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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> LARIE AND OTHERS v. ROMANIA - 54153/08 - Chamber Judgment [2014] ECHR 320 (25 March 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/320.html
Cite as: [2014] ECHR 320

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE LARIE ET AUTRES c. ROUMANIE

     

     

    (Requête no 54153/08)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    25 mars 2014

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     

     


    En l’affaire Larie et autres c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Luis López Guerra,
              Kristina Pardalos,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco,
              Iulia Antoanella Motoc, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 mars 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 54153/08) dirigée contre la Roumanie et dont trois ressortissants de cet État, M. Gheorghe Larie et Mmes Anamaria Eugenia Larie et Reghina Grigorov (« les requérants »), ont saisi la Cour le 29 octobre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Les requérants, qui ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, ont été représentés par Me T. Năstase, avocat à Tulcea. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaire étrangères.

    3.  Les requérants se plaignent en particulier de l’absence d’une enquête prompte et efficace au sujet des circonstances du décès de deux membres de leurs familles lors d’une collision de deux barques de pêche. Ils invoquent l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural.

    4.  Le 9 octobre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    5.  Le 11 avril 2013, la requérante Reghina Grigorov est décédée des suites d’une maladie. Par une lettre du 26 avril 2013, Mme Vasilina Grigorov, sa belle-mère, a exprimé le souhait de maintenir la requête.

    EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    6.  Les requérants sont nés respectivement en 1945, en 1976 et en 1973 et résident à Tulcea et à Mahmudia.

    A.  Les événements de la nuit du 18 au 19 juillet 2007

    7.  Le 18 juillet 2007, vers 23 h, Mircea Larie, fils du premier requérant et mari de la deuxième requérante, et Ionel Grigorov, mari de la troisième requérante et neveu du premier requérant, étaient à bord d’une barque de pêche motorisée sur un canal du delta du Danube. Leur barque fut accrochée par une autre barque dans laquelle se trouvaient V.L.G. et M.A. Au moment de la collision, d’après leurs dires, V.L.G., qui dormait, se réveilla et constata que M.A. qui conduisait la barque, était gravement blessé à la tête. La barque dans laquelle il se trouvait étant en panne, V.L.G. s’empara de la barque accrochée dans laquelle, selon ses dires, il n’y avait personne et se dirigea vers le bord du canal, où plusieurs touristes avaient installé leurs tentes, afin de leur demander de l’aide pour appeler les services d’urgence. Les touristes ayant indiqué à V.L.G. que leurs téléphones mobiles étaient déchargés, il retourna dans la barque où il trouva le téléphone mobile de M.A. et appela les services d’urgence. Il fut invité à se présenter à un ponton où il serait attendu par des agents de police et une ambulance. V.L.G. se dirigea vers le ponton indiqué par les autorités.

    8.  Sur le ponton, V.L.G. fut accueilli par deux policiers qui l’escortèrent au poste de police de la commune de Murghiol où il fut entendu par deux officiers de la brigade fluviale. M.A. fut transporté en ambulance à l’hôpital départemental de Tulcea. La barque, dont les policiers apprirent qu’elle appartenait à la famille de Mircea Larie, fut confiée à un gardien du ponton. Elle ne fut pas mise sous scellés et immobilisée.

    9.  Pendant la nuit, V.L.G. retourna sur le ponton et s’empara de la barque de la famille des requérants afin de transporter des pêcheurs et une quantité importante de poisson à son domicile. En chemin, il rencontra une autre barque dans laquelle se trouvaient plusieurs membres des familles de Mircea Larie et d’Ionel Grigorov qui les cherchaient. En reconnaissant la barque dans laquelle se trouvait V.L.G. et qui leur appartenait, une altercation verbale éclata. V.L.G. rendit finalement la barque aux membres de la famille de Mircea Larie.

    10.  Les corps de Mircea Larie et d’Ionel Grigorov furent repêchés le lendemain sur le lieu de la collision (paragraphe 13 ci-dessous).

    B.  L’enquête pénale concernant le décès de Mircea Larie et d’Ionel Grigorov

    11.  Le lendemain matin, le chef du poste de police de Murghiol fut informé que le chef de la direction générale de police avait décidé la constitution d’une équipe pour les recherches sur les lieux comprenant des membres de la police locale. Une équipe formée de quatre policiers se déplaça sur le lieu de la collision. Le chef de la direction départementale de police et des représentants de la brigade fluviale étaient également présents.

    12.  Le procès-verbal établi par les policiers mit en évidence que la barque abandonnée par V.L.G. présentait plusieurs taches d’une substance brune, probablement du sang. Ils ne prélevèrent pas d’échantillons de cette substance, faute de matériel adéquat. Ils n’appelèrent pas non plus le laboratoire mobile équipé à cet effet. Ils prirent en revanche des photographies.

    13.  Les corps de Mircea Larie et d’Ionel Grigorov ainsi qu’un étui contenant une arme de chasse furent repêchés au cours de la journée. Dans le procès-verbal, il était mentionné que les corps avaient été repêchés au même endroit, au milieu du canal.

    14.  Deux policiers se déplacèrent au ponton où se trouvait la barque appartenant à la famille de Mircea Larie. Ils constatèrent que celle-ci avait été nettoyée entre-temps. Ils prirent des photographies et dressèrent un procès-verbal.

    15.  Une autopsie fut pratiquée le 20 juillet 2007 sur les deux cadavres et des rapports médicaux-légaux furent délivrés le 12 février 2008 par le service médico-légal de Tulcea. Les deux rapports furent confirmés par la Commission d’avis et de contrôle de l’Institut national de médecine légale (ci-après « I.N.M.L. ») le 5 mars 2008.

    16.  Le rapport médico-légal concernant Mircea Larie concluait que celui-ci était décédé par noyade. Le corps présentait des hématomes et des excoriations au niveau de la tête et une plaie ouverte au niveau d’une paume probablement provoquée par l’hélice de la barque dans laquelle il se trouvait au moment du décès (perimortem) ou tout de suite après (postmortem). Ces blessures n’avaient pas causé le décès.

    17.  Le rapport médico-légal concernant Ionel Grigorov concluait que celui-ci était décédé par noyade. De nombreuses ecchymoses et excoriations au niveau du visage correspondant à des traces de poudre spécifiques au tir avec une arme à feu et la déchirure du tympan indiquaient qu’un tir avait été réalisé à la proximité de l’oreille. Ces lésions avaient certainement provoqué un choc traumatique intense propre à conduire à la perte de connaissance ou à l’affaiblissement de l’acuité visuelle et auditive. Le corps présentait une plaie importante au niveau de la mandibule, probablement provoquée par l’hélice de la barque dans laquelle il se trouvait, avant le décès (antemortem), au moment du décès (perimortem) ou tout de suite après (postmortem). Ces blessures n’avaient pas causé le décès.

