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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> S.G. v. GREECE - 46558/12 (Judgment : Violation of Article 3 - Prohibition of torture (Article 3 - Degrading treatment) (Substantive aspect)) French Text [2017] ECHR 461 (18 May 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/461.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2017:0518JUD004655812, CE:ECHR:2017:0518JUD004655812, [2017] ECHR 461

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE S.G. c. GRÈCE

     

    (Requête no 46558/12)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    18 mai 2017

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire S.G. c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :

              Ledi Bianku, président,
              Aleš Pejchal,
              Armen Harutyunyan, juges,
    et de Renata Degener, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 avril 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 46558/12) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant iranien, M. S.G. (« le requérant »), a saisi la Cour le 13 juillet 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour).

    2.  Le requérant a été représenté par Me M. Tzeferakou, avocate au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme A. Magrippi, auditrice au Conseil juridique de l’État.

    3.  Le 8 mars 2016, les griefs tirés des articles 3 et 13 de la Convention relativement aux défaillances du système d’examen par les autorités de la demande d’asile du requérant ainsi qu’aux conditions d’existence de l’intéressé à la suite de sa mise en liberté ont été communiqués au Gouvernement, et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus, conformément à l’article 54 § 3 du règlement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    4.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

    5.  Le requérant, journaliste et réalisateur de films et de documentaires, était un opposant au régime iranien.

    6.  Il arriva en Grèce le 22 août 2011 et fut arrêté par les autorités. Il soutient avoir alors demandé l’asile, mais, selon lui, les autorités n’enregistrèrent pas sa demande. Il séjourna six jours à l’extérieur du bâtiment du poste-frontière de Tychero en attendant son enregistrement par les autorités.

    7.  Le 29 août 2011, l’arrestation du requérant fut enregistrée. Le même jour, celui-ci fut présenté au procureur près le tribunal correctionnel d’Alexandroupoli.

    8.  Le 31 août 2011, ce dernier décida de ne pas exercer de poursuites pénales à l’encontre du requérant afin que celui-ci puisse faire l’objet d’un renvoi vers son pays d’origine (arrêt no 838/2011). Toutefois, ce renvoi n’eut pas lieu.

    9.  Le même jour, le chef de la direction de la police d’Alexandroupoli décida de placer le requérant en détention provisoire jusqu’à ce qu’une décision concernant son expulsion soit prise, dans un délai de trois jours au maximum, ce qui a été fait (décision no 9760/20-4567/14-α). Le requérant allègue que, pendant sa détention, il ne reçut aucune information sur son statut ni sur ses droits, que tous les documents lui furent notifiés en grec et en l’absence d’interprète et qu’il ne put bénéficier du programme d’assistance juridique, non disponible à l’époque.

    10.  Par une décision du 3 septembre 2011, le chef de la direction de la police d’Alexandroupoli ordonna l’expulsion du requérant pour infraction à l’article 83 de la loi no 3386/2005. Il ordonna aussi le maintien de l’intéressé en détention pour une période de six mois au maximum au motif que celui-ci risquait de s’enfuir. Il ressort du dossier que le requérant fut détenu dans les locaux des postes-frontières de Tychero, de Ferres et de Soufli.

    11.  À une date non précisée dans le dossier, les autorités grecques introduisirent une demande auprès des autorités turques afin que le requérant soit renvoyé vers la Turquie en vertu du Protocole de réadmission des ressortissants étrangers signé entre la Grèce et la Turquie.

    12.  Le requérant allègue avoir déposé une demande d’asile le 5 septembre 2011. Selon le Gouvernement, il ne l’aurait fait que le 15 septembre 2011.

    13.  À cette dernière date, cette demande fut officiellement enregistrée. Le requérant déclara vouloir rejoindre son frère en Norvège, où ce dernier s’était vu accorder le statut de réfugié.

    14.  Le 1er novembre 2011, le bureau « Dublin » de l’état-major de la police hellénique envoya une demande à l’unité nationale « Dublin » de Norvège afin que cette dernière assume la responsabilité de l’examen de la demande d’asile du requérant.

    15.  Le 29 novembre 2011, les autorités norvégiennes répondirent par la négative à cette demande.

    16.  Le 10 décembre 2011, le requérant fut transféré à la direction de la police d’Orestiada pour un entretien relatif à sa demande d’asile. Il allègue ne pas avoir été informé de ce transfert au préalable et, par conséquent, ne pas avoir pu prévenir son avocat afin de bénéficier de son assistance lors de l’entretien.

