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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> DVORACEK v. THE CZECH REPUBLIC - 12927/13 - Chamber Judgment (French Text) [2014] ECHR 1268 (06 November 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1268.html Cite as: [2014] ECHR 1268 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE DVOŘÁČEK c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
(Requête no 12927/13)
ARRÊT
STRASBOURG
6 novembre 2014
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Dvořáček c. République tchèque,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ganna Yudkivska,
Vincent A. De Gaetano,
Helena Jäderblom,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 octobre 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 12927/13) dirigée contre la République tchèque et dont un ressortissant de cet État, M. Karel Dvořáček (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 février 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Mme B. Rittichová et M. M. Matiaško, juristes du Mental Disability Advocacy Center, organisation non gouvernementale basée à Budapest, et par Me D. Zahumenský, président de la Ligue des droits de l’homme tchèque et avocat au barreau tchèque.
Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V.A. Schorm.
3. Le requérant se plaint en particulier des conditions du traitement protectif qu’il a subi dans un hôpital psychiatrique, alléguant entre autres avoir été soumis à un traitement médical forcé.
4. Le 17 juin 2013, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1971 et réside à Lipová - lázně.
A. Etat de santé du requérant et son internement à l’hôpital psychiatrique de Šternberk
6. En 1999, le requérant se vit diagnostiquer la maladie de Wilson, maladie génétique liée à une accumulation de cuivre dans l’organisme et se manifestant entre autres par des atteintes du foie et du système nerveux et par des modifications du caractère ; sans traitement permanent, elle mène progressivement à la dégradation de l’état de santé des personnes atteintes, voire à la mort. Au moment du diagnostic, la maladie avait déjà atteint un stade avancé chez le requérant qui commença à avoir des problèmes d’élocution et de motricité et à souffrir d’un trouble hébéphile (préférence sexuelle pour les adolescents), considéré comme étant une forme de pédophilie ; selon les experts, ce trouble résulte chez le requérant d’une modification de sa personnalité due à la maladie et de son incapacité d’avoir des relations sexuelles normales, et non d’une déviance sexuelle primaire.
7. En raison de son comportement hébéphile, le requérant fit à plusieurs reprises l’objet de poursuites pénales pour des infractions sur mineurs incluant atteinte aux mœurs, séduction en vue d’un rapport sexuel et abus sexuels. En 2002, il se vit infliger une peine de prison avec sursis ainsi qu’un traitement protectif. Par la suite, il subit des internements à l’hôpital psychiatrique de Šternberk et de Prague-Bohnice, entre lesquels il fut soumis à des traitements ambulatoires. En mars 2007, le tribunal de district d’Olomouc décida de limiter la capacité juridique du requérant afin qu’il ne puisse pas disposer à lui seul des sommes supérieures à 8 000 couronnes tchèques ; par la suite, sa mère lui fut désignée comme tutrice.
8. D’autres poursuites pénales se terminèrent, le 3 janvier 2007, par un non-lieu motivé par le manque de responsabilité pénale du requérant. Par la décision du 30 août 2007, le tribunal de district d’Olomouc accéda à la demande du procureur et en vertu de l’article 72 § 4 du code pénal ordonna au requérant de suivre un traitement sexologique protectif en institution, à la place du traitement ambulatoire imposé le 16 août 2006 par le tribunal d’arrondissement de Prague 8. Le tribunal entendit comme témoin le psychiatre référent du requérant qui déclara que ce dernier refusait de suivre un traitement par anti-androgènes (visant à faire baisser le taux de testostérone) au motif qu’il entraînait une détérioration de son état de santé ; à cet égard, le psychiatre considéra que ce traitement pouvait avoir des effets secondaires mais que sans traitement et en liberté le requérant pouvait être dangereux. En qualité d’expert en sexologie, le tribunal entendit le médecin-chef psychiatrique de Šternberk, où le requérant avait déjà été interné auparavant, qui déclara que l’administration des anti-androgènes ne dégradait pas l’état d’un patient atteint de la maladie de Wilson et que ce traitement était nécessaire pour atténuer les manifestations du trouble sexuel du requérant. Selon le tribunal, il était probable que le requérant eût commis de nouveaux faits criminels parce qu’il n’avait pas suivi le traitement médicamenteux, et il y avait donc lieu de changer son traitement ambulatoire en traitement avec internement. Le tribunal observa que cette mesure était également dans l’intérêt du requérant et que c’était de lui que dépendait la durée de l’internement.
9. Le 19 septembre 2007, cette décision fut confirmée par le tribunal régional d’Ostrava.
10. Le requérant fut interné à l’hôpital psychiatrique de Šternberk du 13 novembre 2007 au 4 septembre 2008 ; les conditions de cet internement sont à l’origine de la présente Requête.
11. Il ressort du dossier que, au moment de l’admission du requérant le 13 novembre 2007, le médecin-chef et le médecin en charge définirent un plan de traitement, comprenant notamment des prélèvements et des médicaments tel que pris jusqu’à lors par le requérant (n’incluant pas les anti-androgènes). Ce jour-là, le requérant fut également examiné par un psychiatre. Par la suite, le requérant se vit également prodiguer des séances de rééducation.
12. À l’occasion d’un examen du requérant le 14 novembre 2007, le médecin-chef nota que, étant donné que le requérant refusait la castration par pulpectomie et ne voulait pas prendre d’anti-androgènes, son internement allait probablement être permanent.
13. Le dossier médical tenu par l’hôpital fait entre autres état des difficultés d’élocution et de motricité du requérant, de ses douleurs de dos, de son souhait de pouvoir rester au lit, de son comportement arrogant et parfois agressif et de son mécontentement général. Par ailleurs, dès le 22 novembre 2007, le requérant demanda au tribunal de changer son internement en traitement ambulatoire, exprimant son mécontentement avec l’internement et son refus du traitement médicamenteux. Dans son journal intime rédigé à l’hôpital, le requérant mentionne en outre que le médecin-chef n’avait jamais accepté de s’entretenir avec lui, qu’il lui était difficile de communiquer avec le personnel à cause de ses problèmes d’élocution et qu’aucune de ses demandes n’avait jamais été accueillie.
14. Selon une note faite dans le dossier médical du requérant par trois médecins, dont le médecin-chef, à l’occasion de la grande visite médicale du 3 décembre 2007, le requérant avait à cette date accepté le traitement par anti-androgènes, qui lui fut ensuite administré par voie intraveineuse une fois tous les quatorze jours. Lors de la visite médicale du 3 janvier 2008, le requérant ne fit pas de réserve quant au traitement. Après qu’il exprima son désaccord avec le traitement, le 29 janvier 2008, il fut convenu avec le médecin-chef que les anti-androgènes ne lui seraient administrés que toutes les quatre semaines. À la suite d’un contrôle du taux de testostérone effectué chez le requérant le 15 avril 2008, l’intervalle dans l’administration des anti-androgènes fut prolongé à six semaines. Après l’injection du 28 juillet 2008, le requérant exprima son mécontentement avec le traitement, se plaignant de l’aggravation de ses symptômes neurologiques. Dès lors, il convint avec le directeur d’une hospitalisation à l’hôpital universitaire d’Olomouc, qui eut lieu du 11 au 14 août 2008. Il ne reçut aucune autre dose d’anti-androgènes jusqu’à sa sortie d’hôpital.
15. À une date indéterminée, l’hôpital psychiatrique de Šternberk proposa au tribunal de changer l’internement du requérant en traitement ambulatoire. Le médecin-chef entendu en qualité de témoin déclara que le requérant avait suivi un traitement standard, s’étant vu administrer les anti-androgènes par voie intraveineuse dans des intervalles de plus en plus longs, et que l’internement avait selon lui rempli son but. Le requérant déclara qu’il avait suivi le traitement tout en étant convaincu que celui-ci avait une influence négative sur sa motricité, et qu’il le continuerait sous forme ambulatoire seulement si son psychiatre référent décidait ainsi. Prenant en compte que le requérant avait trouvé un logement social protectif, le tribunal de district d’Olomouc estima dans sa décision du 16 mai 2008 que le changement de milieu combiné avec un traitement ambulatoire par anti-androgènes pouvaient à l’avenir suffire pour contrer la dangerosité du requérant, et changea donc son internement en traitement sexologique ambulatoire.
16. Après que le procureur interjeta un recours contre cette décision, relevant que de nouvelles poursuites pénales avaient été engagées à l’encontre du requérant pour des faits commis en décembre 2007 et que celui-ci ne voulait pas suivre le traitement par anti-androgènes, un rapport d’expertise sur l’état psychique de ce dernier fut commandé par le tribunal de district d’Olomouc. Devant l’expert, le requérant soutint que sa maladie avait empiré durant l’internement, qu’il souffrait notamment de problèmes psychiques, ayant peur de l’hôpital, de la castration, de l’humiliation et d’une perte de dignité, que le traitement médicamenteux ne faisait qu’atténuer sa capacité d’érection mais ne le libérait pas de ses désirs sexuels et ne lui permettait pas de mener une vie sexuelle avec son amie, et qu’il souhaitait poursuivre une psychothérapie. Dans son rapport du 30 juillet 2008, l’expert M.K. estima qu’il ressortait des circonstances de l’espèce que, à lui seul, le traitement par anti-androgènes n’empêchait pas le requérant de récidiver, qu’il était possible d’influencer le comportement de ce dernier aussi par d’autres médicaments et que l’internement avait atteint ses limites. Selon l’expert, sans un traitement complexe incluant la pharmacothérapie, la psychothérapie et des soins sociaux, visant à ce que le requérant se rende compte de la gravité de son comportement et arrive à le maîtriser, il existait une probabilité élevée de récidive du comportement hébéphile.
17. Le recours du procureur ayant été rejeté par le tribunal régional d’Ostrava, le requérant fut mis en liberté en vertu d’une décision du tribunal de district d’Olomouc rendue le 4 septembre 2008, par laquelle le traitement protectif en institution fut remplacé par un traitement ambulatoire.
18. En 2008, deux séries de poursuites pénales concernant les faits commis par le requérant en 2007 et 2008 se soldèrent par un non-lieu, faute de sa responsabilité pénale.
19. Selon un rapport d’expertise en psychiatrie élaboré en octobre 2009 à la demande de la mère du requérant, la maladie de ce dernier avait progressé jusqu’à entraîner des conséquences très lourdes, notamment au niveau de la motricité, de l’élocution et des fonctions psychiques du requérant ; une altération de ses capacités intellectuelles avait également été constatée. L’expert K.H. releva dans les propos du requérant que son internement à l’hôpital psychiatrique de Šternberk n’avait pas été efficace puisque le traitement prodigué n’avait visé que l’atténuation de la sexualité par les médicaments et ne reposait pas sur une psychothérapie qui permettait au requérant de corriger, dans une certaine mesure, son comportement et qui était, même du point de vue de la récidive, plus effective qu’une simple mesure répressive telle l’internement. L’expert recommanda donc au requérant un traitement sexologique et psychiatrique ambulatoire, notamment une psychothérapie ou, en cas d’échec de celle-ci, une pharmacothérapie visant à atténuer sa sexualité, voire une castration chirurgicale qui garantirait la sûreté publique et permettrait au requérant de vivre hors institution.
20. Dans une expertise du 23 avril 2010, l’expert M.V. indiqua que, malgré la psychothérapie, le requérant manquait de regard critique suffisant, minimisait son comportement illicite et cherchait à éviter le traitement médicamenteux qui, pourtant, n’était pas contre-indiqué chez les patients souffrant de la maladie de Wilson. Ainsi, le traitement ambulatoire n’était pas efficace, faute pour le requérant de coopérer, et le risque de récidive persistait ; le requérant pouvait donc rester hors institution uniquement à condition qu’il accepte la thérapie pharmacologique visant à l’inhibition de son activité sexuelle.
21. Le 18 octobre 2010, le tribunal régional d’Ostrava confirma la décision du tribunal de district d’Olomouc du 13 septembre 2010, par laquelle le traitement ambulatoire du requérant avait été transformé en un traitement en institution. Entamé le 10 janvier 2011, l’internement du requérant à l’hôpital psychiatrique de Brno-Černovice fut prolongé de deux ans à la demande de l’hôpital, le 29 novembre 2012.
22. Dans une expertise du 20 février 2011, l’expert R.G. considéra qu’un traitement protectif ambulatoire était absolument insuffisant en cas de pédophilie. Selon lui, sans castration ou sans traitement d’inhibition médicamenteux, le séjour du requérant en liberté était dangereux.
23. Dans une expertise institutionnelle élaborée en avril 2013 par cinq experts médicaux, ceux-ci conclurent que, afin d’éviter la répétition des activités sexuelles indésirables chez le requérant, il fallait l’isoler des enfants et des adolescents ou inhiber son activité sexuelle par des médicaments.
24. Le 13 juillet 2013 passa en force de chose jugée le jugement du tribunal de district de Jeseník daté du 19 juin 2013, par lequel le requérant fut reconnu coupable des faits commis entre automne 2008 et mai 2009 et condamné à un an de prison avec sursis.
25. Le 15 octobre 2013, le tribunal municipal de Brno accéda à la demande du requérant et changea son internement en traitement ambulatoire.
