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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PLOTNIKOV v. RUSSIA - 39595/06 (Judgment : No violation of Article 5 - Right to liberty and security (Article 5-1 - Lawful arrest or detention)) French Text [2017] ECHR 730 (25 July 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/730.html Cite as: [2017] ECHR 730 |
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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE PLOTNIKOV c. RUSSIE
(Requête no 39595/06)
ARRÊT
STRASBOURG
25 juillet 2017
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Plotnikov c. Russie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Luis López Guerra,
président,
Dmitry Dedov,
Jolien Schukking, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 juillet 2017,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 39595/06) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet État, M. Sergey Yuriyevich Plotnikov (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 août 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me O.V. Preobrazhenskaya, avocat à Strasbourg. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. G. Matyushkin, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, et puis par son successeur dans ce bureau, M. M. Galperine.
3. Le 14 janvier 2016, le grief concernant la régularité de la détention du requérant a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1972 et réside à Tchéliabinsk.
5. Par un jugement du 15 septembre 2000, la cour régionale de Tchéliabinsk (« la cour régionale ») condamna le requérant à dix-neuf ans de réclusion criminelle.
6. Le 22 février 2006, le présidium de la Cour suprême russe, statuant comme instance de révision, annula le jugement du 15 septembre 2000 et renvoya l’affaire pour un nouvel examen au fond. Il ordonna par ailleurs le placement du requérant en détention provisoire sans indiquer les motifs de cette décision et sans fixer la durée de cette mesure.
7. Par deux décisions des 28 avril et 29 mai 2006, la cour régionale ordonna également le placement du requérant en détention provisoire, sans mentionner les motifs de ses décisions et la durée de la mesure.
8. Le 24 juillet 2006, elle condamna le requérant à treize ans et quatre mois d’emprisonnement.
9. Le 12 janvier 2007, la Cour suprême russe confirma ce jugement en appel.
10. À une date non spécifiée dans le dossier, le requérant demanda à bénéficier d’une libération conditionnelle.
11. Par une décision du 24 août 2010, le tribunal de la ville de Kopeysk fit droit à la demande du requérant en tenant compte, notamment, du bon comportement de l’intéressé pendant son emprisonnement. Le dispositif de la décision se lit ainsi, en ses passages pertinents en l’espèce :
« (...) le tribunal décide d’octroyer [au requérant] une libération conditionnelle deux ans trois, mois et quinze jours avant le terme de la peine d’emprisonnement infligée par le jugement de la cour régionale de Tchéliabinsk du 24 juillet 2006.
Cette décision est susceptible d’appel devant la cour régionale de Tchéliabinsk dans un délai de dix jours après qu’une copie en aura été remise [au requérant] (...) »
12. Le 26 août 2010, le requérant fut remis en liberté.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
13. Selon l’article 391 § 1 du code de procédure pénale (CPP), dans sa version en vigueur au moment des faits, une décision d’un tribunal de première instance entrait en vigueur et devenait exécutoire après l’expiration du délai imparti pour l’appel (обжалование в кассационном порядке) ou, le cas échéant, le jour du prononcé de la décision de la juridiction d’appel confirmant cette décision.
14. Selon l’article 175 § 3 du code de l’exécution des sanctions pénales (CESP), dans sa version en vigueur au moment des faits, la remise en liberté d’un détenu avant l’expiration du terme de son emprisonnement était effectuée le jour de la réception par l’administration pénitentiaire des documents relatifs à sa libération ou le lendemain de ce jour si lesdits documents étaient reçus après la fin de la journée de travail.
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION
15. Le requérant allègue que sa détention pendant la période allant du 22 février au 24 juillet 2006 ainsi que pendant celle courant du 24 au 26 août 2010 n’était pas régulière. Il invoque l’article 5 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses passages pertinents en l’espèce :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ; (...)
