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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BORDONI AND OTHERS v. ITALY - 6069/09 16797/09 - Committee Judgment (French text) [2014] ECHR 483 (13 May 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/483.html Cite as: [2014] ECHR 483 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE BORDONI ET AUTRES c. ITALIE
(Requêtes nos 6069/09 et 16797/09)
ARRÊT
STRASBOURG
13 mai 2014
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Bordoni et autres c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
András Sajó, président,
Helen Keller,
Egidijus Kūris, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 avril 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 6069/09 et 16797/009) dirigées contre la République italienne et dont plusieurs ressortissants de cet Etat (« les requérants » - voir le tableau récapitulatif ci-annexé et la liste des requérants) ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Mes Paganetti Bianchi, Giotta Bianchi avocates à Sondrio, et Me R. Brunetti, avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora et par son coagent, Mme P. Accardo.
3. Le 9 novembre 2009 et le 18 janvier 2010 les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Les requérants étaient employés par la Province de Sondrio et exerçaient des fonctions relevant du personnel des écoles (assistants administratifs, collaborateurs, assistants techniques et responsables administratifs dans les écoles : le « personnel ATA »). Ils avaient droit à un salaire de base, assorti d’indemnités accessoires.
5. Suite au transfert du personnel de la fonction publique territoriale vers la fonction publique de l’Etat, prévu par la loi no 124 du 3 mai 1999, les requérants furent employés, à partir du 31 décembre 1999, par le ministère de l’Education Nationale (« le ministère »). Les employés déjà en poste dudit ministère, exerçant les mêmes fonctions que les requérants, avaient droit à un traitement de base progressif selon l’ancienneté de service.
6. Selon l’article 8 de la loi no 124 susmentionnée, l’ancienneté de service acquise par les requérants auprès des collectivités locales devait être reconnue à toutes fins juridiques et économiques. Toutefois, le ministère attribua aux requérants une ancienneté fictive, en transformant la rétribution de base perçue des collectivités locales à la date du 31 décembre 1999 en années d’ancienneté et, au mépris du contrat collectif national de l’Ecole, il calcula leur traitement pécuniaire sans tenir compte de leur ancienneté de service réelle, acquise jusqu’à cette date. En outre, en transformant la rétribution de base en années d’ancienneté fictive, le ministère enleva des dernières fiches de paie des requérants tous les éléments indemnitaires dont leurs salaires étaient régulièrement assortis jusqu’au 31 décembre 1999.
7. Les requérants saisirent les tribunaux du travail de Sondrio et Milan afin d’obtenir la reconnaissance juridique et économique de l’ancienneté acquise auprès de leurs employeurs locaux d’origine et, en conséquence, le versement de la différence de rétribution née à partir du 1er janvier 2000. Ils firent valoir qu’ils percevaient un salaire qui ne correspondait pas à leur ancienneté et que ce salaire était ainsi inférieur à celui des fonctionnaires qui avaient toujours été employés par le ministère.
8. Par plusieurs arrêts, les tribunaux accueillirent les recours des requérants et condamnèrent le ministère à reconnaître l’ancienneté acquise par les requérants auprès des collectivités locales.
9. Le ministère interjeta appel de ces jugements.
10. Par plusieurs arrêts, les cours d’appel confirmèrent les jugements des tribunaux, au motif que le ministère n’avait pas respecté l’article 8 de la loi no 124. Cette solution était conforme à la jurisprudence établie par de nombreux arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat.
11. Le ministère se pourvu en cassation. Alors que ces procédures étaient pendantes, le Parlement adopta la loi de finances pour 2006 (« la loi no 266 »). L’article 1, alinéa 218, de ladite loi était intitulé « interprétation authentique (interpretazione autentica) de l’article 8 de la loi no 124 de 1999 » ; il prévoyait que le personnel ATA devait être intégré dans les tableaux de paye de la nouvelle administration sur la base du traitement salarial global des intéressés au moment de la mutation.
12. Par plusieurs arrêts, la Cour de cassation, compte tenu de la loi
no 266, fit droit aux pourvois du ministère.