B. Démarches procédurales du requérant visant à dénoncer les conditions de son internement à l’hôpital psychiatrique de Šternberk
26. Pendant toutes les démarches ci-dessous, le requérant fut représenté par un juriste du MDAC.
1. Médecin-chef
27. Le 12 septembre 2008, le requérant introduisit une plainte auprès du médecin-chef, se plaignant de ne pas avoir pu utiliser son lit pendant la journée et de ne pas avoir disposé d’un casier personnel, ainsi que du refus des infirmières de l’amener en promenade avec les autres patients. En ce qui concerne le traitement prodigué, il dénonça l’impossibilité de suivre une psychothérapie adéquate au sein de l’hôpital, et se plaignit du traitement par anti-androgènes auquel il était opposé mais qu’il avait accepté de peur de ne pas pouvoir sortir de l’hôpital, vu qu’aucun traitement alternatif ne lui avait été proposé. Il soutint enfin avoir subi une pression psychologique de la part des médecins visant à ce qu’il se soumette à une castration chirurgicale, et avoir reçu un traitement antidépresseur inadéquat.
28. Le 26 novembre 2008, le médecin-chef répondit au requérant en écartant ses doléances ; il releva par ailleurs que certaines limitations étaient dues au comportement inconvenable du requérant et souligna que ce dernier avait été avantagé par rapport aux autres patients du fait d’avoir obtenu de nombreuses autorisations de sortie et d’avoir pu se rendre chez un psychothérapeute en dehors de l’hôpital.
2. Chambre médicale tchèque
29. Le 17 octobre 2008, le requérant demanda à la Chambre médicale tchèque d’examiner la conduite des médecins affectés à l’hôpital psychiatrique de Šternberk, considérant qu’ils étaient responsables des conditions de son internement qu’il avait dénoncées dans sa plainte du 12 septembre 2008.
30. Le 31 mars 2009, la Chambre informa le requérant que la procédure disciplinaire ouverte contre les médecins concernés avait été suspendue car les mêmes faits faisaient l’objet d’une enquête menée par le ministère de la Santé (voir ci-dessous).
3. Ministère de la Santé
31. Le 22 octobre 2008, le requérant se plaignit des conditions de son internement auprès du ministère de la Santé, considérant que les codes déontologiques des médecins et du personnel paramédical n’avaient pas été respectés dans son cas et qu’il y avait eu violation des articles 3, 5 § 1 e) et 8 de la Convention. En sus des doléances mentionnées dans sa plainte du 12 septembre 2008, il se plaignit également d’avoir été obligé de se doucher avec d’autres patients, sans aucune intimité et en présence d’une infirmière.
32. Le ministère ouvrit une enquête pendant laquelle la documentation médicale du requérant fut examinée par un expert indépendant qui s’était entretenu avec le requérant ; ce dernier fut informé des résultats de l’enquête par une lettre du 4 août 2009. Le ministère nota d’abord que, durant son hospitalisation, le requérant n’avait pas fait preuve d’une attitude critique à l’égard de son comportement déviant, ce qui rendait une éventuelle psychothérapie ineffective, et qu’il avait refusé la pulpectomie testiculaire et tenté de manipuler le processus thérapeutique. Il fut observé ensuite que, l’hôpital psychiatrique de Šternberk ne disposant pas d’un département spécialisé dans le traitement sexologique protectif, les patients qui s’étaient vu ordonner un tel traitement dans cet hôpital étaient placés dans le département psychiatrique normal, à régime ouvert ou fermé. Le requérant ne s’était pas vu attribuer un casier à clef puisqu’il n’était pas capable de respecter les règles de l’hygiène, et il n’avait pas pu rester au lit puisqu’il s’était vu recommander une activité physique et une rééducation afin de prévenir l’atrophie et les contractures musculaires. Par ailleurs, il s’était vu accorder un nombre inhabituel d’autorisations de sortie dans l’enceinte de l’hôpital ou même en dehors. Quant à la surveillance et l’assistance du personnel dans les douches, elle était nécessaire en raison des difficultés motrices du requérant et de son incapacité de respecter les règles de l’hygiène. Le ministère observa également qu’aucune pression en vue d’une castration n’avait été démontrée et que le requérant avait pu communiquer avec le psychologue interne ainsi qu’avec sa psychothérapeute externe. À l’issue de l’enquête, le ministère conclut que ni le code déontologique ni la Convention n’avaient été violés en l’espèce mais constata qu’il y avait eu un manquement lorsque le tribunal avait ordonné de placer le requérant dans un hôpital psychiatrique qui n’avait ni le personnel ni les conditions pour prodiguer un traitement sexologique.
4. Médiateur
33. À une date indéterminée, le requérant adressa les mêmes doléances au médiateur qui ouvrit, le 10 juin 2009, une enquête visant à déterminer si les droits fondamentaux du requérant avaient été enfreints lors de son internement. Dans le cadre de cette enquête, des employés de l’office du médiateur se sont rendus à l’hôpital de Šternberk où ils se sont entretenus avec le personnel soignant, se procurant également une copie du dossier médical du requérant.
34. Dans sa réponse adressée le 16 février 2010 au requérant, le médiateur constata que le requérant avait suivi à Šternberk un traitement pharmacologique, complété par une ergothérapie et une psychothérapie. Bien qu’il ne coopérât pas lors du traitement, celui-ci avait été moins restrictif que d’ordinaire puisque le requérant avait bénéficié dès le début de son internement de nombreuses autorisations de sortie et de visite, sauf lorsqu’il s’était montré particulièrement agressif. Concernant les différentes objections du requérant relatives aux conditions de son internement, le médiateur releva que le personnel s’était efforcé de maintenir la motricité du requérant et ne lui avait donc pas permis de s’allonger dans son lit à chaque fois qu’il le souhaitait ; puis, si la non-attribution d’un casier au requérant était motivée par des raisons d’hygiène, celui-ci pouvait déposer ses affaires auprès du personnel. Le médiateur releva ensuite que la présence du personnel dans les douches était nécessaire pour assurer l’hygiène du requérant mais que celui-ci aurait pu demander de se doucher seul en dernier ; cependant, il ne s’était jamais plaint d’un manque d’intimité. En ce qui concerne le traitement suivi par le requérant, le médiateur releva que la mise en œuvre d’un traitement protectif n’était réglementée par aucune norme juridique (à la différence de la détention provisoire par exemple) et que la conduite de l’hôpital devait donc être appréciée au vu de l’ordre constitutionnel tchèque, de la Convention de biomédecine et de la loi no 20/1996 sur les soins de santé. Sur ce point, il constata qu’il ne lui appartenait pas de juger du caractère adéquat de la psychothérapie prodiguée, que les médecins soignants avaient nié toute pression concernant la castration chirurgicale du requérant et qu’ils avaient estimé que le traitement par anti-androgènes était nécessaire dans son cas en raison de la déviance sexuelle ; les médecins auraient également noté que, n’acceptant pas qu’il souffrait d’une déviance sexuelle, le requérant refusait tout traitement. En conclusion, le médiateur ne releva pas de manquement concernant le régime auquel le requérant avait été soumis à l’hôpital de Šternberk mais décida d’inviter le directeur de celui-ci à autoriser les patients d’accéder à leurs chambres pendant la journée, à mettre à leur disposition un nombre suffisant de casiers, sauf risque d’hygiène avéré, et à mieux protéger leur intimité dans les douches.
35. Par une lettre du 3 mars 2010, le médiateur informa le médecin-chef de Šternberk des conclusions de son enquête concernant le requérant, selon lesquelles les ingérences dénoncées par ce dernier étaient justifiées par son état de santé, tendaient à empêcher son aggravation ou à protéger les tiers et étaient proportionnées au risque menaçant les objets et intérêts protégés par la loi, c’est-à-dire conformes à la législation. En même temps, il avertit le directeur de certains faits qui n’étaient selon lui pas conformes à la législation. Ainsi, il l’invita à permettre aux patients d’accéder à leurs chambres tout au long de la journée, à assurer aux patients plus d’intimité dans les douches et à mettre à leur disposition un casier à clef. Le médiateur releva ensuite dans la documentation médicale du requérant que, pour le contenir, le personnel lui avait administré une injection, le 28 novembre 2007, sans décrire le comportement dangereux qui aurait exigé une telle mesure. Il nota ensuite que, le 5 décembre 2007, le requérant s’était vu administrer un placébo à la place d’un calmant qu’il réclamait ; à cet égard, le médiateur souligna que l’administration des calmants était réservée aux situations où le patient présentait un danger pour lui-même ou son environnement et que l’usage d’un placébo était problématique, notamment au vu de la question d’un consentement libre et éclairé. En raison des manquements constatés dans l’affaire du requérant, le médiateur invita donc le médecin-chef à lui répondre. Cette réponse n’est pas connue de la Cour.
5. Procédure en protection des droits de la personnalité
36. Le 23 décembre 2009, le requérant saisit le tribunal régional d’Ostrava d’une demande en protection des droits de la personnalité au sens de l’article 11 et suivants du code civil, demandant à l’hôpital psychiatrique de Šternberk de lui présenter des excuses et de lui payer 500 000 CZK (environ 19 280 EUR) au titre de l’indemnisation de son préjudice moral. Il soutint que les conditions de son internement et de son traitement avaient porté atteinte à son droit au respect de la vie privée et qu’elles constituaient une torture ou un traitement inhumain ou dégradant ; se référant à l’arrêt Peers c. Grèce (no 28524/95, § 75, CEDH 2001-III), il reprocha aux autorités médicales de n’avoir pris aucune mesure pour améliorer les conditions de son internement. Le requérant dénonça notamment l’impossibilité de se reposer au lit pendant la journée, le mauvais état de son matelas, l’absence d’un casier personnel, l’obligation de se doucher avec d’autres patients en présence d’une infirmière, l’impossibilité de séjourner régulièrement en plein air, l’absence de psychothérapie et la pression concernant la castration chirurgicale et chimique. Sur ce dernier point, le requérant nota qu’il ne consentait pas au traitement par anti-androgènes mais qu’il l’avait accepté en échange d’un régime ouvert ; il se référa également aux rapports du CPT en la matière.
37. Dans sa réplique du 21 février 2011, l’hôpital psychiatrique contesta les accusations du requérant :
- quant à l’impossibilité pour le requérant de rester au lit pendant la journée, il fut constaté que le but du traitement était d’instaurer un régime correspondant à celui d’une vie courante, que le requérant avait bénéficié d’un régime ouvert avec sorties, que le personnel s’était efforcé de maintenir sa motricité, que la qualité de son lit dépendait des possibilités techniques de l’hôpital et que le requérant ne s’en était jamais plaint ;
- quant à la non-attribution du casier au requérant, celle-ci était due à son incapacité de respecter les règles de l’hygiène et, partant, à un risque d’infection, et le requérant aurait pu déposer ses affaires auprès du personnel ;
- quant aux douches, il fut relevé que les patients pouvaient se doucher individuellement tous les jours et qu’ils se douchaient une fois par semaine en présence du personnel qui était là pour surveiller leur hygiène personnelle, ce qui était nécessaire dans le cas du requérant ; ils avaient également la possibilité de demander à se doucher en dernier, sans les autres, et en présence d’un infirmier de sexe masculin ; or, le requérant n’avait jamais formulé de plainte à cet égard ;
- quant à la possibilité de séjourner dehors, l’hôpital nota que le traitement protectif constituait une mesure restrictive impliquant une limitation de la liberté ; nonobstant ce fait, le requérant avait bénéficié de 67 autorisations de sortie et de 7 autorisations de congé et il s’était promené presque quotidiennement dans l’enceinte de l’hôpital en compagnie de sa mère ou de son amie ; après avoir heurté un véhicule, il s’était cependant vu interdire le tricycle ;
- pour ce qui est de la psychothérapie, le requérant n’avait pas pu suivre la psychothérapie en groupe à cause de ses problèmes d’élocution mais avait bénéficié de séances individuelles avec le psychologue interne, auquel il avait cependant soumis des demandes que celui-ci n’était pas responsable de traiter, et s’était même vu proposer une thérapie de couple ; il fut noté que vu le stade de la maladie du requérant, la psychothérapie devenait inefficace et se limitait à un soutien qui lui avait été fourni tout au long de son internement, en plus des consultations chez son psychothérapeute externe ;
- toute pression concernant une castration chirurgicale fut niée ; pour ce qui est du traitement par anti-androgènes, le requérant l’avait déjà suivi auparavant et connaissait donc ses effets, il avait également été informé par le médecin soignant des effets secondaires de ce traitement ; il incombait au requérant de choisir s’il allait le suivre ou non, sachant que sans traitement, il n’aurait pas pu bénéficier du régime ouvert.
38. Le 22 juin 2011, le requérant proposa au tribunal d’élargir les motifs de sa demande en y incluant les deux incidents (injection du calmant et usage du placébo) relatés par le médiateur dans sa lettre adressée au médecin-chef le 3 mars 2010, dont il venait de prendre connaissance.