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; (...) »
A. Détention du requérant du 22 février au 24 juillet 2006
16. Le 13 mai 2016, le Gouvernement a soumis à la Cour une déclaration unilatérale dont les parties pertinentes en l’espèce se lisent ainsi :
« Je soussigné G. Matyushkin, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, déclare par la présente que les autorités russes reconnaissent que, entre le 22 février et le 24 juillet 2006, Sergey Yuriyevich Plotnikov a été privé de liberté en violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
Le Gouvernement est prêt à verser la somme de 5 000 EUR au requérant à titre de satisfaction équitable.
En conséquence, [il] invite la Cour à rayer du rôle la présente requête. Il suggère à la Cour de considérer cette déclaration comme un « autre motif » justifiant de rayer la requête du rôle, aux termes de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
La somme susmentionnée, destinée à couvrir tout dommage matériel et moral ainsi que les frais et dépens, ne sera soumise à aucun impôt. Elle sera payable dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision de la Cour, en application de l’article 37 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et convertie en roubles russes au taux applicable à la date du paiement. Si elle n’était pas versée dans ce délai, le Gouvernement s’engage à la majorer, jusqu’au règlement, d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage. Le paiement vaudra règlement définitif de l’affaire. »
17. Les observations du requérant sont parvenues à la Cour le 24 juin 2016. Le requérant y acceptait les termes de la déclaration unilatérale en ce qui concerne sa détention pour la période comprise entre le 22 février et le 24 juillet 2006.
18. Dès lors, compte tenu de l’approbation expresse par le requérant des termes de la déclaration formulée par le Gouvernement, la Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties. Elle estime que celui-ci s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles et ne voit par ailleurs aucun motif justifiant de poursuivre l’examen de cette partie de la requête (article 39 de la Convention).
19. En conséquence, il convient de rayer la requête du rôle en ce qui concerne le grief relatif à la régularité de la détention du requérant pour la période comprise entre le 22 février et le 24 juillet 2006.
B. Sur la détention du requérant entre le 24 et le 26 août 2010
1. Sur la recevabilité
20. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
a) Thèses des parties
21. Le gouvernement défendeur indique que la mise en liberté du requérant n’était pas possible avant que la décision du 24 août 2010 portant sur la libération conditionnelle de l’intéressé ne soit devenue définitive et exécutoire, à savoir le 3 septembre 2010. Il expose, de surcroît, que le requérant a été remis en liberté avant même cette date. Il estime donc que le requérant, s’agissant de la période comprise entre le 24 et le 26 août 2010, a été privé de liberté selon les voies légales, en conformité avec l’article 5 § 1 de la Convention.
22. Le requérant réplique que les dispositions de la loi régissant la remise en liberté, notamment l’article 173 § 5 du CESP, n’étaient pas suffisamment précises et prévisibles dans leur application pour satisfaire aux exigences relatives à la qualité de la loi aux fins de l’article 5 § 1 de la Convention. Il indique à cet égard que la copie d’une décision de remise en liberté peut parvenir à l’administration pénitentiaire avec du retard. En outre, il estime que le moment auquel la décision du tribunal de première instance prononçant la remise en liberté d’un détenu devient définitive et exécutoire est peu prévisible car, selon lui, il dépend de l’éventuelle introduction d’un appel et de l’examen ultérieur de ce dernier par une juridiction d’appel, période pendant laquelle le détenu continuerait d’être privé de liberté. Il expose enfin que la décision du 24 août 2010 précisait qu’il devait être libéré avant le terme de sa peine d’emprisonnement, la période non exécutée de ladite peine s’élevant à deux ans, trois mois et quinze jours. Il soutient que, pour les autorités internes, la seule possibilité de respecter le délai susmentionné était de le libérer le 24 août 2010. Il estime par conséquent que, pour la période comprise entre le 24 et le 26 août 2010, sa détention était arbitraire car basée sur une loi ne répondant pas aux exigences de clarté et de prévisibilité requises par l’article 5 § 1 de la Convention.
b) Appréciation de la Cour
23. La Cour note que le requérant a été privé de liberté après avoir été condamné le 24 juillet 2006 par un tribunal ayant compétence pour statuer dans son affaire, à savoir la cour régionale de Tchéliabinsk, à treize ans et quatre mois d’emprisonnement. La détention du requérant était donc explicitement couverte par l’article 5 § 1 a) de la Convention pour une période allant largement au-delà du 26 août 2010.
