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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> G.C. v. ITALY - 73869/10 - Chamber Judgment (French Text) [2014] ECHR 413 (22 April 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/413.html
Cite as: [2014] ECHR 413

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE G.C. c. ITALIE

     

    (Requête no 73869/10)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    22 avril 2014

     

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire G.C. c. Italie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Işıl Karakaş, présidente,
              Guido Raimondi,
              András Sajó,
              Nebojša Vučinić,
              Helen Keller,
              Paul Lemmens,
              Robert Spano, juges,
    et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er avril 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 73869/10) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. G.C. (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 novembre 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Me C. Bianco, avocate à Munich. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme E. Spatafora.

    3.  Le requérant allègue que ses conditions de détention ainsi que les soins dont il a bénéficié en prison et qu’il estime avoir été inadéquats ont méconnu l’article 3 de la Convention.

    4.  Le 6 mai 2013, la Requête a été communiquée au Gouvernement. En vertu de l’article 47 § 4 du règlement de la Cour, il a également été décidé d’accorder d’office l’anonymat au requérant.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1972 et est actuellement détenu au pénitencier de Bellizzi Irpino (Avellino).

    A.  Les conditions de détention du requérant et son état de santé

    6.  Le requérant fut arrêté le 3 février 2009. Il fut d’abord détenu au pénitencier Poggioreale de Naples, puis, le 28 mars 2009, il bénéficia d’une détention à domicile. Depuis le 8 octobre 2009, il est détenu à la prison de Bellizzi Irpino, où il est censé purger une peine de dix ans d’emprisonnement. La date de sa libération est fixée au 25 février 2018.

    7.  Auparavant, en 2007, alors qu’il était détenu à la prison de Larino, le requérant avait été opéré pour des hémorroïdes. Depuis cette opération, il souffre d’un relâchement du sphincter anal et de problèmes d’incontinence. Dès son arrivée au pénitencier de Bellizzi Irpino, le requérant informa le personnel carcéral de sa pathologie, ce qui, selon lui, aurait dû conduire à son placement dans une cellule individuelle équipée de sanitaires et à la possibilité de se laver quotidiennement. Il affirme cependant avoir été placé dans une cellule disposant d’un seul lieu d’aisance avec six autres détenus, et il indique que chaque détenu bénéficiait d’un espace personnel d’environ 2,5 mètres carrés (m²).

    8.  Le Gouvernement conteste la version du requérant ; il affirme que l’intéressé avait été assigné à la cellule numéro 10 située au deuxième étage de la prison et partagée avec quatre autres détenus, que cette cellule mesurait 24 m² et qu’une salle de bain interne de 4,83 m² s’y trouvait.

    9.  Lors de son entrée au pénitencier de Bellizzi Irpino, le requérant fut considéré comme étant en bonne santé par le médecin de la prison. Après d’autres examens conduits entre le 21 et le 25 octobre 2009, son état de santé fut estimé satisfaisant (condizioni generali discrete). Le 30 octobre 2009, il fut décidé que le requérant devait être soumis à des tests médicaux, notamment à un examen des selles et à une manométrie du sphincter anal. Ces tests furent effectués le 10 février 2010 à l’hôpital public d’Avellino ; selon le Gouvernement, ils indiquaient que l’état de santé du requérant s’était amélioré.

    10.  Le 5 novembre 2009, le requérant fut transféré « pour des raisons médicales » dans une cellule à partager avec un autre détenu et équipée d’un cabinet de toilette. D’après le requérant, cette cellule ne disposait ni de douche ni de bidet ; selon le Gouvernement, elle mesurait 10 m² et disposait d’une salle de bain interne de 4,77 m².

    11.  L’intéressé fut soumis à d’autres visites médicales les 11 et 18 novembre 2009.

    12.  Le requérant indique qu’il a dû de facto faire part de ses problèmes d’incontinence à ses codétenus. Il ajoute que ces problèmes l’avaient mis dans un tel embarras lors d’un incident survenu pendant un cours scolaire qu’il avait tenté de se suicider le 20 novembre 2009. Le Gouvernement indique qu’à cette occasion le personnel de la prison était intervenu en temps utile et que le requérant n’avait eu aucune séquelle physique; l’intéressé ne conteste pas ce point.

    13.  À la suite de cette tentative de suicide, le requérant fut visité par un psychiatre, mis pour « raisons de santé » en isolement (reparto separati) et placé sous haute surveillance, y compris sous celle d’un psychiatre. Il fut dénudé et placé dans une cellule mesurant 10 m² comprenant une salle de bain et ne comportant aucun élément de mobilier à l’exception d’un lit, et ce jusqu’au 27 novembre 2009. Selon le Gouvernement, l’intéressé pouvait disposer de linge et de vêtements.

    14.  Après une visite psychiatrique, le requérant fut gardé sous surveillance et autorisé, pendant un mois, à prendre une douche par jour (au lieu de deux par semaine). Il fut placé dans une cellule individuelle équipée d’une salle de bain avec l’eau courante froide. Selon le requérant, cette cellule mesurait deux mètres sur trois mètres, et la lumière naturelle et l’air n’y pénétraient que par une fenêtre minuscule protégée par une grille épaisse et donnant sur la cour de promenade. Le requérant indique également que la cour était elle aussi de dimensions réduites, couverte par une grille métallique épaisse d’un centimètre, et qu’elle était dotée de toilettes à la turque malodorantes et sans eau courante. Il ajoute qu’en hiver la grille se couvrait de glaçons qui tombaient sur les promeneurs avec des grains de rouille et que les douches ne fonctionnaient pas bien et se remplissaient d’eau.

    15.  Le Gouvernement conteste les affirmations du requérant quant aux dimensions de la cellule en question et assure que celle-ci mesurait 10 m² et comprenait une salle de bain intérieure.

    16.  Le requérant soutient que, se trouvant dans un secteur d’isolement d’où il ne pouvait sortir, d’après lui, que pour les visites, il n’a pu ni participer à des activités sociales ou de traitement pénitentiaire ni suivre des cours. Le Gouvernement conteste cette allégation et il indique que le placement en isolement du requérant pendant la période allant du 27 novembre 2009 au 1er juillet 2010 s’expliquait par le souci de lui éviter l’embarras qu’il avait ressenti dans la cellule commune. Au cours de la période en question, l’intéressé aurait été constamment assisté et contrôlé par le personnel de la prison et par des médecins.