39. À l’audience du 23 juin 2011, le tribunal régional décida d’abord de ne pas admettre l’élargissement de la demande du requérant, en raison du non-respect du délai légal prévu à cet effet. Il procéda ensuite à l’audition du requérant, de sa mère, de son amie, de sa psychothérapeute externe, d’une personne qui avait été internée avec le requérant, du médecin ayant soigné le requérant à l’hôpital de Šternberk et d’un autre médecin de l’hôpital ; selon le Gouvernement, ces médecins, ainsi que plus tard le médecin-chef, déclarèrent n’avoir jamais proposé de castration chirurgicale à quiconque. À l’audience du 30 juin 2011, le tribunal entendit une infirmière et le psychologue de l’hôpital de Šternberk qui déclara avoir rencontré le requérant deux à trois fois par semaine. Par la suite, le tribunal fit lire les preuves écrites, dont les plaintes antérieures du requérant, les réponses des autorités et les pièces figurant dans le dossier du médiateur ; la demande du requérant tendant à inclure au dossier sa documentation médicale fut rejetée.
40. Par jugement du 7 octobre 2011, le tribunal régional d’Ostrava débouta le requérant de sa demande. Après avoir récapitulé toutes les preuves et rappelé que l’internement du requérant constituait une mesure restrictive imposée dans le cadre d’une procédure pénale, le tribunal estima que l’hôpital défendeur n’avait pas agi contrairement à la loi et n’avait pas fait subir des mauvais traitements au requérant. En effet, sa conduite avait été tributaire de la personnalité du requérant, de son comportement et de son état de santé, et non des équipements techniques de l’hôpital et de son règlement interne, même si le médiateur avait tenté d’améliorer celui-ci dans le cadre de la prévention. Il fut relevé en particulier que :
- le requérant s’était vu ordonner un régime normal et une rééducation afin d’éviter une atrophie et des contractures musculaires mais il avait pu se reposer au lit lorsque son état de santé s’était dégradé ;
- le requérant n’avait pas disposé d’un casier personnel car il n’avait pas été à même de respecter les règles de l’hygiène ;
- pour les mêmes raisons, il n’avait pas pu se doucher seul, sans surveillance, et il n’avait jamais demandé à se doucher en dernier :
- il n’était pas vrai que le requérant n’avait pas pu sortir de l’hôpital car il s’était vu autoriser des sorties presque quotidiennes ;
- le requérant n’avait pas dûment coopéré lors de la psychothérapie proposée par le psychologue interne, et il s’était vu autoriser les consultations externes ;
- le traitement par anti-androgènes représentait un traitement standard des déviances sexuelles et tendait à atténuer l’appétence sexuelle : sans un tel traitement le requérant n’aurait pas pu bénéficier d’un régime ouvert et aurait été dangereux pour la société :
- le requérant n’avait démontré aucune pression concernant la castration chirurgicale.
41. Le 8 novembre 2011, le requérant interjeta appel, reprochant au tribunal régional une mauvaise application des principes dégagés par la Cour de l’article 3 de la Convention. Il se plaignit que le tribunal n’avait pas accepté l’élargissement de sa demande ni n’avait admis comme preuve sa documentation médicale et qu’il était parvenu à des conclusions de fait erronées car, de l’avis du requérant, les preuves administrées étayaient sa thèse.
42. Par arrêt du 3 avril 2012, la haute cour d’Olomouc confirma le jugement entrepris. Constatant que le tribunal régional avait dûment établi les faits et y avait appliqué les conclusions juridiques pertinentes, la haute cour constata qu’il était incontestable que la conduite de l’hôpital envers le requérant n’avait pas été irrégulière ; elle ne constituait donc pas une torture ni un traitement inhumain ou dégradant. La haute cour observa en outre que le traitement sexologique du requérant avait été ordonné en vertu de code de procédure pénale et conformément à l’article 5 § 1 a) et e) de la Convention et que l’hôpital psychiatrique de Šternberk s’était vu ainsi obligé de prodiguer ce traitement au requérant ; ce faisant, il n’avait pas porté atteinte aux droits de la personnalité de ce dernier. Il incombait en revanche au requérant, malgré ses réserves, de subir ce traitement ainsi que la limitation de sa liberté et toutes les mesures, restrictions et actes médicaux en découlant.
43. Le 1er juin 2012, le requérant introduisit un recours constitutionnel contre les décisions du tribunal régional et de la haute cour, dans lequel il soutint notamment que les conditions de son internement à l’hôpital psychiatrique de Šternberk avaient enfreint les articles 3 et 8 de la Convention puisqu’il y avait subi des souffrances et des humiliations qui étaient contraires au but du traitement imposé. Il souligna à cet égard sa position incertaine résultant du fait que la durée de l’internement n’avait pas été déterminée par l’ordonnance du tribunal et que, en théorie, il aurait pu rester exposé aux conditions de détention dénoncées pendant toute sa vie. En ce qui concerne en particulier la pression relative à la castration, le requérant estima que, concernant les personnes vulnérables privées de leur liberté, pouvait être considérée comme pression également une « recommandation » répétée dans le contexte d’une libération. Se référant aux conclusions du CPT, il souligna que le traitement par anti-androgènes devrait toujours reposer sur un examen psychiatrique et médical individuel et diligent, que ces médicaments ne devraient pas être administrés contre le gré des patients ou en tant que condition de leur libération et que les patients devraient être dûment informés de tous les effets d’un tel traitement. En tout état de cause, la tentative d’une castration chirurgicale forcée et un traitement involontaire par anti-androgènes étaient selon lui contraires à la réglementation de l’époque, plus particulièrement à l’article 23 § 2 de la loi no 20/1966 sur les soins de santé publique et au code déontologique de la Chambre médicale tchèque.
44. Par décision du 7 août 2012, la Cour constitutionnelle rejeta le recours constitutionnel du requérant en partie comme inadmissible et en partie comme manifestement mal fondé. Quant à la demande du requérant visant à faire statuer que la conduite de l’hôpital avait enfreint ses droits garantis par les articles 3 et 8 de la Convention, la Cour constitutionnelle se déclara incompétente en rappelant qu’un recours constitutionnel ne pouvait être dirigé que contre une ingérence en cours ; or, en l’espèce, la Cour constitutionnelle ne pouvait pas intervenir car le requérant ne se trouvait plus à l’hôpital. De plus, le requérant aurait dû démontrer qu’il avait épuisé les voies de recours disponibles, en l’occurrence non seulement la demande en protection des droits de la personnalité mais aussi les recours offerts par le code de procédure pénale. Quant à la demande du requérant visant à annuler les décisions judiciaires contestées, la Cour constitutionnelle releva que, sauf en cas d’atteinte aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, il ne lui appartenait pas de s’ingérer dans la compétence des autres autorités publiques et ce même lorsqu’elle aurait une autre opinion sur la manière concrète de protéger les droits garantis par les normes inférieures à la Constitution. En l’occurrence, les tribunaux avaient suffisamment établi les faits, ils y avaient appliqué les dispositions légales qu’ils avaient interprétées de manière satisfaisante et ils avaient explicité les motifs de leurs décisions qui ne pouvaient pas être qualifiées d’arbitraires, trop formalistes ou entachées d’une extrême contradiction entre les faits établis et les conclusions juridiques. Selon la Cour constitutionnelle, le requérant s’était borné à répéter ses doléances fondées sur sa vision des choses et n’avait pas mis en doute les conclusions des tribunaux ni la conformité de leurs décisions à la Constitution.
6. Plainte pénale
45. Le 10 septembre 2012, le requérant introduisit une plainte pénale pour dénoncer les mauvais traitements subis à l’hôpital psychiatrique de Šternberk, tels que décrits dans sa demande du 23 décembre 2009 (voir paragraphe 36 ci-dessus).
46. Le 14 novembre 2012, la police informa le requérant par une lettre qu’elle avait terminé la vérification de sa plainte et classé le dossier sans suite. Elle avait conclu que les mêmes faits avaient été dûment et amplement examinés par le tribunal régional d’Ostrava dans la procédure sur la protection des droits de la personnalité et qu’il ressortait du jugement du 7 octobre 2011 qu’aucun des points dénoncés par le requérant ne remplissait les éléments constitutifs d’une infraction pénale.
47. Le 11 février 2013, le requérant saisit le procureur de district d’Olomouc d’une demande tendant à réexaminer la conduite de la police et à obtenir l’ouverture d’une enquête effective, dont le but serait de punir les personnes concrètement responsables pour la violation de ses droits. Il nota que certains faits n’avaient pas été suffisamment élucidés lors de la procédure civile et que de nombreuses questions et preuves n’avaient pas été appréciées de manière adéquate.
48. Le 26 février 2013, le procureur de district classa l’affaire au motif qu’aucun mauvais traitement n’avait été constaté par les autorités saisies précédemment.
49. Le 6 avril 2013, le requérant demanda au parquet régional d’Ostrava de réexaminer la réponse du procureur de district. L’issue de cette demande n’est pas connue de la Cour.
50. Le recours constitutionnel du requérant, dans lequel celui-ci dénonça l’absence d’enquête effective sur ses allégations de mauvais traitements fut rejeté comme prématuré, le 21 août 2013, au motif que le parquet régional n’avait pas encore statué sur sa demande.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Code de procédure pénale (loi no 140/1961, version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2008)
51. Selon l’article 25, le tribunal pouvait renoncer à punir l’auteur de l’infraction si les facultés de discernement de ce dernier étaient réduites et s’il considérait qu’un traitement protectif assurerait la correction de l’auteur de l’infraction et la protection de la société mieux qu’une peine.
52. Aux termes de l’article 72 §§ 1 et 2 a), le tribunal ordonnait un traitement protectif également lorsque l’auteur des faits punissables était pénalement irresponsable et son séjour en liberté dangereux, ou lorsque le coupable avait commis l’infraction dans un état résultant d’un trouble mental et que son séjour en liberté était dangereux.
53. L’article 72 § 4 donnait au tribunal la possibilité d’ordonner soit un traitement protectif ambulatoire soit un traitement protectif en institution, et ce en fonction de la nature de la maladie et des possibilités thérapeutiques.
54. Selon l’article 72 § 5, le traitement protectif devait se poursuivre aussi longtemps que nécessaire. Il incombait au tribunal de décider de la libération du patient à la fin du traitement.
B. Loi no 20/1966 sur les soins de santé publique (version en vigueur au moment des faits), abrogée au 1er avril 2012 par la loi no 372/2011 sur les soins de santé
55. L’article 23 § 1 prévoyait l’obligation du personnel médical de fournir au patient les informations sur la nature des soins prodigués et de tous les actes médicaux ainsi que sur leurs conséquences, alternatives et risques.
56. En vertu de l’article 23 § 2, les actes de diagnostic et de thérapie ne pouvaient être réalisés qu’avec le consentement du patient ou lorsqu’un tel consentement pouvait être supposé.
57. Aux termes de l’article 23 § 4, sans le consentement du patient, il était possible d’effectuer les actes de diagnostic et de thérapie ou, si la nature de la maladie l’exigeait, d’hospitaliser le patient :
a) s’il s’agissait de maladies prévues par une réglementation spéciale, qui pouvaient donner lieu à un traitement obligatoire ;
b) lorsqu’une personne manifestant des signes d’une maladie mentale ou d’une intoxication représentait une menace pour soi-même ou son environnement ;
c) s’il n’était pas possible, compte tenu de l’état de santé du patient, d’obtenir son consentement et s’il s’agissait d’actes urgents nécessaires à la protection de sa vie ou de sa santé ;
d) s’il s’agissait d’un porteur d’une maladie infectieuse définie par une loi spéciale.
58. Les articles 27 et suivants réglementaient des interventions spécifiques, telle la castration. Selon l’article 27a §§ 1 et 2, la castration ne pouvait être effectuée qu’à la demande de la personne concernée et après approbation par une commission spéciale composée d’un juriste, de deux médecins spécialistes en la matière et de deux autres médecins ne participant pas à l’acte. Avant l’introduction de la demande, la personne concernée devait être dûment informée par le médecin de la nature de l’acte, de ses risques et des éventuelles conséquences défavorables de celui-ci. Aux termes de l’article 27c, tout acte médical qui n’était pas dans l’intérêt immédiat de la personne concernée ne pouvait être effectué qu’avec le consentement écrit préalable de cette personne ; avant de donner son consentement, la personne devait être entièrement informée de la nature de l’acte et de ses risques.
59. Au 1er avril 2012, la loi no 20/1966 fut abrogée par la loi no 372/2011 sur les soins de santé, dont l’article 38 § 5 disposait, au moment de son entrée en vigueur, que le patient hospitalisé involontairement en vertu d’une décision judiciaire lui ordonnant un traitement protectif ne pouvait se voir prodiguer, sans son consentement, que les soins urgents qui étaient directement liés au motif de son hospitalisation. Ladite loi a été complétée par la loi no 373/2011 sur les soins de santé spécifiques, entrée en vigueur également le 1er avril 2012, qui contient des dispositions spécifiques relatives à un traitement protectif. Son article 88 § 1 a) dispose que le patient doit se soumettre à un plan de traitement individuel défini aux fins du traitement protectif, ainsi qu’à tous les actes médicaux qui font partie de ce plan ; il conserve néanmoins le droit de choisir entre les traitements alternatifs possibles et le droit de consentir, selon la loi no 372/2011, aux actes médicaux qui n’ont pas de lien immédiat avec le but du traitement protectif.
C. Rapports du médiateur
60. Dans son rapport d’avril 2008 portant sur la visite systématique de l’hôpital psychiatrique de Šternberk effectuée en janvier 2008, le médiateur releva entre autres que la section 15A regroupait les patients nouvellement admis ainsi que des patients agités hospitalisés à court ou à long terme, qui étaient soumis à un traitement pharmacologique. Les chambres à coucher étaient fermées à clef pendant la journée et les patients ne pouvaient y accéder que sur demande et n’y disposaient d’aucun espace personnel ; l’intérieur était propre mais impersonnel.
