir bénéficié du même degré de protection que les personnes morales ou physiques lors d’une perquisition effectuée dans le cadre d’une procédure pénale, que le droit interne soumet à l’autorisation préalable d’un tribunal. Elle estime que si une perquisition domiciliaire chez une personne physique ne peut depuis toujours avoir lieu qu’en vertu d’un mandat judiciaire préalable et si la Cour constitutionnelle a conclu dans son arrêt no Pl. ÚS 3/09 qu’une approche identique s’imposait également dans le cas de perquisitions d’autres locaux et terrains impliquant les personnes morales, il n’est pas objectivement et raisonnablement justifié de procéder différemment à son égard lors d’une inspection effectuée selon la loi no 143/2001.

    116.  Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes, constatant que la société requérante a fait valoir ce grief pour la première fois dans sa requête devant la Cour, alors qu’elle aurait dû le soumettre aux juridictions nationales. Il estime, à titre subsidiaire, que la requérante n’était pas dans une situation comparable à celles des personnes (morales ou physiques) auxquelles s’appliquait l’article 83a du code de procédure pénale, et qu’elle ne pouvait se comparer qu’aux personnes soumises à la loi no 143/2001.

    117.  La société requérante relève dans ses observations que, malgré l’arrêt no Pl. ÚS 3/09 rendu peu de temps avant la décision dans son affaire, la Cour constitutionnelle a rejeté son recours constitutionnel en soulignant que ledit arrêt concernait une affaire pénale. Or, selon elle, la distinction opérée par le droit interne entre les sanctions administratives et pénales n’est pas pertinente au regard de l’égalité des droits, d’autant plus que le droit au respect du domicile constitue un droit fondamental autonome et non une composante du droit à un procès équitable. La société requérante estime en outre que si la chambre de la Cour constitutionnelle ayant statué dans son affaire n’a pas respecté l’arrêt du plénum no Pl. ÚS 3/09 ni n’a soumis la question au plénum, c’est parce que deux de ses membres avaient exprimé des opinions dissidentes dans ledit arrêt. Elle reste convaincue d’avoir bénéficié d’une protection plus faible par rapport aux personnes physiques placées dans des situations comparables, qu’elles soient soumises au code de procédure pénale ou à la loi no 143/2001, et de s’être vu refuser la protection a posteriori comparable à celle fournie à la personne morale dont la requête avait donné lieu à l’arrêt no Pl. ÚS 3/09.

    118.  En l’espèce, la Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les situations dénoncées par la société requérante sont comparables et si la différence de traitement alléguée se fonde sur un critère relevant de l’expression « toute autre situation » (voir Peterka c. République tchèque (déc.) no 21990/08, 4 mai 2010).

    119.  Elle observe en effet que, pour ce qui est des perquisitions domiciliaires effectuées chez les personnes physiques dans le cadre d’une procédure pénale, l’exigence d’un mandat judiciaire préalable était toujours prévue par le droit interne. Rien n’empêchait donc la société requérante, qui s’estime être en l’espèce dans une situation comparable - ce sur quoi la Cour n’estime pas utile de se prononcer dans la présente affaire - de soulever ce grief devant la Cour constitutionnelle, ce qu’elle a omis de faire. Cette partie de la requête doit donc être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention

    120.  La Cour note ensuite que, pour ce qui est des perquisitions d’autres locaux et terrains effectuées dans le cadre d’une procédure pénale, qui sont davantage susceptibles de concerner une personne morale, l’exigence d’un mandat judiciaire n’est apparue dans l’ordre juridique tchèque qu’à la suite de l’arrêt no Pl. ÚS 3/09, exécutoire à compter du 8 juillet 2010. Au moment de l’inspection effectuée dans les locaux commerciaux de la société requérante le 19 novembre 2003, il n’existait donc, sur ce point, aucune différence de traitement entre les personnes morales sujettes à une telle perquisition selon le code de procédure pénale et celles sujettes à une inspection selon la loi no 143/2001.