    17.  Le 16 décembre 2011, le chef de la direction de la police d’Orestiada rejeta la demande d’asile du requérant et ordonna l’exécution de la décision d’expulsion dans un délai de soixante jours à compter de la notification de la décision (décision n5401/1-A/691-ια).

    18.  Le 13 janvier 2012, cette décision fut notifiée au requérant. Le même jour, celui-ci introduisit un recours contre la décision en question. Toujours à cette date, le requérant fut mis en liberté et se vit accorder une carte de demandeur d’asile, valable jusqu’au 12 avril 2012. Cette carte mentionnait « Athènes » comme adresse de résidence. Le Gouvernement allègue que, lors de la libération du requérant, les autorités avaient rappelé à l’intéressé qu’il devait se présenter dans un délai de dix jours au département de l’asile de la direction des étrangers de l’Attique pour y être enregistré et pour y déclarer son adresse permanente et son numéro de téléphone.

    19.  Le requérant indique avoir déclaré aux autorités qu’il ne disposait pas de logement mais que ces dernières ne l’avaient pas informé de la possibilité de bénéficier d’une structure d’accueil.

    20.  Le 4 décembre 2014, le directeur du département de l’asile de la direction des étrangers de l’Attique considéra que le requérant s’était tacitement désisté de son recours au motif qu’il ne s’était pas présenté aux autorités pour demander le renouvellement de sa carte de demandeur d’asile (décision no 5401/1-A/691-ιστ).

    21.  Le requérant soutient que, après sa libération, il séjourna à Athènes dans des conditions dégradantes, sans domicile fixe, sans accès à des toilettes, à de la nourriture et à de l’eau, et sans pouvoir bénéficier d’une structure d’accueil.

    22.  La question de savoir si le requérant a déposé une demande devant le ministère de la Solidarité sociale afin de bénéficier d’une structure d’accueil ou d’une assistance matérielle et financière, conformément au décret présidentiel no 220/2007, est controversée entre les parties. Le Gouvernement allègue que le requérant n’a pas introduit une telle demande. Le requérant a soumis à la Cour, avec ses observations, une copie de la demande en question, accompagnée d’un accusé de réception du service compétent. Selon ce document, le requérant a rédigé sa demande le 15 février 2012 et l’a déposée le 5 mars 2012. Il ressort du dossier que les autorités n’y ont pas répondu.

    23.  En avril 2012, le requérant quitta la Grèce et se rendit au Royaume-Uni, où il se vit accorder le statut de réfugié le 8 mai 2012.

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    24.  Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce sont décrits dans les arrêts M.S.S. c. Belgique et Grèce ([GC], no 30696/09, CEDH 2011), Bygylashvili c. Grèce (no 58164/10, 25 septembre 2012), Barjamaj c. Grèce (no 36657/11, 2 mai 2013), A.F. c. Grèce (no 53709/11, 13 juin 2013), Horshill c. Grèce (no 70427/11, 1er août 2013), Khuroshvili c. Grèce (no 58165/10, 12 décembre 2013), et B.M. c. Grèce (no 53608/11, 19 décembre 2013).

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 13 À RAISON DES DÉFAILLANCES DE LA PROCÉDURE D’ASILE ET DU RISQUE DE RENVOI VERS LA TURQUIE ET/OU L’IRAN

    25.  Le requérant dénonce des défaillances du système d’examen par les autorités de sa demande d’asile et allègue que celle-ci n’a pas été enregistrée promptement. Il se plaint également du risque d’expulsion vers la Turquie et/ou l’Iran. Il invoque les articles 3 et 13 de la Convention, ainsi libellés :

    Article 3

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    Article 13

    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Arguments des parties

    26.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que le requérant n’a pas respecté la procédure prévue par la loi et ne s’est pas présenté devant le département de l’asile de la direction des étrangers de l’Attique pour déclarer son adresse, renouveler sa carte de demandeur d’asile et s’assurer que son recours soit examiné. Il ajoute que, au contraire, l’intéressé avait quitté la Grèce et que les autorités avaient considéré qu’il s’était tacitement désisté de son recours.

    27.  Le requérant plaide que, dans les affaires E.A. c. Grèce (no 74308/10, 30 juillet 2015) et R.T. c. Grèce (no 5124/11, 11 février 2016), la Cour a déjà conclu à la violation des articles 3 et 13 de la Convention à raison des défaillances de la procédure d’asile, et ce malgré le fait que les requérants avaient quitté la Grèce avant que leurs demandes d’asile ne soient examinées en deuxième instance.

