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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MOULAKAKIS AND OTHERS v. GREECE - 75226/12 - Committee Judgment [2014] ECHR 844 (24 July 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/844.html Cite as: [2014] ECHR 844 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MOULAKAKIS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requêtes nos 75226/12, 75972/12, 76954/12, 78721/12, 78786/12, 909/13, 920/13, 1304/13 et 2394/13)
ARRÊT
STRASBOURG
24 juillet 2014
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Moulakakis et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Mirjana Lazarova Trajkovska,
présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Ksenija Turković, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juillet 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouvent neuf requêtes (nos 75226/12, 75972/12, 76954/12, 78721/12, 78786/12, 909/13, 920/13, 1304/13 et 2394/13) dirigées contre la République hellénique par neuf ressortissants de cet État, dont les noms figurent ci-joint en annexe (« les requérants »), qui ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Me N. Anagnostopoulos, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme F. Dedousi, assesseure du Conseil juridique de l’État.
3. Le 22 février 2013, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.
EN FAIT
A. Le contexte des affaires
4. Les lois nos 2838/2000 et 3016/2002 prévoyaient une augmentation des salaires des officiers des forces armées, de la police hellénique, de la police des ports et du corps des pompiers.
5. Les présentes requêtes portent sur des procédures engagées par les requérants ou leurs devanciers en vue d’obtenir le réajustement et l’augmentation du montant de leurs pensions conformément aux dispositions de ces lois.
B. Les procédures en cause
1. Requête no 75226/12
6. À une date non précisée, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
7. Le 5 avril 2002, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
8. Le 19 mars 2003, le requérant forma une opposition contre cette décision devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
9. Considérant que sa demande avait été tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le requérant saisit le 12 août 2003 la Cour des comptes d’un recours contre le rejet tacite de sa demande.
10. Le 22 janvier 2004, le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État rejeta l’opposition du requérant datée du 19 mars 2003 par sa décision no 248/2004.
11. Le 18 avril 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1011/2008).
12. Le 17 juillet 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1011/2008.
13. Le 8 février 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 461/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 15 mai 2012.
2. Requête no 75972/12
14. À une date non précisée, le devancier des requérants saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
15. Le 10 décembre 2001, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
16. Le 20 décembre 2002, le devancier des requérants saisit la Cour des comptes d’un recours contre la décision de la Comptabilité générale.
17. Le 12 janvier 2006, le devancier des requérants décéda. Ces derniers lui succédèrent dans la procédure.
18. Une audience eut lieu le 19 janvier 2007. En raison de l’omission de la Comptabilité générale de fournir le dossier de pension du devancier des requérants, la Cour des comptes par un arrêt avant dire droit reporta l’examen de l’affaire. Une nouvelle audience eut lieu le 7 décembre 2007.
19. Le 7 mars 2008, la Cour des comptes donna gain de cause aux requérants (arrêt no 563/2008).
20. Le 17 juin 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 563/2008.
21. Le 7 décembre 2011, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 3234/2011). L’arrêt fut notifié aux requérants le 22 mai 2012.
3. Requête no 76954/12
22. Le 7 avril 2003, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
23. Le 11 août 2003, suite au rejet tacite de sa demande, il forma une opposition contre cette décision devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
24. Considérant que sa demande avait été tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le requérant saisit, le 24 novembre 2003, la Cour des comptes d’un recours contre le rejet tacite de sa demande.
25. Le 23 février 2005, le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État rejeta l’opposition du requérant datée du 11 août 2003 par sa décision no 846/2005.
26. Le 6 juin 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1485/2008).
27. Le 24 septembre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1485/2008.
28. Le 4 avril 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 924/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 29 mai 2012.
4. Requête no 78721/12
29. Le 31 décembre 2005, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
30. Le 23 janvier 2006, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
31. Le 3 août 2006, le requérant saisit la Cour des comptes d’un recours contre la décision de la Comptabilité générale.
32. Le 27 juin 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1773/2008).
33. Le 7 octobre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1773/2008.
34. Le 4 avril 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 933/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 7 juin 2012.
5. Requête no 78786/12
35. Le 20 décembre 2002, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
36. À une date non précisée, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
37. Le 19 février 2003, le requérant forma une opposition contre cette décision devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
38. Considérant que sa demande avait été tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le requérant saisit, le 10 décembre 2003, la Cour des comptes d’un recours contre le rejet tacite de sa demande.
