BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> SIMON v. ROMANIA - 34945/06 - Chamber Judgment (French Text) [2014] ECHR 688 (01 July 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/688.html
Cite as: [2014] ECHR 688

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE SIMON c. ROUMANIE

     

    (Requête no 34945/06)

    ARRÊT

     

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    1er juillet 2014

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Simon c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Ján Šikuta,
              Dragoljub Popović,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco,
              Iulia Antoanella Motoc, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 juin 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 34945/06) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Adolf Simon (« le requérant »), a saisi la Cour le 28 juin 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

    3.  Le requérant allègue en particulier que sa détention provisoire a méconnu l’article 5 de la Convention.

    4.  Le 11 juillet 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1954 et réside à Ghiroda Veche.

    6.  Le 21 octobre 2004, le requérant fut placé en garde à vue sur ordre du parquet qui l’accusait d’escroquerie, de faux et d’usage de faux. Le parquet retint qu’entre 1999 et 2004 le requérant avait contracté plusieurs crédits bancaires en se servant de faux documents et qu’il avait émis des chèques sans provision au nom de plusieurs sociétés commerciales, provoquant ainsi pour sept sociétés commerciales et trois banques un préjudice total d’environ 17 000 euros.

    7.  Le 22 octobre 2004, sur demande du parquet, le tribunal de première instance de Timişoara ordonna le placement en détention provisoire du requérant au motif que la peine de prison encourue était supérieure à quatre ans et que sa remise en liberté présentait un danger pour l’ordre public compte tenu de ses agissements et du nombre d’infractions qu’il avait commises. L’enquête étant toujours en cours, le tribunal prolongea par la suite la détention provisoire. Le requérant forma des pourvois qui furent rejetés par le tribunal départemental de Timiş.

    8.  Par un réquisitoire du 19 janvier 2005, le parquet renvoya le requérant et un complice devant le tribunal de première instance de Timişoara pour répondre des chefs d’accusation susmentionnés.

    9.  Au cours de la première audience, qui eut lieu le 21 janvier 2005, le tribunal de première instance de Timişoara examina d’office la légalité et l’opportunité du maintien en détention du requérant.

    10.  Il nota que le requérant avait reconnu la majorité des faits qui lui étaient reprochés, mais il estima que son maintien en détention était justifié dès lors que sa remise en liberté risquait de constituer une menace pour l’ordre public. À cet égard, le tribunal considéra que, au vu des agissements du requérant et du préjudice porté aux parties civiles, une mesure de remise en liberté pouvait avoir un impact négatif sur l’opinion publique. Il conclut que les motifs qui avaient justifié le placement en détention, dont notamment le trouble à l’ordre public, étaient toujours valables.

    11.  Le tribunal de première instance de Timişoara examina ensuite à intervalles réguliers les demandes de mise en liberté formées par le requérant et l’opportunité de son maintien en détention.

    12.   Celui-ci demanda sa remise en liberté au motif que la détention provisoire n’était plus justifiée. Il alléguait également que, du fait de son incarcération, sa famille se trouvait dans une situation matérielle difficile. Il exposa enfin qu’il souffrait de nombreuses maladies qui ne pouvaient pas être soignées en prison.

    13.  Une expertise médicale ordonnée par le tribunal conclut que l’état de santé du requérant était compatible avec le régime de détention. Les autres arguments du requérant furent écartés au motif qu’ils n’étaient pas pertinents pour l’application de l’article 148 h) du code de procédure pénale.

    14.  Ainsi au terme des audiences des 16 mars, 6 avril, 4 et 18 mai, 29 juin, 26 août, 14 septembre, 12 octobre, 2 novembre et 21 décembre 2005 et du 25 janvier 2006, le tribunal de première instance de Timişoara rejeta les demandes de remise en liberté du requérant et prolongea sa détention en vertu de l’article 148 h) du code de procédure pénale. Le tribunal précisa que l’opinion publique serait négativement affectée si elle apprenait que des personnes poursuivies pour plusieurs infractions étaient remises en liberté avant la fin de la procédure. Il ajouta que les faits incriminés n’étaient pas suffisamment anciens pour que l’écoulement du temps ait effacé leur impact négatif sur l’opinion publique.

    15.  Les pourvois formés par le requérant contre les décisions de maintien en détention furent rejetés par le tribunal départemental de Timiş qui estima que les motifs qui avaient justifié son placement en détention étaient toujours valables.

