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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MENTAKOS v. GREECE - 18838/10 - Committee Judgment (French text) [2014] ECHR 385 (10 April 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/385.html
Cite as: [2014] ECHR 385

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MENTAKOS c. GRÈCE

     

    (Requête no 18838/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    10 avril 2014

     

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Mentakos c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Linos-Alexandre Sicilianos, juges,

    et de André Wampach, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 mars 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18838/10) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Ioannis Mentakos (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 mars 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Me S. Tataropoulos, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. I. Bakopoulos, auditeur auprès du Conseil juridique de l’État et Mme M. Vergou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Le 24 juin 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    4.  Le Gouvernement s’oppose à l’examen de la requête par un Comité. Après avoir examiné l’objection du Gouvernement, la Cour la rejette.

    EN FAIT

    A.  Les circonstances de l’espèce

    5.  Le requérant est né en 1971 et réside à Athènes.

    6.  En 2001, le Conseil supérieur pour le recrutement du personnel à la fonction publique (« l’ASEP ») annonça un concours pour le recrutement d’experts en informatique à la préfecture d’Athènes. Le requérant participa audit concours et fut inscrit au tableau de classement.

    7.  Le 7 décembre 2001, il fut embauché à la Municipalité de Nea Smyrni.

    8.  Le 24 juillet 2002, l’ASEP enleva le requérant du tableau de classement, faute pour lui d’avoir respecté les conditions de nomination (acte no 1498/2002).

    9.  Le 30 septembre 2002, le requérant saisit la cour d’appel d’Athènes d’un recours en annulation de l’acte no 1498/2002.

    10.  Le 20 février 2003, son recours fut accepté (arrêt no 168/2003).

    11.  Le 14 mai 2003, l’ASEP interjeta appel contre l’arrêt no 168/2003.

    12.  Le 19 avril 2007, le Conseil d’État envoya l’affaire devant la formation de sept juges (décision no 1202/2007).

    13.  Le 8 octobre 2009, ladite formation du Conseil d’État accepta l’appel, examina le recours du requérant et le rejeta, après avoir constaté que l’acte no 1498/2002 était suffisamment motivé. Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 29 décembre 2009.

    B.  Le droit interne pertinent

    La loi no 4055/2012

    14.  La loi no 4055/2012, intitulée « procès équitable et durée raisonnable », est entrée en vigueur le 2 avril 2012. Les articles 53 à 58 de la loi précitée introduisent un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable causé par la prolongation injustifiée d’une procédure administrative. L’article 55 § 1 dispose:

    « Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive. (...)

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

    15.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

    16.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    17.  Le Gouvernement soutient que la requête devrait être déclarée irrecevable en application du nouveau critère prévu par l’article 35 § 3 b) de la Convention telle qu’amendée par le Protocole no 14, selon lequel la Cour peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ». En particulier, selon le Gouvernement, le requérant n’avait subi aucun dommage, puisqu’il continue à travailler à la municipalité de Nea Smyrni.

    18.  La Cour relève que la disposition introduite avec le Protocole no 14 prévoit une nouvelle condition de recevabilité assortie de deux clauses de sauvegarde, qui doivent être remplies cumulativement (voir, Ionescu c. Roumanie (déc.), no 36659/04, 1er juin 2010 et Holub c. République tchèque (déc.), no 24880/05, 14 décembre 2010).

    19.  En l’occurrence, la Cour note qu’à supposer même que le requérant n’ait pas subi de préjudice important, à l’époque des faits l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours permettant de se plaindre de la durée d’une procédure administrative (voir paragraphe 14 ci-dessus). Partant, à la lumière de la jurisprudence interprétative portant sur la deuxième clause de sauvegarde (Dudek c. Allemagne (déc.), no 12977/09 et autres, 23 novembre 2010), la Cour considère que l’affaire n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne. La Cour conclut donc que l’exception tirée de l’absence de préjudice important doit être rejetée.

    20.  La Cour constate, en outre, que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Période à prendre en considération

    21.  La période à considérer a débuté le 30 septembre 2002, avec la saisine de la cour d’appel par le requérant et s’est terminée le 29 décembre 2009, date à laquelle l’arrêt no 3034/2009 fut mis au net et certifié conforme. Elle a donc duré plus de sept ans et trois mois pour deux degrés de juridiction.

    2.  Caractère raisonnable de la procédure

    22.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010).

    23.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Vassilios Athanasiou et autres, précité).

    24.  Elle note que l’affaire ne présentait pas de complexité particulière. Qui plus est, la Cour ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité du requérant dans l’allongement de la procédure. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

    25.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE L’EQUITE DE LA PROCEDURE

    26.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’iniquité de la procédure devant les juridictions administratives.

    27.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne l’équité de la procédure en cause.

    28.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    29.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    30.  Le requérant réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    31.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    32.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer 3 900 EUR au requérant au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    33.  Le requérant demande également, factures à l’appui, 10 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et devant la Cour.

    34.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.


  1.   La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et les frais et dépens sollicités devant les juridictions internes et rejette cette demande. En ce qui concerne les frais exposés pour les besoins de la représentation du requérant devant elle, la Cour juge raisonnable de lui allouer 500 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
  2. C.  Intérêts moratoires

    36.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes :

    i)  3 900 EUR (trois mille neuf cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 avril 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    André Wampach                                                        Mirjana Lazarova Trajkovska

    Greffier adjoint                                                                     Présidente


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