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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> THYMIATZIS v. GREECE - 71999/12 (Judgment : Violation of Article 6 - Right to a fair trial (Article 6 - Civil proceedings Article 6-1 - Reasonable time)) French Text [2017] ECHR 367 (20 April 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/367.html
Cite as: CE:ECHR:2017:0420JUD007199912, ECLI:CE:ECHR:2017:0420JUD007199912, [2017] ECHR 367

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE THYMIATZIS c. GRÈCE

     

    (Requête no 71999/12)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

     

     

     

    20 avril 2017

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Thymiatzis c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

              Ledi Bianku, président,
              Aleš Pejchal,
              Armen Harutyunyan, juges,
    et de Renata Degener, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mars 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 71999/12) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Antonios Thymiatzis (« le requérant »), a saisi la Cour le 1er novembre 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Mes A. Panousi et L. Panousis, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Apessos, Président du Conseil juridique de l’État, et par les déléguées de son agent, Mmes S. Charitaki et A. Magrippi, respectivement conseillère juridique et auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Le 26 août 2016, le grief concernant la durée de la procédure a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus.

    EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    4.  Le requérant est né en 1936 et réside à Chaïdari.

    5.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

    6.  Le 25 juin 2002, le requérant saisit le tribunal de première instance d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre l’hôpital psychiatrique d’Athènes, qui l’employait en tant qu’agent de sécurité.

    7.  Le 6 mars 2003, le tribunal ajourna l’examen de l’affaire et fixa une nouvelle audience au 8 décembre 2003. À cette dernière date, le tribunal reporta à nouveau l’examen de l’affaire en raison de la non-comparution des parties à l’audience. Le 11 décembre 2003, l’hôpital psychiatrique demanda une nouvelle date d’audience. Celle-ci fut fixée au 29 septembre 2004 avant

    d’être reportée au 10 juin 2005.

    8.  Le 19 septembre 2005, le tribunal de première instance d’Athènes rejeta l’action du requérant (jugement no 1947/2005).

    9.  Le 5 septembre 2007, le requérant interjeta appel de ce jugement.

    10.  Le 1er septembre 2008, la cour d’appel d’Athènes rejeta l’appel formé par le requérant (arrêt no 5041/2008).

    11.  Le 5 janvier 2011, le requérant se pourvut en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel.

    12.  Le 3 avril 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi (arrêt no 576/2012). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 11 juillet 2012.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    13.  Le requérant allègue que la durée de la procédure civile a méconnu le principe du délai raisonnable prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

    A.  Sur la recevabilité

    14.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  La période à prendre en considération

    15.  La Cour note que la période à considérer a débuté le 25 juin 2002 avec la saisine du tribunal de première instance d’Athènes par le requérant et qu’elle s’est terminée le 11 juillet 2012, date à laquelle l’arrêt no 576/2012 de la Cour de cassation a été mis au net et certifié conforme. La procédure a donc duré environ dix ans pour trois instances.

    2.  La durée de la procédure

    a)  Les arguments des parties

    16.  Le Gouvernement procède à une analyse chronologique de la procédure en cause et estime qu’elle s’est déroulée de façon générale dans des délais raisonnables. Il considère que les parties au litige, à savoir le requérant et son adversaire, l’hôpital psychiatrique d’Athènes, sont responsables des périodes d’inactivité considérables que la procédure a connues. Il indique que toutes les audiences devant les juridictions internes ont été fixées dans des délais raisonnables, que les autorités judiciaires se sont prononcées dans des délais courts et qu’aucune période d’inactivité ne peut leur être imputée. Pour le reste, il estime que l’ensemble de la procédure a été menée à un rythme soutenu et qu’elle s’est déroulée sur une période de cinq ans et quatre mois environ.

    17.  Le Gouvernement soutient, en outre, que la période d’inactivité de deux ans et trois mois environ qui a débuté le 6 mars 2003, date à laquelle la première audience devant le tribunal de première instance fut ajournée, et s’est achevée le 10 juin 2005, date à laquelle l’audience eut lieu devant ladite juridiction, ne peut être imputée aux autorités nationales.

    18.  Le requérant estime que la durée de la procédure a été excessive.

    b)  Appréciation de la Cour

    19.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

    20. Elle rappelle également que la procédure devant les juridictions civiles est régie par le principe de l’initiative des parties. Par ailleurs, elle dit avoir déjà noté que seules les lenteurs imputables aux autorités judiciaires compétentes peuvent amener à constater un dépassement du délai raisonnable contraire à la Convention. Cependant, même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du procès par les parties, l’attitude des intéressés ne dispense pas les juges d’assurer la célérité voulue par l’article 6 § 1 de la Convention (Litoselitis c. Grèce, no 62771/00, § 30, 5 février 2004).

