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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> XOFAKI v. GREECE - 78778/12 (Judgment : Violation of Article 6 - Right to a fair trial (Article 6 - Civil proceedings Article 6-1 - Reasonable time)) French Text [2017] ECHR 368 (20 April 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/368.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2017:0420JUD007877812, CE:ECHR:2017:0420JUD007877812, [2017] ECHR 368

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE XOFAKI c. GRÈCE

     

    (Requête no 78778/12)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

     

     

    20 avril 2017

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Xofaki c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Ledi Bianku, président,
              Aleš Pejchal,
              Armen Harutyunyan, juges,
    et de Renata Degener, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mars 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 78778/12) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet État, Mme Eleftheria Xofaki (« la requérante »), a saisi la Cour le 6 décembre 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  La requérante a été représentée par Mes A. Panousi et L. Panousis, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Apessos, Président du Conseil juridique de l’État, et par la déléguée de son agent, Mme A. Dimitrakopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Le 4 juillet 2016, le grief concernant la durée de la procédure a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus.

    EN FAIT

    LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    4.  La requérante est née en 1941 et réside à Athènes.

    5.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

    6.  Le 11 octobre 2001, la requérante saisit le tribunal de première instance d’Athènes (« le tribunal de première instance ») d’une action en dommages-intérêts contre l’hôpital psychiatrique d’Athènes, un hôpital public (« l’hôpital »), qui l’employait en tant que femme de ménage. Elle réclamait diverses sommes au titre de salaires. L’audience eut lieu le 29 mars 2002.

    7.  Le 27 juin 2002, le tribunal de première instance accueillit l’action de la requérante (jugement no 1610/2002).

    8.  Le 2 avril 2003, l’hôpital interjeta appel de ce jugement. Le 17 décembre 2004, il produisit copie de son appel et demanda une date d’audience, qui fut fixée au 5 avril 2005.

    9.  Le 12 septembre 2005, la cour d’appel d’Athènes (« la cour d’appel ») fit droit à la demande de l’hôpital et infirma le jugement attaqué (arrêt no 7581/2005).

    10.  Le 30 août 2006, la requérante se pourvut en cassation contre l’arrêt no 7581/2005 de la cour d’appel. Le 16 juillet 2008, elle produisit copie de son pourvoi et demanda une date d’audience, qui fut fixée au 29 septembre 2009.

    11.  Le 24 novembre 2009, la Cour de cassation prononça l’irrecevabilité de l’audience au motif que le dossier ne permettait pas d’établir quelle était la partie au litige qui avait notifié à son adversaire la convocation à l’audience ou la copie du pourvoi (décision no 2189/2009). La requérante, la seule des deux parties présente à cette audience, n’a pas précisé si la convocation à l’audience devant la Cour de cassation ou la copie de son pourvoi lui avaient été notifiées, à elle-même ou à son adversaire.

    12.  Le 22 février 2010, la requérante demanda une nouvelle date d’audience, qui fut fixée au 14 décembre 2010. Cette audience fut par la suite ajournée et, le 23 août 2011, la requérante demanda une nouvelle date d’audience, qui fut fixée au 24 avril 2012.

    13.  Le 5 juillet 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi de la requérante (arrêt no 1260/2012). Le dossier ne permet pas de connaître la date de la mise au net de cet arrêt.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

    14.  La requérante allègue que la durée de la procédure civile a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

    A.  Sur la recevabilité

    15.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  La période à prendre en considération

    16.  La période à considérer a débuté le 11 octobre 2001, date de la saisine du tribunal de première instance par la requérante. La Cour note que le dossier ne permet pas de connaître la date de la mise au net de l’arrêt no 1260/2012 de la Cour de cassation (paragraphe 13 ci-dessus). Partant, elle retient, en l’espèce, la date de la publication de l’arrêt de la Cour de cassation telle qu’elle ressort du dossier, à savoir le 5 juillet 2012, en tant que dies ad quem pour le calcul de la durée de la procédure en cause. Elle considère que ladite procédure a donc duré environ dix ans et neuf mois, pour trois instances.

