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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BAZA DE TRANSPORT AUTO NR. 1 v. THE REPUBLIC OF MOLDOVA - 36438/08 - Committee Judgment (French Text) [2014] ECHR 1303 (18 November 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1303.html Cite as: [2014] ECHR 1303 |
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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE BAZA DE TRANSPORT AUTO NR. 1 c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
(Requête no 36438/08)
ARRÊT
STRASBOURG
18 novembre 2014
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Baza de Transport Auto nr. 1 c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Dragoljub Popović,
président,
Luis López Guerra,
Valeriu Griţco, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 octobre 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 36438/08) dirigée contre la République de Moldova et dont la société Baza de Transport Auto nr. 1 (« la requérante »), a saisi la Cour le 25 juillet 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La société requérante a été représentée par Me I. Balan, avocat à Chişinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. L. Apostol, du ministère de la Justice.
3. La société requérante allègue que son droit à un tribunal, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi que son droit à la libre jouissance de ses biens, consacré par l’article 1 du Protocole no 1, ont été méconnus en raison de la non-exécution, dans un délai raisonnable, d’un arrêt définitif rendu en sa faveur. La requérante estime également qu’elle n’avait pas disposé d’un recours interne effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, pour obtenir réparation du dommage causé par l’exécution tardive de l’arrêt.
4. Le 6 janvier 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. La requérante est une société de droit moldave, ayant son siège social à Chişinău.
6. La société requérante avait une dispute concernant un lot de terrain qui faisait partie du domaine privé de la municipalité de Chişinău. Par une décision définitive du 26 décembre 2006, la cour d’appel de Chişinău fit droit à la requérante et enjoignit à la municipalité de Chişinău de lui vendre le terrain en litige.
7. Le 11 mai 2010, la municipalité de Chişinău exécuta l’arrêt du 26 décembre 2006.
8. Pendant la période d’inexécution, la société requérante et l’huissier de justice avaient demandé plusieurs fois à la municipalité de Chişinău d’exécuter l’arrêt du 26 décembre 2006. À toutes ces démarches, la municipalité de Chişinău avait répondu qu’elle examinerait bientôt l’affaire.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
9. Aux termes de l’article 70 § 1 du code d’exécution du 24 décembre 2004, le titre exécutoire doit être mis à effet dans le délai prévu par ce document, ou, lorsqu’aucun délai n’est indiqué, dans un délai raisonnable. En vertu de l’article 70 § 2 du même code, l’huissier de justice doit entreprendre immédiatement toutes les actions qui s’imposent en vue d’exécuter la décision de justice ; l’écoulement du délai d’exécution est arrêté pendant la période de la suspension ou de l’ajournement de l’exécution.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION ET DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
10. La société requérante allègue que le retard mis par les autorités étatiques dans l’exécution de l’arrêt définitif rendu en sa faveur a enfreint son droit d’accès à un tribunal, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi que son droit au respect des biens tel que prévu par l’article 1 du Protocole no 1. Les passages pertinents des dispositions invoquées sont ainsi libellés :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens (...) »
A. Sur la recevabilité
11. Le Gouvernement soutient que la requérante a agi mala fides, compte tenu du fait qu’elle n’a pas informé la Cour de l’exécution de l’arrêt définitif rendu en sa faveur. À titre subsidiaire, il ajoute que la période de non-exécution a été raisonnable.
12. La société requérante n’a pas soumis de commentaires au sujet de son omission d’informer la Cour de l’exécution de l’arrêt du 26 décembre 2006.