61. Dans son rapport général sur les visites des hôpitaux psychiatriques (dont celui de Šternberk), publié en septembre 2008, le médiateur recommanda à ces hôpitaux de réduire le bruit dans les départements accueillant les patients au début de leur internement, d’y créer des zones de calme ainsi que de permettre aux patients d’accéder à leurs chambres toute la journée, pour éviter qu’ils ne s’allongent dans les salles communes, dans les couloirs et même au sol. Par ailleurs, tous les patients devaient disposer d’un espace privé pour stocker leurs affaires personnelles, par exemple d’un casier à clef. Le médiateur nota également que les patients devaient souvent passer leur journée dans les espaces communs et que ceux qui ne pouvaient pas sortir de manière autonome ne prenaient l’air qu’irrégulièrement car un accompagnement individuel n’était pas possible ; sur ce point, il recommanda aux hôpitaux d’assurer à tous les patients la possibilité de séjourner à l’air frais. Dans certains cas, les hôpitaux ne disposaient pas de psychologue ou celui-ci était très occupé et ne pouvait accorder que quelques minutes à chaque patient. Le médiateur observa ensuite que certains patients hommes vivaient mal l’obligation de prendre une douche en présence du personnel féminin, et recommanda au personnel d’assurer plus d’intimité dans les douches, de permettre aux patients de se doucher individuellement sans avoir à le demander, et de n’exercer la surveillance que dans les cas justifiés et par le personnel du même sexe.
62. Lors de sa visite ultérieure effectuée à l’hôpital psychiatrique de Šternberk en septembre 2009, le médiateur constata qu’aucune suite n’avait été donnée à certaines de ses recommandations. Le manque de coopération de la part de la direction de l’hôpital l’amena à publier en juin 2010 un communiqué de presse dénonçant le non-respect des droits et de la dignité des patients par cet hôpital. Il y nota entre autres que la réglementation du traitement psychiatrique des patients sans leur consentement était insatisfaisante en République tchèque et qu’il incombait au législateur de mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur la biomédecine.
III. LES DOCUMENTS INTERNATIONAUX PERTINENTS
A. La Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 13 décembre 2006 et ratifiée par la République tchèque le 28 septembre 2009
63. La Convention dispose entre autres :
Article 2 - Définitions
Aux fins de la présente Convention : (...)
On entend par « aménagement raisonnable » les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales; (...).
Article 14 - Liberté et sécurité de la personne
2. Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées, si elles sont privées de leur liberté à l’issue d’une quelconque procédure, aient droit, sur la base de l’égalité avec les autres, aux garanties prévues par le droit international des droits de l’homme et soient traitées conformément aux buts et principes de la présente Convention, y compris en bénéficiant d’aménagements raisonnables.
B. La Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, adoptée à Oviedo le 4 avril 1997 et entrée en vigueur à l’égard de la République tchèque le 1er octobre 2001
64. La Convention dispose comme suit dans ses parties pertinentes :
Chapitre II - Consentement
Article 5 - Règle générale
Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement.
Article 6 - Protection des personnes n’ayant pas la capacité de consentir
1. Sous réserve des articles 17 et 20, une intervention ne peut être effectuée sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct. (...)
3. Lorsque, selon la loi, un majeur n’a pas, en raison d’un handicap mental, d’une maladie ou pour un motif similaire, la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l’autorisation de son représentant, d’une autorité ou d’une personne ou instance désignée par la loi. La personne concernée doit dans la mesure du possible être associée à la procédure d’autorisation. (...)
Article 7 - Protection des personnes souffrant d’un trouble mental
La personne qui souffre d’un trouble mental grave ne peut être soumise, sans son consentement, à une intervention ayant pour objet de traiter ce trouble que lorsque l’absence d’un tel traitement risque d’être gravement préjudiciable à sa santé et sous réserve des conditions de protection prévues par la loi comprenant des procédures de surveillance et de contrôle ainsi que des voies de recours.
C. La recommandation R (99) 4 du Comité des ministres aux Etats membres sur les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables (adoptée le 23 février 1999)
65. Cette recommandation est ainsi libellée dans ses parties pertinentes :
Partie V - Interventions dans le domaine de la santé
Principe 22 - Consentement
1. Lorsqu’un majeur, même s’il fait l’objet d’une mesure de protection, est en fait capable de donner son consentement libre et éclairé à une intervention déterminée dans le domaine de la santé, celle-ci ne peut être pratiquée qu’avec son consentement. Le consentement doit être sollicité par la personne habilitée à intervenir.
2. Lorsqu’un majeur n’est de fait pas en mesure de donner son consentement libre et éclairé à une intervention déterminée, celle-ci peut toutefois être pratiquée à condition :
- qu’elle soit effectuée pour son bénéfice direct, et
- que l’autorisation en ait été donnée par son représentant ou par une autorité, ou une personne ou instance désignée par la loi.
Principe 25 - Protection des majeurs atteints de troubles mentaux
La personne qui souffre d’un trouble mental grave ne peut être soumise, sans son consentement, à une intervention ayant pour objet de traiter ce trouble que lorsque l’absence d’un tel traitement risque d’être gravement préjudiciable à sa santé et sous réserve des conditions de protection prévues par la loi comprenant des procédures de surveillance et de contrôle ainsi que des voies de recours.
Principe 28 - Possibilité d’appliquer des dispositions particulières à certaines interventions
Le droit interne peut prévoir, conformément aux instruments internationaux en vigueur, des dispositions particulières applicables aux interventions qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé publique ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
D. La recommandation Rec (2004) 10 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux (adoptée le 22 septembre 2004)
66. Cette recommandation dispose entre autres :
Article 12 - Principes généraux des traitements pour trouble mental
1. Les personnes atteintes de troubles mentaux devraient bénéficier de traitements et de soins dispensés par des personnels suffisamment qualifiés, sur la base d’un plan de traitement personnalisé approprié. Dans la mesure du possible, le plan de traitement devrait être élaboré après consultation de la personne concernée et son opinion devrait être prise en compte. Ce plan devrait être réexaminé régulièrement et modifié si nécessaire.
2. Sous réserve des dispositions du chapitre III et des articles 28 et 34 ci-dessous, un traitement ne peut être dispensé à une personne atteinte d’un trouble mental qu’avec son consentement si elle a la capacité de consentir, ou lorsque la personne n’a pas cette capacité avec l’autorisation d’un représentant, d’une autorité, d’une personne ou d’une instance désigné par la loi.
3. Lorsque, en raison d’une situation d’urgence, le consentement ou l’autorisation approprié ne peut être obtenu, tout traitement pour un trouble mental médicalement nécessaire pour éviter des dommages graves pour la santé de la personne concernée, ou pour la sécurité d’autrui, pourra être effectué immédiatement.
Chapitre III - Placement involontaire pour trouble mental dans des établissements psychiatriques, et traitement involontaire pour trouble mental
Article 16 - Champ d’application du chapitre III
Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux personnes atteintes de troubles mentaux :
i. qui ont la capacité de consentir au placement ou au traitement concernés, et le refusent ; ou
ii. qui n’ont pas la capacité de consentir au placement ou au traitement concernés, et s’y opposent.
Article 18 - Critères pour le traitement involontaire
Sous réserve que les conditions suivantes sont réunies, une personne peut faire l’objet d’un traitement involontaire :
i. la personne est atteinte d’un trouble mental ;
ii. l’état de la personne présente un risque réel de dommage grave pour sa santé ou pour autrui ;
iii. aucun autre moyen impliquant une intrusion moindre pour apporter les soins appropriés n’est disponible ;
iv. l’avis de la personne concernée a été pris en considération.
Article 19 - Principes relatifs au traitement involontaire
1. Le traitement involontaire devrait :
i. répondre à des signes et à des symptômes cliniques spécifiques ;
ii. être proportionné à l’état de santé de la personne ;
iii. faire partie d’un plan de traitement écrit ;
iv. être consigné par écrit ;
v. le cas échéant, avoir pour objectif le recours, aussi rapidement que possible, à un traitement acceptable par la personne.
2. Outre les conditions énoncées dans l’article 12.1 ci-dessus, le plan de traitement devrait :
i. dans la mesure du possible, être élaboré après consultation de la personne concernée et, le cas échéant, de sa personne de confiance, ou du représentant de la personne concernée ;
ii. être réexaminé à des intervalles appropriés et, si nécessaire, modifié, chaque fois que cela est possible, après consultation de la personne concernée, et, le cas échéant, de sa personne de confiance, ou du représentant de la personne concernée.
3. Les Etats membres devraient s’assurer que les traitements involontaires ne sont effectués que dans un environnement approprié.
Article 20 - Procédures pour la prise de décision sur le placement et/ou le traitement involontaires
Décision
1. La décision de soumettre une personne à un placement involontaire devrait être prise par un tribunal ou une autre instance compétente. Le tribunal ou l’autre instance compétente devrait :
i. prendre en considération l’avis de la personne concernée ;
ii. prendre sa décision selon les procédures prévues par la loi, sur la base du principe suivant lequel la personne devrait être vue et consultée.
2. La décision de soumettre une personne à un traitement involontaire devrait être prise par un tribunal ou une autre instance compétente. Le tribunal ou l’autre instance compétente devrait :
i. prendre en considération l’avis de la personne concernée ;
ii. prendre sa décision selon les procédures prévues par la loi, sur la base du principe suivant lequel la personne devrait être vue et consultée.
Toutefois, la loi peut prévoir que, lorsqu’une personne fait l’objet d’un placement involontaire, la décision de la soumettre à un traitement involontaire peut être prise par un médecin possédant les compétences et l’expérience requises, après examen de la personne concernée, en prenant en considération l’avis de cette personne.
3. Toute décision de soumettre une personne à un placement ou à un traitement involontaires devrait être consignée par écrit et indiquer la période maximale au-delà de laquelle, conformément à la loi, elle doit être officiellement réexaminée. Cela s’entend sans préjudice des droits de la personne aux réexamens et aux recours, en accord avec les dispositions de l’article 25.
Procédures préalables à la décision
4. Le placement ou le traitement involontaires, ou leur prolongation, ne devraient être possibles que sur la base d’un examen par un médecin possédant les compétences et l’expérience requises, et en accord avec des normes professionnelles valides et fiables.
5. Ce médecin ou l’instance compétente devrait consulter les proches de la personne concernée, sauf si cette dernière s’y oppose, si cela ne peut être réalisé pour des raisons pratiques ou si, pour d’autres raisons, cela n’est pas approprié.
6. Tout représentant de cette personne devrait être informé et consulté.
Article 22 - Droit à l’information
1. Les personnes qui font l’objet d’un placement ou d’un traitement involontaires devraient être rapidement informées oralement et par écrit de leurs droits et des voies de recours qui leur sont ouvertes.
2. Elles devraient être informées de manière régulière et appropriée des raisons qui ont motivé la décision et des critères retenus pour sa prolongation ou son interruption éventuelle.
3. Le représentant de la personne, le cas échéant, devrait également recevoir ces informations.
Article 24 - Arrêt du placement et/ou du traitement involontaires
1. Il devrait être mis fin au placement ou au traitement involontaires si l’un des critères justifiant cette mesure n’est plus rempli.
2. Le médecin responsable des soins de la personne devrait aussi vérifier si l’un des critères pertinents n’est plus rempli, à moins qu’un tribunal ne se soit réservé la responsabilité de l’examen des risques de dommage grave pour autrui ou qu’il n’ait confié cet examen à une instance spécifique.
3. Sauf si la levée d’une mesure est soumise à une décision judiciaire, le médecin, l’autorité responsable et l’instance compétente devraient pouvoir agir, sur la base des critères énoncés ci-dessus, pour mettre fin à l’application de cette mesure.
4. Les États membres devraient s’efforcer de réduire au minimum, chaque fois que cela est possible, la durée du placement involontaire, au moyen de services de post-cure appropriés.
E. Les rapports relatifs aux visites effectuées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (« le CPT »)
1. Les rapports relatifs aux visites effectuées en République tchèque
67. Lors d’aucune des visites mentionnées ci-dessous, le CPT n’a visité l’hôpital psychiatrique de Šternberk.
a) Le rapport du CPT relatif à sa visite du 27 mars au 7 avril 2006 et du 21 au 24 juin 2006, publié le 12 juillet 2007 (CPT/Inf (2007) 32)
(...)
(...)
107. All the sex offenders in both hospitals had undergone libidinal suppressant treatment (also referred to as ‘chemical castration’). While such treatment appeared to be routine, surgical castration could, exceptionally, also be applied. Both patients and staff told the CPT’s delegation that, in principle, all patients would be treated with medication to reduce their libido, thus rendering them more receptive to psychotherapy and other non-medicinal interventions. However, a few patients, most notably those who had committed murder, were encouraged to consider surgical castration.
(...)
109. The CPT considers that medical interventions, and in particular medical interventions which have irreversible effects on persons deprived of their liberty, should as a rule only be carried out with their free and informed consent. Given the particularly vulnerable position of persons deprived of their liberty in this regard, it should be ensured that the patient’s consent is not directly or indirectly given under duress and that the patient receives all the necessary information when making his decision. Furthermore, the Committee considers that the concept of ‘free and informed’ consent is hardly reconcilable with a situation in which the options open to an individual are extremely limited: surgical castration or possible indefinite confinement in a psychiatric hospital.