    2.  La durée de la procédure

    a)  Les arguments des parties

    17.  Le Gouvernement soutient que la durée de la procédure litigieuse est raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Invoquant le principe de l’initiative des parties dans la procédure civile, il argue que des périodes d’inactivité considérables sont imputables aux parties au litige, à savoir à la requérante et l’hôpital. Il indique que toutes les audiences devant les juridictions internes ont été fixées dans des délais raisonnables, que les autorités judiciaires se sont prononcées dans des délais courts et qu’aucune période d’inactivité ne peut leur être imputée.

    18.  Le Gouvernement estime, en outre, que l’hôpital a contribué à prolonger la durée de cette procédure en attendant environ un an et huit mois après avoir saisi la cour d’appel pour demander la fixation de la première date d’audience. Il considère que cette période d’inactivité ne peut être imputée aux autorités nationales.

    19.  Le Gouvernement soutient également que la période d’environ deux ans qui s’est écoulée entre la première audience devant la Cour de cassation et le dépôt par la requérante de la demande de fixation d’une date d’audience devant ladite juridiction est imputable au comportement des parties au litige (paragraphes 10, 11 et 12 ci-dessus).

    20.  La requérante estime que la durée de la procédure est excessive.

    b)  L’appréciation de la Cour

    21.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

    22.  Elle rappelle également que la procédure devant les juridictions civiles est régie par le principe de l’initiative des parties. Par ailleurs, elle rappelle encore que seules les lenteurs imputables aux autorités judiciaires compétentes peuvent amener à constater un dépassement du délai raisonnable contraire à la Convention. Même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du procès par les parties, l’attitude des intéressés ne dispense pas les juges d’assurer la célérité voulue par l’article 6 § 1 de la Convention (voir, Litoselitis c. Grèce, no 62771/00, § 30, 5 février 2004).

    23.  En l’espèce, la Cour considère que l’affaire ne présentait pas en soi de complexité particulière. Elle relève d’emblée que les procédures devant le tribunal de première instance et devant la cour d’appel ont été menées à un rythme soutenu, et que la procédure a duré moins de neuf mois en première instance et environ deux ans et cinq mois en appel.

    24.  La Cour prend note de l’argument du Gouvernement consistant à dire que l’hôpital public a mis un an et huit mois environ pour demander la fixation d’une date d’audience devant la cour d’appel (paragraphe 18 ci-dessus) et que ce laps de temps n’est pas imputable aux autorités compétentes. Elle rappelle cependant à cet égard que l’État est responsable de l’ensemble de ses services, et non pas uniquement de ses organes judiciaires (voir, Moreira de Azevedo c. Portugal, 23 octobre 1990, § 73, série A no 189, et Lalousi-Kotsovos c. Grèce, no 65430/01, § 24, 19 mai 2004). Par conséquent, elle considère que, en l’espèce, la période d’inactivité d’environ un an et huit mois susmentionnée est imputable aux autorités nationales.

    25.  Quant à la procédure devant la Cour de cassation, la Cour constate qu’elle a duré environ cinq ans et dix mois. Toutefois, elle note que la requérante est responsable des retards dans le déroulement de cette procédure. Elle relève en particulier que la requérante a attendu environ un an et onze mois après la saisine de la haute juridiction pour demander la fixation de la première date d’audience, puis environ trois mois après la décision no 2189/2009 prononçant l’irrecevabilité de l’audience (paragraphe 11 ci-dessus) pour demander la fixation d’une nouvelle date d’audience et, enfin, huit mois après l’ajournement de l’audience du 14 décembre 2010 (paragraphe 12 ci-dessus) pour demander la fixation d’une nouvelle date d’audience. Elle estime que ces délais ne sauraient être imputés aux autorités nationales.