13. Les requérants ont perdu la reconnaissance de l’ancienneté acquise auprès des autorités locales d’origine. De surcroît, ils ont vu leurs salaires devenir inférieurs à ceux d’autres membres du personnel ATA qui avaient obtenu gain de cause par des décisions ayant acquis l’autorité de la chose jugée avant l’entrée en vigueur de la loi no 266.
14. Des informations pertinentes sur les faits relatifs à ces procédures sont contenues dans le tableau récapitulatif en annexe.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
15. Le droit et la pratique internes pertinent se trouvent décrits dans les arrêts Agrati et autres c. Italie, (nos 43549/08, 6107/09 et 5087/09, 7 juin 2011) et De Rosa c. Italie, (nos 52888/08, 58528/08, 59194/08, 60462/08, 60473/08, 60628/08, 61116/08, 61131/08, 61139/08, 61143/08, 610/09, 4995/09, 5068/09 et 5141/09, 11 décembre 2012).
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
16. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
17. Les requérants se plaignent de l’intervention législative en cours de procédure qui, selon eux, a porté atteinte à leur droit à un procès équitable. Ils indiquent que la jurisprudence avait déjà reconnu que les anciens fonctionnaires territoriaux avaient droit à la reconnaissance de leurs anciennetés acquises auprès des autorités locales de provenance. Sans intervention législative, ils pouvaient donc avoir une espérance légitime, pratiquement une certitude, d’obtenir satisfaction. Les requérants estiment que seul l’intérêt financier de l’administration, qui ne suffisait pas à caractériser un motif impérieux d’intérêt général, a motivé l’intervention législative en question.
Ils dénoncent une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
18. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de déclarer les requêtes recevables.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
a. Les requérants
19. Les requérants font valoir que suite à leur transfert, ils ont reçu un traitement salarial globalement inférieur à celui perçu auparavant, car ils ont perdu tous les éléments indemnitaires accessoires dont leur traitement était assorti. De surcroît, contrairement à ce que le Gouvernement affirme, les requérants soutiennent qu’ils n’ont jamais pu s’opposer à leur transfert au service de l’Etat, comme l’a d’ailleurs reconnu la Cour de cassation dans son arrêt du 7 mars 2007.
20. Les requérants réaffirment qu’ils ont été exclus de toute augmentation contractuelle ainsi que des avantages prévus seulement dans les contrats des collectivités locales, tels que les indemnités de qualification, de repas, de roulement, de risque de disponibilité, etc.
21. Ils rappellent que la Cour de cassation avait souligné officiellement, par une jurisprudence claire et consolidée, que « la loi est sans équivoque pour attacher au transfert l’effet de reconnaissance de l’ancienneté ». Les requérants affirment également que l’arrêt de la Cour constitutionnelle ne serait pas correct.
22. Selon les requérants, il n’y avait aucun motif impérieux d’intérêt général susceptible de justifier l’ingérence dans la gestion du contentieux judiciaire en cause en l’espèce.
23. Les requérants rappellent que la loi interprétative no 266 est intervenue presque six ans après la décision de transférer le personnel, alors que le transfert lui-même se trouvait déjà complètement réalisé depuis plus de cinq ans, et que la Cour de cassation avait déjà éliminé toute incertitude éventuelle d’interprétation à ce sujet. De plus, la norme interprétative avait été dissimulée dans une loi de finances.
b. Le Gouvernement
24. Le Gouvernement s’oppose à la thèse des requérants. Il affirme qu’à la suite de leur transfert, les requérants auraient continué à exercer les mêmes fonctions avec le même salaire, et que toute l’ancienneté acquise avait été reconnue aux fins de leur retraite. La seule différence, selon le Gouvernement, était que l’ancienneté acquise pendant le service accompli dans la fonction publique territoriale ne pouvait pas entraîner une augmentation salariale par rapport au traitement économique dont les intéressés jouissaient avant leur transfert.
25. En outre, le Gouvernement rappelle que cette interprétation de la loi no 124 de 1999 avait été entérinée par l’un des accords passées entre l’administration (ARAN) et les syndicats des employés puis confirmé dans le décret ministériel du 5 avril 2001.