    18.  Le 20 juillet 2007, un certificat médico-légal fut établi également au nom de M.A. Il fut complété le 19 septembre 2007 et confirmé par la Commission d’avis et de contrôle de l’I.N.M.L. le 18 avril 2008. Le certificat concluait que M.A. présentait plusieurs lésions qui avaient été provoquées par des coups portés avec des objets durs et qui avaient nécessité vingt-cinq jours de soins médicaux.

    19.  Les 23 juillet et 1er août 2007, les requérants déposèrent des plaintes pénales au sujet du décès de leurs proches exigeant que les circonstances de leur décès soient établies.

    20.  Le 24 juillet 2007, le département maritime et fluvial du parquet près la cour d’appel de Constanţa informa le parquet près le tribunal de première instance de Tulcea que la collision des barques avait eu lieu sur un canal qui n’était pas classé dans la catégorie des voies navigables et que, dès lors, il appartenait à ce dernier parquet de mener l’enquête concernant les circonstances du décès de Mircea Larie et d’Ionel Grigorov. La classification du canal fut confirmée ultérieurement par la brigade fluviale le 27 septembre 2007. La brigade fluviale attesta également qu’il n’y avait pas de restrictions pour la circulation pendant la nuit sur ce canal et que la vitesse autorisée ne devait pas dépasser 40 km/ h.

    21.  Un rapport d’expertise navale établi en septembre 2007 conclut qu’il était impossible pour Mircea Larie et Ionel Grigorov de tomber de leur barque et de se noyer. Cela aurait pu se réaliser uniquement en cas de renversement de la barque, thèse qui était contredite par la déclaration de V.L.G. Par ailleurs, l’eau ne mesurait que 2, 18 m de profondeur et l’on pouvait gagner le bord du canal même en position debout, sans nager. Par ailleurs, les personnes décédées étaient connues comme des nageurs professionnels, l’un exerçant comme plongeur et l’autre étant un officier de la marine, de sorte qu’il leur était très facile de gagner le bord du canal se trouvant à une distance d’une vingtaine de mètres du lieu de la collision. En outre, le rapport releva que la barque dans laquelle se trouvaient les victimes présentait des dégâts qui n’avaient pas été causés par la collision, mais par des coups portés avec un objet dur. Le rapport nota également que les deux barques avaient atteint environ 20 km/h et qu’elles n’étaient pas équipées pour une navigation de nuit. Enfin, l’expert conclut que la barque dans laquelle se trouvaient M.A. et V.L.G. avait été conduite près du bord gauche du canal et que la collision aurait pu être évitée si celle-ci avait été conduite près du bord droit du canal. La collision aurait pu être évitée si les barques avaient été dotées d’un éclairage spécifique pour la navigation de nuit.

    22.  L’expert désigné par les requérants endossa les conclusions de l’expertise. L’expert désigné par M.A. précisa que les deux victimes auraient pu tomber de leur barque au moment de l’impact.

    23.  Par une décision du 11 octobre 2007, le parquet près le tribunal de première instance de Tulcea ordonna l’ouverture des poursuites pénales contre M.A. du chef d’homicide involontaire et contre V.L.G. du chef de vol qualifié.

    24.  Le parquet entendit les requérants, et les personnes qui les avaient aidés la nuit du drame pour rechercher leurs proches, ainsi que M.A., V.L.G., et les trois pêcheurs qui les avaient accompagnés la même nuit. Plusieurs d’entre eux furent également soumis au test du polygraphe. Les requérants déclarèrent que, lors de leurs recherches, ils avaient discutés avec des touristes qui avaient installé leurs tentes non loin du lieu de l’accrochage et qui avaient témoigné qu’ils avaient entendus des cris, des insultes et des coups.

    25.  À une date non précisée, le centre départemental de météorologie informa la police judiciaire que dans la nuit du 18 au 19 juillet 2007, la température avait varié entre 29 oC et 33 oC, la visibilité avait été réduite à 10 km, et qu’il n’y avait pas eu de précipitations.

    26.  Le 14 décembre 2007, un rapport technique attesta qu’il y avait, sur le visage d’Ionel Grigorov, des traces de certaines substances spécifiques au tir avec une arme.

    27.  Suite à une apparition télévisée du premier requérant, le 30 janvier 2008, au sujet de la collision, la direction générale de la police roumaine demanda un rapport interne explicatif à la direction départementale de la police de Tulcea.

    28.  Le 31 janvier 2008, le chef de la direction départementale de la police de Tulcea transmit le rapport explicatif requis. Ce rapport faisait référence à plusieurs éléments de preuve recueillis dans le cadre de l’enquête pénale et contenait des appréciations quant à la visibilité et à la température de l’air au moment de la collision, à l’adéquation de la vitesse des barques aux conditions météorologiques, à leur équipement insuffisant, aux possibilités éventuelles d’éviter la collision, aux causes des blessures identifiées sur les cadavres et à l’impossibilité de prélever le sang retrouvé dans une des barques au motif qu’il était mélangé avec de l’eau et du carburant. Ce rapport fut ultérieurement versé au dossier de l’enquête pénale.

    29.  Par une lettre du 11 février 2008, la police judiciaire demanda au Service roumain de renseignements de lui fournir la liste des numéros des téléphones portables utilisés dans la nuit du 18 au 19 juillet 2007 aux alentours du lieu du drame. Cette demande demeura sans réponse.

    30.  Le 25 février 2008, les requérants déposèrent un mémoire sollicitant la requalification juridique des faits en meurtre aggravé (article 176 du code pénal) s’agissant de M.A. et l’extension des poursuites pénales du même chef à l’égard de V.L.G. et des trois autres pêcheurs qui les avaient accompagnés dans la nuit du 18 au 19 juillet 2007.

    31.  Le même jour, suite au mémoire susmentionné, le parquet près le tribunal de première instance de Tulcea déclina sa compétence.

    32.  Le 4 mars 2008, l’affaire fut inscrite au rôle du parquet près le tribunal départemental de Tulcea, compétent pour instruire sur le meurtre aggravé.