    26.  Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que les seules périodes qui ne sauraient être imputées au comportement des autorités internes sont celles mentionnées au paragraphe 25 ci-dessus. Quant à la responsabilité des autorités judiciaires en la matière, la Cour réaffirme qu’il incombe aux États contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (voir, Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 47, 30 octobre 2012). Elle ajoute que, même dans les cas où, comme en l’espèce, la procédure est régie par le principe de l’initiative des parties, la notion de « délai raisonnable » exige que les tribunaux suivent aussi le déroulement de la procédure et soient plus attentifs en ce qui concerne le laps de temps entre deux audiences (voir, Philippos Ioannidis c. Grèce, no 7629/05, § 21, 19 juin 2008). La Cour prend note de l’argument du gouvernement selon lequel la totalité de la période d’inactivité d’environ deux ans ne peut être imputée aux autorités nationales (paragraphe 19 ci-dessus). Elle estime cependant que la période d’inactivité allant du 29 septembre 2009, date de la première audience, au 24 novembre 2009, date de publication de la décision no 2189/2009 prononçant l’irrecevabilité de l’audience susmentionnée pour des raisons imputables aux parties au litige, dont l’hôpital public (paragraphes 10 et 11 ci-dessus), ne saurait être attribuée uniquement à la requérante. Elle juge qu’il en va de même pour la période du 22 février 2010, date à laquelle la requérante a demandé la fixation d’une nouvelle date d’audience, au 14 décembre 2010, date à laquelle l’audience a été fixée (paragraphe 12 ci-dessus).

    27.  Ainsi, même en déduisant les périodes d’inactivité mentionnées au paragraphe 25 ci-dessus ainsi que le délai d’environ un an entre la date à laquelle la cour d’appel a rendu son arrêt et la date à laquelle la requérante s’est pourvue en cassation (paragraphes 9 et 10 ci-dessus), qui peuvent être imputées à l’intéressée (voir aussi, Giavi c. Grèce, no 25816/09, § 62, 3 octobre 2013, Evropaïkai Diakopai-European Holidays A.E. c. Grèce [comité], no 44685/09, § 69, 7 avril 2016, et Lada et autres c. Grèce (déc.) [comité], no 24610/12, § 17, 6 octobre 2015), la Cour estime pouvoir conclure au dépassement du délai raisonnable en se fondant sur la durée de la procédure restante, à savoir environ six ans et onze mois pour trois instances.

    28.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour conclut que, en l’espèce, la durée de la procédure litigieuse est excessive et qu’elle n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable ».

    29.  Partant, elle juge qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    30.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    31.  La requérante réclame 20 000 euros (EUR) pour préjudice moral.

    32.  Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à les rejeter. Il considère que, en tout état de cause, un constat de violation représenterait, le cas échéant, une satisfaction équitable. Par ailleurs, il soutient que la somme réclamée par la requérante est excessive et déraisonnable.

    33.  La Cour estime que la requérante a subi un dommage moral certain en raison de la durée de la procédure qui a fait l’objet d’un constat de violation. Statuant en équité, elle accorde à l’intéressée 4 600 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    34.  La requérante demande également 4 306,80 EUR pour les frais et dépens qu’elle dit avoir engagés devant la Cour. Elle ne produit pas de facture, mais seulement une note de frais dactylographiée et signée par son avocat, sur laquelle figure ce même montant.

    35.  Le Gouvernement conteste ces prétentions, arguant que la requérante ne produit aucun justificatif à l’appui de sa demande.

    36.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI, et Glykantzi, précité, § 90). En l’espèce, compte tenu de l’absence de facture attestant le paiement de la somme susmentionnée, la Cour rejette la demande de la requérante à cet égard.

    C.  Intérêts moratoires

    37.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 4 600 EUR (quatre mille six cents euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 avril 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

      Renata Degener                                                                      Ledi Bianku
    Greffière adjointe                                                                      
    Président


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