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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PRIFTI v. GREECE - 13251/07 - Committee Judgment (French Text) [2014] ECHR 1385 (11 December 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1385.html
Cite as: [2014] ECHR 1385

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE PRIFTI c. GRÈCE

     

    (Requête no 13251/07)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    11 décembre 2014

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Prifti c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Ksenija Turković, juges,
    et de Søren Prebensen, greffier adjoint de section f.f.,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 novembre 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

  1. .  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 13251/07) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant albanais, M. Joani Prifti (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 mars 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
  2. .  Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, Mme M. Vergou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État et M. I. Bakopoulos, auditeur auprès le Conseil juridique de l’État. Informé de son droit de prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement), le gouvernement albanais n’a pas répondu.
  3. .  Le 6 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.
  4. EN FAIT

    Les circonstances de l’espèce

    4.  Le requérant est né en 1949 et réside à Kos.

    5.  Le 19 mars 1999, le fils du requérant, âgé de 23 ans, périt dans un accident de travail, ayant eu lieu dans un chantier auprès d’un hôtel.

    1.  La procédure pénale à l’encontre des responsables présumés du décès du fils du requérant

    6.  À une date non précisée en 1999, des poursuites pénales furent engagées à l’encontre du propriétaire de l’hôtel (ci-après « G.K. ») et de l’entrepreneur des travaux (ci-après « M.G.») pour homicide involontaire du fils du requérant et blessures corporelles de deux autres ouvriers. Le requérant se constitua partie civile dans la procédure.

    7.  Le 10 mai 2000, la Chambre du conseil (δικαστικό συμβούλιο) du tribunal correctionnel de Kos renvoya les accusés en jugement. Une audience fut fixée pour le 16 novembre 2001.

    8.  Après quatre ajournements de l’affaire, l’audience eut lieu le 6 septembre 2003, date à laquelle le tribunal correctionnel de trois membres de Kos condamna les accusés (arrêt no 1299/2003). Les accusés interjetèrent appel contre ledit arrêt.

    9.  Le 14 mai 2004, la cour d’appel de Kos réduisit les peines imposées à G.K. et M.G. (arrêt no 77/2004).

    10.  À une date non précisée, M.G. se pourvut en cassation.

    11.  Le 12 décembre 2006, la Cour de cassation cassa partiellement l’arrêt de la cour d’appel (arrêt no 2087/2006).

    12.  Le 14 novembre 2007, la cour d’appel de Kos, statuant sur renvoi, acquitta M.G. (arrêt no 1/2007).

    2.  La procédure civile en indemnisation

    13.  Le 14 septembre 2000, le requérant, son épouse et leurs deux autres fils saisirent les juridictions civiles d’une action en dommages-intérêts contre G.K. et M.G.

    14.  Le 1er mars 2002, le tribunal de grande instance d’Athènes déclara l’instance annulée à l’égard de G.K., compte tenu que les plaignants avaient entre-temps renoncé à leurs prétentions envers lui. Ensuite, ledit tribunal se déclara incompétent pour le reste de l’action et renvoya l’affaire devant le tribunal de première instance d’Athènes (décision no 1664/2002).

    15.  Le 23 mars 2005, le tribunal de première instance ajourna l’examen de l’affaire, afin que les parties soumettent les dispositions relatives du droit albanais par l’intermédiaire de l’Institut hellénique de droit international et étranger (décision no 567/2005).

    16.  Le 9 mai 2007, ledit tribunal précisa que le droit grec trouvait à s’appliquer en l’espèce. Dès lors, selon le tribunal, l’ajournement de l’examen de l’affaire précitée avait été erronément ordonné. Le tribunal ordonna également la reprise de l’audience, au motif que M.G. devrait comparaître devant lui, afin de déposer sous serment (décision n1059/2007).

    17.  Le 30 avril 2008, le tribunal accepta partiellement l’action et accorda au requérant et à son épouse une indemnité de 50 000 euros et à chacun de leurs fils la somme de 30 000 euros au titre du dommage moral subi (arrêt no 1044/2008).

    18.  Les 4 et 17 février 2009, le requérant et la partie adverse respectivement interjetèrent appel du jugement précité.

    19.  Le 30 juin 2010, la cour d’appel d’Athènes confirma le jugement quant à la somme accordée au requérant et à son épouse et réduisit la somme accordée à leurs fils (arrêt no 3651/2010).

    20.  Le 10 novembre 2010, la partie adverse se pourvut en cassation.

    21.  Le 24 mai 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi (arrêt no 838/2012). La date de la mise au net de cet arrêt ne ressort pas du dossier.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    22.  Le requérant allègue que la durée des procédures en cause ont méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

    A.  Sur la recevabilité

    23.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Périodes à prendre en considération

    (a)  Procédure devant les juridictions pénales

    24.  La période à considérer a débuté à une date non précisée en 1999, quand le requérant se constitua partie civile à la procédure, et s’est terminée le 14 novembre 2007, date à laquelle l’arrêt no 1/2007 de la Cour d’appel de Kos a été publié. Elle a donc duré au moins huit ans pour trois instances.

    (b)  Procédure devant les juridictions civiles

    25.  La période à considérer a débuté le 14 septembre 2000, date à laquelle le requérant saisit le tribunal de grande instance d’Athènes, et s’est terminée le 24 mai 2012, date à laquelle l’arrêt no 838/2012 de la Cour de cassation a été publié. Elle a donc duré onze ans et huit mois environ pour trois instances.

    2.  Durée raisonnable des procédures

    26.  Dans ses observations sur l’article 41, le Gouvernement procède à une analyse chronologique des procédures en cause et estime que les affaires ont été jugées en général dans des délais raisonnables.

    27.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Michelioudakis c. Grèce, no 54447/10, 3 avril 2012 et Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, 30 octobre 2012).

    28.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Michelioudakis et Glykantzi, précités).

    29.  Elle note que les présentes affaires ne présentaient aucune complexité particulière. Qui plus est, la Cour ne relève pas d’élément de nature à mettre en cause la responsabilité du requérant dans l’allongement des procédures. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses ont été excessives et ne répondent pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

    30.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    31.  Le requérant se plaint également des diverses autres procédures devant les juridictions internes, qui ne sont pas liées aux procédures en cause. Il semble qu’il se plaint de l’iniquité de ces procédures. Il allègue, en outre, qu’il risque l’expulsion vers l’Albanie. Or, la Cour note que ses griefs sont incohérents et aucunement étayés.

    32.  Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondées et doivent être rejetées en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    33.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    34.  Le requérant réclame 642 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel. Il demande également 5 100 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    35.   Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    36.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 6 500 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    37. Le requérant demande également 18 850 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes. Il fournit également diverses factures, dont le contenu n’est pas expliqué.

    38. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    39.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et les frais et dépens sollicités devant les juridictions internes et rejette cette demande.

    C.  Intérêts moratoires

    40.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive des procédures en cause et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 6 500 EUR (six mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû par lui à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 décembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.      

    Søren Prebensen                                                   Mirjana Lazarova Trajkovska
    Greffier adjoint f.f.                                                             
    Présidente


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