39. Entretemps, le 22 septembre 2003, le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État, par sa décision no 1483/2003, avait rejeté l’opposition du requérant datée du 19 février 2003.
40. Le 27 juin 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1761/2008).
41. Le 7 octobre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1761/2008.
42. Le 7 mars 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 746/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 5 juin 2012.
6. Requête no 909/13
43. Le 24 septembre 2002, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
44. Par décision du 17 décembre 2002, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
45. Le 2 mai 2003, le requérant forma une opposition contre cette décision devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
46. Considérant que sa demande avait été tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le requérant saisit, le 30 janvier 2004, la Cour des comptes.
47. Le 16 septembre 2004, le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État, par sa décision no 2649/2004, rejeta l’opposition du requérant datée du 2 mai 2003.
48. Le 27 juin 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1696/2008).
49. Le 7 octobre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1696/2008.
50. Le 4 avril 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 939/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 20 juin 2012.
7. Requête no 920/13
51. Le 3 décembre 2001, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
52. Par décision du 17 décembre 2002, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
53. Le 16 février 2004, le requérant forma une opposition contre cette décision devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
54. Considérant que sa demande avait été tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le requérant saisit, le 6 juillet 2004, la Cour des comptes d’un recours contre le rejet tacite de l’administration.
55. Le 20 avril 2005, le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État, par sa décision no 1822/2005, rejeta l’opposition du requérant datée du 16 février 2004.
56. Le 27 juin 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 1694/2008).
57. Le 7 octobre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 1694/2008.
58. Le 2 mai 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 1392/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 28 juin 2012.
8. Requête no 1304/13
59. À une date non précisée, le devancier des requérants saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
60. À une date non précisée, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
61. Le 10 juillet 2002, le devancier des requérants saisit la Cour des comptes d’un recours contre la décision de la Comptabilité générale.
62. Le 4 octobre 2003, le devancier des requérants décéda. Le 17 février 2006, ces derniers lui succédèrent dans la procédure.
63. Une audience eut lieu le 17 novembre 2006. En attente d’une décision de la formation plénière sur la question de la constitutionnalité d’une disposition, la Cour des comptes reporta l’examen de l’affaire. Une nouvelle audience eut lieu le 6 juin 2008.
64. Le 17 octobre 2008, la Cour des comptes donna gain de cause aux requérants (arrêt no 2377/2008).
65. Le 16 novembre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 2377/2008.
66. Le 2 mai 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 1426/2012). L’arrêt fut notifié aux requérants le 3 juillet 2012.
9. Requête no 2394/13
67. Le 27 avril 2001, le requérant saisit la Comptabilité générale de l’État d’une demande tendant à obtenir le réajustement du montant de sa retraite.
68. Par décision du 17 décembre 2002, la Comptabilité générale de l’État rejeta sa demande.
69. Le 16 février 2004, le requérant forma une opposition contre cette décision devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État.
70. Considérant que sa demande avait été tacitement rejetée après l’écoulement d’un délai de trois mois sans réponse de la part de l’administration, le requérant saisit, le 7 juillet 2004, la Cour des comptes d’un recours contre le rejet tacite de sa demande.
71. Le 19 mai 2005, le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État, par sa décision no 2266/2005, rejeta l’opposition du requérant datée du 16 février 2004.
72. Le 21 novembre 2008, la Cour des comptes donna gain de cause au requérant (arrêt no 2594/2008).
73. Le 16 novembre 2009, l’État se pourvut en cassation devant la formation plénière de la Cour des comptes contre l’arrêt no 2594/2008.
74. Le 2 mai 2012, la formation plénière de la Cour des comptes rejeta le pourvoi (arrêt no 1418/2012). L’arrêt fut notifié au requérant le 6 juillet 2012.
C. Le droit interne pertinent
La loi no 4239/2014
75. La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. Elle introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire prévoyant l’octroi d’une satisfaction équitable en raison de la prolongation injustifiée d’une procédure devant la Cour des comptes. L’article 3 § 1 dispose:
« Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...) ».
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
76. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
77. Les requérants allèguent que la durée des procédures en cause a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
78. Dans ses observations sur l’article 41, le Gouvernement soutient que les requêtes devraient être déclarées irrecevables en application du nouveau critère prévu par l’article 35 § 3 b) de la Convention telle qu’amendé par le Protocole no 14, selon lequel la Cour peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».