In the Czech Republic there were no legal norms (such as ministerial regulations), professional guidelines, or ethical codes in place with respect to the application of surgical castration apart from the provisions of Sector 27a of the “Law on the care for the People’s Health”, whereas the administration of libidinal suppressant medication appeared not to be subject to any legal provisions. Important procedural safeguards with respect to the administration of libidinal suppressant medication to ensure free and informed consent, such as: the type of information that should be given to the patient (including minimum requirements concerning the quality of such information); inclusion and exclusion criteria for such an intervention or treatment; and access to outside consultation (including a second opinion), remain therefore insufficiently regulated.
The CPT recommends that the Czech authorities elaborate a comprehensive and detailed procedure (including proper safeguards) with respect to libidinal suppressant treatment, which should include provisions on:
- criteria for inclusion and exclusion for such treatment;
- information to be given to the patient;
- medical examinations before and after treatment;
- access to outside consultation, including an independent second opinion.
110. In the course of the visit, it was not possible to provide the delegation with statistics relating to sexual offenders, who had been either chemically or surgically castrated. In particular statistics on their rate of re-conviction (for a sexual offence which involves violence against persons) and the exact number of these two types of medical intervention carried out each year appeared to be unavailable.
(...)
b) Le rapport du CPT relatif à sa visite du 25 mars au 2 avril 2008, publié le 5 février 2009 (CPT/Inf (2009) 8)
(...)
(...)
(...)
17. Surgical castration after a sexual offence usually takes place in the context of a measure of protective treatment. This penal measure has already been described in the CPT’s report on the 2002 visit to the Czech Republic. Nevertheless, it is helpful to recall its main features. Protective treatment constitutes mandatory hospitalisation in a psychiatric hospital for persons held to be partially or fully criminally irresponsible for their acts. As Czech law does not provide for a minimum severity threshold, protective treatment may be imposed for all types of offences, including those of a relatively minor or non-violent nature. Protective treatment often follows a prison sentence, but the measure may also be directly imposed by a court.
18. In the past, the CPT has criticised various aspects of the protective treatment measure: the absence of a regular review of involuntary admission for the purpose of protective treatment; and the understanding of many health-care professionals and lawyers that a placement in a psychiatric hospital under Article 72 implies an authorisation to treat patients without their consent.
In response to the concerns raised in the CPT’s 2006 visit report, the Czech authorities stated that the legal provisions regarding protective treatment would be amended. Indeed, in the course of the 2008 visit, the CPT’s delegation was informed that on 1 January 2009 a new Article 72 of the Penal Code would enter into force. The revised Article 72 will limit the duration of a protective treatment measure to a maximum of two years. After this period, the patient will be discharged automatically, unless the competent court decides to prolong the measure by another two years. If the court assesses that a released patient continues to pose a risk to society, a discharge from protective treatment may be accompanied by a court-imposed supervision for a maximum duration of five years.
19. The new legislation would appear to meet some of the issues raised by the CPT in the past. However, it does not address the concern of the CPT that involuntary placement in a psychiatric hospital under criminal law provisions should not include an authorisation for health care staff to impose treatment options on such patients. Patients involuntarily placed in a psychiatric hospital should, as a matter of principle, be placed in a position to give their free and informed consent to treatment options. Every competent patient should be fully informed about the treatment that is intended to be prescribed and given the opportunity to refuse treatment options or any other medical intervention. Any derogation from this fundamental principle should be based upon law and only relate to clearly and strictly defined exceptional circumstances. (...)
(...)
4. Main features of the treatment of sex-offenders
21. The treatment of sex-offenders sentenced to protective treatment is the responsibility of “sexologists” (i.e. qualified psychiatrists with a specialisation in the treatment of deviant sexual behaviour), in association with nurses and psychologists. Treatment of persons on protective treatment usually takes place in a psychiatric hospital and, with one exception, Czech prisons do not offer treatment to sex-offenders.
(...)
23. The treatment of deviant sexual behaviour was found to be well-structured in the establishments visited. In general, it followed a plan drawn up after an extensive diagnostic evaluation, based on interviews with the patient, the examination of written reports, such as police reports, a phallometric test, testimony from the victim and various psychological tests. However, the delegation also met with surgically castrated patients who had not undergone such an extensive diagnostic evaluation.
The treatment focuses on altering the offenders’ system of sexual motivation in order to address the underlying sexual deviation; in particular, patients must go through a process of learning about human sexuality and its disorders. In such an approach, the offence is an expression of the sexual deviation; consequently, the precise nature of the offence is of lesser importance.
24. The treatment included psychotherapy, group therapy and pharmacological interventions. In Bohnice and Havlíčkův Brod Psychiatric Hospitals, patients could benefit from a progressive regime with increasing privileges; patients who demonstrated clear motivation could benefit from a period of leave of up to 72 hours relatively shortly after their initial placement.
25. Anti-androgens were commonly administered in the psychiatric hospitals visited; at Kuřim Prison anti-androgens are only administered in the six months before transfer to a psychiatric hospital due to financial limitations.
The CPT’s delegation did not examine in detail the administration of anti-androgens in the establishments visited. However, in general, the CPT considers that anti-androgen treatment should always be based on a thorough individual psychiatric and medical assessment and that such medication should be given on a purely voluntary basis. As should be the case before starting any medical treatment, the patient should be fully informed of all the potential effects and side effects and should be able to withdraw his consent and have his treatment discontinued at any time. Further, the administration of anti-androgens should be combined with psychotherapy and other forms of counselling in order to further reduce the risk of re-offending. Also, anti-androgen treatment should not be a general condition for the release of sex-offenders, but administered to selected individuals based on an individual assessment. The CPT recommends that the administration of anti-androgen treatment to patients on protective treatment be reviewed, in the light of the above remarks.
(...)
42. In the Czech Republic, the treatment of sex-offenders under protective treatment is a system developed and carried out by dedicated professionals. The treatment follows treatment plans, which are based on an extensive diagnostic evaluation, and can include psychotherapy.
43. However, the CPT is firmly opposed to one aspect of the treatment of sex-offenders in the Czech Republic, namely the application of surgical castration.
(...)
c) Le rapport du CPT relatif à sa visite du 7 au 16 septembre 2010, publié le 18 février 2014 (CPT/Inf (2014) 3)
(...)
E. Psychiatric establishments
(...)
118. As was the case during previous visits to the Czech Republic, patients may be subjected to involuntary hospitalisation under either Section 191 a-g of the Civil Procedure Code or, in the case of mentally ill offenders, following the imposition of the penal law measure of protective treatment, in conformity with Section 99 of the Criminal Code.
As regards the latter measure, in its 2002 visit report, the CPT assessed the legal safeguards surrounding protective treatment, and recommended that the Czech authorities provide an automatic review of the measure at regular intervals. The CPT is pleased to find that this recommendation was implemented in the 2009 Criminal Code: Section 99 (6) of the Code indicates that a court may impose “protective treatment” for a maximum of two years. If the measure has not been brought to an end before the expiration of that period, the measure may be prolonged by periods lasting a maximum of two years each, in theory indefinitely.
119. Involuntary treatment continues to be regulated by Section 23 (4) of the 1966 Law on the Care for People’s Health. This provision has not changed since the 2006 visit.
At the time of the 2006 visit, the CPT observed that the legislation in place was frequently interpreted as if consent to treatment was not required in the event of involuntary hospitalisation. (...)
However, as has already been reported by the Czech Ombudsman, the relevant paper forms have not yet been adapted and patients continue to sign general consent forms. The CPT recommends that for all medical interventions that require patients’ consent, a specific form be introduced, which should stipulate that full information about the treatment has been received by the patient and that the patient has the right to withdraw consent previously given. These precepts should also be included in the future mental-health legislation.
2. Les rapports relatifs aux visites effectuées dans d’autres pays
a) Le rapport du CPT relatif à sa visite du 11 au 20 février 2008 au Danemark, publié le 25 septembre 2008 (CPT/Inf (2008) 26)
(...)
9. The Herstedvester Institution
74. The focused follow-up visit to the Herstedvester Institution concentrated on two issues which had provoked the CPT’s concern in the past: the treatment of sexual offenders undergoing anti-hormone therapy, and the situation of prisoners from Greenland. In its reports on the visits in 1990 and 1996, the Committee considered these issues in detail and made a number of comments and recommendations in respect of them.
a. treatment of sexual offenders undergoing anti-hormone therapy
75. In the 1996 visit report, the CPT stressed that ensuring that patients’ consent to medical treatment is genuinely free and informed was a particularly acute issue in establishments such as the Herstedvester Institution in which patients constituted a "captive" group. The consent given by patients of that category may be influenced by their penal situation, especially if they were facing a long - or even indeterminate - period of imprisonment. The Committee recommended that steps be taken to ensure that the signed consent of patients was obtained prior to the commencement of treatment with libido-suppressing drugs, and that such persons be given a detailed explanation (including in writing) of all recognised adverse effects of the drugs concerned. Further, the CPT stressed that additional safeguards (e.g. the support of a system of lay/legal "advocates") should exist to ensure that the consent given by such prisoners to medical treatment can be as free and informed as possible in the circumstances.
76. During the 2008 visit to the Herstedvester Institution, the delegation interviewed four sex offenders undergoing treatment with libido-suppressing drugs (including one who had been released on parole and who was attending the institution as an outpatient), as well as two others waiting to start treatment and six who had refused treatment.
As regards the first group, the signed consent of persons concerned had been obtained prior to the commencement of treatment. However, it appeared that they had accepted the treatment as a “ticket to freedom” (i.e. release on parole or transfer to an open prison) rather than as a treatment for something which was wrong with them, not to speak of an illness. They indicated that they met a psychologist at varying intervals (from once every two weeks to once every two months), but that they did not take part in group therapy. Consultations with a psychiatrist were reportedly rare. All of them had been informed of the possible adverse side-effects effects of the treatment (i.e. bone decalcification, dose-dependent liver damage, weight gain, breast enlargement and hot flushes), but some felt that the information was not complete and feared that the treatment was dangerous for them. Some of them were experiencing side-effects for which they were receiving medication.
From the group of prisoners waiting to start treatment, one prisoner stated that he had not received any information in writing about the treatment, but after a number of meetings with his case worker and a psychologist, he had decided to follow it because of having been told that he can be transferred to an open prison.
Some of the prisoners who had refused the treatment because they could not come to terms with its adverse side-effects indicated that they had felt pressured to accept it.
77. At the end of the visit, the CPT’s delegation stressed that awareness of the possible health benefits and risks of anti-hormone therapy is essential for consent to treatment to be truly informed.
In response to the delegation’s preliminary observations, the Danish authorities indicated that the conditions for offering libido-suppressing treatment to prisoners are very restrictive and only two to four inmates a year commence this treatment. Medical libido-suppressing treatment is only offered when all other options have been exhausted or are deemed insufficient to counter the risk of relapse into sexual offences. Combined with psychotherapy, the libido-suppressing treatment is intended to prevent the sexual offender from having compulsive and violent sexual fantasies while suppressing the sexual libidinal pressure, so as to avoid new sexual offences.
According to the authorities, treatment is only commenced when the inmate has given his written informed consent. During a consultation with an external endocrinologist, the inmate is briefed on the effects and side-effects of the medicine orally and in writing, whereupon the inmate is invited to sign a statement confirming that he has received such a briefing and that he is willing to receive the treatment. In Denmark, the person’s consent is a condition for the treatment of persons of unsound mind. This also applies to persons who undergo libido-suppressing treatment. Typically, however, the inmate is motivated by the fact that he cannot obtain permission for leave, release on parole or conditional discharge without commencing libido-suppressing treatment.
Since 1997, all cases concerning libido-suppressing treatment as a condition for release are submitted to the Medico-Legal Council for approval. The Medico-Legal Council, which is an independent body, considers whether psychotherapeutic treatment is sufficient to reduce the risk of relapse into similar dangerous crime. Medical libido-suppressing treatment can start only if the Council agrees that it is necessary.
In the opinion of the Herstedvester Institution, most of the inmates undergoing libido-suppressing treatment benefit from the psychotherapeutic element of the treatment. The therapeutic element of the treatment has several purposes, including assessing whether the inmate’s mental condition changes in connection with the medical element of the treatment. Libido-suppressing treatment is typically given over a long period, and some inmates may therefore feel that a long time passes before liberty privileges are granted. This may be perceived as highly frustrating by the inmate, who might get the impression of not benefiting from the treatment.
78. The CPT has taken note of the explanations provided by the Danish authorities. They would indicate that the medical libido-suppressing treatment of sex offenders is at present surrounded by appropriate safeguards. Nevertheless, in the light of the information obtained by the delegation during the visit to the Herstedvester Institution, the Committee considers that more attention should be paid to ensuring that these safeguards are being fully respected in practice. In particular, special care should be taken to make sure that prisoners’ consent to medical libido-suppressing treatment is genuinely free and informed. In this connection, the provision of full information (oral and written) on the known adverse effects - as well as the possible benefits - of the treatment, should be improved. Further, no prisoner should be put under undue pressure to accept medical libido-suppressing treatment.
Moreover, in addition to drug treatment, efforts should be made to step up psychotherapy and counselling with a view to reducing the risk of re-offending.