    B.  Appréciation de la Cour

    1.  En ce qui concerne l’allégation de défaillances dans l’examen de la demande d’asile du requérant

    28.  La Cour rappelle que, aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes et dans un délai de six mois à compter de la décision interne définitive.

    29.  Elle observe que, même s’il y a eu un certain retard dans l’enregistrement de la demande d’asile du requérant, cette circonstance n’a pas eu d’incidence sur la situation de l’intéressé. Elle note en outre que, à la suite de sa mise en liberté, le 13 janvier 2012, le requérant ne s’est pas présenté devant le département de l’asile de la direction des étrangers de l’Attique. Elle relève à titre d’exemple que l’intéressé n’a pas renouvelé sa carte de demandeur d’asile, qui était valable jusqu’au 12 avril 2012, et que cette absence de renouvellement a conduit les autorités compétentes à suspendre l’examen de la demande d’asile. Si le fait que le requérant s’est rendu au Royaume-Uni peut expliquer son inactivité, il n’en demeure pas moins que l’intéressé n’a ainsi pas donné aux autorités internes, en l’occurrence la commission de recours, la possibilité de se prononcer sur le risque qu’il encourait de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi vers l’Iran (B.M. c. Grèce, précité, §§ 82-84). La Cour note qu’à la différence de l’affaire E.A. c. Grèce, précitée, le requérant en l’espèce était conscient que sa demande d’asile pouvait être examinée par une deuxième instance. Par ailleurs, et contrairement à l’affaire R.T. c. Grèce, précitée, le requérant n’a pas été éloigné du territoire grec alors que sa demande d’asile était pendante mais il est parti de son propre gré.

    30.  Il s’ensuit que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne son grief relatif à l’article 3 de la Convention. Cette partie de la requête doit donc être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. Dans ces conditions, le grief tiré de l’article 13 de la Convention doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

    2.  En ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle il risquait d’être expulsé vers la Turquie puis vers l’Iran

    31.  En ce qui concerne la seconde partie du grief, à savoir le risque d’expulsion du requérant vers la Turquie puis vers l’Iran, la Cour constate que l’intéressé a quitté la Grèce et s’est rendu au Royaume-Uni. Il s’ensuit que le requérant n’a pas la qualité de victime à cet égard et que cette partie du grief doit être déclarée incompatible ratione personae avec la Convention et rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de celle-ci. Dans ces conditions, le grief tiré de l’article 13 de la Convention doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION À RAISON DES CONDITIONS D’EXISTENCE DU REQUÉRANT

    32.  Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint de la situation de dénuement total dans laquelle il s’est trouvé à sa libération.

    A.  Arguments des parties

    33.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ce grief pour défaut manifeste de fondement et estime que, en tout état de cause, celui-ci est vague et non étayé. Il soutient que le requérant n’a jamais introduit de demande de logement devant les autorités compétentes et que ces dernières ont confirmé n’avoir jamais trouvé une telle demande dans leurs archives. Au demeurant, le Gouvernement indique que, depuis le 13 janvier 2012, date de sa mise en liberté, le requérant n’est pas resté en contact avec les autorités et que, au moins depuis le 13 juillet 2012, date d’introduction de sa requête, le requérant réside au Royaume-Uni. Il ajoute que, à supposer même que le requérant ait résidé pendant une période en Grèce avant de se rendre au Royaume-Uni, l’intéressé ne démontre pas y avoir souffert d’une pauvreté extrême, ne dit pas qu’il avait informé les autorités de son lieu de résidence et de ses conditions d’existence à la suite de sa mise en liberté et n’allègue pas non plus avoir fait part de sa situation aux autorités.

    34.  Le Gouvernement estime à cet égard que, à la différence de l’affaire M.S.S c. Belgique et Grèce (précitée), en l’espèce, les autorités compétentes n’avaient pas été informées, conformément au décret présidentiel no 220/2007 et à la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 (directive européenne Accueil), que le requérant avait besoin d’un logement, de sorte qu’elles ne peuvent pas être tenues pour responsables des conditions d’existence de l’intéressé.