26. D’après le Gouvernement, étant donné que des contentieux s’étaient multipliés sur l’ensemble du territoire, le législateur était intervenu par le biais d’une loi interprétative afin de combler le vide juridique qui s’était créé, en tenant compte de la difficulté de régler cette matière par la voie d’accords collectifs ou par les soins du pouvoir réglementaire : le but était d’éviter des augmentations injustifiées des salaires et une disparité de traitement entre différentes catégories d’employés. Selon le Gouvernement, qui se réfère à cet égard à plusieurs arrêts de la Cour en matière d’interventions législatives, on ne saurait parler de reformatio in peius de la position des requérants.
27. Dans les présentes affaires, les requérants, qui ne disposaient pas d’un arrêt définitif et exécutoire, ont essayé de profiter d’une aubaine et d’un vide juridique ainsi que de l’insuffisance des accords collectifs et de l’incapacité du pouvoir à régler cette matière. L’intervention du législateur était donc parfaitement prévisible et répondait à une évidente et impérieuse justification d’intérêt général (OGIS-Institut Stanislas et autres, précité). Selon le Gouvernement, cette situation s’apparente à celle du législateur dans l’affaire « Building Societies » c. Royaume-Uni, précitée. Il estime qu’en plus, dans les cas d’espèce, l’intervention du législateur a permis de prévenir la création de situations discriminatoires au sein du personnel ATA. Il en conclut qu’il existait bien un impérieux motif d’intérêt public au sens de la jurisprudence de la Cour.
28. Enfin, le Gouvernement rappelle que la Cour constitutionnelle a jugé que l’intervention du législateur n’était contraire ni à la Constitution italienne ni à la Convention.
2. Appréciation de la Cour
29. La Cour rappelle avoir conclu, dans des affaires soulevant des questions semblables à celles de la présente espèce, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (Agrati et autres c. Italie, nos 43549/08, 6107/09 et 5087/09, 7 juin 2011, De Rosa c. Italie, nos. 52888/08, 58528/08, 59194/08, 60462/08, 60473/08, 60628/08, 61116/08, 61131/08, 61139/08, 61143/08, 610/09, 4995/09, 5068/09 et 5141/09, 11 décembre 2012). Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis en l’espèce, elle considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans la présente affaire. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce l’intervention législative litigieuse, qui visait à régler définitivement et de manière rétroactive, le fond du litige opposant la requérante à l’Etat devant les juridictions internes, n’était pas justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général.
30. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
31. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
1) Requête no6069/09
32. Les requérants réclament, au titre du préjudice matériel qu’ils auraient subi :
| REQUERANTS | Dommage matériel |
| - |
|
1 | BORDONI LUCIANO | 2429,45 EUR |
2 | BRUSEGHINI GIORGIO | 2109,43EUR |
3 | GHERARDI LETIZIA | 1536,50 EUR |
4 | MAZZONI MARIA GRAZIA | 3374,99 EUR |
