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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BIFULCO AND OTHERS v. ITALY - 14625/03 14628/03 15007/03 - Committee Judgment (French Text) [2014] ECHR 828 (22 July 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/828.html Cite as: [2014] ECHR 828 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE BIFULCO ET AUTRES c. ITALIE
(Requêtes nos 14625/03, 14628/03 et 15007/03)
ARRÊT
STRASBOURG
22 juillet 2014
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Bifulco et autres c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :
Nebojša Vučinić,
président,
Paul Lemmens,
Egidijus Kūris, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juillet 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouvent trois requêtes (nos 14625/03, 14628/03 et 15007/03) dirigées contre la République italienne et dont trois ressortissants de cet Etat (« les requérants », voir tableau en annexe), ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Mes M.G. Rescigno et A. Caruso, avocats à Cicciano (Naples). Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son ancien agent, M. I.M. Braguglia, et son ancien coagent, M. N. Lettieri.
3. En mai 2006, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement. En application du Protocole no 14, elles ont été attribuées à un Comité.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Les requérants, parties à des procédures judiciaires, ont saisi les juridictions compétentes au sens de la loi « Pinto » afin de se plaindre de la durée de ces procédures.
5. Les faits essentiels des requêtes ressortent des informations contenues dans le tableau en annexe au présent arrêt.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
6. Le droit et la pratique internes pertinents figurent dans l’arrêt Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, §§ 23-31, CEDH 2006-V.
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
7. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
8. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée des procédures principales et de l’insuffisance des indemnisations « Pinto ». Sans invoquer aucune disposition, ils se plaignent également du retard dans l’exécution des décisions « Pinto ».
9. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
10. La Cour estime qu’il convient d’analyser les griefs des requérants sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
1. Tardiveté des requêtes
11. Le Gouvernement excipe de la tardiveté des requêtes quant au grief portant sur la durée des procédures principales et le caractère prétendument inadéquat du redressement accordé dans le cadre du remède interne, les requérants n’ayant contesté l’issue des procédures « Pinto » dans les six mois à compter des clôtures de celles-ci. À titre subsidiaire, le Gouvernement soutient qu’ils auraient dû informer la Cour au cours de l’année suivant le dépôt des décisions « Pinto », en application d’un principe général qui imposerait aux requérants de fournir des renseignements sur leurs requêtes dans un délai d’un an à compter de la suspension.
12. La Cour constate qu’en l’espèce les décisions internes passèrent en force de chose jugée le 26 octobre 2002 (voir tableau en annexe). Les requêtes ayant été introduites entre le 10 et le 11 avril 2003, dans les délais prévus à l’article 35 § 1 de la Convention, la Cour rejette l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.
2. Conclusion
13. La Cour constate que ces griefs ne se heurtent à aucun autre des motifs d’irrecevabilité inscrits à l’article 35 § 3 de la Convention. Aussi, les déclare-t-elle recevables.
B. Sur le fond
1. Sur le grief tiré de la durée des procédures principales et de l’insuffisance du redressement obtenu dans le cadre du remède « Pinto »
14. La Cour constate que les procédures litigieuses ont duré, respectivement :
i. no 14625/03 : 8 ans et 7 mois pour un degré de juridiction ;
ii. no 14628/03 : 7 ans et 5 mois pour un degré de juridiction ;
iii. no 15007/03 : 6 ans et 4 mois pour un degré de juridiction.
15. La Cour a traité à maintes reprises des requêtes soulevant des questions semblables à celles des cas d’espèce et a constaté une méconnaissance de l’exigence du « délai raisonnable », compte tenu des critères dégagés par sa jurisprudence bien établie en la matière (voir, en premier lieu, Cocchiarella précité). N’apercevant rien qui puisse mener à une conclusion différente dans la présente affaire, la Cour estime qu’il y a également lieu de constater, dans chaque requête, une violation de l’article 6 § 1 de la Convention pour les mêmes motifs.
2. Sur le grief portant sur le versement tardif des indemnisations « Pinto »
16. Le Gouvernement allègue que ledit retard serait compensé par l’octroi d’intérêts moratoires au moment du paiement.
17. La Cour rappelle avoir déjà admis qu’une administration puisse avoir besoin d’un certain laps de temps pour procéder à un paiement. Néanmoins, s’agissant d’un recours indemnitaire visant à redresser les conséquences de la durée excessive de procédures, ce laps de temps ne devrait généralement pas dépasser six mois à compter du moment où la décision d’indemnisation est devenue exécutoire (voir, entre autres, Cocchiarella, précité, § 89).
18. En outre, une autorité de l’État ne saurait prétexter du manque de ressources pour ne pas honorer une dette fondée sur une décision de justice (voir Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 35, CEDH 2002-III ; Cocchiarella, précité, § 90 ;). La Cour estime, enfin, qu’eu égard à la nature de la voie de recours interne, le versement des intérêts moratoires ne saurait être déterminant (voir, mutatis mutandis, Simaldone c. Italie, no 22644/03, § 63, 31 mars 2009).
19. En l’espèce, la Cour constate que le retard dans le versement des sommes accordées par les cours d’appel est compris entre 42 et 44 mois à compter de la date du dépôt au greffe des décisions Pinto (voir le tableau en annexe), donc bien au-delà des six mois prévu par la jurisprudence consolidée de la Cour.
20. Il y a eu, partant, violation du droit des requérants à l’exécution des décisions judiciaires garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
21. Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de l’ineffectivité du remède « Pinto » en raison de l’insuffisance de la réparation octroyée par les cours d’appel « Pinto ».