    121.  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    C.  Sur la violation alléguée de l’article 1 du Protocole no 1

    122.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, la société requérante se plaint de s’être vu infliger une amende pour avoir défendu ses droits fondamentaux, alors que les conditions légales n’étaient pas réunies.

    123.  Le Gouvernement note que l’amende litigieuse avait un fondement légal, constitué par les articles 21 §§ 4-5 et 22 § 1 a) de la loi no 143/2001, et qu’elle visait à empêcher la société requérante de faire obstruction à l’inspection, poursuivant ainsi le but légitime de la protection de la concurrence (et donc de l’intérêt général, des droits des autres acteurs économiques et des consommateurs). Il souligne que l’obligation de payer une amende enfreint le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu uniquement si elle impose à la personne ou à l’entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière. Or, tel n’a pas été selon lui le cas en l’espèce où le montant de l’amende était justifié par la gravité du comportement de la société requérante et où cette sanction n’a pas eu d’incidence majeure sur la situation financière de cette dernière (voir, mutatis mutandis, O.B. Heller, a.s. et Československá obchodní banka c. République tchèque (déc.), nos 55631/00 et 55728/00, 9 novembre 2004).

    124.  La société requérante conteste le fait que l’amende en question poursuivait un but légitime en vue de protéger l’intérêt général. Selon elle, tel ne peut pas être le cas lorsque le but de l’amende est de sanctionner une personne pour avoir défendu ses droits garantis par la Convention ou pour la contraindre à y renoncer. Elle s’oppose également aux données avancées par le Gouvernement pour évaluer sa situation financière ainsi que la part du marché qu’elle occupe.

    125.  La Cour rappelle que l’imposition d’une amende est en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 car elle prive la personne concernée d’un élément de propriété, à savoir de la somme qu’elle doit payer (Phillips c. Royaume-Uni, no 41087/98, § 50, CEDH 2001-VII). La Cour observe d’emblée que l’ingérence litigieuse se justifie au regard du deuxième alinéa de l’article 1 du Protocole no 1, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. Une telle question n’échappe pas pour autant à tout contrôle de la Cour puisque celle-ci doit vérifier si l’article 1 du Protocole no 1 a fait l’objet d’une application correcte (Orion-Břeclav, s.r.o., c. République tchèque (déc.), no 43783/98, 13 janvier 2004).

    126.  Aux fins de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1, la Cour doit donc rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Phillips, précité, § 51). Par conséquent, l’obligation financière née du paiement des amendes peut compromettre la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l’entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à leur situation financière (voir, mutatis mutandis, Buffalo S.r.l. en liquidation c. Italie, no 38746/97, § 32, 3 juillet 2003). Il appartient en premier lieu aux autorités nationales de décider du type d’amendes qu’il convient d’appliquer. Les décisions en ce domaine impliquent une appréciation de problèmes politiques, économiques et sociaux que la Convention laisse à la compétence des États parties. Ces derniers disposent donc d’un large pouvoir d’appréciation.

    127.  En l’espèce, la société requérante a été contrainte de payer environ 11 000 EUR pour n’avoir pas respecté ses obligations de coopération fixées par les articles 21 §§ 4 et 5 de la loi no 143/2001, comme le prévoit l’article 22 § 1 a) de cette loi. Le libellé de ce texte n’indique en aucune manière que l’amende ne peut pas être infligée lorsque la personne concernée invoque le caractère privé des documents sollicités. Il s’agit donc d’une ingérence prévue par la loi, qui poursuivait le but légitime de la protection de l’économie.

    128.  Il reste à rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de la société requérante (voir, mutatis mutandis, Valico S.r.l. c. Italie (déc.), no 70074/01, CEDH 2006-III).

