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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MINATSIS v. GREECE - 13558/10 - Committee Judgment (French text) [2014] ECHR 531 (28 May 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/531.html
Cite as: [2014] ECHR 531

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      PREMIÈRE SECTION

       

       

       

       

       

       

       

      AFFAIRE MINATSIS c. GRÈCE

       

      (Requête no 13558/10)

       

       

       

       

       

       

       

       

       

      ARRÊT

       

       

       

      STRASBOURG

       

      28 mai 2014

       

       

       

       

      Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

       


      En l’affaire Minatsis c. Grèce,

      La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

                Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
                Paulo Pinto de Albuquerque,
                Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
      et de André Wampach, greffier adjoint de section,

      Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 mai 2014,

      Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

      PROCÉDURE

      1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 13558/10) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Michail Minatsis (« le requérant »), a saisi la Cour le 19 février 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

      2.  Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

      3.  Le 8 novembre 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

      EN FAIT

      LES CIRCONSTANCES DE L’ESPECE

      4.  Le requérant est né en 1944 et réside à Glyfada. Il est militaire à la retraite.

      A.  Première procédure

      5. Le 11 mars 1999, le requérant introduisit une action en dommages-intérêts contre l’État devant la Cour administrative de première instance du Pirée. En particulier, il sollicita les sommes suivantes : a) 3 790 438 drachmes (11 123,81 euros environ) comme réajustement de sa pension et b) 20 000 000 drachmes (58 694,06 euros environ) comme dommage moral qu’il aurait subi à cause de son licenciement.

      6. Le 31 mars 2002, l’examen de son affaire fut reporté (décision n1304/2002).

      7. Le 31 janvier 2003, le tribunal administratif du Pirée rejeta son action comme irrecevable (arrêt no 143/2003).

      B.  Seconde procédure

      8. Le 15 juillet 2003, le requérant introduisit une nouvelle action contre l’État devant la Cour des comptes. Il sollicita a) 11 653,75 euros comme réajustement de sa pension et b) 58 694,05 euros comme dommage moral qu’il aurait subi à cause de son licenciement.

      9. Le 18 janvier 2008, la Cour des comptes par un arrêt avant dire droit reporta l’examen de l’affaire (décision n181/2008). Une nouvelle audience eut lieu le 7 novembre 2008.

      10. Le 6 novembre 2009, la Cour des comptes accepta partiellement son action. En particulier, elle ordonna l’État à verser au requérant la somme de 1 210,08 euros comme réajustement de sa pension. En outre, ladite Cour rejeta sa demande pour dommage moral comme dénuée de fondement. Elle observa que, en tenant compte de l’âge et du statut social et économique du requérant, ce dernier n’avait pas subi de dommage moral (arrêt no 3325/2009). Cet arrêt lui a été notifié le 27 novembre 2009.

      EN DROIT

      I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

      11.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

      « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

      A.  Sur la recevabilité

      12.  La Cour rappelle qu’elle ne peut être saisie que dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle l’intéressé a pris connaissance de la décision interne définitive. À cet égard, elle note que la première procédure devant le tribunal administratif du Pirée, a pris fin le 31 janvier 2003, à savoir plus de six mois avant le 19 février 2010, date d’introduction de la présente requête.

      13.  Il s’ensuit que ce volet du grief tiré de la durée de la procédure est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

      14.  Ne reste donc en jeu que la seconde procédure engagée par le requérant. La Cour constate que ce volet du grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

      B.  Sur le fond

      1.  Période à prendre en considération

      15.  La période à considérer a débuté le 15 juillet 2003, avec la saisine de la Cour des comptes par le requérant et s’est terminée le 6 novembre 2009, date à laquelle l’arrêt no 3325/2009 de la Cour des comptes a été publié. Elle a donc duré six ans et quatre mois environ pour un degré de juridiction.

      2.  Caractère raisonnable de la procédure

      16. Dans ses observations sur l’article 41, le Gouvernement soutient que le requérant est responsable de retards dans le déroulement de la procédure. En particulier, il allègue que la période entre le 18 janvier 2008, date de publication de la décision n181/2008 de la Cour des comptes et le 7 novembre 2008, date à laquelle une nouvelle audience a eu lieu, soit neuf mois environ, est imputable au requérant. Selon le Gouvernement, la période restante de plus de cinq ans et six mois ne peut pas être considérée comme excessive. Il invoque enfin la surcharge de travail de la Cour des comptes, à l’époque des faits, pour justifier les retards dans le déroulement de la procédure.

      17.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Glentzes c. Grèce, no 28627/08, 13 janvier 2011). Elle note à cet égard qu’il incombe aux États contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, § 26, 21 décembre 2010).

      18.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Glentzes, précité). Elle note que l’affaire ne présentait aucune complexité. Qui plus est, la Cour ne relève aucun élément qui pourrait suggérer la responsabilité du requérant dans l’allongement de la procédure. À supposer même que la période ci-dessus puisse être attribuée au requérant, il n’en demeure pas moins que même si l’on déduit de la durée totale de la procédure, la période restant demeure excessive. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

      19.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

      II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE L’ÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE

      20.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’iniquité de la seconde procédure qu’il a engagée devant la Cour des comptes.

      21.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne l’équité de la procédure en cause.

      22.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

      III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

      23.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

      « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

      A.  Dommage

      24.  Le requérant réclame 96 899,36 euros (EUR) au titre du préjudice matériel. Il réclame en outre 58 694,05 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

      25. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

      26.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que, compte tenu également de l’objet du litige (voir paragraphe 10 ci-dessus), il y a lieu d’octroyer au requérant 1 800 EUR au titre du préjudice moral subi.

      B.  Frais et dépens

      27. Le requérant n’a présenté aucune demande au titre de frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

      C.  Intérêts moratoires

      28.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

      PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

      1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de la durée excessive de la procédure conclue avec l’arrêt no 3225/2009 de la Cour des comptes et irrecevable pour le surplus ;

       

      2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

       

      3.  Dit

      a) que l’État défendeur doit verser 1 800 EUR (mille huit cents euros) au requérant, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

      b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

       

      4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

      Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 mai 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      André Wampach                                                  Mirjana Lazarova Trajkovska
        Greffier adjoint                                                                 
      Présidente


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