22. La Cour rappelle que, selon la jurisprudence Delle Cave et Corrado c. Italie (no 14626/03, §§ 43-46, 5 juin 2007) et Simaldone (précité, §§ 71-72), l’insuffisance de l’indemnisation « Pinto » ne remet pas en cause l’effectivité de cette voie de recours. Partant, il y a lieu de déclarer ce grief irrecevable pour défaut manifeste de fondement au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
23. Invoquant l’article 53 de la Convention, les requérants allèguent en outre que le système juridique national offrirait une garantie inférieure par rapport au niveau de protection établi par la Convention.
24. La Cour est de l’avis que les requérants se plaignent en substance de l’inefficacité du remède « Pinto ». Ce grief est donc absorbé par celui tiré de l’article 13 de la Convention et doit par conséquent suivre le même sort.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
25. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
26. Les requérants réclament les sommes suivantes au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.
|
No requête |
Prétentions au titre du préjudice moral
|
1. |
14625/03
|
5 647 EUR |
2.
|
14628/03 |
5 371 EUR |
3.
|
15007/03 |
3 734 EUR |
27. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
28. Compte tenu de la solution adoptée dans l’arrêt Cocchiarella (précité, §§ 139-142 et 146) et statuant en équité, la Cour alloue aux requérants les sommes indiquées dans le tableau ci-dessous, comparées aux montants qu’elle aurait octroyés en l’absence de voie de recours interne, au vu de l’objet de chaque litige, de l’enjeu des procédures et de l’existence de retards imputables aux requérants.
|
Numéro |
Somme que la Cour aurait accordée en l’absence de voies de recours internes |
Somme accordée pour dommage moral |
1. |
14625/03 |
12 000 EUR |
3 400 EUR + 200 EUR (retard de plus de 6 mois dans le paiement de l’indemnisation « Pinto »)
|
2. |
14628/03 |
8 000 EUR |
2 600 EUR + 200 EUR (retard de plus de 6 mois dans le paiement de l’indemnisation « Pinto »)
|
3. |
15007/03 |
6 000 EUR |
1 900 EUR + 200 EUR (retard de plus de 6 mois dans le paiement de l’indemnisation « Pinto »)
|
B. Frais et dépens
29. Les requérants demandent également des sommes comprises entre 3 771 et 4 940 EUR pour les frais et dépens engagés au cours de la procédure « Pinto » et devant la Cour.
30. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
31. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Can et autres c. Turquie, no 29189/02, § 22, 24 janvier 2008). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).
32. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable d’allouer 1 000 EUR pour chaque requête au titre des frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
33. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare les requêtes recevables ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée excessive de la procédure ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison du retard mis par les autorités nationales à se conformer aux décisions « Pinto »;
5. Dit que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois,
a) les sommes suivantes, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, à titre de dommage moral :
i. no 14625/03 : 3 600 EUR (trois mille six cents euros) ;
ii. no 14628/03 : 2 800 EUR (deux mille huit cents euros) ;
iii. no 15007/03 : 2 100 EUR (deux mille cents euros).
b) 1 000 EUR pour les frais et dépens, pour chaque requête, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;
c) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juillet 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Abel
Campos Nebojša Vučinić
Greffier adjoint Président
ANNEXE
Requêtes/détails requérants et dates d’introduction |
Procédure Principale |
Procédure « Pinto » |
||||
Durée globale |
Informations complémentaires |
Autorité judiciaire (RG no) |
Date de l’introduction / Date du dépôt de la décision |
/ Date à laquelle la décision « Pinto » est passée en force de chose jugée |
Sommes Accordées (dommage moral + frais et dépens EUR) / Date du paiement |
|
14625/03 Bifulco c. Italie Introduite le 11/04/2003
Sergio BIFULCO, ressortissant italien, né en 1954 |
8 ans et 7 mois pour un degré de juridiction |
Autorité judiciaire : · Tribunal de Naples (R.G. no 2250/92) Début de la procédure: 9 mars 1992 Fin de la procédure : 27 octobre 2000
Objet : injonction de paiement d’honoraires
|
Rome (RG no 5937/01) |
27 septembre 2001 / 2 mai 2002 |
La décision Pinto a été notifiée le 12 juillet 2002 et a acquis l’autorité de la chose jugée le 26 octobre 2002 (le délai de procédure de 60 jours pour se pourvoir en cassation reste suspendu entre le 1er août et le 15 septembre, voir loi no 742/1969)
|
2 000 + 1 300 / 17 novembre 2005
|
14628/03 Mura c. Italie Introduite le 11/04/2003
Salvatore MURA, ressortissant italien, né en 1971 |
7 ans et 5 mois pour un degré de juridiction |
Autorité judiciaire : · Tribunal de Naples (R.G. no 27337/93) Début de la procédure: 27 décembre 1993 Fin de la procédure : 5 juin 2001
Objet : Action en dommage intérêt pour le préjudice découlant d’un accident de la route
|
Rome (RG no 5929/01
|
27 septembre 2001 / 4 mars 2002 |
12 juillet 2002 / 26 octobre 2002
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1 032 + 402/ 17 novembre 2005
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15007/03 Meo c. Italie Introduite le 10/04/2003
Clemente MEO, ressortissant italien, né en 1948 |
6 ans et 4 mois pour un degré de juridiction |
Autorité judiciaire : · Tribunal de Naples (R.G no 2045/94) Début de la procédure: 24 janvier 1994 Fin de la procédure : 15 juin 2000
Objet : Action en dommage intérêt pour inexécution d’un contrat
|
Rome (RG no 5934/01
|
5 janvier 2002 / 4 mars 2002 |
12 juillet 2002 / 26 octobre 2002 |
774 + 455/ 17 novembre 2005
|