    21.  En l’espèce, la Cour considère que l’affaire ne présentait pas en soi de complexité particulière. En ce qui concerne la procédure devant le tribunal de première instance, elle observe que celle-ci a duré trois ans et trois mois environ, du 25 juin 2002 au 19 septembre 2005. Elle relève d’emblée que les parties au litige ont demandé l’ajournement des audiences à trois reprises (paragraphe 7 ci-dessus).

    22.  La Cour note l’argument du Gouvernement selon lequel la période de deux ans et trois mois environ pendant laquelle trois audiences devant le tribunal de première instance d’Athènes ont été ajournées (paragraphe 17 ci-dessus) ne saurait être imputée aux autorités nationales. Elle rappelle à cet égard que l’État est responsable de l’ensemble de ses services, et non pas uniquement de ses organes judiciaires (Moreira de Azevedo c. Portugal, 23 octobre 1990, § 73, série A no 189, et Lalousi-Kotsovos c. Grèce, no 65430/01, § 24, 19 mai 2004). Par conséquent, elle relève que, en l’espèce, les lenteurs dont l’hôpital psychiatrique d’Athènes, à savoir un hôpital public, est responsable sont imputables aux autorités nationales. En outre, le dossier ne permet pas d’établir laquelle des parties au litige a demandé les ajournements devant le tribunal de première instance. La Cour admet en particulier que, certes, le report de l’examen de l’affaire au 8 décembre 2003 en raison de l’absence des parties, dont celle du requérant, peut être attribué à ce dernier (paragraphe 7 ci-dessus). Cependant, elle constate que la partie défenderesse a, dès le 11 décembre 2003, soit dans un bref délai, demandé une nouvelle date d’audience ; or celle-ci a été fixée au 29 septembre 2004, soit environ dix mois plus tard. Elle rappelle que même dans les cas où, comme en l’espèce, la procédure est régie par le principe de l’initiative des parties, la notion de délai raisonnable exige que les tribunaux suivent aussi le déroulement de la procédure et soient plus attentifs tant lorsqu’il s’agit de consentir à une demande d’ajournement qu’en ce qui concerne la période de temps à laisser écouler lors de la fixation de la date de la prochaine audience (voir, en ce sens, Roïdakis c. Grèce, no 7629/05, § 18, 21 juin 2007).

    23.  En ce qui concerne les procédures devant la cour d’appel et la Cour de cassation, la Cour relève qu’elles ont été menées à un rythme soutenu. Elle note que la procédure a duré environ un an en appel et environ un an et demi en cassation. Elle observe que le requérant a attendu environ un an et onze mois avant d’interjeter appel (paragraphes 8 et 9 ci-dessus) et environ deux ans et quatre mois avant de se pourvoir en cassation (paragraphes 10 et 11 ci-dessus) et estime que ces délais ne sauraient être imputés aux autorités compétentes (voir aussi Lada et autres c. Grèce [comité], no 24610/12, § 17, 6 octobre 2015).

    24.  Ainsi, même en déduisant les périodes d’inactivité mentionnées aux paragraphes 22 et 23 ci-dessus, qui peuvent être imputées au requérant, la Cour estime pouvoir conclure au dépassement du délai raisonnable en se fondant sur la restante durée de la procédure, à savoir cinq ans et neuf mois environ pour trois instances.

    25.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour constate que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant justifier la durée de la procédure. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle conclut que, en l’espèce, la durée de la procédure litigieuse était excessive et ne répondait pas à l’exigence du délai raisonnable.

    26.  Partant, elle juge qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    27.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    28.  Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    29.  Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à les rejeter. Il considère que, en tout état de cause, un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable. Par ailleurs, il soutient que la somme réclamée par le requérant est excessive et déraisonnable.

    30.  La Cour estime que le requérant a subi un dommage moral certain à raison de la durée de la procédure devant les juridictions internes. Statuant en équité, elle lui accorde 3 600 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    31.  Le requérant demande également 4 304,80 EUR pour les frais et dépens qu’il dit avoir engagés devant la Cour. Il ne produit pas de facture, mais seulement une note de frais dactylographiée et signée par son avocat, sur laquelle figure ce montant.

    32.  Le Gouvernement conteste ces prétentions, arguant que le requérant ne produit aucun justificatif à l’appui de sa demande.

    33.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI, et Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 90, 30 octobre 2012). En l’espèce, compte tenu du fait que le requérant ne lui a pas soumis de facture attestant du paiement de la somme susmentionnée, la Cour rejette la demande à cet égard.

    C.  Intérêts moratoires

    34.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 3 600 EUR (trois mille six cents euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 avril 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

      Renata Degener                                                                      Ledi Bianku
    Greffière adjointe                                                                      
    Président


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