    33.  Par une décision du 10 mars 2008, le parquet susmentionné rendit un non-lieu du chef de meurtre aggravé et ordonna la continuation des poursuites du chef d’homicide involontaire à l’égard des cinq personnes mentionnées par les requérants (paragraphe 30 ci-dessus). Pour ce faire, le parquet nota que l’expertise navale réalisée en l’espèce avait attesté que la collision était due à un accident qui aurait pu être évité si les barques avaient circulé à une vitesse inférieure et si elles avaient eu un équipement réglementaire. Ensuite, le parquet releva que les informations météorologiques avaient mis en évidence la visibilité réduite lors d’une nuit noire, et une température de 23 oC après une journée torride. Dans ces conditions, il estima que les deux barques se déplaçaient à grande vitesse (20-25 km/h d’après l’expertise). Par ailleurs, les expertises médico-légales avaient conclu que Mircea Larie et Ionel Grigorov étaient décédés par noyade et que les plaies qu’ils présentaient respectivement au niveau de la paume et du visage, avaient été provoquées une fois le décès survenu, le plus probablement par l’action de l’hélice de leur propre barque. Le parquet nota également que le sang retrouvé dans la barque des survivants n’avait pas été prélevé puisqu’il était mélangé avec de l’eau et du carburant.

    34.  Le 27 août 2008, suite aux demandes répétées des requérants, les deux cadavres furent exhumés et de nouvelles autopsies furent réalisées. Le 2 mars 2009, l’I.N.M.L. dressa deux nouveaux rapports médico-légaux. Le 30 avril 2009, la Commission d’avis et de contrôle de l’I.N.M.L. confirma les deux rapports.

    35.  Le rapport concernant Mircea Larie mettait en évidence une excoriation frontale et une infiltration sanguinaire au niveau du vertex causées soit par un coup avec un objet dur, soit par un choc, probablement à deux moments différents, qui auraient pu provoquer une perte de connaissance temporaire. En outre, la plaie au niveau de la paume avait été produite avant la chute de la barque par un objet coupant.

    36.  Le rapport concernant Ionel Grigorov soulignait que la plaie au niveau de la mandibule avait été causée par un coup avec un objet dur, alors que la victime était encore en vie. Les ecchymoses et les excoriations au niveau du visage avaient certainement été provoquées post-mortem étant donné qu’elles ne figuraient pas sur les photographies prises au moment du repêchage des corps de l’eau. Par ailleurs, contrairement au rapport
    médico-légal antérieur, aucune déchirure du tympan n’avait été décelée.

    37.  Les rapports soulignèrent que le prélèvement éventuel du sang de la barque appartenant aux survivants aurait contribué à l’identification de la cause des lésions. En outre, ils mirent en évidence le fait que les premiers rapports médico-légaux contenaient de nombreuses mentions inexactes.

    38.  Le 12 mars 2009, un expert médico-légal choisi par les requérants produisit ses commentaires à l’égard des nouveaux rapports médico-légaux établis en l’espèce dont il endossa les conclusions.

    39.  Le 16 juin 2009, à la suite des expertises, le premier requérant demanda l’élargissement des poursuites au chef de coups et blessures ayant entraîné la mort (article 183 du CP).

    40.  Le 28 octobre 2009, suite aux nombreuses demandes des requérants, et compte tenu des contradictions existant dans les différentes expertises médico-légales effectuées en l’espèce, le parquet demanda l’avis de la Commission supérieure de l’I.N.M.L. à cet égard. Le 5 mars 2010, la Commission supérieure de l’I.N.M.L. rendit ses avis.

    S’agissant de Mircea Larie, la Commission attesta que la lésion au niveau de la paume avait été provoquée par un objet coupant avant ou après la chute du corps dans l’eau, mais qu’il n’était pas possible de déterminer si cette lésion avait causé le décès. Les lésions au niveau du vertex avaient été causées soit par un coup avec un objet dur, soit par un choc. Elles auraient pu provoquer une perte de connaissance temporaire, favorisant la noyade, mais n’avaient certainement pas causé le décès. La chute sur un plan dur n’était pas exclue dans le contexte d’un accident naval.

    S’agissant d’Ionel Grigorov, la commission conclut que la lésion au niveau de la mandibule avait été causée soit par un coup avec un objet dur, soit par un choc. Elle aurait pu provoquer une perte de connaissance temporaire, favorisant la noyade, mais n’avait certainement pas causé le décès. La chute sur un plan dur n’était pas exclue dans le contexte d’un accident naval. Les ecchymoses et les excoriations au niveau du visage n’avaient certainement pas été provoquées avant la mort étant donné qu’elles ne figuraient pas sur les photographies prises au moment du repêchage des corps de l’eau. Les substances identifiées sur son visage faisaient partie de celles spécifiques au tir avec une arme, mais aussi de celles que l’on retrouve dans la terre à cet endroit. Il n’était pas possible de déterminer si ces ecchymoses et excoriations avaient causé le décès.

    41.  Le 2 décembre 2009, le parquet près le tribunal de première instance de Tulcea déclina sa compétence et renvoya l’affaire devant le parquet près le tribunal départemental de Tulcea, qui était compétent pour poursuivre les infractions de meurtre et de coups et blessures ayant entraîné la mort.

    42.  Le 25 janvier 2010, estimant que l’affaire concernait des infractions au régime de transport naval, le parquet près le tribunal départemental de Tulcea déclina sa compétence et renvoya l’affaire devant le parquet près la cour d’appel de Constanţa.

    43.  Le 15 avril 2010, le parquet près la cour d’appel de Constanţa, constata que le canal sur lequel avait eu le drame n’était pas classé dans la catégorie des voies navigables et ordonna un non-lieu s’agissant des infractions au régime de transport naval. Il renvoya l’affaire devant le parquet près le tribunal départemental de Tulcea pour la poursuite de l’enquête des autres chefs d’accusation.

    44.  Le 31 mai 2010, le procureur en chef de ce dernier parquet infirma la décision du 10 mars 2008 du parquet près le tribunal de première instance de Tulcea et ordonna un complément d’enquête, prescrivant, à la demande des requérants, les mesures d’instruction suivantes : l’expertise
    médico-légale concernant M.A., la reconstitution des événements, l’examen criminalistique du matériel photographique concernant les taches brunes identifiées dans la barque de V.L.G., l’obtention de renseignements auprès des services spéciaux de la police et du Service roumain de renseignements au sujet des touristes se trouvant sur le bord du canal la nuit du drame (paragraphes 7 et 24 ci-dessus), ainsi qu’une éventuelle expertise navale supplémentaire afin d’éclaircir les contradictions existant entre les conclusions de l’expertise navale effectuée en l’espèce et celles de l’expert désigné par M.A. au sujet de la possible chute à l’eau des victimes.

    45.  Le 4 juin 2010, le parquet près le tribunal départemental de Tulcea demanda au parquet près la Haute Cour de cassation et de justice de reprendre l’affaire compte tenu des pressions que les requérants auraient exercées sur les magistrats du parquet, des possibilités limitées pour effectuer les expertises médico-légale et criminalistique ordonnées par la décision du 31 mai 2010, ainsi que du fait que le parquet ne comprenait qu’un seul procureur criminaliste qui en outre était chargé des affaires de corruption et de la direction d’un département du parquet.