5 | MOLTONI ENRICO GIOVANNI | 1033,43 EUR |
6 | PAGANONI GABRIELLA | 2167,11 EUR |
7 | PEDRAZZOLI GIOVANNA | 2188,73 EUR |
8 | SCIEGHI SILVANA | 2881,16 EUR |
9 | REBAI VALERIO | 3224,36 EUR |
10 | TRUTALLI ANTONELLA | 1078,74 EUR |
11 | VILLA GIOVANNI | 1033,43 EUR |
12 | ACQUISTAPACE ROSALIA | 102,78 EUR |
13 | BALITRO EMILIA | 852,67 EUR |
14 | CORBELLINI CECILIA | 788,11 EUR |
15 | PROH MAFALDA | 942,01 EUR |
16 | GADDI VITTORIA | 581,53 EUR |
17 | SCINETTI EBE | 1369,64 EUR |
18 | BERTUZZI NATALINA | 842,72 EUR |
19 | ZEN MASSIMO | 1154,28 EUR |
20 | BERTOLINI GIULIA | 2528,99 EUR |
21 | FOLINI CARMEN | 5013,56 EUR |
22 | TONELLI FLAVIA | 662,24 EUR |
23 | MERLO LENA SILVIA | 581,53 EUR |
24 | TONOLA GABRIELLA | 852,67 EUR |
25 | FANONI SILVIO | 1634,82 EUR |
26 | MUFFATTI UMBERTO | 593,40 EUR |
27 | FOIANINI VENUSTO | 400,26 EUR |
28 | ARMANASCO MARIO | 1300,93 EUR |
29 | BORDONI CARDELIA | 400,25 EUR |
30 | MIOTTI FABIOLA | 445,57 EUR |
31 | SCARAFONI MARIUCCIA | 2794,96 EUR |
32 | CODAZZI GIUSEPPINA | 848,02 EUR |
33 | FONTANA FULVIO | 576,49 EUR |
34 | PIZZINI ORNELLA | 1450,72 EUR |
35 | ACQUISTAPACE ADELE | 941,80 EUR |
36 | CODEGA DANIELA | 782,67 EUR |
37 | BOTTA’ ENZO | 2845,14 EUR |
38 | BONETTI MARIA | 566,42 EUR |
39 | DEI CAS ORNELLA | 1083,78 EUR |
40 | ZEN PATRIZIA | 778,04 EUR |
41 | BORSI ERICA MARTINA | 581,53 EUR |
42 | PINI ADRIANA | 788,11 EUR |
43 | PINI LUCIANA | 581,53 EUR |
44 | SENINI LORENZA | 788,11 EUR |
45 | PIZZATTI CASACCIA MASSIMO | 1164,35 EUR |
46 | QUADRIO FELICE | 1614,52 EUR |
47 | COMOLATTI VALERIA | 773 EUR |
48 | DELLA MARTA GIUSEPPE | 773 EUR |
49 | FOPPOLI ALESSANDRO | 1549,76 EUR |
50 | GHILOTTI GIUSEPPINA | 961,09 EUR |
51 | IRRONEO MONICA | 773 EUR |
52 | PAROLINI GIOVANNI | 667,26, EUR |
53 | POLETTI MARISA | 2271,76 EUR |
54 | PONCETTA OSVALDO | 2845,14 EUR |
55 | RUSCONI NADIA | 2140,11 EUR |
56 | VISINI ANTONIO | 1078,74 EUR |
57 | SCIANI NICOLETTA | 1033 EUR |
58 | TAVELLI ANTONELLA | 783,08 EUR |
59 | MAZZOLINI FRANCO | 5013,55 EUR |
60 | ROSSINI LUISA DONATA | 1634,52 EUR |
61 | PELOSI GIANPIERO | 566,42 EUR |
33. Dans la requête 16797/09, le requérant demande 18 250 EUR plus 5 8000 EUR correspondant à la différence entre les indemnités de retraite et 1 700 EUR par an du 1er septembre 2007 au 28 février 2011 pour perte de pension.
34. Les requérants demandent ces sommes en faisant référence à la différence entre la tranche salariale dans laquelle ils ont été classés et celle dans laquelle ils auraient dû être classés. Par conséquent ils réclament la différence entre la rétribution qu’ils perçoivent effectivement et celle à laquelle ils auraient dû avoir droit en l’absence de l’intervention législative litigieuse. Les requérants demandent également à la Cour de considérer la différence de rétribution dont ils ne pourront plus disposer jusqu’à l’âge de la retraite.
35. Le Gouvernement conteste les prétentions des requérants et considère leurs demandes excessives et non fondées surtout en ce qui concerne les différences de rétribution pour les années à venir.
