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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MARIA ET DOREL-DANUt BARBU v. ROMANIA - 14332/03 - Chamber Judgment (French text) [2014] ECHR 565 (03 June 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/565.html Cite as: [2014] ECHR 565 |
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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MARIA ET DOREL-DĂNUȚ BARBU c. ROUMANIE
(Requête no 14332/03)
ARRÊT
STRASBOURG
3 juin 2014
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Maria et Dorel-Dănuț Barbu c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall,
président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 mai 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 14332/03) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants de cet État, Mme Maria Barbu et M. Dorel-Dănuţ Barbu (« les requérants »), ont saisi la Cour le 4 avril 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Par un arrêt du 23 mars 2010 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 du fait de la non-exécution des décisions judiciaires du 18 mai 1992 et du 9 janvier 1995 ordonnant aux commissions départementale et locale d’attribuer en propriété et de mettre les requérants en possession d’un terrain de 5 000 m² attenant à leur maison (Maria et Dorel-Dănuţ Barbu c. Roumanie, §§ 39, 44, no 14332/03, 23 mars 2010).
3. En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requérants réclamaient à titre principal l’attribution en propriété du terrain de 5 000 m² attenant à la maison et en subsidiaire une indemnisation équivalente à la valeur marchande de leur bien. Ils réclamaient également une réparation du préjudice moral. Les requérants ne demandaient aucune somme pour frais et dépens.
4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée en entier et a invité les parties à lui soumettre par écrit, dans les six mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel elles pourraient aboutir (ibidem, § 53, et point 4 du dispositif de l’arrêt au principal).
5. Par une lettre du 23 juillet 2013, la Cour a invité les parties à soumettre leurs éventuels commentaires et propositions actualisés. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations et commentaires.
EN DROIT
6. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
7. Dans leur courrier du 6 septembre 2013, s’appuyant sur un rapport d’expert datant de 2007, les requérants réclament: l’octroi d’un montant de 1 920 000 RON (soit environ 568 000 EUR) pour la valeur marchande du terrain de 5 000 m2; ou bien la délivrance d’un titre de propriété pour la partie de terrain d’environ 1 000 m2 dont ils ont déjà la possession, et l’octroi d’un montant de 1 536 000 RON (soit environ 454 000 EUR) pour le restant du terrain.
Les requérants réclament également 30 000 EUR au titre du préjudice moral.
8. Dans ses observations actualisées, le Gouvernement invite la Cour à rejeter la demande de satisfaction équitable formulée par les requérants. En premier lieu il estime que les requérants devaient épuiser les nouvelles voies de recours introduites par la loi no 165/2013. En tout état de cause, le Gouvernement estime exorbitantes les prétentions des requérants. À cet égard il soutient que la valeur du bien devrait être calculée selon les critères fixés par le tableau d’estimation des prix de l’immobilier réalisé par la chambre des notaires, instrument prévu par la loi no 165/2013 pour l’évaluation des immeubles visés par les lois de restitution. Il soumet à cet effet un document établi en septembre 2013 par l’Autorité Nationale pour la Restitution des Propriétés indiquant que la valeur du bien non-restitué aux requérants est de 144 120 RON (soit environ 32 000 EUR).
Le Gouvernement affirme qu’aucun lien de causalité entre la violation de la Convention et le préjudice moral allégué n’a pas été démontré et qu’un éventuel constat de violation pourrait constituer en soi une réparation suffisante.
9. En ce qui concerne l’observation du Gouvernement au sujet du nouveau remède à épuiser selon la loi no 165/2013, la Cour ne peut pas accepter, à ce stade de la procédure, l’argument du non-épuisement des nouvelles voies de recours internes pour l’octroi d’une indemnisation, alors que la Cour s’est déjà prononcée sur le fond de l’affaire (Xenides-Arestis c. Turquie (satisfaction équitable), no 46347/99, § 37, 7 décembre 2006).
10. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI). En l’espèce, elle rappelle avoir conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, du fait de la non-exécution des décisions judiciaires du 18 mai 1992 et du 9 janvier 1995 ordonnant aux commissions départementale et locale d’attribuer en propriété et de mettre les requérants en possession d’un terrain de 5 000 m² attenant à leur maison.
11. La Cour considère que les requérants ont incontestablement subi un préjudice matériel en relation directe avec la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1.
12. Pour déterminer le préjudice éprouvé du fait de la privation de propriété subie, la Cour tient compte des circonstances de chaque espèce et jouit d’une grande marge d’appréciation (voir, par exemple, Agrokompleks c. Ukraine (satisfaction équitable), no 23465/03, §§ 81-84, 25 juillet 2013).
13. En l’espèce, la Cour estime que, pour placer les requérants, autant que possible, dans une situation équivalente à celle où ils se trouveraient si les exigences des articles susmentionnés n’avaient pas été méconnues, l’État défendeur doit:
i) délivrer aux requérants un titre de propriété pour la partie de terrain se trouvant en leur possession et
ii) mettre les requérants en possession effective et leur délivrer un titre de propriété sur le restant de ce terrain.
14. À défaut pour l’État défendeur d’avoir procédé à l’opération ci-dessus mentionnée au paragraphe § 13, sous ii), dans un délai de trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif, la Cour estime qu’il y a lieu à allouer aux requérants une somme en rapport directe avec la valeur actuelle du bien (Loizidou c. Turquie (article 50), 29 juillet 1998, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV ; voir Străin et autres c. Roumanie, no 57001/00, § 81, CEDH 2005-VII). À cet égard, elle décide que l’État défendeur doit verser conjointement aux intéressés la somme de 35 000 EUR pour dommage matériel correspondant au restant du terrain non-restitué.
15. De surcroît, la Cour estime que les requérants ont subi un préjudice moral du fait notamment de la frustration provoquée par l’impossibilité de voir exécuter les décisions judiciaires du 18 mai 1992 et du 9 janvier 1995 rendues en leur faveur, et que ce préjudice n’est pas suffisamment compensé par un constat de violation. Dans ces circonstances, eu égard à l’ensemble des éléments en sa possession et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour alloue conjointement aux requérants la somme de 4 700 EUR, au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
16. Les requérants n’ont pas soumis de demande à ce titre.
C. Intérêts moratoires
17. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ
1. Dit
a) que l’État défendeur doit, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention:
i) délivrer aux requérants un titre de propriété pour la partie de terrain se trouvant en leur possession et
ii) mettre les requérants en possession effective et leur délivrer un titre de propriété sur le restant de ce terrain;
b) qu’à défaut d’avoir accompli l’opération ci-dessus mentionnée sous a) ii), l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans un délai de trois mois, la somme de 35 000 EUR (trente-cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;
c) qu’en tout état de cause, l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans le délai susmentionné, 4 700 EUR (quatre mille sept cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
d) que les sommes en question seront à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
e) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 juin 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago
Quesada Josep
Casadevall
Greffier Président