    46.  Par une décision du 19 juillet 2010, compte tenu de sa complexité et du retard dans l’instruction, l’affaire fut reprise par le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice.

    47.  Par une décision du 26 avril 2011, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice ordonna l’ouverture de poursuites pénales contre M.A. et V.L.G. du chef de meurtre aggravé (articles 174 et 176 b) du code pénal).

    48.  Le 28 avril 2011, après avoir entendu les requérants, les suspects et plusieurs témoins, le parquet ordonna la reconstitution des faits, l’audition d’un témoin supplémentaire, et l’obtention des renseignements sur l’identité des témoins oculaires des événements. Il estima que l’expertise
    médico-légale concernant M.A. n’était pas nécessaire.

    49.  Le 8 juillet 2011 au matin, une reconstitution des faits fut effectuée en la présence des requérants et des suspects. La simulation de l’accident fut réalisée à une vitesse réduite par rapport à celle indiquée dans l’expertise navale et les barques furent protégées par des ballons. Les deux mannequins placés dans la barque des victimes ne tombèrent pas à l’eau. Il fut constaté également que les éventuels cris des victimes auraient pu être entendus par les touristes qui campaient à environ 2 km du lieu du drame, lieu indiqué par la requérante Reghina Grigorov et par V.L.G.

    50.  Le 21 juin 2011, M.A. et V.L.G. furent soumis à un test du polygraphe.

    51.  Le 7 septembre 2011, le parquet entendit I.H., une personne qui avait révélé lors d’une émission télévisée avoir assisté aux événements du 18 au 19 juillet 2007 quand il pêchait sur le canal en question. Il déclara qu’il était pour la première fois dans le delta du Danube, accompagné par une deuxième personne avec laquelle il avait perdu le contact depuis. Il décrivit les conditions de visibilité et le niveau de l’eau. Il témoigna avoir vu deux barques de pêche s’accrocher devant lui. Après l’arrêt des barques, un homme adressa des injures aux deux hommes se trouvant dans la deuxième barque. En réponse, un homme de la deuxième barque asséna un coup de rame au premier et, essayant de s’approcher de la barque de
    celui-ci, tomba finalement dans l’eau. Le deuxième homme se trouvant dans cette même barque se jeta à l’eau pour venir en aide à son compagnon. Alors qu’il était en train de quitter le bord du canal, I.H. entendit trois ou quatre appels au secours, mais n’y répondit pas. Plusieurs heures après, alors qu’il était caché dans les roseaux, il aperçut une barque dotée d’un phare passer sur le canal.

    52.  Le 21 novembre 2011, I.H. fut soumis au test du polygraphe. Le test établit chez lui une certaine tension émotionnelle caractérisant le comportement simulé, mais qui était provoquée plutôt par la remémoration des événements auxquels il avait assisté.

    53.  Par deux lettres des 3 février et 11 décembre 2012, la brigade fluviale informa le parquet qu’en juillet 2007, il n’existait pas d’obligation de doter les deux barques impliquées dans le drame d’un équipement spécial pour la circulation pendant la nuit ou de les enregistrer auprès des autorités compétentes.

    54.  Par une décision du 20 décembre 2012, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice ordonna la clôture des poursuites pénales engagées contre M.A. et V.L.G. du chef de meurtre aggravé et un non-lieu pour les accusations d’homicide involontaire à l’encontre de M.A. et de meurtre aggravé contre les trois pêcheurs. Il infligea en revanche une amende administrative de 1 000 lei roumains (RON) à V.L.G. du chef de vol.

    Pour ce faire, le parquet estima que le drame avait été favorisé par les effets d’un tir d’arme à feu qui aurait provoqué chez Ionel Grigorov, avant la collision, une lésion du tympan et qui aurait poussé celui-ci et Mircea Larie à retourner rapidement vers leur lieu de départ. Dans ces conditions et suite à la collision avec l’autre barque, la chute à l’eau et la noyade des deux hommes étaient fort plausibles. Le parquet se référa aux expertises réalisées par le service médico-légal de Tulcea attestant l’existence des effets du tir. Il prit en compte également les déclarations des suspects. Il choisit toutefois d’écarter celle du témoin I.H., dont le comportement aurait été simulé et qui avait donné très peu de détails sur l’ami qui l’avait accompagné la nuit du drame. Le parquet estima que la thèse de la chute des deux victimes dans le canal n’était pas contredite par les conclusions de la reconstitution des faits lors de laquelle les deux mannequins n’avaient pas chuté, puisque les deux barques avaient eu une vitesse réduite par rapport à celle de la nuit du drame. Le parquet conclut enfin, sur la base des documents produits par les autorités spécialisées, que M.A. n’avait méconnu aucune règle de conduite de la barque et que, dès lors, il n’était pas coupable d’homicide involontaire non plus.

    55.  Le 25 février 2013, le procureur en chef du parquet confirma cette décision.

    56.  Les requérants saisirent le tribunal départemental de Tulcea d’une contestation contre la décision du 20 décembre 2012.

    57.  Par une décision définitive du 3 juillet 2013, le tribunal départemental de Tulcea infirma la décision du parquet du 20 décembre 2013 et ordonna la réouverture des poursuites pénales.

    Pour ce faire, le tribunal écarta l’hypothèse de la chute accidentelle dans l’eau et cela pour plusieurs raisons. En premier lieu, le tribunal constata que le tir d’arme était contredit par les expertises médico-légales effectuées par l’I.N.M.L, telles qu’approuvées par sa Commission supérieure (paragraphe 36 ci-dessus), par le fait que l’arme avait été retrouvée dans son étui et par l’absence de témoignage concernant un tel tir par les personnes qui avaient en revanche entendu des cris et des appels au secours (paragraphes 24 et 51 ci-dessus). Par ailleurs, le tribunal nota que l’éventualité que les blessures des victimes aient été causées par l’hélice de la barque avait été infirmée par les mêmes expertises médico-légales effectuées par l’I.N.M.L.

    En deuxième lieu, la chute à l’eau était infirmée par l’expertise navale de septembre 2007 ainsi que par les conclusions de la reconstitution des faits réalisée le 8 juillet 2011.

    En troisième lieu, le tribunal estima que la déclaration de I.H. devait être prise en considération car non seulement elle contenait des éléments confirmés par d’autres témoins, mais la tension émotionnelle manifestée par celui-ci était expliquée par la remémoration des événements auxquels il avait assisté.

