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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MIUTI v. ROMANIA - 49481/13 (Judgment : Article 6 - Right to a fair trial : Fourth Section Committee) [2018] ECHR 367 (24 April 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2018/367.html Cite as: ECLI:CE:ECHR:2018:0424JUD004948113, [2018] ECHR 367, CE:ECHR:2018:0424JUD004948113 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE MIUŢI c. ROUMANIE
(Requête no 49481/13)
ARRÊT
STRASBOURG
24 avril 2018
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Miuţi c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :Paulo Pinto de Albuquerque, président,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,
PROCÉDURE
1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 49481/13) dirigée contre la Roumanie et dont une ressortissante de cet État, Mme Florentina Miuţi (« la requérante »), a saisi la Cour le 26 juillet 2013 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).2. La requérante a été représentée par Me G.E. Trantea, avocate à Târgu-�Jiu. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.3. Le 18 mars 2014, la requête a été communiquée au Gouvernement.4. Le Gouvernement s'est opposé à l'examen de la requête par un comité. Après avoir examiné cette objection, la Cour l'a rejetée.EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. La requérante est née en 1983 et réside à Socu.6. En 2004, la requérante se maria avec G.M.O.V. De leur union naquit, le 21 décembre 2004, un garçon, O.C.7. À une date non précisée, la requérante et son mari se rendirent en Italie pour trouver du travail ; en l'absence de ses parents, l'enfant demeurait chez sa grand-mère paternelle. En 2010, G.M.O.V. retourna en Roumanie et s'installa chez sa mère avec l'enfant. La requérante indique être restée en Italie.A. La procédure de divorce
8. En 2011, G.M.O.V. engagea une procédure de divorce devant le tribunal de première instance de Motru. Il demanda également la garde exclusive de l'enfant et la condamnation de la requérante à lui verser une pension alimentaire. Il indiqua dans sa demande que la requérante était en Italie, mais déclara ne pas connaître son adresse.
9. La requérante fut citée à comparaître au domicile commun des époux. Le 25 janvier 2011, la citation qui lui était adressée fut remise à son époux. Les 23 février et 24 mai 2011, d'autres citations à comparaître adressées à la requérante furent remises à la mère de G.M.O.V.
10. Pour l'audience du 16 juin 2011, la requérante fut citée à comparaître par une annonce publiée dans un journal. Par un jugement du même jour, le tribunal de première instance prononça le divorce des époux, octroya la garde de l'enfant au père et condamna la requérante à lui payer une pension alimentaire mensuelle de 150 lei roumains, soit environ 35 euros (EUR). Le tribunal nota que la requérante avait été légalement citée à comparaître mais qu'elle ne s'était pas présentée et qu'elle n'avait pas non plus déposé de conclusions.
11. Le jugement du 16 juin 2011 fut communiqué par publication (comunicare prin publicitate). Les parties n'ont pas indiqué où ni comment cette publication a été réalisée. La date de la publication est également incertaine (paragraphe 15 ci-dessous).
12. La requérante allègue ne pas avoir eu connaissance de ce jugement et avoir continué à communiquer avec G.M.O.V. depuis l'Italie, surtout pour se renseigner sur l'éducation de l'enfant, et à lui envoyer de l'argent.13. En août 2012, la requérante retourna en Roumanie pour les vacances ; elle soutient avoir appris à cette occasion l'existence du jugement du 16 juin 2011 susmentionné.14. Le 10 août 2012, la requérante interjeta appel et fit une demande d'autorisation d'appel hors délai (repunere în termen). Elle indiquait qu'elle avait été citée à comparaître au domicile de son ex-époux ou par publication alors qu'elle était partie chercher du travail en Italie, où elle avait obtenu un contrat en octobre 2011, et qu'elle n'avait pas eu connaissance de la procédure de divorce à son encontre.
15. Par un arrêt du 16 octobre 2012, le tribunal départemental de Gorj rejeta son appel pour tardiveté. Le tribunal reprocha à la requérante de ne pas avoir informé les juridictions de son changement d'adresse. En outre, il constata qu'elle avait interjeté appel en dehors du délai légal de trente jours à compter de la communication par publication du jugement en question. À cet égard, l'arrêt comportait le passage suivant :
« De même, sur la base des documents [versés au] dossier, le tribunal note que le jugement [du 16 juin 2011] a été communiqué par publicité le 22 août 2012 et que l'appel a été interjeté le 10 août 2012, soit après l'expiration du délai légal pour interjeter appel. »
16. La requérante forma un recours (recurs). Il ressort des documents présentés par le Gouvernement devant la Cour que la requérante avait versé au dossier une copie de la carte d'identité délivrée par les autorités italiennes le 20 novembre 2010, comportant entre autres mention de son adresse et de sa profession en Italie.