36. La Cour relève que la seule base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside en l’espèce dans le fait que les requérants n’ont pu jouir des garanties de l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour ne saurait certes spéculer sur ce qu’eût été l’issue du procès dans le cas contraire, mais n’estime pas déraisonnable de penser que les intéressés ont subi une perte de chances réelle (voir, notamment, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres, précité, § 79 ; Lecarpentier c. France, n 67847/01, 14 février 2006, § 61 ; Arras et autres c. Italie no17972/07, 14 février 2012 § 88). Elle tient à souligner qu’en l’espèce la jurisprudence de la Cour de cassation était, avant l’adoption de la loi litigieuse, favorable à la position des requérants. Ainsi, si aucune violation de la Convention ne s’était produite, la situation des requérants aurait vraisemblablement été différente, dès lors qu’ils auraient pu se voir reconnaître l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales de provenance. Partant, la Cour en déduit que la violation de la Convention constatée en l’espèce est susceptible d’avoir causé aux requérants un dommage matériel. S’agissant de la période allant de l’année 2011 à la mise à la retraite effective, ou pour les requérants qui étaient déjà à la retraite, jusqu’à la fin de leur vie, la Cour constate que le montant des pertes est nécessairement hypothétique puisqu’il dépend notamment de dates non connues au sujet desquelles la Cour ne peut pas se livrer à des spéculations. Ces questions devraient être réservées, le cas échéant, à la compétence des juridictions nationales.
37. Compte tenu de ce qui précède et de sa jurisprudence en la matière, la Cour alloue les sommes suivantes aux requérants au titre du préjudice matériel :