    Dans ces conditions, le tribunal estima que les poursuites pénales devaient être rouvertes et ordonna en particulier des mesures d’enquête demandées à plusieurs reprises par les requérants, à savoir l’identification des touristes se trouvant sur le bord du canal la nuit du drame et la réalisation d’une expertise médico-légale concernant les blessures de M.A. Il estima en outre que les poursuites devaient être élargies du chef de
    non-assistance à personne en danger.

    58.  Les poursuites pénales n’ont pas été finalisées à ce jour.

    C.  Plaintes contre les policiers ayant effectué les recherches sur les lieux le 19 juillet 2007

    59.  À une date non précisée, le premier requérant déposa une plainte administrative contre les policiers de la police locale de Murghiol ayant participé aux recherches sur le lieu de l’accident, estimant qu’ils avaient omis de prendre les mesures d’enquête qui s’imposaient.

    60.  Par un rapport du 10 octobre 2007, l’inspection générale de la police proposa que les policiers soient sanctionnés par un avertissement en raison de leur attitude irrespectueuse lors des discussions avec les membres des familles des personnes décédées le 18 juillet 2007 et pour la superficialité des mesures prises lors de la recherche sur les lieux effectuée le 19 juillet 2007. D’après ce rapport, les policiers auraient dû prélever des échantillons de la substance brune retrouvée dans la barque de V.L.G. et auraient dû ôter le réservoir et les clefs de la barque appartenant à la famille de Mircea Larie et sceller son moteur. Le rapport proposa en outre la réalisation d’un test polygraphe pour M.A., V.L.G. et un pêcheur que
    ceux-ci auraient transporté après la collision, ainsi que la réalisation d’un croquis mettant en évidence l’endroit où avaient été retrouvés les corps et l’étui contenant l’arme de chasse.

    61.  Le 24 octobre 2007, les requérants déposèrent une plainte pénale contre les mêmes policiers qui auraient manqué à leur obligation de prendre des mesures d’enquête efficaces dans les premières heures après la collision des barques. Ils ne se constituèrent pas parties civiles dans la procédure. Par une décision du 21 décembre 2007, le parquet près la cour d’appel de Constanţa ordonna un non-lieu en l’espèce, estimant que les irrégularités dénoncées par les requérants n’étaient pas sérieuses et que les policiers avaient déjà été sanctionnés pour fautes disciplinaires par la direction de l’inspection de la police. Cette décision fut confirmée en dernier ressort par la Haute Cour de cassation et de justice le 6 juin 2008.

    D.  Plainte pénale formée contre le chef de la direction départementale de la police de Tulcea

    62.  Le 9 juin 2010, les requérants déposèrent une plainte pénale du chef d’abus d’autorité, recel de malfaiteurs, faux et usage de faux contre le chef de la direction départementale de la police de Tulcea. Ils dénonçaient en particulier les conclusions tirées par celui-ci dans le rapport du 31 janvier 2008 qu’il avait établi sur demande de la direction générale de la police roumaine (paragraphe 28 ci-dessus). Ils estimaient en outre qu’il n’avait pas ordonné les mesures d’instruction qui s’imposaient en cas de meurtre dans la nuit de la collision et lors des recherches sur les lieux réalisées le lendemain. Ils ne se constituèrent pas parties civiles dans la procédure.

    63.  Par une décision du 3 janvier 2011, le procureur V.D. du parquet près la cour d’appel de Constanţa ordonna un non-lieu. Pour ce faire, il nota que le chef de la direction départementale de la police n’avait pas pris de mesures d’instruction dans l’enquête pénale, celle-ci étant menée initialement par les policiers de la police locale de Murghiol. De plus, il avait rédigé le rapport interne demandé par la direction générale de la police roumaine dans l’exercice de ses fonctions et conformément aux dispositions légales et réglementaires internes. Ce rapport, qui avait été versé au dossier de l’enquête par inadvertance et qui contenait les appréciations personnelles de son auteur, ne constituait pas un moyen de preuve susceptible d’influer sur le dénouement de l’enquête. Cette décision fut infirmée le 10 mars 2011 par le procureur en chef du parquet et l’enquête préliminaire fut reprise. Par une décision du 10 mai 2011, le procureur S.C. du parquet près la cour d’appel de Constanţa ordonna un nouveau non-lieu. Cette décision fut confirmée en dernier ressort par la cour d’appel de Constanţa, le 26 septembre 2011.

    E.  Plaintes pénales formées contre les procureurs V.D. et S.C.

    64.  En 2011, le premier requérant forma deux plaintes pénales contre le procureur V.D. qui avait rendu la décision du 3 janvier 2011 et contre le procureur S.C. qui avait rendu la décision du 10 mai 2011 (paragraphe 63 ci-dessus), du chef d’abus d’autorité et recel de malfaiteur. Le premier requérant soutenait que les procureurs avaient fait une mauvaise appréciation des preuves produites dans la procédure. Le requérant ne s’est pas constitué partie civile dans la procédure.

    65.  Par deux décisions du 20 juin 2011 et du 28 février 2012, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice rendit deux non-lieux, en concluant que les procureurs avaient respecté leurs obligations professionnelles. Ces décisions furent confirmées en dernier ressort respectivement par la décision de la Haute Cour de cassation et de justice du 24 janvier 2012 et par la décision de la cour d’appel de Constanţa du 26 juin 2012.

    F.  Plainte pénale contre M.A. et le médecin L.S.

    66.  Le 16 juillet 2009, le premier requérant déposa une plainte pénale du chef de faux et usage de faux contre M.A. et le médecin L.S. qui avait établi un certificat médical qui attestait que M.A. présentait une fracture au niveau du visage et qui avait servi de base au certificat médico-légal du 19 septembre 2007 établi au nom de M.A. Il ne se constitua pas partie civile dans la procédure.

    67.  Par une décision du 8 juin 2011, le parquet près le tribunal de première instance de Tulcea ordonna un non-lieu. Pour ce faire, il constata que le certificat médical litigieux avait été rendu sur la base de la documentation rassemblée au cours de l’hospitalisation de M.A., répertoriant l’état de santé de celui-ci et les traitements administrés. Cette décision fut confirmée en dernier recours par le tribunal de première instance de Tulcea le 16 septembre 2011.

    G.  Plainte contre le médecin légiste du service médico-légal de Tulcea

    68.  À une date non précisée, les requérants déposèrent une plainte administrative contre le médecin légiste du service médico-légal de Tulcea ayant établi les rapports médico-légaux du 12 février 2008 concernant Mircea Larie et Ionel Grigorov (paragraphes 15-17 ci-dessus).

    69.  Par une lettre du 15 décembre 2010, la Commission supérieure de l’I.N.M.L. informa les requérants que le médecin avait en effet méconnu ses obligations professionnelles tant sur le plan de la méthodologie de travail que celui de la science. N’étant pas investie de compétences en matière disciplinaire, la Commission s’engagea à tenir compte de ces constatations dans l’évaluation annuelle du médecin.