13. La Cour rappelle qu’une Requête peut être rejetée comme étant abusive, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, si elle a été fondée sciemment sur des faits controuvés (Varbanov c. Bulgarie, 5 octobre 2000, § 36, Recueil des arrêt et décisions 2000-X, Popov c. République de Moldova (no 1), no 74153/01, § 48, 18 janvier 2005, Kérétchachvili c. Géorgie (déc.), no 5667/02, 2 mai 2006). Une information incomplète et donc trompeuse peut également être qualifiée comme un abus du droit de recours individuel, particulièrement lorsqu’elle concerne le noyau de l’affaire et que le requérant n’explique pas de façon suffisante son manquement à divulguer les informations pertinentes (Poznanski et autres c. Allemagne (déc.), no 25101/05, 3 juillet 2007).
14. Concernant cette affaire, la Cour note que la société requérante aurait dû l’informer de l’exécution de l’arrêt définitif rendu en sa faveur. Toutefois et nonobstant l’omission de respecter cette obligation, la Cour ne considère pas que, dans les circonstances de l’espèce, la société requérante a agi contrairement au but du droit de recours individuel consacré par l’article 34 de la Convention.
15. Partant, la Cour rejette l’argument du Gouvernement.
16. Au surplus, la Cour constate que la Requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
17. La Cour note que l’arrêt définitif rendu en faveur de la société requérante est resté non exécuté pendant environ trente-huit mois et que le Gouvernement n’a apporté aucune justification pour ce retard. La Cour rappelle sa position, exprimée à maintes reprises dans des affaires ayant trait au défaut d’exécution, selon laquelle, l’impossibilité, pour un créancier, de faire exécuter intégralement, et dans un délai raisonnable, une décision rendue en sa faveur constitue une violation dans son chef du « droit à un tribunal » consacré par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi que du droit à la libre jouissance de ses biens garanti par l’article 1 du Protocole no 1 (Prodan c. République de Moldova, no 49806/99, §§ 56 et 62, CEDH 2004-III (extraits)).
18. À la lumière des circonstances de l’espèce et des arguments avancés par les parties, la Cour ne voit aucune raison d’arriver à une conclusion différente dans le cas présent. Partant, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de l’omission des autorités d’exécuter, dans un délai raisonnable, l’arrêt définitif rendu en faveur de la requérante.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
19. La société requérante dénonce l’absence d’un recours interne effectif pour défendre son droit à un délai d’exécution raisonnable, ainsi que son droit à la libre jouissance de ses biens. Elle invoque à cet égard l’article 13 de la Convention, qui dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
20. Le Gouvernement ne se prononce pas sur ce grief.
21. La Cour relève que ce grief est lié à ceux examinés ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
22. En l’espèce, la Cour a constaté qu’il avait été porté atteinte aux droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 dans le chef de la requérante (voir paragraphe 17 ci-dessus). L’intéressée avait donc un grief défendable au sens de la jurisprudence de la Cour et, partant, elle devait disposer d’un recours satisfaisant aux critères de l’article 13. À cet égard, la Cour note qu’elle s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur l’observation de l’article 13 de la Convention dans des affaires de non-exécution ou d’exécution tardive d’un jugement définitif (Moisei c. République de Moldova, no 14914/03, §§ 29 - 33, 19 décembre 2006 et Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, §§ 89-117, 15 janvier 2009).
23. Or, dans le cas présent, il est patent pour la Cour que la requérante n’a pas disposé d’un recours efficace pour la violation de ces droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1. Dès lors, il y a eu violation de l’article 13 combiné avec ces dispositions.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
24. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
25. La société requérante réclame 33 884 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et 5 000 EUR pour le préjudice moral qu’elle aurait subi.
26. Le Gouvernement conteste ces chiffres, qu’il considère abusifs et mal fondés.
27. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 1 800 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
28. La société requérante demande également 800 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
29. Le Gouvernement considère ce montant excessif, par rapport à la complexité de l’affaire.
30. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme demandée et l’accorde en entier à la requérante.
C. Intérêts moratoires
31. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la Requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser à la société requérante, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :
i) 1 800 EUR (mille huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii) 800 EUR (huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;
b) que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 novembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Marialena Tsirli Dragoljub Popović
Greffière adjointe Président