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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VAKIRTZI v. GREECE - 31174/13 34939/13 65788/13 - Committee Judgment (French Text) [2015] ECHR 349 (02 April 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/349.html Cite as: [2015] ECHR 349 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE VAKIRTZI ET AUTRES c. GRÈCE
(Requêtes nos 31174/13, 34939/13 et 65788/13)
ARRÊT
STRASBOURG
2 avril 2015
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vakirtzi et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Mirjana Lazarova Trajkovska,
présidente,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 mars 2015,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouvent trois requêtes (nos 31174/13, 34939/13 et 65788/13) dirigées contre la République hellénique et dont trois ressortissants de cet État, Mme Charis-Antigoni Vakirtzi, M. Antonios Bitsakis et Mme Styliani Avgeli (« les requérants »), ont saisi la Cour les 30 avril 2013, 28 mai 2013 et 15 octobre 2013 respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Me N. Anagnostopoulos, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. Konstantinos Georgiadis, assesseur auprès du Conseil juridique de l’État, Mme Myrto Germani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État et Mme Smaragda Lekkou, mandataire judiciaire du Conseil juridique de l’État.
3. Les 29 août 2013 et 17 février 2014, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.
EN FAIT
A. Les circonstances de l’espèce
4. La liste des requérants, ainsi que leurs démarches devant les autorités et juridictions internes figurent en annexe.
5. Les requérants se plaignent de la durée de trois procédures devant la Cour des comptes, ainsi que de l’absence d’un recours effectif à cet égard.
B. Le droit interne pertinent
6. La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. La loi précitée introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable pour le préjudice moral causé par la prolongation injustifiée d’une procédure devant la Cour des comptes. L’article 3 § 1 dispose:
« Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...). »
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
7. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
8. Les requérants allèguent que la durée des procédures litigieuses a méconnu le principe du « délai raisonnable », tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
10. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles posées par les présentes requêtes et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Mavredaki, précité).
11. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente sur la recevabilité et le fond dans les présentes affaires, qui se sont terminées six mois avant l’entrée en vigueur de la loi no 4239/2014. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
12. Au vu de ce qui précède, il convient de déclarer lesdits griefs recevables et de conclure à la violation de l’article 6 § 1 concernant la durée des procédures en cause.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
13. Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive des procédures en cause. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
14. La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
15. Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 54, 30 octobre 2012, et les références qui s’y trouvent citées).
16. La Cour note que le 20 février 2014 est entrée en vigueur la loi no 4239/2014, portant sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes. En vertu de la loi précitée, un nouveau recours a été établi permettant aux intéressés de se plaindre de la durée de chaque instance d’une procédure devant la Cour des comptes dans un délai de six mois à partir de la date de publication de la décision y relative (voir paragraphe 6 ci-dessus). Cependant, la Cour observe que cette loi n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, elle ne prévoit pas un tel recours pour les affaires, comme en l’espèce, terminées six mois avant son entrée en vigueur. Partant, les requérants ne pouvaient pas exercer ledit recours.
17. Au vu de ce qui précède, il convient de déclarer lesdits griefs recevables et de conclure à la violation de l’article 13 de la Convention en raison, à l’époque des faits, de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
18. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
19. Les trois requérants réclament 15 000 euros (EUR) respectivement au titre du préjudice moral. Les deux premiers requérants réclament 1 000 euros (EUR) pour frais et dépens devant les tribunaux internes et 500 euros (EUR) pour frais et dépens devant la Cour. Ils produisent une facture de 500 euros (EUR) respectivement. La troisième requérante réclame 1 000 euros (EUR) pour frais et dépens devant les tribunaux internes et 369 euros (EUR) pour frais et dépens devant la Cour. Elle produit une facture de 369 euros (EUR).
20. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
21. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime qu’il y a lieu d’accorder aux requérants les sommes figurant en annexe.
22. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt ;
2. Déclare les requêtes recevables ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
5. Dit
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes figurant en annexe ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 avril 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Mirjana Lazarova Trajkovska
Greffier adjoint Présidente
ANNEXE
No |
No de Requête Date d’introduction |
1. Nom du requérant 2. Date de naissance 3. Lieu de résidence
|
Début de la procédure |
Fin de la procédure |
Durée totale Instances de juridiction |
Somme allouée à chaque requérant |
1. |
31174/13 30/04/2013 |
1. Charis-Antigoni VAKIRTZI 2. 05/10/1931 3. Athènes |
11/08/2003 |
06/06/2012 |
Huit ans et dix mois environ
trois instances |
3900 euros
+ 200 euros pour frais et dépens |
2. |
34939/13 28/05/2013 |
1. Antonios BITSAKIS 2. 25/03/1924 3. Athènes
|
09/10/2006 |
03/12/2012 |
Six ans et deux mois environ
une instance |
3 900 euros
+ 200 euros pour frais et dépens |
3. |
65788/13 15/10/2013 |
1. Styliani AVGELI 2. 28/05/1934 3. Athènes
|
03/08/2006 |
06/03/2013 |
Six ans et sept mois
deux instances |
3 900 euros
+ 200 euros pour frais et dépens |