    EN DROIT

    I.  QUANT AU LOCUS STANDI DE Mme VASILINA GRIGOROV

    70.  La Cour doit tout d’abord résoudre la question du droit de Mme Vasilina Grigorov à maintenir la requête originellement introduite par la requérante Reghina Grigorov, sa belle-fille et épouse d’Ionel Grigorov, qui était son fils, qui est décédée le 11 avril 2013.

    71.  Par une lettre du 26 avril 2013, l’avocat de la requérante a informé la Cour que Mme Vasilina Grigorov, la mère d’Ionel Grigorov, décédé lors des événements de la nuit du 18 au 19 juillet 2007, avait exprimé le souhait de maintenir la requête de Mme Reghina Grigorov. Par une lettre du 4 août 2013, à la demande de la Cour, Mme Vasilina Grigorov a fait observer qu’elle est chargée à présent de la garde et de l’éducation de son petit-fils, Ionuţ-Florin, qui est le seul enfant et, selon les dispositions nationales, le seul héritier de Reghina et Ionel Grigorov. Elle produit à l’appui une attestation de la mairie de Mahmudia en ce sens. Elle souligne en outre que son propre fils et sa belle-fille habitaient, avant leur décès, dans sa maison.

    72.  Le Gouvernement soutient que Mme Vasilina Grigorov n’a pas précisé si elle entendait continuer la procédure initiée par Mme Reghina Grigorov ou participer dans la procédure devant la Cour dans sa qualité de victime indirecte de la violation alléguée de l’article 2 de la Convention, dans son volet procédural.

    Dans la première hypothèse, le Gouvernement est d’avis qu’elle doit motiver de manière satisfaisante son intérêt de continuer la procédure après le décès de sa belle-fille.

    Dans la deuxième hypothèse, la requête de Mme Vasilina Grigorov pourrait être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes si elle n’a pas participé à la procédure pénale actuellement pendante devant les autorités judiciaires nationales. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la Cour, elle doit donner des informations supplémentaires sur les liens avec son fils.

    73.  La Cour rappelle que, dans plusieurs affaires où un requérant était décédé pendant la procédure, elle a pris en compte la volonté de poursuivre celle-ci exprimée par des héritiers ou parents proches (Deweer c. Belgique, 27 février 1980, §§ 37-38, série A no 35, X c. Royaume-Uni, 5 novembre 1981, § 32, série A no 46, Vocaturo c. Italie, 24 mai 1991, § 2, série A no 206-C, G. c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 228-F, Pandolfelli et Palumbo c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A n231-B, X c. France, 31 mars 1992, § 26, série A no 234-C, et Raimondo c. Italie, 22 février 1994, § 2, série A no 281-A), ou l’existence d’un intérêt légitime revendiqué par une personne désireuse de maintenir la requête (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-XII, Léger c. France (radiation) [GC], no 19324/02, § 43, 30 mars 2009).

    74.  En l’espèce, la Cour note qu’elle a été toute de suite informée du décès de Mme Reghina Grigorov et du souhait de sa belle-mère de maintenir la requête. Par sa lettre du 4 août 2013, Mme Vasilina Grigorov a confirmé non seulement sa qualité de représentante du seul héritier de la requérante, mais aussi sa qualité de parent proche de cette dernière. Qui plus est, la Cour estime que Mme Vasilina Grigorov, en sa qualité de mère d’une des victimes des événements de la nuit du 18 au 19 juillet 2007, peut arguer de l’existence d’un intérêt légitime pour maintenir la requête. Cela est d’autant plus vrai si l’on prend en compte les liens avec son fils et sa belle-fille avec lesquels elle cohabitait avant leur décès (paragraphe 71 in fine ci-dessus).

    75.  La Cour conclut que Mme Vasilina Grigorov peut donc agir au nom de Mme Reghina Grigorov dans la présente requête. La Cour fait toutefois observer que la reconnaissance par elle du droit de Mme Vasilina Grigorov à maintenir la requête n’a aucune incidence sur l’objet du litige tel qu’il a été soumis à l’origine par Mme Reghina Grigorov. La Cour n’est pas appelée à examiner si, après le décès de son fils, Mme Vasilina Grigorov a été victime d’une quelconque atteinte à ses propres droits garantis par la Convention. Son examen doit se limiter à la question de savoir si les griefs initialement présentés par Mme Reghina Grigorov, qui demeure la requérante, révèlent ou non une violation de la Convention.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

    76.  Les requérants se plaignent de l’absence d’une enquête prompte et efficace sur les circonstances du décès de leurs proches lors de la collision des deux barques de pêche. Ils invoquent l’article 2 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes :

    « 1.  Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) »

    77.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    78.  Le Gouvernement excipe de l’irrecevabilité de la requête pour non­épuisement des voies de recours internes.

    79.  Dans ses observations écrites du 14 mars 2013, il souligne en premier lieu que les requérants auraient pu contester devant un tribunal, sur la base de l’article 2781 du code de procédure pénale, la décision du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice du 20 décembre 2012, ayant ordonné la clôture des poursuites. Dans ses observations supplémentaires du 17 septembre 2013, le Gouvernement déclare ne plus maintenir l’exception ainsi soulevée à l’égard des seuls requérants Gheorghe Larie et Anamaria Larie. S’agissant de Mme Vasilina Grigorov, il mentionne qu’elle n’a toujours pas, à ce jour, formé de contestation contre la décision du parquet susmentionnée. D’après le Gouvernement, ce recours était adéquat, efficace, suffisant et accessible.

    80.  En deuxième lieu, le Gouvernement estime qu’une action en responsabilité civile délictuelle fondée sur les dispositions du code civil aurait permis aux requérants d’obtenir une réparation pour ce qui est de l’absence d’une enquête pénale effective et renvoie à cette fin à la jurisprudence de la Cour dans les affaires mettant en cause une négligence n’impliquant pas le fait de l’État. Il considère que les requérants auraient pu dénoncer ainsi une éventuelle faute des policiers ou du médecin légiste de Tulcea commise dans les mesures d’instruction et ayant eu des possibles conséquences sur le déroulement de l’enquête. Ils auraient pu invoquer à l’appui le rapport de l’inspection générale de police du 10 octobre 2007 (paragraphe 60 ci-dessus) ou les conclusions de la Commission supérieure de l’I.N.M.L. du 15 décembre 2010 à l’égard de l’activité professionnelle du médecin légiste de Tulcea (paragraphe 69 ci-dessus). Le Gouvernement ajoute enfin que les requérants auraient pu former une plainte disciplinaire à l’encontre du médecin légiste auprès de l’Ordre des médecins de Roumanie.