    16.  Le 29 juin 2005, le tribunal décida de joindre à la procédure un autre dossier concernant le même type d’infractions commises en 2004 par un tiers avec l’aide du requérant. Il entendit plusieurs témoins et les parties versèrent diverses pièces au dossier.

    17.  Par un jugement du 1er mars 2006, le requérant fut condamné à une peine de cinq ans de prison pour escroquerie, faux et usage de faux, ainsi qu’à la réparation du dommage matériel subi par les parties civiles.

    18.  Les juridictions internes continuèrent à vérifier à intervalles réguliers l’opportunité du maintien en détention provisoire du requérant dès lors que, selon le droit interne, cette mesure ne prenait fin qu’au moment où le jugement rendu en premier ressort devenait définitif.

    19.  Le requérant demanda sa remise en liberté. Il soutenait que le maintien en détention était dépourvu de base légale à compter du 24 octobre 2005, date à laquelle, selon lui, les sections réunies de la Haute Cour de cassation et de justice avaient défini dans leur arrêt le champ d’application de l’infraction d’escroquerie prévue par le code pénal. Il alléguait que, en vertu de cet arrêt, la peine encourue était inférieure à la période de détention qu’il avait déjà effectuée.

    20.  Le tribunal départemental et la cour d’appel prolongèrent la détention de l’intéressé, estimant que les motifs qui avaient justifié son placement en détention étaient toujours valables. Cependant, à l’occasion de l’un de ces contrôles, le 5 octobre 2006, la cour d’appel de Timişoara considéra que la détention provisoire avait dépassé la durée raisonnable et ordonna la remise en liberté du requérant.

    21.  L’appel du requérant contre le jugement rendu en première instance fut rejeté par un arrêt du 20 octobre 2006 du tribunal départemental de Timiş. Le pourvoi du requérant fut partiellement accueilli par un arrêt définitif du 9 mars 2009 de la cour d’appel de Timişoara qui constata la prescription de la responsabilité pénale pour une partie des infractions.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    22.  Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure pénale étaient ainsi libellées à l’époque des faits :

    Article 143

    « L’autorité de poursuite peut placer une personne en garde à vue si des preuves ou indices raisonnables montrent que celle-ci a commis un fait prohibé par la loi pénale (...) »

    Article 148

    « La mise en détention de l’inculpé peut être ordonnée si les conditions prévues par l’article 143 sont remplies et dans l’un des cas suivants :

    (...)

    h)  l’inculpé a commis un crime ou un délit pour lequel la loi prévoit une peine d’emprisonnement supérieure à quatre ans et il existe des preuves certaines que son maintien en liberté constituerait un danger pour l’ordre public. »

    Article 155

    « La durée de la détention provisoire de l’inculpé peut être prolongée en cas de nécessité et à condition d’être motivée.

    La prolongation de la durée de la détention provisoire peut être ordonnée par le tribunal qui est compétent pour statuer sur le bien-fondé des accusations (...) »

    Article 160 b)

    « S’il constate que les motifs qui avaient justifié le placement en détention n’existent plus et qu’il n’y a pas de nouveaux motifs, le tribunal ordonne la remise en liberté de l’inculpé. »

    Article 300-1

    « À la première audience sur le fond, le tribunal vérifie d’office la légalité et le bien-fondé de la détention. »

    Article 300-2

    « Au cours de la procédure, le tribunal vérifie d’office [au minimum tous les soixante jours] la légalité et le bien-fondé de la détention. »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION

    23.  Invoquant les articles 5 § 1 et 6 de la Convention, le requérant soutient que les tribunaux internes n’ont pas motivé de manière pertinente leurs décisions de prolongation de sa détention provisoire.

    24.  La Cour rappelle que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. Elle estime nécessaire, dans les circonstances de la présente affaire, d’examiner les griefs du requérant sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :

    « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

    A.  Sur la recevabilité

    25.  Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Arguments des parties

    26.  Le requérant soutient que les autorités n’ont pas justifié de manière pertinente pourquoi elles ont estimé nécessaire de le maintenir en détention provisoire pendant presque deux ans. Il expose qu’il n’était pas nécessaire de le garder en détention pendant le procès en première instance dès lors que toutes les preuves avaient, selon lui, été administrées au cours de l’enquête. Enfin, le requérant critique les décisions des juridictions internes qui ont ignoré les conclusions de l’arrêt du 24 octobre 2005 de la Cour de cassation en vertu desquelles, toujours selon lui, la détention provisoire n’avait plus de base légale.