    17.  Le requérant indique être demeuré dans le secteur d’isolement jusqu’au 3 juillet 2010 (jusqu’au 1er juillet 2010 selon le Gouvernement). Il affirme n’avoir bénéficié d’aucune autre thérapie que l’administration de calmants. Il ajoute avoir demandé à plusieurs reprises, en vain d’après lui, à rencontrer le directeur du pénitencier ou le magistrat d’application des peines ou à être transféré dans un autre pénitencier. Il déclare également avoir demandé à être soumis à des examens médicaux (manométrie du sphincter et examen des selles), lesquels n’ont été réalisés que le 10 février 2010 (paragraphe 9 ci-dessus) en raison, à ses dires, de problèmes d’organisation.

    Le requérant fut à nouveau autorisé à prendre une douche par jour pendant un mois.

    18.  Aucune cellule individuelle n’étant disponible dans le secteur ordinaire de la prison, le requérant fut transféré à l’infirmerie début juillet 2010. Le Gouvernement affirme que ce transfert s’est opéré le 2 juillet 2010 et que l’intéressé y avait consenti. Le requérant soutient que ce transfert a été effectué le 3 juillet 2010, qu’aucune thérapie ne lui a été administrée, et que la seule raison de son transfert était la présence d’un cabinet de toilette avec l’eau courante chaude. Il ajoute que ce placement l’empêchait de participer à des activités sociales ou de traitement pénitentiaire et de suivre des cours.

    19.  S’agissant de ses conditions de détention à l’infirmerie, le requérant indique qu’il pouvait se promener dans la cour pendant vingt minutes le matin et vingt minutes l’après-midi, et que l’accès à l’air et à la lumière naturelle était limité. Le Gouvernement conteste ces affirmations et soutient que pendant son placement à l’infirmerie le requérant avait le loisir d’accéder à la cour de promenade pour une durée de deux heures par jour.

    20.  L’administration du pénitencier ne fournissant pas de couches, le requérant était obligé d’en acheter à l’extérieur pour ses problèmes d’incontinence. Un examen gastroentérologique prévu initialement le 2 février 2010 ne fut effectué que le 3 juillet 2010.

    21.  Il ressort d’une note du pénitencier du 10 juillet 2013 que dès l’arrivée du requérant l’administration avait demandé à l’hôpital de lui fournir des couches, qu’en l’absence d’une déclaration d’invalidité ces protections ne pouvaient pas être fournies gratuitement, que l’intéressé n’avait pas demandé à être déclaré invalide, et que, de toute manière, les volontaires de l’association Caritas, le curé et les médecins de la prison avaient donné à plusieurs reprises des couches au requérant.

    22.  Le Gouvernement indique que, lors de sa détention à l’infirmerie, le requérant a été amené à occuper alternativement deux cellules : la cellule individuelle numéro 6 (mesurant 10 m² avec une salle de bain intérieure de 4,74 m²) du 2 juillet 2010 au 14 février 2012 et du 17 mai 2012 au 17 janvier 2014 (date des dernières informations fournies), ainsi que la cellule numéro 3 (mesurant 16 m² avec une salle de bain intérieure de 7,41 m²), partagée occasionnellement avec un autre détenu, du 16 avril au 17 mai 2012. Du 14 février au 16 avril 2012, il se trouvait à la prison de Spoleto (paragraphe 25 ci-dessus). Les informations fournies par le Gouvernement quant aux dimensions des cellules (voir également les paragraphes 8, 10 et 15 ci-dessus) se fondent sur des documents provenant de l’administration carcérale, parmi lesquels figurent des planimétries.

    23.  Le Gouvernement affirme que le placement à l’infirmerie a permis une surveillance plus régulière des besoins du requérant.

    Le 13 novembre 2010, il fut certifié que l’état de santé de ce dernier était « bon » ; il fut ensuite considéré comme « décent » à l’issue de contrôles médicaux réalisés en prison les 26 septembre, 7 octobre, 15 et 28 novembre 2011. Entre-temps, le 21 mars 2011, le médecin de la prison avait qualifié de « mineurs » les problèmes d’incontinence de l’intéressé, et des examens (manométrie du sphincter) effectués en dehors de la prison le 20 mai 2011 avaient montré que son problème d’hypotonie du sphincter anal était « léger ». Du 23 août au 13 novembre 2012, le requérant suivit, deux fois par semaine, un traitement de rééducation (« biofeedback ») à l’hôpital public d’Avellino, qui avait été ordonné par le médecin de la prison le 5 avril 2011 et par un médecin de l’hôpital public le 20 mai 2011. Selon le Gouvernement, ce traitement a donné de très bons résultats. Dans une lettre manuscrite du 31 mai 2013, le requérant se déclara « guéri » grâce au traitement médical qui lui avait été administré et il demanda à être admis au travail en prison.

    24.  Le Gouvernement indique que la capacité réglementaire du pénitencier de Bellizzi Irpino est de 306 places et que la capacité maximale de cet établissement est de 549 places. Il ajoute que le nombre de personnes détenues était de 495 au 11 août 2010 et de 667 au 9 juillet 2013. Il précise que les détenus sont admis à la promenade à l’extérieur de 9 heures à 11 heures et de 15 heures à 16 heures (17 heures en été), qu’ils ont la possibilité de se rendre à la salle commune pour des activités de socialisation, qu’ils se trouvent normalement en dehors de leurs cellules lorsqu’ils travaillent ou participent à des activités éducatives, et que le requérant a été admis à ces dernières.

    25.  Le Gouvernement indique également que du 14 février au 16 avril 2012 le requérant a été transféré à la prison de Spoleto, et qu’il a été placé d’abord dans une cellule de 20 m² équipée d’une salle de bain intérieure et partagée avec deux ou trois autres détenus, puis, après une deuxième tentative de suicide (paragraphe 26 ci-dessus), dans une cellule individuelle mesurant 30 m².

    26.  L’intéressé réplique que le pénitencier de Spoleto n’est pas équipé d’un centre clinique. Il allègue avoir été placé dans une cellule dotée d’un seul cabinet de toilette et avoir partagé cette cellule avec cinq autres détenus fumeurs.

    Le 17 mars 2012, le requérant tenta à nouveau de se suicider. Il fut ensuite transféré dans une cellule individuelle. En avril 2012, il entama un cycle de séances de kinésithérapie, mais le 16 avril 2012 il retourna au pénitencier de Bellizzi Irpino.