    129.  La Cour note que la société requérante s’est vu infliger l’amende la plus élevée possible, à savoir 300 000 CZK. Elle ne conteste pas toutefois que son chiffre d’affaires était maintes fois supérieur ni n’allègue qu’il s’agissait d’une charge « exorbitante ». Il ne prête pas non plus à controverse que le paiement de l’amende n’a pas affecté son activité.

    130.  Dans ces circonstances, et compte tenu de la marge d’appréciation des Etats en la matière, la Cour estime qu’il a été satisfait à l’exigence de proportionnalité de l’ingérence.

    Partant, ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    131.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    132.  La société requérante réclame 300 000 CZK, soit environ 11 000 euros (EUR), au titre du préjudice matériel qui correspond au montant de l’amende qui lui a été infligée à l’issue de l’inspection. Elle ne formule pas de demande au titre du préjudice moral.

    133.  Le Gouvernement estime que la réponse à la question de savoir s’il y a un lien de causalité entre le préjudice matériel allégué par la requérante et la violation de la Convention dépendra des conclusions de la Cour quant aux différents griefs soulevés par la requérante. Il note également que, en cas de violation de la Convention, l’article 119 § 1 de la loi no 182/1993 sur la Cour constitutionnelle permet à la requérante de demander la réouverture de la procédure devant la Cour constitutionnelle

    134.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué, correspondant au montant de l’amende que la société requérante s’est vu infliger en raison d’une coopération défaillante de ses employés avec les agents chargés de l’inspection. Elle rejette donc cette demande.

    B.  Frais et dépens

    135.  Factures et relevés de compte à l’appui, la société requérante demande 574 675 CZK (environ 20 900 EUR) pour les frais de sa représentation légale devant les juridictions internes. Elle demande également le remboursement de ses frais engagés devant la Cour, qu’elle se dit prête à chiffrer sur invitation de la Cour.

    136.  Le Gouvernement admet que le montant de toutes les factures présentées s’élève à la somme demandée mais relève que, certaines rubriques étant noircies, il n’est pas possible de savoir quels services juridiques ont effectivement été fournis à la société requérante.

    137.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En particulier, l’article 60 § 2 du règlement prévoit que toute prétention présentée au titre de l’article 41 de la Convention doit être chiffrée, ventilée par rubrique et accompagnée des justificatifs nécessaires, faute de quoi la Cour peut rejeter la demande, en tout ou en partie. En outre, les frais et dépens ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, parmi beaucoup d’autres, Andrejeva c. Lettonie [GC], no 55707/00, § 115, CEDH 2009).

    138.  En l’espèce, la Cour constate que, telle que présentée par la société requérante, la demande de remboursement des frais et dépens engagés devant les juridictions internes ne permet pas d’établir la nature exacte des services reçus. Cela étant, la Cour admet qu’eu égard à la complexité de l’affaire, la société requérante a certainement dû engager des frais pour mener à bien les procédures suivies devant les tribunaux nationaux. Dans ces conditions, et eu égard au fait que la requête a été en grande partie déclarée irrecevable, elle estime raisonnable la somme de 5 000 EUR au titre des frais et dépens de la procédure nationale et l’accorde à la requérante.

    En revanche, faute de demande dûment formée et étayée par les justificatifs, il n’y a lieu d’allouer aucune somme à la société requérante pour la procédure devant la Cour.

    C.  Intérêts moratoires

    139.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR

    1.  Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 8 et 13 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit, par quatre voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

     

    3.  Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13 de la Convention ;

     

    4.  Dit, par quatre voix contre trois,

    a)  que l’Etat défendeur doit verser à la société requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 5 000 EUR (cinq mille euros), à convertir en couronnes tchèques au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la société requérante, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 octobre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Claudia Westerdiek                                                                Mark Villiger
           Greffière                                                                              Président

    Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée commune aux juges Villiger, Yudkivska et Pejchal.

    M.V.
    C.W.


    OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES VILLIGER, YUDKIVSKA ET PEJCHAL

    1.  Nous avons voté contre la conclusion de la majorité selon laquelle il y a eu en l’espèce violation de l’article 8 de la Convention.