79. La Cour note qu’elle a déjà rejeté une exception identique à celle soulevé en l’espèce (voir, Gletsos c. Grèce, no 58572/10, § 18, 6 février 2014). En application de cette jurisprudence, il convient de rejeter cette exception dans le cadre de la présente affaire.
80. Par ailleurs, la Cour constate que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celles-ci ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.
B. Sur le fond
1. Périodes à prendre en considération
81. S’agissant des requêtes nos 75972/12 et 1304/13, le Gouvernement affirme que les requérants, qui ont succédé à leurs devanciers dans les procédures en leur qualité d’héritiers, ne sauraient se plaindre de la durée qu’avaient connues les affaires avant cette succession.
82. La Cour rappelle que lorsqu’un requérant se constitue partie au litige en tant qu’héritier, il peut se plaindre de toute la durée de la procédure (Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, § 113, CEDH 2006-V ; Vassiliadis c. Grèce, no 32086/06, § 21, 2 avril 2009). Il s’ensuit que les requérants dans les requêtes nos 75972/12 et 1304/13 peuvent se plaindre de toute la durée de la procédure.
83. S’agissant par ailleurs des requêtes nos 75226/12, 76954/12, 78786/12, 909/13, 920/13 et 2394/13, elle note que les requérants, avant de saisir la Cour des comptes, ont introduit un recours devant le Comité de contrôle de la Comptabilité générale de l’État. Ledit recours était une démarche indispensable afin qu’il soit possible de saisir la Cour des comptes. À cet égard, la Cour rappelle que, lorsqu’en vertu de la législation nationale, un requérant doit épuiser une procédure administrative préalable avant d’avoir recours à un tribunal, la procédure devant l’organe administratif doit être incluse dans le calcul de la longueur de la procédure civile aux fins de l’application de l’article 6 (voir en ce sens, Paskhalidis et autres c. Grèce, 19 mars 1997, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1997-II ; Ichtigiaroglou c. Grèce, no 12045/06, § 38, 19 juin 2008). Dès lors, la date à laquelle les requérants ont introduit ledit recours doit être considérée comme le début de la procédure.
84. Dans ces conditions, la durée des procédures en cause est précisée dans le tableau ci-dessous.
|
No requête |
Début de la procédure |
Fin de la procédure |
Durée de la procédure |
Instances |
1. |
75226/12 |
19 mars 2003 |
8 février 2012 |
Huit ans et onze mois environ |
trois |
2. |
75972/12 |
20 décembre 2002 |
7 décembre 2011 |
Neuf ans environ |
deux |
3. |
76954/12 |
11 août 2003 |
4 avril 2012 |
Huit ans et huit mois environ |
trois |
4. |
78721/12 |
3 août 2006 |
4 avril 2012 |
Cinq ans et huit mois environ |
deux |
5. |
78786/12 |
19 février 2003 |
7 mars 2012 |
Plus de neuf ans |
trois |
6. |
909/13 |
2 mai 2003 |
4 avril 2012 |
Neuf ans environ |
trois |
7. |
920/13
|
16 février 2004 |
2 mai 2012 |
Huit ans et trois mois environ |
trois |
8. |
1304/13 |
10 juillet 2002 |
2 mai 2012 |
Neuf ans et dix mois environ |
deux |
9. |
2394/13 |
16 février 2004 |
2 mai 2012 |
Huit ans et trois mois environ |
trois |
2. Durée raisonnable des procédures
85. Dans ses observations sur l’article 41, le Gouvernement soutient en outre que l’enjeu du litige n’était pas en mesure de causer du préjudice moral aux requérants. Il invoque enfin la surcharge de travail de la Cour des comptes, à l’époque des faits, pour justifier les retards dans le déroulement de la procédure.
86. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Mavredaki c. Grèce, no 10966/10, 24 octobre 2013). Elle note à cet égard qu’il incombe aux États contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, § 26, 21 décembre 2010).
87. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Mavredaki, précité).
88. Elle note que les présentes affaires ne présentaient aucune complexité. Qui plus est, la Cour ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité des requérants dans l’allongement des procédures. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
89. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
90. Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive des procédures en cause. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
91. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
92. La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
93. Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003, et Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, §§ 37-43, 22 juillet 2010).