    Le requérant affirme en outre qu’il s’était laissé tomber d’un mur le 19 mai 2012 et qu’il avait été alors hospitalisé pendant cinq jours dans un état comateux.

    27.  Selon les informations fournies par le Gouvernement le 17 janvier 2014, à cette dernière date, le requérant était encore placé, avec son consentement, à l’infirmerie du pénitencier de Bellizzi Irpino où, d’après le Gouvernement, il pouvait être mieux assisté et contrôlé et avait la possibilité quotidienne de prendre une douche avec de l’eau chaude. Par ailleurs, le requérant fréquente l’école de la prison, où il a commencé à étudier en novembre 2009, et suit un cours d’insertion professionnelle.

    B.  Les recours tentés par le requérant

    28.  À une date non précisée, le requérant demanda à bénéficier de la détention à domicile.

    29.  Par une ordonnance du 7 octobre 2011, le magistrat d’application des peines d’Avellino rejeta cette demande. Il observa qu’il ressortait d’un rapport médical du 26 septembre 2011 que le requérant souffrait d’une ancienne toxicomanie, d’un état anxieux, d’hyperchromie du gland et d’incontinence, qu’il avait subi des interventions chirurgicales pour une hernie et pour des hémorroïdes, et que son état de santé général était satisfaisant (discrete) et n’était dès lors pas incompatible avec la détention.

    30.  Le requérant demanda également la suspension de l’exécution de sa peine pour motifs de santé.

    31.  Par une ordonnance du 20 décembre 2011, dont le texte fut déposé au greffe le 4 janvier 2012, le tribunal d’application des peines de Naples rejeta cette demande. Il nota que la suspension de l’exécution de la peine pouvait être ordonnée seulement en présence de conditions de santé d’une gravité telle à faire redouter un danger pour la vie ou à rendre la détention inhumaine ou encore en présence de conditions de santé exigeant des thérapies ne pouvant pas être administrées en milieu carcéral. Or, sur la base d’un rapport médical daté du 28 novembre 2011 et en substance similaire à celui du 26 septembre 2011, le tribunal considéra que tel n’était pas le cas du requérant, que ce dernier avait été soumis à des examens gastroentérologiques et qu’un cycle de rééducation (« biofeedback rectal ») avait été sollicité.

    32.  Par ailleurs, le requérant indique avoir mis en demeure les autorités de lui administrer un traitement médical approprié à sa pathologie, en vain d’après lui. Il indique également leur avoir demandé, toujours en vain selon lui, de se prononcer sur ses conditions de détention, qu’il estime inhumaines et dégradantes.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    33.  Le requérant se plaint de ses conditions de détention et il dénonce également la non-administration de soins adaptés à son état de santé.

    Il invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    34.  Le Gouvernement conteste cette thèse.

    A.  Sur la recevabilité

    1.  L’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes

    35.  Dans ses observations complémentaires et sur la satisfaction équitable du 17 janvier 2014, le Gouvernement soulève pour la première fois une exception de non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que, au moment de l’introduction de la Requête, le requérant n’avait pas encore obtenu une décision quant à la compatibilité de ses conditions de détention avec son état de santé, et que, de plus, il ne s’est pas pourvu en cassation contre l’ordonnance du tribunal d’application des peines de Naples du 20 décembre 2011 (paragraphe 31 ci-dessus).

    36.  La Cour rappelle que, aux termes de l’article 55 de son règlement, si la Partie contractante défenderesse entend soulever une exception d’irrecevabilité, elle doit le faire, pour autant que la nature de l’exception et les circonstances le permettent, dans les observations écrites ou orales sur la recevabilité de la requête présentées par elle (N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 44, CEDH 2002-X). Elle observe que, en l’espèce, le Gouvernement n’a pas excipé du non-épuisement des voies de recours internes dans ses observations du 2 octobre 2013 sur la recevabilité et sur le fond de l’affaire, et qu’il s’est borné à soulever cette question de manière explicite dans ses observations complémentaires et sur la satisfaction équitable. Elle constate que le Gouvernement n’a produit aucune justification et elle ne relève aucune circonstance exceptionnelle de nature à l’exonérer de son obligation de soulever son exception d’irrecevabilité en temps utile.

    37.  Il s’ensuit que le Gouvernement est forclos à exciper du non-épuisement des voies de recours internes.

    2.  Autres motifs d’irrecevabilité

    38.  Constatant que la Requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Les soins administrés au requérant

    a)  Arguments des parties

    i.  Le requérant

    39.  Le requérant considère qu’il n’a pas bénéficié de soins adaptés à son état de santé. Il soutient que l’administration pénitentiaire ne lui fournissait pas les couches nécessaires à ses problèmes d’incontinence. Il indique avoir informé le personnel carcéral de sa pathologie dès son arrivée à la prison de Bellizzi Irpino, ce qui - à ses dires - aurait dû aboutir à son placement dans une cellule individuelle équipée de sanitaires et à la possibilité de se laver quotidiennement. Il précise que tel n’a pas été le cas : selon lui, il s’est retrouvé placé du 9 octobre au 5 novembre 2009 dans une cellule collective disposant d’un seul lieu d’aisance avec six autres détenus (et non quatre codétenus, comme le soutient le Gouvernement), et il a ensuite partagé avec un codétenu une autre cellule équipée d’un seul cabinet de toilette mais ne disposant pas de douche, de bidet et d’eau chaude.

    40.  Le requérant rappelle qu’il a été contraint d’informer ses codétenus de ses problèmes d’incontinence et que, en raison de ces problèmes, il avait été humilié à un point tel qu’il avait tenté de se suicider le 20 novembre 2009. Il indique avoir passé ensuite sept jours en isolement dans une cellule dite « lisse » (liscia) ne comportant aucun élément de mobilier à l’exception d’un matelas et d’une couverture, et avoir reçu la visite d’un psychiatre uniquement le jour de sa tentative de suicide. Il ajoute que la visite prévue pour le lendemain avait été renvoyée au 27 novembre 2009 et qu’à cette date le psychiatre avait conseillé son transfert dans le secteur commun de la prison. Il indique que le Comité pour la Prévention de la Torture (le « CPT »), dans son rapport consécutif à sa visite en Italie du 14 au 18 juin 2010 (paragraphe 27), avait recommandé de ne pas placer les détenus dans des cellules dites « lisses » après une tentative de suicide au motif que pareille mesure pouvait être perçue comme une punition.