38. Dans la requête 6069/09 :
1 | BORDONI LUCIANO | 3 450 EUR |
2 | BRUSEGHINI GIORGIO | 3 200EUR |
3 | GHERARDI LETIZIA | 2 300 EUR |
4 | MAZZONI MARIA GRAZIA | 5 100 EUR |
5 | MOLTONI ENRICO GIOVANNI | 1 550 EUR |
6 | PAGANONI GABRIELLA | 3 250 EUR |
7 | PEDRAZZOLI GIOVANNA | 3 300 EUR |
8 | SCIEGHI SILVANA | 4 350 EUR |
9 | REBAI VALERIO | 4 840 EUR |
10 | TRUTALLI ANTONELLA | 650 EUR |
11 | VILLA GIOVANNI | 1 550 EUR |
12 | ACQUISTAPACE ROSALIA | 150 EUR |
13 | BALITRO EMILIA | 1 270 EUR |
14 | CORBELLINI CECILIA | 1 180 EUR |
15 | PROH MAFALDA | 1 410 EUR |
16 | GADDI VITTORIA | 900 EUR |
17 | SCINETTI EBE | 2 050 EUR |
18 | BERTUZZI NATALINA | 1 260 EUR |
19 | ZEN MASSIMO | 1 750 EUR |
20 | BERTOLINI GIULIA | 3 800 EUR |
21 | FOLINI CARMEN | 7 520 EUR |
22 | TONELLI FLAVIA | 1 00 EUR |
23 | MERLO LENA SILVIA | 900 EUR |
24 | TONOLA GABRIELLA | 1 300 EUR |
25 | FANONI SILVIO | 2 450 EUR |
26 | MUFFATTI UMBERTO | 900 EUR |
27 | FOIANINI VENUSTO | 650 EUR |
28 | ARMANASCO MARIO | 1 950 EUR |
29 | BORDONI CARDELIA | 600 EUR |
30 | MIOTTI FABIOLA | 700 EUR |
31 | SCARAFONI MARIUCCIA | 4 200 EUR |
32 | CODAZZI GIUSEPPINA | 1 300 EUR |
33 | FONTANA FULVIO | 900 EUR |
34 | PIZZINI ORNELLA | 3 000 EUR |
35 | ACQUISTAPACE ADELE | 1 500 EUR |
36 | CODEGA DANIELA | 1 180 EUR |
37 | BOTTA’ ENZO | 4 260 EUR |
38 | BONETTI MARIA | 850 EUR |
39 | DEI CAS ORNELLA | 1 650 EUR |
40 | ZEN PATRIZIA | 1 200 EUR |
41 | BORSI ERICA MARTINA | 900 EUR |
42 | PINI ADRIANA | 1 200 EUR |
43 | PINI LUCIANA | 900 EUR |
44 | SENINI LORENZA | 1 200 EUR |
45 | PIZZATTI CASACCIA MASSIMO | 1 750 EUR |
46 | QUADRIO FELICE | 2 450 EUR |
47 | COMOLATTI VALERIA | 1 150 EUR |
48 | DELLA MARTA GIUSEPPE | 1 150 EUR |
49 | FOPPOLI ALESSANDRO | 2 350 EUR |
50 | GHILOTTI GIUSEPPINA | 1 500 EUR |
51 | IRRONEO MONICA | 1 150 EUR |
52 | PAROLINI GIOVANNI | 1 000 EUR |
53 | POLETTI MARISA | 3 400 EUR |
54 | PONCETTA OSVALDO | 4 260 EUR |
55 | RUSCONI NADIA | 3 250 EUR |
56 | VISINI ANTONIO | 1 650 EUR |
57 | SCIANI NICOLETTA | 1 550 EUR |
58 | TAVELLI ANTONELLA | 1 200 EUR |
59 | MAZZOLINI FRANCO | 7 520 EUR |
60 | ROSSINI LUISA DONATA | 2 450 EUR |
61 | PELOSI GIANPIERO | 900 EUR |
39. Dans la requête 16797/09, la Cour alloue 3 600 EUR au requérant à titre de dommage matériel.
40. Quant au dommage moral, la Cour estime que le constat de violation auquel elle est parvenue constitue en soi une satisfaction équitable pour le préjudice moral subi par les requérants.
B. Frais et dépens
41. S’agissant des frais et dépens, le requérants demandent les sommes suivantes :
- requête no 6069/09 : justificatifs à l’appui, les requérants réclament la somme de 65 399,09 euros pour le frais de la procédure interne. Ils joignent en particulier, le décret d’injonction émis par le Ministère pour récupérer le frais et dépens, à la suite des arrêts de la Cour de cassation qui avait compensé lesdits frais et dépens.
- requête no 16797/09: le requérant demande la somme de 2 900 euros pour les frais de la procédure interne.
42. Le Gouvernement affirme que les observations des requérants ne comprennent aucune prétention, chiffrée et accompagnée des justificatifs pertinents aux termes de l’article 60 du règlement.
43. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, lorsque la Cour constate une violation de la Convention, elle n’accorde au requérant le paiement des frais et dépens qu’il a exposés devant les juridictions nationales que dans la mesure où ils ont été engagés pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation. Tel a été le cas en l’espèce dans la requête no6069/09. En conséquence, en ce qui concerne le montant des frais et honoraires relatifs aux procédures engagées devant les juridictions interne, la Cour l’estime raisonnable et l’accorde en entier.