24. Par ailleurs, la Cour rappelle que l’article 5 § 1 a) de la Convention ne garantit pas le droit à la liberté conditionnelle (Gerger c. Turquie [GC], no 24919/94, § 69, 8 juillet 1999). Par conséquent, elle estime que, en l’espèce, il ne lui appartient pas de rechercher, comme le suggère le requérant, si l’article 173 § 5 du CESP répondait aux exigences relatives à la qualité de la loi au sens de l’article 5 § 1 de la Convention car l’intéressé ne pouvait s’en prévaloir devant les autorités internes qu’une fois la décision du 24 août 2010 devenue définitive conformément à l’article 391 § 1 du CPP (paragraphe 13 ci-dessus). Elle ne voit pas de raisons de remettre en question l’interprétation de cette dernière disposition par le gouvernement défendeur, selon lequel la décision du 24 août 2010 est devenue définitive à l’expiration du délai de dix jours imparti pour interjeter appel, à savoir le 3 septembre 2010. Elle souligne à cet égard que le cas d’espèce diffère des affaires qu’elle a précédemment examinées, qui portaient sur un retard survenu dans la remise en liberté de détenus ordonnée par des décisions de justice définitives (voir Karpova c. Russie [comité], no 35413/07, § 22, 12 janvier 2016, et les affaires qui y sont citées). Quant à la question de savoir si les dispositions du droit interne relatives à la procédure d’appel contre une décision de remise en liberté étaient suffisamment claires et précises, la Cour constate qu’aucun appel n’a été interjeté contre la décision du 24 août 2010 et que, par conséquent, cette question n’est pas pertinente dans les circonstances de l’espèce.
25. En ce qui concerne l’indication, dans la décision du 24 août 2010, de la durée de la peine d’emprisonnement dont le requérant a été exempté, la Cour estime que, à elle seule, cette indication ne peut pas être interprétée comme conférant à l’intéressé un droit d’être remis en liberté à la date du prononcé de ladite décision. Elle rappelle qu’il convient de distinguer la situation dans laquelle une remise en liberté conditionnelle ou définitive est accordée par les autorités compétentes en vertu de leur pouvoir discrétionnaire de celle dans laquelle ces autorités ne disposent pas de pareil pouvoir et sont tenues d’appliquer une telle mesure à toute personne remplissant les conditions fixées par la loi pour en bénéficier (Del Río Prada c. Espagne [GC], no 42750/09, § 126, CEDH 2013).
26. En l’espèce, le tribunal de la ville de Kopeysk, en faisant droit à la demande de libération conditionnelle du requérant au vu, notamment, du bon comportement de l’intéressé pendant son emprisonnement, a fait usage de son pouvoir discrétionnaire (paragraphe 11 ci-dessus). L’indication de la période d’exemption n’était donc pas liée à un calcul de la durée globale de la privation de liberté de l’intéressé selon le système juridique national (voir, a contrario, Grava c. Italie, no 43522/98, §§ 43-45, 10 juillet 2003). Quelle que soit la raison pour laquelle la juridiction interne a indiqué la durée de la période d’exemption dans sa décision du 24 août 2010, la Cour estime que cette indication n’a pas eu d’influence sur la régularité de la détention du requérant du 24 au 26 août 2010 au sens de la Convention.
27. À la lumière des considérations ci-dessus, la Cour conclut que la détention du requérant du 24 au 26 août 2010 était régulière au sens de l’article 5 § 1 de la Convention et qu’il n’y a donc pas eu violation de cette disposition.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 39 de la Convention en ce qui concerne le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention relatif à la régularité de la détention du requérant pour la période comprise entre le 22 février et le 24 juillet 2006 ;
2. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de 5 § 1 de la Convention relatif à la régularité de la détention du requérant pour la période comprise entre le 24 et le 26 août 2010 ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 juillet 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Fatoş Aracı Luis López Guerra
Greffière adjointe Président