    41.  Le requérant indique également que de décembre 2009 à février 2010 il n’a pu prendre une douche que deux fois par semaine. Il ajoute que le CPT, dans son rapport susmentionné (paragraphe 23), avait par ailleurs déconseillé l’isolement des détenus aux tendances suicidaires. Il déclare aussi que, durant son isolement, il n’a été soumis à aucune autre thérapie que l’administration de calmants et que, à cause de problèmes d’organisation, la manométrie du sphincter n’a été effectuée que le 10 février 2010.

    42.  Le requérant indique de plus qu’il a été transféré à l’infirmerie de la prison le 3 juillet 2010, et qu’il y est encore actuellement détenu. Il soutient qu’il n’y a été soumis à aucune thérapie, que la seule raison de ce transfert était la présence d’un cabinet de toilette avec l’eau courante chaude, et qu’il avait ainsi accepté ce transfert afin de bénéficier de conditions de détention plus respectueuses - d’après lui - de sa dignité humaine. Or, selon le requérant, le CPT avait recommandé que les admissions à l’infirmerie ne soient autorisées que pour des raisons d’ordre médical (paragraphe 109 du rapport relatif à la visite du CPT effectuée en Italie du 13 au 25 février 2000).

    43.  Le requérant soutient aussi que les visites médicales effectuées en 2010 et le 20 mai 2011 avaient débouché sur la recommandation de le soumettre à un cycle de « biofeedback rectal », et que ce cycle n’a cependant été mené que du 23 août au 13 novembre 2012, et donc, à ses yeux, de manière tardive. Sur ce dernier point, il estime qu’on ne saurait considérer comme normal un délai de deux ans et dix mois. Il ajoute que le cycle en question avait eu des résultats « très positifs », que le médecin de l’hôpital public avait recommandé de réévaluer dans un délai de trois mois la nécessité d’un deuxième cycle, mais que celui-ci n’avait pas encore été réalisé.

    44.  Le requérant se plaint également, dans les conditions décrites au paragraphe 26 ci-dessus, de son transfert à la prison de Spoleto, pendant une durée d’environ deux mois, du 14 février au 16 avril 2012, ladite prison n’étant pas selon lui équipée d’un centre clinique. Il indique que, à la suite de sa nouvelle tentative de suicide le 17 mars 2012, il a été placé dans une cellule avec un autre détenu. Il indique également que, alors qu’il avait commencé un cycle de séances de kinésithérapie, il avait été à nouveau transféré, sans aucun motif valable d’après lui, au pénitencier de Bellizzi Irpino, où rien n’aurait été fait pour traiter son problème de santé.

    ii.  Le Gouvernement

    45.  Le Gouvernement considère que des soins adéquats ont été administrés au requérant. Il expose que, dès son arrivée à la prison de Bellizzi Irpino, ce dernier a été soumis à des examens médicaux à l’intérieur et à l’extérieur de la prison avec des temps d’attente raisonnables et comparables à ceux appliqués par le service de santé national. En particulier, il indique que le cycle de rééducation pelvi-périnéale (« biofeedback »), ordonné par le médecin de l’hôpital public le 20 mai 2011 (paragraphe 23 ci-dessus), a été mené du 23 août au 13 novembre 2012. Il estime que ce délai ne saurait passer pour excessif, étant donné que la maladie du requérant ne l’aurait pas exposé à un risque de mort et que, au vu de sa durée, le traitement aurait nécessité une certaine organisation logistique par exemple en ce qui concerne les transferts du détenu. Le Gouvernement soutient que, de toute manière, l’administration de la prison a agi avec la diligence requise en contactant l’hôpital dans les meilleurs délais et que tout retard ultérieur est imputable au service de santé national, lequel serait compétent en matière de soins aux détenus depuis juin 2008. Par ailleurs, le Gouvernement estime que le traitement en question a donné des résultats satisfaisants, et il note que l’intéressé lui-même l’a reconnu par écrit. Il indique que celui-ci a en outre bénéficié de contrôles médicaux quasi hebdomadaires, qu’il a fait l’objet d’une surveillance efficace quant à l’évolution de son état de santé et qu’en particulier il a participé à des séances de rééducation hebdomadaires au cours de l’année 2013.

    46.  Le Gouvernement indique également que le requérant n’a pas pu obtenir gratuitement des couches de la part du service sanitaire national pour ses problèmes d’incontinence car il n’aurait pas demandé à être déclaré invalide et que, en tout état de cause, ces protections lui ont été données par des volontaires (paragraphe 21 ci-dessus).

    47.  Par ailleurs, le Gouvernement considère que l’état de santé de l’intéressé n’était pas incompatible avec la détention, comme l’ont affirmé selon lui les juridictions nationales sur la base d’expertises médicales mentionnant une absence de danger pour la vie du requérant et le caractère non préoccupant de sa situation.

    48.  De l’avis du Gouvernement, le stress que le requérant a pu ressentir était lié au caractère collectif de la vie en prison et l’embarras dont il a pu souffrir à cause d’épisodes d’incontinence survenus en public était une conséquence inévitable de sa privation de liberté. En tout état de cause, aux yeux du Gouvernement, ce stress et cet embarras n’ont pas atteint le seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention.

    49.  De plus, pour le Gouvernement, la réponse de l’administration carcérale vis-à-vis des tentatives de suicide du requérant a été adéquate. À cet égard, le Gouvernement soutient que lors de son entrée en prison, le 8 octobre 2009, le requérant a bénéficié d’un contrôle médical général et ensuite, le 20 novembre 2009, d’une visite psychiatrique. Il indique que des placements alternatifs, qui ne sauraient selon lui s’analyser en une « punition », ont été trouvés uniquement pour traiter la pathologie de l’intéressé. De même, le Gouvernement ajoute que, au vu de la spécificité des problèmes de ce dernier, sa participation à des activités collectives était déconseillée. Il précise à cet égard que l’incident d’incontinence ayant débouché sur la première tentative de suicide s’était produit lors d’un cours scolaire et que, par ailleurs, grâce à l’intervention du personnel compétent, aucune des tentatives de suicide n’avait entraîné de séquelles physiques.