44. S’agissant de la requête 16797/09, la Cour note que les documents présentés à l’appui de la demande de remboursement des frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour ne sont pas suffisamment détaillés ni ventilées par rubrique ni accompagnées des justificatifs pertinents. La Cour rejette donc la demande formulée par le requérant à ce titre.
C. Intérêts moratoires
45. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare les requêtes recevables ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i) Requête no 6069/09
au titre du préjudice matériel
- 3 450 EUR (trois mille quatre cent cinquante euros) à M. Bordoni
- 3 200 EUR (trois mille deux cent euros) à M. Bruseghini
- 2 300 EUR- (deux mille trois cent euros) à Mme Gherardi
- 5 100 (cinq mille cent euros) à Mme Mazzoni
- 1 550 EUR (mille cinq cent cinquante euros) à M. Moltoni
- 3 250 EUR (trois mille deux cent cinquante euros) à Mme Paganoni
- 3 300 EUR (trois mille trois cent euros) à Mme Pedrazzoli
- 4 350 EUR (quatre mille trois cent cinquante euros) à Mme Scieghi
- 4 840 EUR (quatre mille huit cent quarante euros) à M. Rebai
- 650 EUR (six cent cinquante euros) à Mme Trutalli
- 1550 EUR (mille cinq cent cinquante euros) à M. Villa
- 150 EUR (cent cinquante euros) à Mme Acquistapace Rosalia
- 1 270 EUR (mille deux cent soixante-dix euros) à Mme Balitro
- 1 180 EUR (mille cent quatre-vingt euros) Mme Corbellini
- 1 410 EUR (mille quatre cent dix euros) à Mme Proh
- 900 EUR (neuf cent euros) à Mme Gaddi
- 2 050 EUR (deux mille cinquante euros) à Mme Scinetti
- 1 260 EUR (mille deux cent soixante euros ) à Mme Bertuzzi
- 1 750 EUR (mille sept cent cinquante euros) à M. Zen Massimo
- 3 800 EUR (trois mille huit cent euros) à Mme Bertolini
- 7 520 EUR (sept mille cinq cent vingt euro) à Mme Folini
- 100 EUR (cent euros) à Mme Tonelli
- 900 EUR (neuf cent euros) à Mme Merlo
- 1 300 (mille trois cent euros) à Mme Tonola
- 2 450 (deux mille quatre cent cinquante euros) à M. Fanoni
- 900 EUR (neuf cent euros) à M. Muffatti
- 650 EUR (six cent cinquante euros) à M. Foianini
- 1 950 EUR (mille neuf cent cinquante euros) à M. Armanasco
- 600 EUR (six cent euros) à Mme Bordoni
- 700 EUR (sept cent euros) à Mme Miotti
- 4 200 EUR (quatre mille deux cent euros) à Mme Scarafoni
- 1 300 EUR (mille trois cent euros) à Mme Codazzi
- 900 EUR (neuf cent euros) à M. Fontana
- 3 000 EUR (trois mille euros) à Mme Pizzini
- 1 500 EUR (mille cinq cent euros) à Mme Acquistapace Adele
- 1 180 EUR (mille cent quatre-vingt euros) à Mme Codega
- 4 260 EUR (quatre mille deux cent soixante euros) à M. Bottà
- 850 EUR (huit cent cinquante euros) à Mme Bonetti
- 1 650 EUR (mille six cent cinquante euros) à Mme Dei Cas
- 1 200 EUR (mille deux cent euros) à Mme Zen Patriza
- 900 EUR (neuf cent euros) à Mme Borsi
- 1200 EUR (mille deux cent euros) à Mme Pini Adriana
- 900 EUR (neuf cent euros) à Mme Pini Luciana
- 1 200 EUR (mille deux cent euros) à Mme Senini
- 1 750 EUR (mille sept cent cinquante euros) à M. Pizzatti Casaccia
- 2 450 EUR (deux mille quatre cent cinquante euros) à M. Quadrio
- 1 150 EUR (mille cent cinquante euros) à Mme Comolatti
- 1 150 EUR (mille cent cinquante euros) à M. Della Marta
- 2 350 EUR (deux mille trois cent cinquante euros) à M. Foppoli
- 1 500 EUR (mille cinq cent euros) à Mme Ghilotti
- 1 150 EUR (mille cent cinquante euros) à Mme Irroneo
- 1 000 EUR (mille euros) à Mme Parolini
- 3 400 EUR (trois mille quatre cent euros) à Mme Paoletti
- 4 260 EUR (quatre mille deux cent soixante euros) à M. Poncetta
- 3 250 EUR (trois mille deux cent cinquante euros) à Mme Rusconi
- 1 650 EUR (mille six cent cinquante euros) à M. Visini
- 1 550 EUR (mille cinq cent cinquante euros) à Mme Sciani
- 1 200 EUR (mille deux cent euros) à Mme Tavelli