(...)
b) Le rapport du CPT relatif à sa visite du 15 au 22 septembre 2008 au Monténégro, publié le 9 mars 2010 (CPT/Inf (2010) 3)
103. As previously stressed by the CPT, psychiatric patients should, as a matter of principle, be placed in a position to give their free and informed consent to treatment. The admission of a person to a psychiatric establishment on an involuntary basis - be it in the context of civil or criminal proceedings - should not preclude seeking informed consent to treatment. Every competent patient, whether voluntary or involuntary, should be fully informed about the treatment which it is intended to prescribe and given the opportunity to refuse the treatment or any other medical intervention. Any derogation from this fundamental principle should be based upon law and only relate to clearly and strictly defined exceptional circumstances. (...)
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION SOUS SON VOLET MATÉRIEL
68. Le requérant allègue que les conditions du traitement protectif qu’il a subi à l’hôpital psychiatrique de Šternberk, notamment le manquement de celui-ci de lui assurer des aménagements raisonnables en fonction de son handicap et le fait d’avoir été soumis à un traitement médical forcé, constituaient une torture et un traitement inhumain et dégradant.
Il invoque à cet égard l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
69. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
70. Tout en notant que le requérant aurait pu à titre préventif demander qu’il soit mis fin à son internement ou qu’une mesure provisoire soit adoptée, le Gouvernement admet que, en engageant une procédure en protection des droits de la personnalité, il a satisfait à l’exigence d’épuisement des voies de recours internes.
71. Le requérant estime qu’on ne saurait lui reprocher une quelconque passivité et qu’il y a lieu de prendre en compte le fait que l’hôpital de Šternberk ne disposait d’aucun mécanisme de plaintes interne.
72. La Cour rappelle que, lorsqu’il s’agit de conditions d’internement dans un hôpital psychiatrique, dont l’administration forcée de médicaments, un requérant doit, pour satisfaire à l’obligation de l’épuisement des voies de recours internes, demander des dommages-intérêts à l’hôpital dont la conduite était selon lui irrégulière (voir, mutatis mutandis, Sýkora c. République tchèque, no 23419/07, § 89, 22 novembre 2012). Le requérant ayant formulé une telle Requête au travers de sa demande en protection des droits de la personnalité, cette condition se trouve remplie en l’espèce.
73. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
74. Se référant à l’article 46 de la Convention, le requérant soutient d’abord que son cas n’est pas isolé et qu’il révèle un problème structurel des conditions régnant dans les grands établissements psychiatriques, qui manquent d’assurer aux personnes handicapées des aménagements raisonnables.
75. Le requérant admet ensuite qu’il est un patient difficile avec beaucoup de besoins dus à ses troubles mentaux et à son handicap physique. Il considère néanmoins que lorsqu’il s’est vu imposer un traitement protectif en institution, il incombait aux autorités de lui assurer des soins appropriés et, le cas échéant, des aménagements nécessaires tels que prévus par la Convention relative aux droits des personnes handicapées (voir Z.H. c. Hongrie, no 28973/11, §§ 29 et 31, 8 novembre 2012). Or, bien qu’il appartienne à un groupe particulièrement vulnérable (voir, mutatis mutandis, Alajos Kiss c. Hongrie, no 38832/06, § 42, 20 mai 2010), il a été placé dans un hôpital qui n’était pas équipé pour lui prodiguer le traitement approprié (voir paragraphe 32 ci-dessus) et où il a été soumis à des conditions et mesures qui atteignent, eu égard à leurs effets cumulatifs et à la durée de son internement, le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Se référant également à l’affaire Gorobet c. Moldova (no 30951/10, § 52, 11 octobre 2011) dans laquelle la Cour a examiné le grief tiré d’un traitement psychiatrique forcé sous l’angle de l’article 3, il s’oppose à l’avis du Gouvernement selon lequel ses doléances devraient être examinées plutôt sur le terrain de l’article 8.
76. Le requérant relève dans ce contexte qu’il a été obligé de dormir dans un vieux lit usé qui n’était pas adapté à son état et qui accentuait ses douleurs de dos. Il conteste l’argument du Gouvernement selon lequel il ne s’en est pas plaint lors de son hospitalisation et estime que, en tout état de cause, le personnel médical devait être au courant de ses problèmes de santé qui étaient manifestes. De plus, malgré ses douleurs et ses difficultés de marcher, il n’a pas pu se reposer dans son lit pendant la journée, sa chambre étant fermée à clef (voir aussi paragraphe 60 ci-dessus). Ainsi, sauf quelques exceptions où le personnel l’a autorisé à utiliser son lit pendant quelques heures, il a été obligé - lorsqu’il n’était pas en mesure de marcher ou de rester assis - de s’allonger au sol dans les couloirs de l’hôpital. Il soutient également que, en raison de ses problèmes de motricité, le personnel de l’hôpital ne lui a pas permis de participer régulièrement aux activités de plein air et ne lui a fourni aucun soutien à cet égard. Ce manquement ne saurait être compensé par le fait qu’il a pu se rendre dehors avec ses proches qui lui rendaient visite ou qu’il s’est vu accorder des autorisations de sortie et des congés. Le requérant se plaint également de ne pas avoir disposé d’un casier à clef pour stocker ses affaires personnelles, comme recommandé par le médiateur et le CPT, et d’avoir été de ce fait obligé de les porter toujours avec lui dans un sac plastique. Il n’a donc pas eu l’occasion de réfuter l’avis du personnel médical selon lequel il n’était pas capable de maintenir le casier en ordre et, de toute manière, s’il s’avérait que son handicap ne le lui permettait pas, l’hôpital aurait eu l’obligation de lui prêter assistance. Le requérant qualifie enfin d’humiliant et de dégradant le fait d’avoir été obligé de se doucher avec les autres patients et sous la supervision d’une infirmière de sexe féminin et considère que, même sans une plainte formelle de sa part, l’hôpital aurait dû lui permettre de prendre une douche individuelle.
77. Le requérant se plaint en particulier que l’hôpital ne lui a pas prodigué les soins nécessaires et qu’il l’a soumis à un traitement médical forcé. Il se plaint de ne pas avoir bénéficié d’une psychothérapie adéquate, alors qu’il s’agit selon les experts de la méthode la plus appropriée pour traiter ses troubles ; selon lui, le psychologue de l’hôpital manquait de formation spécifique et était très peu disponible, de sorte qu’il devait consulter à ses frais un psychothérapeute externe. De plus, il aurait subi une pression psychologique afin de se soumettre à une castration chirurgicale ; à cet égard, la note du médecin-chef faite dans son dossier médical le 14 novembre 2007 contraste avec les dépositions des médecins, relayées par le Gouvernement, qui ont nié avoir offert cette intervention à quiconque (voir paragraphe 39 ci-dessus). Puis, considérant que la décision du tribunal par laquelle il s’est vu ordonner un traitement protectif ne saurait remplacer son consentement avec le traitement par anti-androgènes, appelé aussi « la castration chimique », le requérant allègue que ces médicaments lui ont été administrés contre son gré, sans un examen médical individualisé et rigoureux et sans qu’il eût reçu les informations nécessaires. Dans cette situation, il juge sans pertinence les considérations du Gouvernement relatives à l’efficacité de ce traitement, à son expérience antérieure de celui-ci ou à l’absence alléguée d’effets permanents. Il faut en revanche tenir compte du fait qu’il s’agissait d’un traitement invasif doté de sérieux effets secondaires qui aggravait ses problèmes de santé, notamment sur le plan psychique et de la motricité, qui atténuait sa capacité d’érection mais ne le libérait pas de ses désirs sexuels, et qui ne lui permettait pas de se soulager par la masturbation ou de mener une vie sexuelle avec son amie. Dès lors, ce traitement lui a causé une grande souffrance psychique et a généré chez lui des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité.
78. Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, le requérant soutient donc avoir dès le début et de manière répétée manifesté son refus d’être traité par anti-androgènes, ce qui n’a cependant abouti qu’à la diminution de la fréquence des injections mais non à l’interruption du traitement. Se référant aux conclusions du CPT formulées au point 109 de son rapport CPT/Inf (2007) 32 (voir paragraphe 67 ci-dessus), il estime qu’on ne saurait parler d’un consentement libre et éclairé dans une situation où le choix s’opère uniquement entre une intervention médicale et un internement illimité, et soutient que les Etats ont une obligation spécifique de permettre aux personnes handicapées la réalisation effective de ce droit. En outre, le traitement forcé par anti-androgènes était illicite en l’espèce puisque la loi no 20/1966 sur les soins de santé publique en vigueur à l’époque ne fournissait aucune base légale pour les soins dispensés aux personnes concernées par le traitement protectif et ne prévoyait pas de garanties procédurales appropriées entourant la décision sur le traitement par anti-androgènes.
79. Le Gouvernement est convaincu que, même si elles ont pu causer au requérant un certain inconfort ou des ennuis, les conditions de détention n’ont pas atteint le seuil minimum de gravité aux fins de l’article 3 ; ce grief serait donc manifestement mal fondé. Il estime que l’hôpital a réagi de manière appropriée aux problèmes de dos du requérant, en lui recommandant de faire de l’exercice pour éviter les atrophies et contractions musculaires et en lui dispensant des soins de rééducation mais aussi en lui permettant de se reposer au lit à chaque fois qu’il s’est plaint des douleurs dans le dos. Par ailleurs, le requérant n’a jamais indiqué à l’hôpital que son lit ne lui convenait pas. Le Gouvernement relève également que le requérant pouvait toujours se rendre dans un petit jardin près du bâtiment de l’hôpital, qu’il se trouvait en régime libre depuis le 20 décembre 2007 ce qui lui permettait de circuler librement en plein air dans l’enceinte de l’hôpital, y compris les espaces extérieurs, qu’il s’y promenait très souvent, notamment avec les personnes lui rendant visite, et qu’il bénéficiait de nombreuses autorisations de sorties en dehors de l’hôpital, voire de congés. Une seule fois, le 27 mars 2008, il n’a pas pu se rendre avec les autres patients à la séance d’ergothérapie située hors l’hôpital puisqu’il souffrait à l’époque d’une atrophie musculaire et que le médecin a décidé, pour prévenir une éventuelle blessure, qu’il ne pouvait marcher qu’accompagné. Le Gouvernement note ensuite que si l’hôpital n’a pas attribué un casier au requérant, c’est parce qu’il n’était pas à même d’y tenir ses affaires en ordre et d’observer les règles de l’hygiène ; il pouvait néanmoins déposer ses affaires auprès du personnel. Quant à la douche, le requérant ne s’est jamais plaint auprès du personnel d’avoir à se doucher en commun avec les autres patients, c’est pourquoi il n’a pas pu se voir proposer la possibilité de se doucher en premier ou en dernier ; par ailleurs, il pouvait utiliser la douche à titre individuel tous les jours. Il pouvait également demander de se doucher en présence d’un infirmier masculin, ce qui a d’ailleurs été le cas, selon le dossier médical, dans 14 cas sur 19.
80. Le Gouvernement observe à cet égard que ni le médiateur ni les tribunaux saisis de la demande du requérant en protection de ses droits de la personnalité, qui ont bénéficié de contacts directs avec les personnes intéressées, n’ont constaté de manquement dans la conduite de l’hôpital ; le requérant n’a pas présenté de donnés convaincantes susceptibles de mettre en cause les faits tels qu’ils ont été établis par ces autorités. Il convient de noter sur ce point que les défauts dans le fonctionnement de l’hôpital dénoncés en 2010 dans le communiqué de presse du médiateur ne concernaient pas la situation du requérant.
81. Se référant à la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement estime ensuite que le grief tiré par le requérant du traitement médical prétendument forcé ou inadéquat doit être examiné sous l’angle de l’article 8. Selon lui, la Cour ne se place sur le terrain de l’article 3 que lorsqu’une intervention médicale involontaire a été réalisée chez une personne vulnérable d’une manière douloureuse ou irrespectueuse (Nevmerjitski c. Ukraine, no 54825/00, CEDH 2005-II (extraits)), voire en employant de la force (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, CEDH 2006-IX), ou en cas de stérilisations injustifiées effectuées sans consentement (V.C. c. Slovaquie, no 18968/07, CEDH 2011 (extraits)). Or, en l’espèce, il ne s’agissait pas d’une situation où les anti-androgènes seraient administrés au requérant contre son gré, ce traitement n’était pas dépourvu de justification juridique et médicale et n’avait pas de conséquences durables pour lui.
82. Le Gouvernement soutient que, en l’occurrence, le requérant a donné son consentement libre et éclairé au traitement par anti-androgènes et que la thérapie s’est déroulée en coopération avec lui. Il relève en effet dans le dossier médical du requérant que ces médicaments ne lui ont pas été prescrits lors de l’examen d’admission du 13 novembre 2007 et qu’ils ne lui ont été administrés qu’à partir du 3 décembre 2007, date à laquelle il a donné son consentement oral (voir paragraphe 14 ci-dessus). À chaque fois qu’il a émis des réserves, à savoir le 29 janvier 2008 et le 28 juillet 2008, il a pu rencontrer le médecin-chef et une solution a été trouvée (ibidem). Ainsi, l’hôpital a procédé conformément à la législation en vigueur à l’époque des faits qui contenait les mêmes règles, quoique moins détaillées, que la législation actuelle et qui ne permettait pas d’administrer des anti-androgènes de manière forcée. Selon la loi, un patient qui s’est vu ordonner le traitement protectif par un tribunal doit respecter le plan de traitement individuel mais peut choisir entre les traitements alternatifs possibles ; le traitement choisi doit faire l’objet d’un consentement libre et éclairé. Dès lors, la présente affaire doit être distinguée de l’affaire X c. Finlande (no 34806/04, CEDH 2012 (extraits)) car la décision ordonnant le traitement protectif ne remplaçait pas le consentement du requérant avec les interventions médicales composant le traitement.