    50.  Le Gouvernement considère également que la Requête devrait être rayée du rôle en application de l’article 37 § 1 b) de la Convention, le litige ayant été d’après lui résolu. Il soutient à ce titre que le requérant a été placé à sa demande dans des cellules individuelles en raison de ses problèmes de santé et que ces derniers ont été traités depuis. Il ajoute de plus que l’intéressé est soumis à un suivi régulier portant sur son programme de rééducation afin d’éviter toute éventuelle détérioration de sa santé.

    b)  Appréciation de la Cour

    i.  Principes généraux

    51.  Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, entre autres, Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 24, CEDH 2001-VII, Mouisel c. France, no 67263/01, § 37, CEDH 2002-IX, et Gennadi Naoumenko c. Ukraine, no 42023/98, § 108, 10 février 2004). Les allégations de mauvais traitements doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés (voir, mutatis mutandis, Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 30, série A n269). Pour l’appréciation de ces éléments, la Cour se rallie au principe de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », mais ajoute qu’une telle preuve peut résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 161 in fine, série A no 25, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 121, CEDH 2000-IV).

    52.  Pour qu’une peine et le traitement dont elle s’accompagne puissent être qualifiés d’« inhumains » ou de « dégradants », la souffrance ou l’humiliation doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 68, 11 juillet 2006).

    53.  S’agissant en particulier des personnes privées de liberté, l’article 3 de la Convention impose à l’État l’obligation positive de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000-XI, et Riviere c. France, no 33834/03, § 62, 11 juillet 2006). Ainsi, le manque de soins médicaux appropriés, et, plus généralement, la détention d’une personne malade dans des conditions inadéquates, peut en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 de la Convention (voir, par exemple, İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII, et Gennadi Naoumenko, précité, § 112). Outre la santé du prisonnier, c’est son bien-être qui doit être assuré d’une manière adéquate (Mouisel, précité, § 40).

    54.  Les conditions de détention d’une personne malade doivent garantir la protection de sa santé, eu égard aux contingences ordinaires et raisonnables de l’emprisonnement. Si l’on ne peut en déduire une obligation générale de remettre en liberté ou bien de transférer dans un hôpital civil un détenu, même si ce dernier souffre d’une maladie particulièrement difficile à soigner (Mouisel, précité, § 40, et Tellissi c. Italie (déc.), no 15434/11, § 27, 5 mars 2013), l’article 3 de la Convention impose en tout cas à l’État de protéger l’intégrité physique des personnes privées de liberté. La Cour ne saurait exclure que, dans des conditions particulièrement graves, l’on puisse se trouver en présence de situations où une bonne administration de la justice pénale exige que des mesures de nature humanitaire soient prises pour y parer (Matencio c. France, no 58749/00, § 76, 15 janvier 2004, et Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, § 38, 15 janvier 2004).

    55.  Faisant application des principes susmentionnés, la Cour a déjà conclu que le maintien en détention pour une période prolongée d’une personne d’un âge avancé, et de surcroît malade, peut entrer dans le champ de protection de l’article 3 de la Convention (Papon c. France (no 1) (déc.), no 64666/01, CEDH 2001-VI, Sawoniuk c. Royaume-Uni (déc.), n63716/00, CEDH 2001-VI, et Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001). De plus, elle a jugé que le maintien en détention d’une personne tétraplégique dans des conditions inadaptées à son état de santé était constitutif d’un traitement dégradant (Price, précité, § 30). Elle a aussi considéré que certains traitements peuvent enfreindre l’article 3 de la Convention en raison de leur infliction à une personne souffrant de troubles mentaux (Keenan c. Royaume-Uni, no 27229/95, §§ 111-115, CEDH 2001-III). Cela étant, la Cour doit tenir compte, notamment, de trois éléments afin d’examiner la compatibilité du maintien en détention d’un requérant avec un état de santé préoccupant, à savoir la condition du détenu, la qualité des soins dispensés et l’opportunité de maintenir la détention au vu de l’état de santé du requérant (Farbtuhs c. Lettonie, no 4672/02, § 53, 2 décembre 2004, et Sakkopoulos, précité, § 39).

    ii.  Application de ces principes à la présente espèce

    56.  La Cour relève tout d’abord que devant elle le requérant n’a pas soutenu que son état de santé était incompatible avec son maintien en détention. La seule question posée en l’espèce est celle de savoir si les soins administrés en prison ont été adéquats, compte tenu de l’exigence de protéger l’intégrité physique de l’intéressé (Tellissi, décision précitée, § 29).

    57.  À cet égard, la Cour note que le requérant affirme avoir informé l’administration du pénitencier de sa pathologie (relâchement du sphincter anal et problèmes d’incontinence) dès son arrivée à la prison de Bellizzi Irpino, le 8 octobre 2009 (paragraphe 7 ci-dessus). Quoi qu’il en soit, elle estime que la gravité de la situation aurait dû être claire pour les autorités au plus tard à partir du 20 novembre 2009, date de la première tentative de suicide du requérant (paragraphe 12 ci-dessus). Aux yeux de la Cour, ce geste, qui était directement lié à un épisode d’incontinence survenu lors d’un cours scolaire, ne pouvait que montrer le désarroi, l’angoisse et l’humiliation que le requérant ressentait à cause de sa pathologie et de ses manifestations en public.

    58.  En dépit de cela, la Cour constate que la manométrie du sphincter anal et l’examen des selles, qui auraient permis de tester les conditions de santé du requérant et qui avaient été ordonnés le 30 octobre 2009, n’ont été effectués que le 10 février 2010 (paragraphe 9 ci-dessus) et qu’un examen gastroentérologique prévu pour le 2 février 2010 n’a été réalisé que le 3 juillet 2010 (paragraphe 20 ci-dessus). Elle observe que dix mois et demi se sont ensuite écoulés avant l’accomplissement d’une nouvelle manométrie du sphincter (le 20 mai 2011) et que, à cette occasion, un médecin de l’hôpital public avait répété la recommandation faite par le médecin de la prison le 5 avril 2011, à savoir la soumission du requérant à un traitement de rééducation pelvi-périnéale dit « biofeedback ». Elle note aussi que les parties s’accordent à considérer que ce traitement a amélioré l’état de santé du requérant et a permis de traiter de manière significative ses problèmes d’incontinence, mais elle relève qu’il n’a été suivi par l’intéressé que du 23 août au 13 novembre 2012 (paragraphe 23 ci-dessus), soit un an et trois mois après avoir été ordonné par le médecin de l’hôpital public.