    35.  Le requérant rétorque qu’il a déjà soumis à la Cour une copie de sa demande de logement présentée devant les autorités compétentes, ce qui démontre, selon lui, qu’il avait porté sa situation à la connaissance des autorités. Il ajoute que, en tout état de cause, il n’a jamais été informé par les autorités de la possibilité d’introduire une demande aux fins de bénéficier d’une structure d’accueil ou d’une assistance matérielle et financière. Le requérant soutient encore que, selon le droit interne pertinent, il incombait aux autorités de procéder à une évaluation de sa situation individuelle afin de vérifier s’il disposait de moyens suffisants et de déterminer le montant de l’aide financière à lui accorder le cas échéant, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. Il expose à nouveau les conditions dans lesquelles il a vécu après sa mise en liberté et allègue qu’il a fait tout ce qui pouvait raisonnablement être exigé de lui pour informer les autorités de la détresse dans laquelle il vivait. Il déclare que ces conditions d’existence avaient engendré chez lui des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité. Il estime par conséquent que la situation qu’il a vécue peut être qualifiée de dégradante et tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 3 de la Convention.

    B.  Appréciation de la Cour

    36.  La Cour rappelle qu’elle s’est déjà penchée sur les conditions d’existence en Grèce de demandeurs d’asile, livrés à eux-mêmes et vivant de longs mois dans une situation de dénuement extrême, dans l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce (précité). Dans cet arrêt (ibidem, § 263), la Cour s’est prononcée ainsi :

    « (...) compte tenu des obligations reposant sur les autorités grecques en vertu de la directive européenne Accueil (...), la Cour est d’avis qu’elles n’ont pas dûment tenu compte de la vulnérabilité du requérant comme demandeur d’asile et doivent être tenues pour responsables, en raison de leur passivité, des conditions dans lesquelles il s’est trouvé pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à ses besoins essentiels. La Cour estime que le requérant a été victime d’un traitement humiliant témoignant d’un manque de respect pour sa dignité et que cette situation a, sans aucun doute, suscité chez lui des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à conduire au désespoir. Elle considère que de telles conditions d’existence, combinées avec l’incertitude prolongée dans laquelle il est resté et l’absence totale de perspective de voir sa situation s’améliorer, ont atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. »

    37.  La Cour estime que ces considérations sont également pertinentes dans les circonstances de la présente espèce. Elle observe que, eu égard à la demande du requérant déposée auprès du ministère de la Solidarité sociale ainsi qu’à l’accusé de réception apposé sur cette demande, dont elle a reçu copie, l’intéressé avait effectivement demandé, le 5 mars 2012, au service compétent de lui trouver une structure d’accueil ou de bénéficier d’une assistance matérielle et financière (paragraphe 22 ci-dessus). Cependant, elle constate qu’il ressort du dossier qu’aucune réponse n’a été donnée au requérant, alors que les autorités ne pouvaient ignorer qu’il était sans domicile en Grèce.

    38.  Par ailleurs, la Cour relève, d’une part, qu’il existe en Grèce peu de places dans les centres d’accueil pour faire face à l’hébergement de dizaines de milliers de demandeurs d’asile et, d’autre part, que l’accès au marché du travail comporte des obstacles administratifs mais aussi pratiques dus à l’absence de tout réseau de soutien et au contexte général de crise économique (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, §§ 258 et 261).

    39.  Dans ces conditions, et compte tenu des obligations reposant sur les autorités grecques en vertu de la directive Accueil (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 263), la Cour estime que les autorités ont manqué à leur obligation d’assurer au requérant des conditions d’existence conformes à l’article 3 de la Convention au moins du 5 mars 2012, lorsque le requérant a formellement introduit sa demande devant le ministère de la Solidarité sociale, jusqu’à la date du départ de l’intéressé pour le Royaume-Uni, courant avril 2012.

    40.  Il s’ensuit que le requérant s’est retrouvé, par le fait des autorités, dans une situation dégradante contraire à l’article 3 de la Convention. Dès lors, il y a eu violation de cette disposition de ce chef.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    41.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    42.  Le requérant réclame 7 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    43.  Le Gouvernement estime que la somme réclamée est excessive et arbitraire et argue que le constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.

    44.  La Cour considère que le requérant a subi un préjudice moral du fait de la violation de son droit garanti par l’article 3 de la Convention à raison de ses conditions d’existence après sa mise en liberté. Elle estime que ce préjudice moral ne se trouve pas suffisamment compensé par le constat de violation. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant la somme de 2 500 EUR pour préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    45.  La Cour note que le requérant ne présente aucune demande de remboursement des frais et dépens. Elle ne lui accorde donc aucune somme à ce titre.

    C.  Intérêts moratoires

    46.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention concernant les conditions d’existence du requérant après sa mise en liberté, et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions d’existence du requérant après sa mise en liberté ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 mai 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    Renata Degener                                                                       Ledi Bianku
    Greffière adjointe                                                                      
    Président


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