83. Le Gouvernement rappelle dans ce contexte que le requérant a été interné sur la base d’une décision judiciaire, après avoir commis des infractions de nature sexuelle contre les enfants de moins de quinze ans, et au motif que, en liberté, il était dangereux pour la société. Il a été à maintes reprises examiné par des experts qui lui ont recommandé le traitement par anti-androgènes ; lege artis, celui-ci était justifié par des raisons médicales convaincantes et n’était pas contre-indiqué en cas de la maladie de Wilson. Comme le prouvent les dépositions des médecins faites devant les tribunaux internes, le requérant a été dûment informé des raisons, bénéfices et effets secondaires du traitement, qu’il connaissait d’ailleurs puisqu’il en était à son troisième traitement protectif en institution. Le Gouvernement observe à cet égard que ni le droit interne en vigueur ni les conventions internationales pertinentes n’exigeaient que le consentement soit consigné par écrit.
84. On ne saurait affirmer selon le Gouvernement, et le CPT ne le soutient pas non plus, que le seul fait que le traitement par anti-androgènes permet une mise en liberté plus rapide exclut que le consentement de la personne concernée soit considéré comme libre et éclairé. Le Gouvernement est d’avis que le fait pour le requérant de se trouver dans une situation où il pouvait choisir entre la prise d’anti-androgènes qui inhibent l’appétence sexuelle et réduisent de manière significative la dangerosité de la personne, permettant ainsi une mise en liberté dans un délai relativement court, et entre le traitement uniquement par la psychothérapie et la sociothérapie qui n’éliminent la dangerosité qu’après un laps de temps plus long ne signifie pas que le consentement donné en l’espèce par le requérant doit être considéré comme forcé. On ne saurait non plus négliger l’attitude du requérant qui banalisait la nocivité de son comportement et ne cherchait pas à résoudre ses troubles ; de plus, il a quand même commis des actes délictueux pendant ses séjours en liberté alors qu’il suivait la psychothérapie mais ne prenait pas d’anti-androgènes.
85. Enfin, le Gouvernement note que les conclusions de toutes les autorités saisies par le requérant réfutent comme infondée l’allégation du requérant selon laquelle il a consenti au traitement par anti-androgènes seulement par peur de la castration chirurgicale. Aucune pression dans ce sens de la part des médecins n’a été démontrée ; tout au plus, le requérant a pu subjectivement se sentir poussé. Le traitement médicamenteux a été complété par une ergothérapie et une psychothérapie, dispensée en interne ainsi qu’en externe ; cependant, le requérant ne coopérait pas avec le psychologue interne et ne semblait pas intéressé à trouver une solution, se bornant à se plaindre du traitement et à réclamer des privilèges. Enfin, le médecin-chef étant lui-même sexologue, l’encadrement médical du requérant a été adéquat et approprié.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
86. La Cour rappelle que, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime. Les allégations de mauvais traitements doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés (voir, entre autres, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, CEDH 2006-IX; Bogumil c Portugal, no 35228/03, § 68, 7 octobre 2008).
87. L’État doit s’assurer que toute personne privée de sa liberté - y compris les personnes internées involontairement pour des raisons de santé psychique - est détenue dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la privation de liberté et que, eu égard aux exigences pratiques de l’internement, la santé et le bien-être du malade sont assurés de manière adéquate (Parascineti c. Roumanie, no 32060/05, § 49, 13 mars 2012).
88. En particulier, pour apprécier la compatibilité avec les exigences de l’article 3 des conditions offertes à une personne privée de liberté, il faut, dans le cas des malades mentaux, tenir compte de leur vulnérabilité et aussi de leur incapacité, dans certains cas, à se plaindre de manière cohérente ou à se plaindre tout court des effets de ces conditions sur leur personne (Renolde c. France, no 5608/05, § 120, CEDH 2008 (extraits)). En outre, les personnes atteintes de troubles mentaux risquent incontestablement de se sentir davantage en situation d’infériorité et d’impuissance. C’est pourquoi une vigilance accrue s’impose dans le contrôle du respect de la Convention (Herczegfalvy c. Autriche, 24 septembre 1992, § 82, série A no 244 ; Bureš c. République tchèque, no 37679/08, § 87, 18 octobre 2012). S’il appartient aux autorités médicales de décider - sur la base des règles reconnues de leur science - des moyens thérapeutiques à employer pour préserver la santé physique et mentale des malades incapables d’autodétermination et dont elles ont donc la responsabilité, ceux-ci n’en demeurent pas moins protégés par l’article 3 (Sławomir Musiał c. Pologne, no 28300/06, § 96, 20 janvier 2009).
89. Dans plusieurs affaires, la Cour a examiné des plaintes portant sur des mauvais traitements infligés dans le cadre d’interventions médicales auxquelles des requérants détenus avaient été soumis contre leur volonté.
Ainsi, dans l’affaire Chtoukatourov c. Russie (no 44009/05, CEDH 2008), concernant un majeur incapable souffrant de troubles mentaux et interné à la demande de sa mère-tutrice, la Cour a considéré que les allégations du requérant concernant un traitement médical forcé n’étaient pas étayées puisque le requérant n’avait fourni aucun élément démontrant qu’il avait bien été traité avec ces médicaments, que rien ne prouvait que lesdits médicaments aient eu les effets indésirables dont il se plaignait et qu’il ne prétendait pas que sa santé se soit détériorée du fait du traitement. Dans l’affaire Naoumenko c. Ukraine (no 42023/98, § 114, 10 février 2004), concernant un prisonnier sain d’esprit, la Cour a constaté, tout en déplorant le caractère très général des mentions du dossier médical, lesquelles ne précisaient pas si, dans chaque cas concret, l’intéressé avait accepté le traitement ou si, au contraire, l’administration de la prison avait dû recourir à la force pour l’administrer, que le requérant n’avait pas produit d’éléments de preuve suffisamment précis et crédibles permettant de conclure au caractère abusif de ce traitement médicamenteux, fût-il forcé.
90. La Cour a notamment dit qu’une mesure dictée par une nécessité thérapeutique du point de vue des conceptions médicales établies ne saurait en principe passer pour inhumaine ou dégradante (Herczegfalvy c. Autriche, 24 septembre 1992, § 82, série A no 244). Elle a estimé qu’il lui incombait pourtant de s’assurer que la nécessité médicale avait été démontrée de manière convaincante (D.D. c. Lituanie, no 13469/06, § 173, 14 février 2012; Bureš, précité, § 87) et que les garanties procédurales dont doit s’entourer la décision existaient et avaient été respectées (Jalloh, précité, et autres références citées). Ainsi, une stérilisation ne répondant pas à une nécessité imminente du point de vue médical et effectuée sans un consentement éclairé de la requérante a été considérée comme un traitement atteignant le niveau de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 (voir V.C. c. Slovaquie, no 18968/07, §§ 117-119, CEDH 2011 (extraits)).
b) Application des principes à la présente espèce
91. Il convient d’abord de noter que, selon le Gouvernement, le grief tiré par le requérant du traitement médical prétendument forcé ou inadéquat doit être examiné sous l’angle de l’article 8 (voir paragraphe 81 ci-dessus). La Cour estime cependant que, eu égard à l’opposition explicite du requérant, dûment représenté, qui insiste sur sa qualification d’origine, il lui incombe de se limiter en l’espèce à examiner l’affaire sur le terrain de l’article 3.
i. Les conditions matérielles de détention dans l’hôpital psychiatrique de Šternberk
92. La Cour observe tout d’abord qu’en ordonnant au requérant un traitement sexologique protectif, le tribunal souhaitait le protéger, indiquant explicitement que cette mesure était aussi dans son intérêt (voir paragraphe 8 ci-dessus) ; en l’absence d’autres éléments, on ne saurait donc conclure que cet internement constituait une « peine » au sens de l’article 3. Il s’agit en l’occurrence d’examiner si les conditions auxquelles le requérant a été soumis à l’hôpital psychiatrique de Šternberk, pendant environ dix mois, constituaient en elles-mêmes un traitement « inhumain ou dégradant ».
93. Le requérant formule en effet plusieurs doléances relatives à ses conditions d’internement, à savoir lit inadapté à ses besoins, impossibilité de se reposer au lit pendant la journée, impossibilité de participer régulièrement aux activités de plein air, absence d’un casier personnel ou encore obligation de se doucher avec d’autres patients en présence d’une infirmière. Ces difficultés démontrent selon lui l’absence d’« aménagements raisonnables » au sens de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. S’il est vrai que certaines de ces questions ont déjà été abordées dans la jurisprudence de la Cour, bien que dans des contextes différents (voir, par exemple, Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 27, CEDH 2001-VII ; Moïsseïev c. Russie, no 62936/00, § 125, 9 octobre 2008 ; Aleksandr Makarov c. Russie, no 15217/07, § 95, 12 mars 2009), et qu’il y a lieu, lorsqu’il s’agit d’évaluer les conditions d’une privation de liberté au regard de l’article 3, de prendre en compte leurs effets cumulatifs et la durée de la mesure (Kalachnikov c. Russie, no 47095/99, §§ 95 et 102, CEDH 2002-VI ; Kehayov c. Bulgarie, no 41035/98, § 64, 18 janvier 2005), la Cour n’est pas convaincue que la situation subie par le requérant ait atteint le seuil de gravité élevé à partir duquel un traitement peut passer pour inhumain ou dégradant.
94. A l’instar des autorités nationales, qui se basaient avant tout sur des avis médicaux, la Cour estime notamment que, même si elles lui ont sans doute causé du désagrément, la plupart des restrictions dénoncées par le requérant étaient justifiées par son état de santé et son comportement. On ne saurait à cet égard négliger les efforts des membres du personnel médical déployés aux fins de suivre et d’améliorer la situation du requérant, ni leur reprocher de ne pas avoir fait ce que l’on pouvait raisonnablement exiger d’eux à l’égard de la pathologie de celui-ci. En particulier, il ressort du dossier qu’il y avait en l’espèce une raison médicale, acceptée également par le médiateur, pour ne pas permettre au requérant de rester dans son lit toute la journée, en ce que le but du traitement était d’instaurer un régime correspondant à celui d’une vie courante et qu’il était nécessaire de maintenir la motricité du requérant et de prévenir des atrophies (voir paragraphes 34, 37 et 40 ci-dessus). En l’absence d’informations suffisantes soutenant la thèse que le requérant n’a pas été détenu dans des conditions décentes et respectant sa dignité, la Cour n’aperçoit aucune autre circonstance, quant à une éventuelle aggravation des souffrances inhérentes à l’internement, pour conclure que le requérant a été victime d’une épreuve exceptionnelle susceptible de constituer un traitement contraire à l’article 3.
ii. Le traitement médical du requérant
95. Le requérant se plaint que l’hôpital ne lui a pas prodigué les soins nécessaires, en particulier une psychothérapie adéquate, et qu’il l’a soumis à un traitement médicamenteux forcé ainsi qu’à une pression psychologique visant à ce qu’il consente à une castration chirurgicale.
96. En l’espèce, la question principale sur laquelle la Cour est tenue de se prononcer est de savoir si le requérant a consenti ou non au traitement médicamenteux par anti-androgènes. Si en effet il y a eu consentement éclairé, comme l’allègue le Gouvernement, aucune question ne se pose sous l’angle de l’article 3 de la Convention (voir Bogumil, précité, § 71).
97. Les parties sont en désaccord sur ce point. Tandis que le requérant nie avoir donné son consentement au traitement en question, tout en considérant que la décision du tribunal lui ordonnant un traitement protectif ne saurait remplacer un tel consentement, le Gouvernement affirme, en se fondant notamment sur le dossier médical du requérant (voir paragraphe 14 ci-dessus), qu’un consentement verbal a été obtenu. Il confirme par ailleurs que la décision ordonnant le traitement protectif ne remplaçait pas le consentement du requérant avec les interventions médicales composant le traitement et que la législation ne permettait pas d’administrer les anti-androgènes de manière forcée (voir paragraphe 82 ci-dessus). La Cour se doit toutefois de relever, à l’instar du médiateur tchèque (voir paragraphe 34 ci-dessus) et du CPT (voir points 18 et 19 du rapport CPT/Inf (2009) 8 et point 119 du rapport CPT/Inf (2014) 3, cités au paragraphe 67 ci-dessus), que la législation en vigueur à l’époque était lacunaire et peu claire à cet égard, et permettait ainsi à de nombreux professionnels de santé, voire aux tribunaux (voir paragraphe 42 ci-dessus), de considérer que le consentement des patients soumis à un traitement protectif ordonné par un tribunal n’était pas nécessaire.