    59.  À ce titre, la Cour note que le Gouvernement affirme que ce dernier retard ne saurait être imputé à l’administration pénitentiaire, mais à celle de l’hôpital public d’Avellino (paragraphe 45 ci-dessus). Elle considère qu’elle n’a pas à se pencher sur cette question puisque, en tout état de cause, il appartenait à l’État d’organiser ses différents services et branches de manière à protéger de façon adéquate et efficace l’intégrité physique et psychique du requérant.

    60.  Par ailleurs, la Cour ne sous-estime pas certains des efforts faits par les autorités internes aux fins d’assurer un suivi de la situation du requérant, à savoir notamment son placement occasionnel dans des cellules individuelles et, avec son consentement, à l’infirmerie, ainsi que la possibilité qui lui a été accordée de prendre une douche par jour, de même que l’intervention du personnel de la prison en temps utile et de manière efficace afin d’éviter toute séquelle consécutive aux tentatives de suicide de l’intéressé. Elle note qu’il n’en demeure pas moins qu’il a fallu attendre plus de deux ans et neuf mois entre la première tentative de suicide (le 20 novembre 2009) et le début du cycle de rééducation qui a finalement pu résoudre les problèmes d’incontinence du requérant (le 23 août 2012). À supposer même que, comme le soutient le Gouvernement, la participation du requérant à ce traitement demandait une certaine organisation, au vu notamment de la nécessité d’assurer le transport de l’intéressé de la prison à l’hôpital public, la Cour estime qu’un tel délai ne saurait passer pour raisonnable et ne saurait être accepté dans les circonstances particulières de la présente affaire, compte tenu notamment de la nature de la pathologie du requérant ainsi que de l’état psychologique en découlant et ressortant de ses deux tentatives de suicide avérées (voir, a contrario, Tellissi, décision précitée, §§ 31-36). Elle rappelle par ailleurs qu’une violation de l’article 3 de la Convention peut subsister même en l’absence de l’intention d’humilier ou de rabaisser le requérant (Peers c. Grèce, n28524/95, § 74, CEDH 2001-III, et Ramirez Sanchez c. France [GC], no 59450/00, § 118, CEDH 2006-IX).

    61.  À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que le manque prolongé de soins adaptés à la pathologie du requérant a placé ce dernier dans une situation susceptible de susciter, chez lui, des sentiments constants d’angoisse, d’infériorité et d’humiliation suffisamment forts pour constituer un « traitement dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention. Bien que dans une lettre du 31 mai 2013 l’intéressé lui-même ait admis être « guéri » (paragraphe 23 ci-dessus), la Cour relève qu’aucune mesure de réparation ne lui a été offerte pour la longue période au cours de laquelle il est resté dans l’attente d’un traitement médical adéquat. Par conséquent, elle estime que la demande du Gouvernement visant à l’obtention de la radiation de l’affaire du rôle (paragraphe 50 ci-dessus) au motif que le litige aurait été résolu ne saurait être acceptée.

    62.  Ces constats suffisent pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention de ce chef.

    63.  Cette conclusion dispense la Cour de se pencher sur la question de savoir si cette disposition a également été violée en raison du placement du requérant dans un secteur d’isolement de la prison de Bellizzi Irpino et du refus de l’administration de lui fournir gratuitement des couches.

    2.  La surpopulation carcérale au pénitencier de Bellizzi Irpino

    64.  Le requérant se plaint également de ses conditions de vie au pénitencier de Bellizzi Irpino en raison notamment d’une surpopulation carcérale.

    a)  Arguments des parties

    i.  Le requérant

    65.  Le requérant expose que la surpopulation carcérale est un problème systémique en Italie. Il indique que 68 206 personnes étaient détenues au 26 juin 2010 alors que la capacité réglementaire des prisons était de 43 012 places, qu’au 30 juin 2013 les détenus étaient 68 945 pour une capacité réglementaire des prisons de 47 022 places, et que le nombre de juges d’application des peines est seulement de 193. Il ajoute qu’au 31 décembre 2010 la prison de Bellizzi Irpino, dont la capacité réglementaire était de 306 places (ce chiffre s’élevant d’après l’intéressé à 407 en 2011 et à 566 en 2013), hébergeait 458 prisonniers et qu’elle en accueille actuellement 667. Le requérant se demande comment la capacité réglementaire de la même prison a pu passer - d’après les données qu’il fournit - de 306 à 566 places en l’espace de trois ans, et il soutient qu’il n’aurait pas été placé en secteur d’isolement s’il y avait eu de la place en secteur ordinaire.

    66.  De plus, selon le requérant, les observations du Gouvernement n’ont pas porté sur sa situation spécifique : selon lui, il n’a pas été indiqué s’il a suivi des cours de formation ou fréquenté l’école, combien de temps il a passé en dehors de sa cellule, quels étaient ses conditions de vie dans cette dernière (chauffage, accès à la lumière) et l’état des sanitaires. D’après l’intéressé, le Gouvernement s’est borné à indiquer les dimensions des cellules occupées par lui et il n’a pas précisé qu’il n’y avait pas d’eau chaude et pas de protection contre la pluie et le soleil dans la cour de promenade attenante à l’infirmerie. Par ailleurs, le requérant insiste sur le nombre de prisonniers avec lesquels il dit avoir partagé lesdites cellules : six autres détenus du 8 octobre au 5 novembre 2009, un autre détenu du 5 au 20 novembre 2009, et un autre détenu occasionnellement pour la période suivante.

    67.  Le requérant indique que lorsqu’il partageait la cellule avec six autres détenus il disposait de moins de 4 m² d’espace personnel; il considère que les informations produites par le Gouvernement au sujet des dimensions et des conditions de vie dans les cellules ne sont pas correctes. Le requérant ajoute qu’il n’a pas pu pratiquer d’activités sportives ou bénéficier de la promenade étant donné que, d’après lui, il ne pouvait pas se déplacer sans couches et qu’il n’y avait pas de toilettes dans la cour de promenade. Il précise qu’il en était de même pour la fréquentation de l’école, des cours de formation, du programme de traitement pénitentiaire et de l’accès au travail en prison.

    68.  De plus, le requérant soutient qu’il a été placé pendant six mois dans un secteur d’isolement dans une situation hygiénique précaire, sans pouvoir se laver tous les jours et sans avoir accès à l’eau chaude, alors que sa pathologie aurait nécessité un traitement individualisé. Il ajoute que la lumière naturelle et l’air y étaient insuffisants, que l’accès à la promenade était alors limité à deux ou trois heures par jour, qu’il ne pouvait pas participer aux activités sociales et de traitement pénitentiaire, et que sa cellule ne disposait pas d’un système de chauffage.