    27.  Se référant principalement à certains passages du formulaire de requête, le Gouvernement soutient que le grief tiré de l’article 5 de la Convention concerne la période comprise entre le 24 octobre 2005 et le 1er mars 2006, date de la condamnation en première instance. Il indique ensuite que le requérant a omis de faire appel contre quatre décisions de prolongation de la détention. Dès lors, il estime que la période comprise entre les décisions non contestées devrait être déduite de la période totale de la détention.

    28.  Par ailleurs, il estime que les juridictions nationales ont justifié de manière pertinente et suffisante la nécessité de prolonger le maintien en détention provisoire de l’intéressé.

    29.  Il ajoute que les tribunaux internes se sont penchés sur les circonstances spécifiques de l’affaire, faisant notamment des démarches afin d’établir si son état de santé était compatible avec la détention, et qu’ils ont analysé et répondu aux arguments de l’intéressé et que, enfin, celui-ci a pu exercer des recours contre les décisions de prolongation de sa détention.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  La période à prendre en considération

    30.  La Cour rappelle que la période couverte par l’article 5 § 1 c) de la Convention prend généralement fin à la date où il est statué sur le bien-fondé de l’accusation portée contre l’intéressé, fût-ce seulement en première instance (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 104, CEDH 2000-XI, et Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 66, 28 novembre 2002) et que celle à prendre en considération sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention est la même que pour l’article 5 § 1 c) de la Convention (Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 107, CEDH 2006-III).

    31.  En l’espèce, la Cour note que si le requérant se plaint expressément dans son formulaire de requête de l’absence de base légale de la détention postérieure à l’arrêt de la Haute Cour du 24 octobre 2005, il se plaint également d’un défaut de motivation pertinente des décisions de prolongation de la détention. Un grief étant caractérisé par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (voir, mutatis mutandis, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil des arrêts et décisions 1998-I), la Cour estime que la période à prendre en considération ne saurait être limitée à la détention provisoire postérieure au 24 octobre 2005.

    32.  La Cour relève ensuite que le requérant a formé des recours contre onze des quinze décisions prolongeant sa détention. Elle rappelle que, aux fins de l’épuisement des voies de recours internes, un requérant n’est pas tenu de faire appel contre chaque ordonnance portant sur la prolongation de sa détention provisoire (Hamvas c. Roumanie, no 6025/05, § 37, 9 juillet 2013).

    33.  Elle observe que les recours formés en l’espèce ont donné à la juridiction de recours l’occasion de se prononcer sur les motifs avancés par le tribunal de première instance pour maintenir le requérant en détention et de remédier à la situation. Par ailleurs, au vu de la fréquence à laquelle le tribunal a statué sur la détention provisoire, l’on ne saurait reprocher au requérant de ne pas avoir introduit de recours contre chacune des décisions rendues à ce sujet (voir, mutatis mutandis, Knebl c. République tchèque, no 20157/05, § 56, 28 octobre 2010).

    34.  À la lumière des considérations ci-dessus, la Cour note que, dans la présente affaire, la période visée par l’article 5 § 3 a commencé le 21 octobre 2004, date de l’arrestation du requérant, et qu’elle a pris fin le 1er mars 2006, date de sa condamnation en première instance. Cette période a donc duré un an, quatre mois et sept jours. La Cour estime que cette durée est suffisamment long pour pouvoir poser problème sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention.

    b)  Quant à la justification de la détention provisoire

    35.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une détention ne se prête pas à une évaluation abstraite (Patsouria c. Géorgie, no 30779/04, § 62, 6 novembre 2007). Tout maintien en détention provisoire d’un accusé, même pour une courte durée, doit être justifié de manière convaincante par les autorités (voir, parmi d’autres, Chichkov c. Bulgarie, no 38822/97, § 66, CEDH 2003-I, et Musuc c. Moldova, no 42440/06, § 41, 6 novembre 2007).