- 7 520 EUR (sept mille cinq cent vingt euros) à M. Mazzolini
- 2 450 EUR (deux quatre cent cinquante euros) à Mme Rossini
- 900 EUR (neuf cent euros) à M. Pelosi
plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt pour dommage matériel ;
(ii) au titre des frais et dépens :
- 65 399,09 EUR (soixante-cinq mille trois cent quatre-vingt-dix-neuf euros et neuf centimes) conjointement aux requérants plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt aux requérants, pour frais et dépens ;
ii) Requête no 16797/09
au titre du préjudice matériel
- 3 600 EUR (trois mille six cents euros) à M. Scieghi plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 mai 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Abel Campos András Sajó
Greffier adjoint Président
No | Requête No | Requérant Date de naissance Lieu de résidence |
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1. | 6069/09 | Luciano BORDONI et 60 autres
| Par plusieurs arrêts rendus entre mai et juin 2003, le tribunal du travail de Sondrio accueillit le recours des requérants et condamna le ministère à reconnaître l’ancienneté acquise par les requérants auprès de l’autorité locale. Le ministère interjeta appel de ces jugements. Par plusieurs arrêts rendu entre avril et octobre 2004, la cour d’appel confirma les jugements du tribunal, au motif que le ministère n’avait pas respecté l’article 8 de la loi no 124 de 1999. Le ministère se pourvut en cassation. Par plusieurs arrêts rendus le 18 juillet 2008, la Cour de cassation, compte tenu de la nouvelle loi, rejeta le recours des requérants._ |
2. | 16797/09 | Sergio SCIEGHI
| Par un arrêt du 6 septembre 2003, le tribunal du travail de Milan accueillit le recours du requérant et condamna le ministère à reconnaître l’ancienneté acquise par le requérant auprès de l’autorité locale. Le ministère interjeta appel de ce jugement. Par un arrêt du 16 décembre 2004, la cour d’appel confirma le jugement du tribunal, au motif que le ministère n’avait pas respecté l’article 8 de la loi no 124 de 1999. A une date non précisée, le ministère se pourvut en cassation. Par un arrêt du 26 septembre 2008, la Cour de cassation, compte tenu de la nouvelle loi, rejeta le recours du requérant.
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Annexe no2 - liste des requérants de la requête 6069/09 :
| REQUERANTS |
1 | BORDONI LUCIANO |
2 | BRUSEGHINI GIORGIO |
3 | GHERARDI LETIZIA |
4 | MAZZONI MARIA GRAZIA |
5 | MOLTONI ENRICO GIOVANNI |
6 | PAGANONI GABRIELLA |
7 | PEDRAZZOLI GIOVANNA |
8 | SCIEGHI SILVANA |
9 | REBAI VALERIO |
10 | TRUTALLI ANTONELLA |
11 | VILLA GIOVANNI |
12 | ACQUISTAPACE ROSALIA |
13 | BALITRO EMILIA |
14 | CORBELLINI CECILIA |
15 | PROH MAFALDA |
16 | GADDI VITTORIA |
17 | SCINETTI EBE |
18 | BERTUZZI NATALINA |
19 | ZEN MASSIMO |
20 | BERTOLINI GIULIA |
21 | FOLINI CARMEN |
22 | TONELLI FLAVIA |
23 | MERLO LENA SILVIA |
24 | TONOLA GABRIELLA |
25 | FANONI SILVIO |
26 | MUFFATTI UMBERTO |
27 | FOIANINI VENUSTO |
28 | ARMANASCO MARIO |
29 | BORDONI CARDELIA |
30 | MIOTTI FABIOLA |
31 | SCARAFONI MARIUCCIA |
32 | CODAZZI GIUSEPPINA |
33 | FONTANA FULVIO |
34 | PIZZINI ORNELLA |
35 | ACQUISTAPACE ADELE |
36 | CODEGA DANIELA |
37 | BOTTA’ ENZO |
38 | BONETTI MARIA |
39 | DEI CAS ORNELLA |
40 | ZEN PATRIZIA |
41 | BORSI ERICA MARTINA |
42 | PINI ADRIANA |
43 | PINI LUCIANA |
44 | SENINI LORENZA |
45 | PIZZATTI CASACCIA MASSIMO |
46 | QUADRIO FELICE |
47 | COMOLATTI VALERIA |
48 | DELLA MARTA GIUSEPPE |
49 | FOPPOLI ALESSANDRO |
50 | GHILOTTI GIUSEPPINA |
51 | IRRONEO MONICA |
52 | PAROLINI GIOVANNI |
53 | POLETTI MARISA |
54 | PONCETTA OSVALDO |
55 | RUSCONI NADIA |
56 | VISINI ANTONIO |
57 | SCIANI NICOLETTA |
58 | TAVELLI ANTONELLA |
59 | MAZZOLINI FRANCO |
60 | ROSSINI LUISA DONATA |
61 | PELOSI GIANPIERO |