    2.  Précisons d’emblée que notre divergence de vue avec la majorité ne tient pas aux principes généraux à appliquer dans les affaires concernant les ingérences dans le droit au respect du « domicile » des personnes morales. Nous soulignons néanmoins que, lorsqu’il s’agit de mesures prises à l’encontre de telles personnes, par opposition aux particuliers, le droit d’ingérence des États peut aller plus loin (voir Niemietz c. Allemagne, 16 décembre 1992, §§ 30-31, série A no 251-B ; Société Colas Est et autres c. France, no 37971/97, §§ 40-41, 49, CEDH 2002-III) et que, de ce fait, leur marge d’appréciation est plus large (voir Bernh Larsen Holding AS et autres c. Norvège, no 24117/08, § 159 in fine, 14 mars 2013).

    3.  La question au sujet de laquelle nous nous dissocions de la majorité est celle de savoir si les deux procédures menées en l’espèce sur le fondement de l’article 65 du code de justice administrative, à savoir celle portant sur la violation des règles matérielles de la concurrence et celle relative à l’amende infligée à la société requérante, ont dispensé un contrôle effectif de la légalité et de la nécessité de l’inspection litigieuse.

    4.  Le point essentiel dans la conclusion de la majorité consiste à dire qu’aucune des deux procédures susmentionnées ne visait directement la régularité de l’inspection même et que, en conséquence, l’exercice par l’Autorité de la concurrence tchèque de son pouvoir d’apprécier l’opportunité, la durée et l’ampleur de l’inspection n’a pas fait l’objet d’un examen judiciaire (§ 91 de l’arrêt). Nous ne pouvons partager cette opinion qui à nos yeux ne rend pas justice aux décisions des juridictions nationales.

    5.  Nous nous devons de constater que, du moins dans la procédure relative à l’amende infligée à la société requérante à l’issue de l’inspection, les tribunaux se sont livrés à une certaine analyse des questions relatives à la base légale, au but légitime et à la proportionnalité de la mesure contestée. Se référant à la jurisprudence de la Cour, ils ont ainsi effectué un contrôle de la conventionalité, donnant ainsi effet au principe de subsidiarité qui est à la base du système de la Convention.

    En effet, l’argument principal de la société requérante, à savoir celui tiré de l’absence de mandat préalable, a été minutieusement examiné par les tribunaux qui y ont répondu de manière étayée et motivée ; le résultat de cette analyse est compatible avec les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour. Si la société requérante reproche aux tribunaux de ne pas s’être penchés, dans la procédure relative à l’amende, sur les éléments de fait ayant conduit l’Autorité à effectuer l’inspection, force est de constater qu’elle n’a jamais soulevé devant eux d’arguments concrets qui auraient pu les amener à considérer que les soupçons de l’Autorité n’avaient pas été plausibles ou que l’inspection n’avait pas été nécessaire ou proportionnée au but recherché. Ses doléances formulées à cet égard devant la Cour apparaissent donc purement théoriques.

    6.  On ne saurait non plus négliger que, dans le cadre de la procédure sur la violation des règles de la concurrence, la requérante a pu faire valoir ses arguments tirés de l’obtention prétendument illégale des preuves et de l’absence de justification de l’inspection par les faits concrets. Même si le tribunal régional de Brno ne s’est pas clairement prononcé sur ces questions dans son arrêt du 20 décembre 2012, il convient de noter, d’une part, que cette procédure est toujours pendante et, d’autre part, que les exigences imposées aux tribunaux dans une procédure administrative ne sauraient être comparées à celles existant dans une procédure pénale.

    7.  Nous considérons dès lors que le contrôle judiciaire auquel l’inspection litigieuse a été ex post facto soumise peut être considéré comme effectif et que les obligations procédurales découlant de l’article 8 de la Convention ont ainsi été satisfaites.

     


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1014.html