94. La Cour note que le 20 février 2014 est entrée en vigueur la loi no 4239/2014, portant sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes. En vertu de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure devant la Cour des comptes dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 75 ci-dessus). La Cour observe cependant que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires, comme en l’espèce, terminées six mois avant son entrée en vigueur. Partant, les requérants ne pouvaient pas exercer ledit recours.
95. Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
96. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
97. Les requérants réclament respectivement l’octroi des sommes suivantes (à allouer à chacun d’entre eux) : 10 000 euros (EUR) (requêtes nos 75972/12 et 78721/12), 15 000 EUR (requêtes nos 76954/12, 78786/12, 909/13, 920/13 et 1304/13) et 20 000 EUR (requêtes nos 75226/12 et 2394/13), au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.
98. Le Gouvernement conteste ces prétentions. Il invite la Cour à écarter les demandes au titre du dommage moral et affirme qu’en tout cas, un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante au titre du préjudice moral.
99. La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer 2 200 EUR à chacun des requérants dans les requêtes nos 75226/12, 76954/12, 78786/12 et 909/13, 3 600 EUR conjointement aux requérants dans la requête no 75972/12, 2 300 EUR au requérant dans la requête no 78721/12, 1 800 EUR à chacun des requérants dans les requêtes nos 920/13 et 2394/13 et 4 500 EUR conjointement aux requérants dans la requête no 1304/13 au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt.
B. Frais et dépens
100. Pour chaque requête, les requérants demandent également 1 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes, ainsi que 1 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. Ils ne produisent pas de copies des factures y relatives.
101. Le Gouvernement invite la Cour à écarter les demandes au titre des frais et dépens.
102. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et les frais et dépens sollicités devant les juridictions internes et rejette cette demande. En ce qui concerne les frais exposés pour les besoins de la représentation des requérants devant elle, compte tenu de l’absence de tout justificatif valable de la part des requérants et de sa jurisprudence en la matière, la Cour rejette la demande à ce titre.
C. Intérêts moratoires
103. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt ;
2. Déclare les requêtes recevables ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
5. Dit
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes suivantes pour dommage moral :
i. requêtes nos 75226/12, 76954/12, 78786/12 et 909/13 : 2 200 EUR (deux mille deux cents euros) à chacun des requérants ;
ii. requête no 75972/12 : 3 600 EUR (trois mille six cents euros) conjointement aux requérants ;
iii. requête no 78721/12 : 2 300 EUR (deux mille trois cents euros) ;
iv. requêtes nos 920/13 et 2394/13 : 1 800 EUR (mille huit cents euros) à chacun des requérants ;
v. requête no 1304/13 : 4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros) conjointement aux requérants ;
b) qu’aux sommes accordées ci-dessus il faut ajouter tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;
c) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 juillet 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Mirjana Lazarova Trajkovska
Greffier adjoint Présidente
Annexe
No de requête |
Date d’introduction |
Nom du requérant Date de naissance Lieu de résidence |
|
1. |
75226/12 |
14/11/2012 |
Emmanouil MOULAKAKIS 17/02/1932 Chania |
2. |
75972/12 |
20/11/2012 |
Stamatoula BENOU 07/02/1951 Eretria
Georgios BENOS 05/02/1979 Athènes
Aggeliki BENOU 03/11/1982 Amarousio
|
3. |
76954/12 |
28/11/2012 |
Ioannis KARAMBERIDIS 23/02/1931 Eleutheria Kavalas
|
4. |
78721/12 |
04/12/2012 |
Konstantinos KOMINEAS 20/12/1920 Kambos Avias Kalamata
|
5. |
78786/12 |
04/12/2012 |
Efsevios CHOUSOS 18/02/1938 Thyrrion Aitoloakarnanias
|
6. |
909/13 |
19/12/2012 |
Georgios SIAMOS 14/03/1947 Markopoulo Attikis
|
7. |
920/13 |
19/12/2012 |
Adamantios ADAMANTOPOULOS 19/12/1929 Thessaloniki
|
8. |
1304/13 |
02/01/2013 |
Aikaterini ASPROULI 05/02/1940 Meligalas Messinias
Epaminondas ASPROULIS 17/07/1973 Athènes
Theodosios ASPROULIS 27/03/1977 Athènes |
9. |
2394/13 |
04/01/2013 |
Dimitrios DIMITRIOU 31/12/1933 Perigiali Korinthias
|