    81.  En troisième lieu, le Gouvernement souligne qu’après la décision définitive du tribunal départemental de Tulcea du 3 juillet 2013, l’enquête pénale concernant les événements de la nuit du 18 au 19 juillet 2007 est pendante et que, dès lors, le présent grief est prématuré.

    82.  Les requérants estiment qu’ils ont épuisé les voies de recours efficaces disponibles en droit interne.

    83.  S’agissant de l’exception de non-épuisement soulevée à l’égard de Mme Vasilina Grigorov, la Cour note d’emblée que celle-ci n’est pas victime d’une quelconque atteinte à ses propres droits garantis par la Convention, mais poursuit uniquement la procédure au nom de sa belle-fille qui, elle, avait formé la contestation mentionnée par le Gouvernement contre la décision du parquet. En conséquence, cet argument du Gouvernement ne saurait être retenu.

    84.  Quant à l’argument du Gouvernement consistant à dire qu’une action civile en responsabilité délictuelle fondée sur les dispositions du code civil aurait permis de surcroît aux requérants d’obtenir une réparation pour ce qui est de l’absence d’une enquête pénale effective, la Cour rappelle que les dispositions de l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrivent que l’épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, parmi beaucoup d’autres, Vernillo c. France, 20 février 1991, § 27, série A no 198). En l’espèce, la Cour constate d’emblée que la voie de recours suggérée par le Gouvernement constitue tout au plus un moyen indirect d’obtenir une éventuelle réparation en raison de la faute des policiers ou du médecin légiste de Tulcea ayant effectué plusieurs mesures d’instruction au cours de l’enquête. Toutefois, cette réparation ne serait pas de nature à remédier directement à la violation alléguée par les requérants. Dans ces conditions, cette voie ne saurait être retenue par la Cour comme étant un recours effectif à épuiser dans le cas d’espèce. Pareille conclusion s’impose également s’agissant de la plainte disciplinaire auprès de l’Ordre des médecins.

    85.  La Cour relève ensuite que l’argument avancé par le Gouvernement à l’appui de l’exception préliminaire tirée du caractère prématuré du grief est étroitement lié à la substance du grief tiré de l’article 2 de la Convention. Dès lors, il y a lieu de joindre l’exception au fond à cet égard.

    86.  La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties

    87.  Les requérants dénoncent la lenteur de l’enquête, qui n’est toujours pas achevée six ans après les faits, ainsi que ses nombreuses lacunes reconnues par les autorités elles-mêmes. Ils se plaignent aussi de l’inertie des autorités qui n’ont pas pris les mesures adéquates pour recueillir les preuves utiles pour l’enquête.

    88.  Le Gouvernement considère que l’enquête menée par les autorités satisfait aux conditions d’effectivité et d’impartialité requises par la jurisprudence de la Cour.

    89.  Il expose qu’une enquête a été ouverte d’office le lendemain des événements, lorsque des policiers se sont déplacés sur les lieux. En énumérant les actes d’enquête réalisés en l’espèce, le Gouvernement souligne qu’au cours de la procédure, des mesures raisonnables ont été prises afin que les éléments de preuve utiles soient instruits. Il admet néanmoins que certaines défaillances pourraient être imputées aux autorités dans les premiers temps de l’enquête, comme par exemple une recherche tardive des corps, le fait que certaines mesures utiles n’ont pas été prises par les policiers le lendemain des événements (paragraphe 60 ci-dessus) ainsi que les défaillances des premières expertises médico-légales effectuées à Tulcea (paragraphe 69 ci-dessus).

    90.  Il soutient également que les requérants auraient été informés en permanence des progrès de l’enquête, qu’ils ont été interrogés à plusieurs reprises par les autorités et que leurs offres de preuve ont été accueillies de manière répétée.

    91.  Le Gouvernement explique les différentes décisions adoptées au cours des poursuites par la complexité de l’affaire. Ce dernier élément ainsi que les nombreuses procédures parallèles engagées par les requérants expliqueraient en outre la longueur des poursuites pénales.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Principes se dégageant de la jurisprudence de la Cour

    92.  La Cour rappelle que l’obligation de protéger le droit à la vie qu’impose l’article 2 de la Convention, combinée avec le devoir général incombant à l’État en vertu de l’article 1 de « reconna[ître] à toute personne relevant de [sa] juridiction les droits et libertés définis [dans] la (...) Convention », requiert, par implication, que soit menée une forme d’enquête officielle et effective lorsque le recours éventuel à la force a entraîné mort d’homme (McKerr c. Royaume-Uni, no 28883/95, § 111, CEDH 2001-III).

    93.  L’absence d’une responsabilité directe de l’État dans la mort d’une personne n’exclut pas l’application de l’article 2. En astreignant l’État à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction, l’article 2 impose à celui-ci le devoir d’assurer le droit à la vie en mettant en place une législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations (Menson c. Royaume-Uni (déc.), no 47916/99, CEDH 2003-V). Ladite obligation requiert, par implication, qu’une enquête officielle effective soit menée lorsqu’il y a des raisons de croire qu’un individu a subi des blessures potentiellement mortelles dans des circonstances suspectes. L’enquête doit permettre d’établir la cause des blessures et d’identifier et sanctionner les responsables. Elle revêt d’autant plus d’importance lorsqu’il y a décès de la victime, car le but essentiel qu’elle poursuit est d’assurer la mise en œuvre effective des lois internes qui protègent le droit à la vie (voir Menson, précitée ; Pereira Henriques c. Luxembourg, no 60255/00, § 56, 9 mai 2006).

    94.  L’enquête menée doit également être effective. Cela signifie qu’elle doit être adéquate, c’est-à-dire qu’elle doit permettre de conduire à l’identification et, éventuellement, au châtiment des responsables (Ramsahai et autres c. Pays-Bas [GC], no 52391/99, § 324, CEDH 2007-II). Il s’agit là d’une obligation non de résultat, mais de moyens. Les autorités doivent avoir pris les mesures qui leur étaient raisonnablement accessibles pour que fussent recueillies les preuves concernant l’incident (Tanrıkulu [GC], no 23763/94, §§ 101-110, CEDH 1999-IV, § 109, et Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 106, CEDH 2000-VII).

    95.  Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est également implicite dans ce contexte. Il est essentiel que les investigations soient menées à bref délai lorsque survient un décès dans une situation controversée, car l’écoulement du temps érode inévitablement la quantité et la qualité des preuves disponibles, et l’apparence d’un manque de diligence jette un doute sur la bonne foi des investigations menées et fait perdurer l’épreuve que traverse la famille du défunt (Paul et Audrey Edwards c. Royaume-Uni, no 46477/99, § 86, CEDH 2002-II).