    69.  Enfin, le requérant indique que lors de sa détention au pénitencier de Poggioreale il passait vingt-deux heures par jour dans sa cellule (qu’il dit avoir partagée parfois avec dix ou douze autres personnes), alors qu’à la prison de Bellizzi Irpino il restait environ vingt heures par jour en cellule.

    ii.  Le Gouvernement

    70.  Le Gouvernement soutient que l’administration pénitentiaire a pris en considération les besoins particuliers liés à l’état de santé du requérant en essayant de le placer dans des cellules individuelles en dépit de difficultés logistiques et structurelles. Il indique que les placements en question visaient à répondre au mieux aux exigences du requérant telles qu’exprimées par ce dernier (en particulier, pour pallier l’embarras que son incontinence pouvait entraîner), et qu’ils ne constituaient pas une forme d’isolement et n’étaient pas dus à la surpopulation carcérale.

    71.  Le Gouvernement indique par ailleurs que le placement de l’intéressé dans une cellule collective mesurant 24 m² et dotée d’une salle de bain intérieure de 4,83 m², partagée - à ses dires - avec quatre autres détenus, a duré moins d’un mois (du 8 octobre au 5 novembre 2009). Il indique également que, à la prison de Spoleto, l’intéressé a par ailleurs bénéficié d’une cellule individuelle très grande. En tout état de cause, il soutient que le requérant a eu à sa disposition au moins 4 m² d’espace personnel, en excluant la salle de bain, et que toutes les cellules disposaient d’une salle de bain séparée ainsi que d’une grande fenêtre mesurant environ 1,20 m sur 1,20 m et permettant la circulation de l’air et l’accès à la lumière naturelle. Il se réfère, à cet égard, aux principes énoncés par la Cour dans sa décision rendue dans l’affaire Tellissi précitée.

    72.  De plus, contestant les allégations formulées par le requérant, le Gouvernement soutient que l’accès de ce dernier au traitement pénitentiaire n’a jamais été exclu ou réduit. S’agissant de la détention de l’intéressé à la prison de Bellizzi Irpino, il précise ainsi que le requérant a pu bénéficier des activités à l’extérieur (à savoir la promenade) pendant deux (lors de son placement à l’infirmerie) à quatre heures par jour, de la salle commune pendant une à deux heures (en été) par jour et des activités éducatives. Il indique que, même en l’absence de toilettes dans l’espace de promenade, les détenus pouvaient faire usage des salles de bain de leurs cellules situées à proximité. Enfin, il indique qu’à l’infirmerie, où l’intéressé serait actuellement placé, celui-ci peut accéder quotidiennement aux douches avec l’eau chaude, que cet accès était limité à trois fois par semaine lorsqu’il se trouvait en isolement, et que pareil régime est compatible avec les règles pénitentiaires européennes.

    b)  Appréciation de la Cour

    i.  Principes généraux

    73.  La Cour relève que les mesures privatives de liberté impliquent habituellement pour un détenu certains inconvénients. Toutefois, elle rappelle que l’incarcération ne fait pas perdre à un détenu le bénéfice des droits garantis par la Convention. Au contraire, dans certains cas, la personne incarcérée peut avoir besoin d’une protection accrue en raison de la vulnérabilité de sa situation et parce qu’elle se trouve entièrement sous la responsabilité de l’État. Dans ce contexte, l’article 3 de la Convention fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d’exécution de la mesure en cause ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (Kudła, précité, § 94, et Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 131, 22 octobre 2009).

    74.  S’agissant des conditions de détention, la Cour prend en compte les effets cumulatifs de celles-ci ainsi que les allégations spécifiques du requérant (Dougoz c. Grèce, nº 40907/98, § 46, CEDH 2001-II). En particulier, le temps pendant lequel un individu a été détenu dans les conditions incriminées constitue un facteur important (Kalashnikov c. Russie, no 47095/99, § 102, CEDH 2002-VI, Kehayov c. Bulgarie, no 41035/98, § 64, 18 janvier 2005, et Alver c. Estonie, no 64812/01, § 50, 8 novembre 2005).

    75.  Par ailleurs, lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, la Cour considère que le manque d’espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l’élément central à prendre en compte dans l’appréciation de la conformité d’une situation donnée à l’article 3 de la Convention (voir, en ce sens, Karalevičius c. Lituanie, no 53254/99, § 40, 7 avril 2005).

    76.  Ainsi, lorsqu’elle a été confrontée à des situations de surpopulation sévère, la Cour a jugé que cet élément, à lui seul, suffisait pour conclure à la violation de cette disposition. Il s’agissait, de manière générale, de cas de figure où l’espace personnel accordé à un requérant était inférieur à 3 m², alors que le CPT avait estimé que l’espace individuel souhaitable dans les cellules collectives devait être de 4 m² (Kantyrev c. Russie, no 37213/02, §§ 50-51, 21 juin 2007, Andreï Frolov c. Russie, no 205/02, §§ 47-49, 29 mars 2007, Kadikis c. Lettonie, no 62393/00, § 55, 4 mai 2006 ; Sulejmanovic c. Italie, no 22635/03, § 43, 16 juillet 2009, et Torreggiani et autres c. Italie, nos 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68, 8 janvier 2013).

    77.  En revanche, dans des affaires où la surpopulation n’était pas importante au point de soulever à elle seule un problème sous l’angle de l’article 3 de la Convention, la Cour a noté que d’autres aspects des conditions de détention étaient à prendre en compte dans l’examen du respect de cette disposition. Parmi ces éléments figurent la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, l’aération disponible, l’accès à la lumière et à l’air naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base. Aussi, même dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m², la Cour a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention dès lors que le manque d’espace s’accompagnait d’un manque de ventilation et de lumière (Moisseiev c. Russie, no 62936/00, §§ 125-127, 9 octobre 2008 ; voir également Vlassov c. Russie, no 78146/01, § 84, 12 juin 2008, et Babouchkine c. Russie, n67253/01, § 44, 18 octobre 2007), d’un accès limité à la promenade en plein air (István Gábor Kovács c. Hongrie, no 15707/10, § 26, 17 janvier 2012) ou d’un manque total d’intimité dans les cellules (voir, mutatis mutandis, Belevitskiy c. Russie, n72967/01, §§ 73-79, 1er mars 2007, Khudoyorov c. Russie, no 6847/02, §§ 106-107, ECHR 2005-X (extraits), et Novoselov c. Russie, no 66460/01, §§ 32 et 40-43, 2 juin 2005).

    ii.  Application de ces principes à la présente espèce

    78.  La Cour note tout d’abord qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur les conditions de détention du requérant au pénitencier de Poggioreale, conditions mentionnées par l’intéressé dans ses observations en réponse (paragraphe 69 ci-dessus). À cet égard, elle se borne à observer que, ayant bénéficié d’une détention à domicile à compter du 28 mars 2009 (paragraphe 6 ci-dessus), le requérant a quitté cet établissement plus de six mois avant la date d’introduction de la Requête (le 30 novembre 2010).