    36.  La Cour rappelle également les quatre raisons fondamentales pouvant justifier la détention provisoire d’une personne accusée d’avoir commis une infraction : le risque que l’accusé ne prenne la fuite (Stögmuller c. Autriche, 10 novembre 1969, § 15, série A no 9), et le risque que, une fois remis en liberté, il n’entrave l’administration de la justice (Wemhoff c. Allemagne, 27 juin 1968, § 14, série A no 7), ne commette de nouvelles infractions (Matznetter c. Autriche, 10 novembre 1969, § 9, série A no 10) ou ne trouble l’ordre public (Letellier c. France, 26 juin 1991, § 51, série A no 207).

    37.  En l’espèce, la Cour note que la détention provisoire a été prolongée du 22 octobre 2004 au 19 janvier 2005 pour les besoins de l’enquête. Elle admet que, dans les circonstances de l’affaire, ces raisons étaient pertinentes et suffisantes pour justifier la prolongation de la mesure de détention provisoire de l’intéressé au début de l’enquête.

    38.  Cependant, force est de constater qu’à partir du 21 janvier 2005, le tribunal a prolongé la détention et rejeté les demandes d’élargissement du requérant en évoquant principalement la nécessité de maintenir l’ordre public et l’impact négatif que sa remise en liberté était susceptible d’avoir sur l’opinion publique.

    39.  La Cour admet que l’impact négatif sur l’opinion publique aurait pu constituer, en l’espèce, un facteur pertinent, surtout au début de l’enquête, mais elle note que les juridictions nationales ont continué à s’y référer de manière abstraite sans préciser en quoi la remise en liberté du requérant, en tant que telle, aurait eu pour effet de troubler l’ordre public (voir, mutatis mutandis, Lauruc c. Roumanie, no 34236/03, § 81, 23 avril 2013). En tout état de cause, ce motif ne peut justifier à lui seul le maintien en détention provisoire pour une période assez longue, et ce d’autant moins qu’à aucun moment, le risque d’une entrave à la procédure en cas de remise en liberté n’a été évoqué.

    40.  La Cour estime également que le renvoi systématique à la gravité des faits commis et à la manière dont ils auraient été perpétrés ne saurait suppléer le défaut de motivation concrète fondée sur des faits pertinents liés à la personne du requérant, sur l’existence d’une menace pour l’ordre public ou sur tout autre motif conforme à la jurisprudence de la Cour. S’agissant de la sévérité de la peine encourue, il convient de rappeler que le maintien en détention ne saurait servir à anticiper sur une peine privative de liberté en s’appuyant essentiellement et de manière abstraite sur la gravité des faits reprochés (Lauruc, précité, § 82).

    41.  Enfin, la Cour observe que si les juridictions internes se sont assurées que l’état de santé du requérant était compatible avec la détention, elles ont prolongé cette mesure sans avoir égard à sa situation familiale et sans envisager des mesures autres que la détention. Elle considère qu’une telle approche n’est pas compatible avec les garanties prévues par l’article 5 § 3 de la Convention.

    42.  Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime qu’en choisissant de s’appuyer principalement sur l’impact que les faits reprochés au requérant risquaient d’avoir sur l’opinion publique, sans examiner le cas particulier de celui-ci, les autorités n’ont pas fourni des motifs « pertinents et suffisants » pour justifier la nécessité de maintenir l’intéressé en détention provisoire pendant la période en cause.

    43.  Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de rechercher de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (voir, mutatis mutandis, Calmanovici c. Roumanie, no 42250/02, § 101, 1er juillet 2008).

    44.  Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    45.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    46.  Le requérant réclame 100 000 euros (EUR) ainsi que 200 EUR pour chaque mois de détention, au titre du préjudice matériel correspondant aux pertes financières qui auraient découlé de son placement et de son maintien en détention. Il s’en remet à la sagesse de la Cour pour la réparation du préjudice moral qu’il dit avoir subi en raison de la souffrance et de la détresse causées par la violation dénoncée.

    47.  Le Gouvernement souligne que le requérant n’a pas prouvé l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice matériel allégué et la prétendue violation. Il considère en outre que le constat d’une violation constituerait une réparation satisfaisante du préjudice moral prétendument subi par le requérant.

    48.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 2 000 EUR pour dommage moral.

    B.  Frais et dépens

    49.  Le requérant n’a pas présenté de demande à ce titre.

    C.  Intérêts moratoires

    50.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 2 000 EUR (deux mille euros), à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 1er juillet 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/688.html