    96.  Le public doit avoir un droit de regard suffisant sur l’enquête ou sur ses conclusions, de sorte qu’il puisse y avoir mise en cause de la responsabilité tant en pratique qu’en théorie. Le degré requis de contrôle du public peut varier d’une situation à l’autre. Dans tous les cas, toutefois, les proches de la victime doivent être associés à la procédure dans la mesure nécessaire à la protection de leurs intérêts légitimes (voir, pour le droit d’accéder aux documents du dossier de l’enquête, Oğur c. Turquie [GC], no 21594/93, § 92, CEDH 1999-III).

    b)  Application de ces principes généraux en l’espèce

    97.  En l’espèce, la Cour constate que l’enquête a été ouverte le lendemain même du décès des proches des requérants et qu’à ce jour, plus de six ans et demi après les événements, elle est toujours en cours. Elle relève qu’au cours de la procédure, deux décisions de non-lieu du parquet ont été annulées (paragraphes 44 et 25 ci-dessus). Par ailleurs la procédure a fait l’objet de plusieurs renvois, justifiés par différentes qualifications des faits (paragraphes 31 et 41 à 43 ci-dessus) ou par la charge importante de travail ou le manque de personnel (paragraphe 45 ci-dessus).

    98.  La Cour relève également que le Gouvernement admet l’existence de certaines défaillances, reconnues par les autorités administratives
    elles-mêmes, de nature à affecter sérieusement non seulement l’efficacité de l’enquête, et qui ont provoqué en outre l’allongement de sa durée : le fait que les policiers n’aient pas prélevé d’échantillons de la substance brune retrouvée dans la barque de V.L.G., n’aient pas ôté le réservoir et les clefs de la barque appartenant à la famille de Mircea Larie et scellé son moteur, et les inexactitudes des premières expertises médico-légales (paragraphes 60 et 69 ci-dessus).

    99.  De plus, des lacunes de l’enquête ont à plusieurs reprises été constatées par les autorités judiciaires nationales elles-mêmes. Ainsi, c’est en raison de ces carences que le 31 mai 2010 le procureur en chef du tribunal départemental de Tulcea infirma la décision du 10 mars 2008 du parquet près le tribunal de première instance de Tulcea et ordonna un complément d’enquête (paragraphe 44 ci-dessus). Il en va de même pour ce qui est de la décision définitive du 3 juillet 2013 du tribunal départemental de Tulcea (paragraphe 57 ci-dessus). Ainsi, le tribunal ordonna un complément d’enquête et indiqua de manière extensive quels actes d’enquête devraient être réalisés dans les meilleurs délais, actes sollicités d’ailleurs à plusieurs reprises par les requérants (voir, mutatis mutandis, Crăiniceanu et Frumuşanu c. Roumanie, no 12442/04, § 93, 24 avril 2012).

    100.  La Cour note également le manque de coopération des institutions étatiques, coopération qui aurait contribué à une plus grande célérité de la procédure. Ainsi, il ressort de la lettre de la police judiciaire du 11 février 2008, qu’aucune suite n’a été donnée à la demande d’informations sollicitées au Service roumain de renseignements (paragraphe 29 ci-dessus).

    101.  La Cour peut admettre que l’affaire présentait une certaine complexité. Cependant elle constate que malgré l’attitude coopérative des requérants, l’enquête n’a toujours pas abouti. De l’avis de la Cour, l’on ne saurait pas accueillir l’argument du Gouvernement consistant à reprocher aux requérants d’avoir initié des procédures parallèles qui auraient retardé la procédure pénale concernant le décès de leurs proches. À cet égard, la Cour note que, non seulement le Gouvernement n’explique pas comment ces procédures auraient retardé la procédure, mais il ressort du dossier qu’elles ont, tout au contraire, contribué à identifier les défaillances du début de l’enquête et à permettre à celle-ci d’avancer (paragraphes 60, 69 et 98
    ci-dessus). Qui plus est, des mesures d’enquête importantes, telle la reconstitution des faits, ont été prises suite aux démarches répétées des requérants (paragraphe 44 ci-dessus).

    102.  Enfin, la Cour relève que, plus de six ans et demi après les événements, l’enquête conduite par les autorités est toujours en cours. Elle estime qu’il s’agit d’une durée très longue qui risque de compliquer pour les autorités nationales la collecte des preuves et l’établissement des faits (voir, mutatis mutandis, Ismail Altun c. Turquie, no 22932/02, § 82, 21 septembre 2010, Gheorghe Cobzaru c. Roumanie, no 6978/08, § 75, 25 juin 2013). Par conséquent, elle rejette l’exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement.

    103.  À la lumière des éléments ci-dessus, la Cour estime que les autorités roumaines n’ont pas respecté l’obligation procédurale découlant de l’article 2 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition sous son volet procédural.

    III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    104.  Invoquant les articles 6, 13 et 17 de la Convention, les requérants soutiennent qu’ils n’ont pas bénéficié d’un procès équitable par rapport aux procédures pénales qu’ils ont engagées (points C à F ci-dessus), le principe de l’égalité des armes, celui du contradictoire et les exigences d’impartialité étant méconnus. Citant l’article 14 de la Convention et l’article 1er du Protocole no 12 à la Convention, les requérants estiment qu’ils ont été victimes d’une discrimination par rapport aux personnes contre lesquelles ils ont déposé plainte.

    105.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. La Cour conclut donc que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    106.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    107.  Les requérants allèguent avoir subi un dommage matériel et moral résultant du décès de leurs proches et des obligations de garde des enfants mineurs de ceux-ci. Ils chiffrent leur préjudice à 150 000 euros (EUR) chacun.

    108.  Le Gouvernement estime qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la violation alléguée et le dommage matériel invoqué et propose de rejeter cette demande. Il souligne en outre que les requérants n’ont pas ventilé leur préjudice matériel et n’ont pas fourni de justificatifs. Le Gouvernement estime enfin qu’en tout état de cause la somme demandée par les requérants est excessive et renvoie à la jurisprudence de la Cour à cet égard.

    109.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à chacun des requérants Gheorghe Larie, Anamaria Larie et Vasilina Grigorov 12 000 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    110.  Les requérants n’ont formulé aucune demande à ce titre.

    C.  Intérêts moratoires

    111.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Joint au fond l’exception de non-épuisement des voies de recours internes et la rejette ;

     

    2.  Déclare, la requête recevable dans sa partie relative au grief des requérants tirés de l’article 2 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

     

    3.  Dit, qu’il y a eu violation du volet procédural de l’article 2 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser à chacun des requérants Gheorghe Larie, Anamaria Larie et Vasilina Grigorov, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 12 000 EUR (douze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 mars 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président


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