98. Sans oublier le contexte général de l’affaire, la Cour rappelle néanmoins que dans une espèce tirant son origine d’une Requête individuelle, elle doit se borner autant que possible à examiner le cas concret dont elle est saisie. Dans la présente affaire, appréhendée sous l’angle de l’article 3, la Cour n’a donc point pour tâche d’examiner la qualité de la base légale mais de contrôler les circonstances et les modalités de son application au requérant.
99. En l’espèce, il ressort du dossier médical (voir paragraphes 11-14 ci-dessus), et le requérant ne le conteste pas, que pendant les trois premières semaines de son internement, lorsqu’il s’opposait clairement au traitement par anti-androgènes, ceux-ci ne lui ont pas été administrés. Le changement s’est produit au moment de la grande visite médicale du 3 décembre 2007 où, selon la note faite dans le dossier médical par trois médecins, dont le médecin-chef, le requérant a accepté le traitement par anti-androgènes ; par la suite, celui-ci lui a été administré par voie intraveineuse une fois tous les quatorze jours. Or, devant les autorités nationales, le requérant alléguait qu’il avait consenti à ce traitement seulement par peur de ne pas pouvoir sortir de l’hôpital, voire par peur de la castration chirurgicale (voir paragraphes 27 et 85 ci-dessus). Il soutient désormais qu’on ne saurait parler d’un consentement libre et éclairé dans une situation où le choix s’opère uniquement entre une intervention médicale et un internement illimité (voir paragraphe 78 ci-dessus).
100. Sur ce point, la Cour estime, en premier lieu, qu’il n’a pas été établi que le requérant avait subi une pression visant à ce qu’il se soumette à une castration chirurgicale. Ce faisant, elle se réfère notamment aux conclusions des tribunaux nationaux qui ont entendu tous les médecins impliqués ainsi que le requérant. De l’avis de la Cour, la note du 14 novembre 2007 (voir paragraphe 12 ci-dessus), constatant que le requérant refusait la castration par pulpectomie, ne saurait à elle seule être interprétée comme une pression. Il convient également de noter que la castration chirurgicale était à l’époque strictement réglementée et sujette à un consentement libre et éclairé (voir paragraphe 58 ci-dessus).
101. En second lieu, il ne ressort pas du dossier que l’hôpital aurait entrepris une quelconque démarche afin de contraindre le requérant à se soumettre au traitement par anti-androgènes, telle une mesure de sanction interne ou une information adressée au tribunal pour l’avertir d’un manque de coopération du requérant dans l’exécution de la décision pertinente.
102. Enfin, la Cour est d’avis que le fait pour le requérant de se trouver dans une situation où il pouvait choisir entre la prise d’anti-androgènes qui réduisent de manière significative la dangerosité de la personne, permettant ainsi une mise en liberté dans un délai relativement court, et entre le traitement uniquement par la psychothérapie et la sociothérapie qui n’éliminent la dangerosité qu’après un laps de temps plus long, peut être considéré comme une certaine pression. Même s’il s’agit d’une constatation de fait, le choix entre ces options représentait un dilemme difficile pour le requérant. Il ressort en revanche des différentes expertises que le traitement litigieux était justifié par les raisons médicales et particulièrement recommandé dans le cas du requérant, car plus efficace que la psychothérapie qui ne l’empêchait pas de récidiver (voir paragraphes 16 in fine, 19-23 et 32). Il convient en outre de noter que les conclusions du CPT auxquelles le requérant se réfère au paragraphe 78 ci-dessus concernent une autre situation, à savoir celle dans laquelle la personne concernée se trouve devant un choix extrêmement limité entre la castration chirurgicale et un internement d’une durée indéterminée.
103. La Cour relève également que, à chaque fois que le requérant a exprimé des réserves sur le traitement par anti-androgènes, une solution a été trouvée (voir paragraphe 14 ci-dessus), sans qu’on puisse considérer comme établi qu’elle a été imposée au requérant. De plus, le traitement médicamenteux a été complété par une ergothérapie et une psychothérapie. On ne saurait donc conclure que les médecins de l’hôpital psychiatrique ont manqué à leur devoir de protéger la santé du requérant.
104. Dans ces circonstances, la Cour estime que même si le choix difficile qui s’offrait au requérant entre l’acceptation du traitement par anti-androgènes et la perspective d’un internement plus long peut constituer une forme de pression, le traitement litigieux répondait en l’espèce à une nécessité thérapeutique. Mais, puisque ce traitement n’était pas sans alternatives, la question qui est malgré tout à décider et qui reste controverse est celle de savoir si on peut parler d’un consentement éclairé. À cet égard, elle note que les tribunaux nationaux se sont en l’espèce fondés sur les déclarations de l’hôpital selon lesquelles le requérant connaissait les effets secondaires du traitement par anti-androgènes puisqu’il l’avait déjà suivi auparavant, et qu’il en avait également été informé par le médecin soignant (voir paragraphe 37 in fine). Si rien ne permet à la Cour de mettre ces déclarations en cause, elle estime que la situation aurait été plus claire si le consentement du requérant était consigné par écrit sur un formulaire spécifique qui contiendrait tous les renseignements nécessaires sur les bénéfices et les effets secondaires du traitement en question et qui l’informerait sur son droit de retirer à tout moment son consentement initial (voir à cet égard les recommandations du CPT citées au paragraphe 67 ci-dessus). Selon la Cour, ce procédé ne pourrait que renforcer la sécurité juridique de tous les intéressés. Cependant, il s’agit d’un manquement de caractère plutôt procédural qui ne saurait suffire pour enfreindre les garanties de l’article 3 de la Convention.
105. Dès lors, s’il rend compréhensibles les sentiments de détresse et de frustration allégués par le requérant, un examen des faits de la présente affaire ne fait pas ressortir des éléments permettant à la Cour d’établir au-delà de tout doute raisonnable que le requérant ait été soumis à un traitement médicamenteux forcé.
c) Conclusion
106. En résumé, les éléments dont la Cour dispose ne permettent pas d’établir au-delà de tout doute raisonnable que le requérant a été soumis à des traitements suffisamment graves pour entrer dans le champ d’application de l’article 3.
107. Il n’y a donc pas eu violation de cette disposition sous son volet matériel.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION SOUS SON VOLET PROCÉDURAL
108. Sur le terrain de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural, le requérant soutient qu’aucune enquête effective n’a été menée sur ses allégations de mauvais traitements subis lors de son internement. Il souligne à cet égard que la police a classé sa plainte pénale sans avoir ouvert d’enquête et en se référant uniquement aux résultats de la procédure civile en protection des droits de la personnalité ; de plus, elle l’en a informé uniquement par une lettre contre laquelle il ne pouvait pas recourir. Or, selon le requérant, la police avait l’obligation d’ouvrir une procédure pénale, de rassembler des preuves ou d’obtenir d’autres informations qui lui auraient permis de rendre une décision formelle soit sur l’engagement des poursuites pénales soit sur le classement de l’affaire sans suite. En outre, aucune des autorités saisies n’a demandé l’ouverture d’une enquête pénale de sa propre initiative.
109. Le Gouvernement conteste cette thèse. Il estime tout d’abord que le requérant n’a présenté aux autorités aucun grief crédible ou défendable relatif aux mauvais traitements. Il rappelle ensuite que l’État remplit son obligation positive de mener une enquête effective lorsque son système juridique offre au requérant un recours devant les juridictions civiles aux fins d’établir la responsabilité des médecins en cause et, le cas échéant, d’obtenir l’application de toute sanction civile appropriée, tels le versement de dommages-intérêts (voir V.C., précité, § 125 ; Calvelli et Ciglio c. Italie [GC], no 32967/96, § 51, CEDH 2002-I). En l’espèce, le requérant disposait d’un tel recours puisqu’il a pu engager une procédure en protection des droits de la personnalité dans le cadre de laquelle les tribunaux ont réuni maints éléments de preuve et entendu un grand nombre de témoins ; le requérant a pris part à cette procédure en personne ainsi que par l’intermédiaire de son représentant et il a pu se prononcer sur toutes les preuves administrées. Les décisions judiciaires sont motivées de façon détaillée, soigneuse et convaincante ; de plus, la procédure ayant duré deux ans et huit mois devant trois degrés de juridiction, l’exigence de promptitude adéquate a été également remplie (voir, mutatis mutandis, V.C., précité, § 127 ; N.B. c. Slovaquie, no 29518/10, § 86, 12 juin 2012).
110. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit aussi être déclaré recevable. En effet, lorsqu’un individu formule une allégation défendable de violation des dispositions de l’article 3, la notion de recours effectif implique, de la part de l’Etat, des investigations approfondies et effectives propres à conduire à l’identification et à la punition des responsables (voir, entre autres, Henaf c. France, no 65436/01, § 36, CEDH 2003-XI). En l’espèce, la Cour considère que les allégations du requérant concernant les mauvais traitements dans l’hôpital psychiatrique étaient suffisamment graves pour être qualifiées de défendables et pour justifier une telle enquête.
111. La Cour rappelle également que, faisant référence aux affaires soulevant des questions sous l’angle de l’article 2 à propos d’allégations de faute médicale, elle a déjà conclu sur le terrain de l’article 3 que lorsque rien n’indique, comme en l’espèce, que les médecins ont agi de mauvaise foi dans l’intention de maltraiter le requérant, l’obligation positive découlant de la Convention de mettre en place un système judiciaire effectif n’exige pas nécessairement dans tous les cas un recours de nature pénale. Pareille obligation peut être remplie aussi, par exemple, si le système juridique en cause offre aux victimes un recours devant les juridictions civiles, seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales, aux fins d’établir la responsabilité des médecins en cause et, le cas échéant, d’obtenir l’application de sanctions civiles appropriées, tels le versement de dommages-intérêts et la publication de la décision (voir, mutatis mutandis, V.C., précité, §§ 123-129).
112. Dans la présente affaire, le requérant a cherché, dès décembre 2009, à obtenir réparation au moyen d’une demande au titre des articles 11 et suivants du code civil en vue de la protection de ses droits de la personnalité, par laquelle il demandait à l’hôpital psychiatrique de Šternberk de lui présenter des excuses et de lui payer une indemnisation. Dans le cadre de cette procédure civile, il a pu présenter ses arguments avec l’aide d’un représentant averti, indiquer les éléments de preuve qui lui paraissaient pertinents et appropriés et participer à des audiences contradictoires portant sur le fond de l’affaire, lors desquelles toutes les personnes impliquées ont été entendues. Il a donc eu la possibilité de faire examiner par les autorités nationales les actions du personnel hospitalier qu’il considérait comme illégales. Les tribunaux internes ont examiné son affaire dans un délai qui ne prête à aucune critique particulière (voir, mutatis mutandis, V.C., précité, § 127).
113. Dès lors, il y a lieu de considérer que, par le biais de la procédure en protection des droits de la personnalité, l’État a en l’espèce satisfait à son obligation de mener une enquête effective. On ne saurait dès lors reprocher à la police, vers laquelle le requérant s’est tourné après avoir perdu la procédure civile, de s’être référée aux résultats de cette procédure et de ne pas avoir ouvert une enquête pénale.
114. La Cour conclut donc qu’il n’y a pas eu violation du volet procédural de l’article 3 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
115. Le requérant se plaint également de ne pas avoir disposé d’un recours effectif quant à son grief tiré de l’article 3. Il soutient sur ce point que la demande en protection de ses droits de la personnalité s’est révélée ineffective en l’espèce et que sa plainte pénale n’a pas mené à l’ouverture d’une enquête. Il invoque à cet égard l’article 13 de la Convention, libellé comme suit :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
116. Le Gouvernement conteste cette thèse. Il réaffirme qu’aucun des griefs du requérant n’est défendable au sens de l’article 13 de la Convention. Il souligne également que lorsqu’une Requête est introduite au moment où la détention a déjà pris fin, une action en compensation - telle en l’espèce la demande en protection des droits de la personnalité - constitue en principe un recours interne adéquat et suffisant (voir, par exemple, Łomiński c. Pologne (déc.), no 33502/09, § 72, 12 octobre 2010 ; Jirsák c. République tchèque, no 8968/08, § 52, 5 avril 2012). Par ailleurs, l’efficacité d’un recours interne au sens de l’article 13 ne signifie pas que le requérant doit obtenir gain de cause mais exige seulement qu’une autorité indépendante ait le pouvoir d’examiner le bien-fondé du grief (voir, par exemple, I.G. et autres c. Slovaquie, no 15966/04, § 154, 13 novembre 2012).
117. La Cour estime d’abord que, les allégations du requérant ayant été déjà considérées comme défendables, ce grief doit aussi être déclaré recevable.
118. Elle relève ensuite que ce grief se confond en l’espèce avec celui tiré de la violation des obligations positives procédurales de l’article 3 qui constituent, à cet égard, une lex specialis vis-à-vis des obligations générales de l’article 13. Or, après avoir examiné le bien-fondé du grief tiré de l’absence d’enquête effective dans le cadre de l’examen des obligations positives découlant de l’article 3, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas eu violation de cette disposition de ce chef, au motif que la demande en protection des droits de la personnalité constituait un recours propre à mener non seulement à une enquête effective mais aussi à l’octroi d’une indemnité.
119. La Cour n’estime donc pas nécessaire d’examiner séparément le grief tiré de la violation de l’article 13.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la Requête recevable ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet matériel ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural ;
4. Dit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief tiré de la violation de l’article 13.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 novembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia Westerdiek Mark Villiger
Greffière Président