    79.  Pour ce qui est des pénitenciers de Bellizzi Irpino et de Spoleto, la Cour note qu’il ressort des informations fournies par le Gouvernement, (paragraphes 8, 10, 13, 15, 22 et 25 ci-dessus) que l’intéressé a été successivement placé dans des cellules mesurant 24, 10, 16, 20 et 30 m². Elle constate que le requérant conteste uniquement la surface de la cellule dans laquelle il a été placé du 20 au 27 novembre 2009 et qui selon lui mesurait 6 m² (paragraphe 14 ci-dessus). Aux yeux de la Cour, il n’en demeure pas moins que les informations du Gouvernement sont basées sur les documents pertinents provenant des administrations pénitentiaires concernées et que le requérant n’a pas fourni d’éléments susceptibles de démontrer que les données contenues dans ceux-ci étaient erronées.

    80.  De même, la Cour note que les parties sont également en désaccord sur le nombre des occupants des cellules en ce qui concerne les périodes suivantes : du 8 octobre au 5 novembre 2009, le Gouvernement soutenant que le requérant avait partagé une cellule de 24 m² avec quatre autres détenus, et l’intéressé indiquant qu’il s’y trouvait avec six autres prisonniers (paragraphes 7 et 8 ci-dessus), et du 14 février au 17 mars 2012, le Gouvernement affirmant que deux ou trois autres personnes se trouvaient dans une cellule de 20 m² avec l’intéressé, et ce dernier alléguant y avoir été placé avec cinq autres personnes (paragraphes 25 et 26 ci-dessus). Pour le reste, elle note qu’il n’est pas contesté entre les parties que le requérant était le seul détenu dans la cellule ou bien qu’il la partageait avec un autre prisonnier.

    81.  La Cour relève que, si la version du Gouvernement quant au nombre des occupants des cellules est exacte, à aucun moment le requérant n’aurait disposé d’un espace personnel inférieur à l’espace individuel estimé souhaitable par le CPT pour les cellules collectives (à savoir 4 m²). En tout état de cause, elle observe que, à supposer même que les allégations du requérant puissent être acceptées, l’intéressé aurait de toute manière joui d’un espace personnel non inférieur à 3 m² pendant les périodes en question (paragraphe 80 ci-dessus), ce qui, aux termes de la jurisprudence de la Cour, ne saurait être constitutif, à lui seul, d’une violation de l’article 3 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Tellissi, décision précitée, § 53).

    82.  De plus, la Cour relève que le requérant dénonce également un manque de lumière, d’éclairage et de chauffage dans les cellules occupées par lui ainsi qu’un mauvais fonctionnement de certaines installations sanitaires. Cependant, elle constate que l’intéressé n’a fourni aucun élément permettant de contester l’affirmation du Gouvernement (paragraphe 71 ci-dessus) selon laquelle chaque cellule était dotée d’une grande fenêtre (mesurant environ 1,20 m sur 1,20 m) permettant la circulation de l’air et de la lumière naturelle. Cette affirmation est basée sur les documents provenant de l’administration carcérale, parmi lesquels des planimétries (paragraphe 22 ci-dessus). Elle note de plus que, durant de longues périodes, le requérant avait été autorisé à prendre quotidiennement une douche avec de l’eau chaude. Elle considère donc que le mauvais fonctionnement occasionnel des installations sanitaires ne saurait s’analyser en un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

    83.  Par ailleurs, la Cour observe que le requérant ne s’est pas plaint d’un manque total d’intimité dans les cellules et n’a pas contesté l’affirmation du Gouvernement selon laquelle les cabinets de toilette étaient séparés. De plus, à supposer même que le placement du requérant dans l’infirmerie ait pu de facto limiter la durée de son accès à la promenade, la Cour constate que le placement litigieux a été fait à la demande de l’intéressé pour traiter ses problèmes d’incontinence et qu’en tout état de cause celui-ci n’a pas soutenu avoir souffert d’un isolement complet ou d’une impossibilité totale de se rendre dans la cour de promenade. À cet égard, il convient de noter que depuis novembre 2009 le requérant a pu fréquenter l’école de la prison et suivre un cours d’insertion professionnelle (paragraphe 27 ci-dessus).

    84.  Dans ces conditions, la Cour estime que les conditions de détention du requérant ne sauraient être considérées comme contraires à l’article 3 de la Convention, notamment sous l’angle des effets de la surpopulation carcérale (voir, mutatis mutandis, Tellissi, décision précitée, §§ 52-57).

    85.  Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition de ce chef.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    86.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    87.  Le requérant réclame 30 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi. Il soutient avoir fait l’objet depuis 2009 de conditions de détention contraires à la Convention.

    88.  Le Gouvernement considère que le requérant n’a pas étayé sa demande étant donné qu’il aurait omis de produire des preuves relatives à l’existence, à la nature et au montant du préjudice allégué. De plus, il estime que l’intéressé n’a pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre la violation de la Convention et le dommage moral dont il se plaint, et il est d’avis que le montant sollicité est en tout état de cause excessif.

    89.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 20 000 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    90.  Se fondant sur une note de frais de son conseil, le requérant demande également 6 545 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour.

    91.  Le Gouvernement considère ce montant excessif et indique que le requérant n’a pas démontré que les frais allégués étaient nécessaires et raisonnables.

    92.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, et compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 5 000 EUR et l’accorde au requérant.

    C.  Intérêts moratoires

    93.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison du retard dans l’administration de soins adaptés à l’état de santé du requérant ;

     

    3.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention à raison de la surpopulation carcérale ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

    i.  20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

    ii.  5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens,

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 avril 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

        Abel Campos                                                                        Işıl Karakaş
      Greffier adjoint                                                                        Présidente

     


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