17. La cour d'appel de Craiova rejeta le recours de la requérante par un arrêt du 29 janvier 2013, qui est ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l'espèce :
« Même si la requérante défenderesse a soutenu être partie en Italie en octobre 2011 et qu'à la date d'examen de l'action en première instance (16.06.2011) elle était à son domicile de la commune de Băleşti, village de Găvăneşti, dans le département de Gorj, ce dont le requérant [demandeur] aurait été au courant [et que] ce dernier a fait usage de mauvaise foi de la procédure de citation par notification, le document nouvellement déposé en recours prouve que, pendant l'intégralité de l'année 2011 (în tot cursul anului 2011), la défenderesse était en Italie.
Ainsi, la requérante défenderesse a versé [au dossier] la copie de sa carte d'identité selon laquelle elle avait élu domicile en Italie à compter du 20 novembre 2010 et y travaille, comme en attestent les déclarations des témoins. Même si la défenderesse est revenue au pays, elle n'a pas été à même de prouver que le requérant [demandeur] a demandé de mauvaise foi sa citation par publicité puisque, selon ses papiers, elle avait déjà élu domicile en Italie et, lorsqu'elle a été citée au domicile qu'elle indique également en recours, elle ne s'y trouvait pas, la citation [à comparaître] ayant été signée par un membre de la famille. »
18. La cour d'appel conclut que la citation de la requérante par publicité et la communication du jugement rendu en première instance également par publicité avaient été décidées de manière légale et que le délai pour interjeter appel devait se calculer à compter de la communication du jugement susmentionné par publicité. Enfin, elle estima que l'appel interjeté par la requérante était tardif car introduit en dehors du délai légal.
B. Les développements ultérieurs
19. En février 2013, la requérante saisit le tribunal de première instance de Târgu-Jiu (« le tribunal de première instance ») d'une action visant à faire établir le domicile de son enfant chez elle en Roumanie. Elle faisait état de ses craintes que le père ne s'occupât pas de façon adéquate de l'enfant et indiquait qu'elle n'avait pas été dûment informée de la procédure de divorce. En mai 2015, elle informa le tribunal qu'elle renonçait à son action parce que le témoin qu'elle entendait citer ne pouvait pas se présenter devant le tribunal pour témoigner.20. Le 23 juillet 2013, elle saisit le tribunal de première instance d'une action en référé afin de se voir reconnaître, de manière provisoire, un droit de visite à l'égard de son fils jusqu'à la solution de son action principale ayant le même objet (paragraphe 23 ci-dessous).21. Par un jugement du 29 août 2013, le tribunal de première instance fit droit à sa demande. Après avoir entendu G.M.O.V. et l'enfant et examiné un rapport des services sociaux, le tribunal jugea qu'il était dans l'intérêt de l'enfant que celui-ci maintînt des relations personnelles avec sa mère.
22. Entre-temps, le 30 mai 2013, la requérante avait saisi le tribunal de première instance d'une action afin d'obtenir un droit de garde partagée et un droit de visite à l'égard de l'enfant. Elle avait indiqué vouloir maintenir des relations personnelles et directes avec son enfant et que G.M.O.V. s'y opposait. Le tribunal entendit G.M.O.V. et l'enfant ainsi que les témoins proposés par les parties. Il demanda en outre aux services sociaux de procéder à l'évaluation psychologique de l'enfant. Selon un rapport dressé en janvier 2014, l'évolution et le développement de l'enfant étaient conformes à son âge. Il fut toutefois conseillé aux parents de faire preuve de flexibilité dans la mise en œuvre du droit de visite et de prendre en compte les souhaits exprimés par l'enfant.
23. Par un jugement du 7 mars 2014, le tribunal de première instance accueillit la demande de la requérante et lui octroya la garde de l'enfant conjointement avec le père ainsi qu'un droit de visite.
24. Le Gouvernement précise que le jugement du 7 mars 2014 est devenu définitif.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
25. Les dispositions du code de procédure civile (« le CPC ») en vigueur jusqu'au 15 février 2013 relatives aux citations à comparaître sont décrites dans l'affaire S.C. Raïssa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie (no 37576/05, § 18, 8 janvier 2013).
26. En particulier, l'article 95 du CPC autorisait la partie demanderesse à demander la citation de la partie défenderesse par publicité lorsqu'elle avait pris toutes les mesures pour identifier l'adresse de cette dernière, mais sans succès ; en pareil cas, la citation était affichée au tribunal et, si celui-ci le jugeait nécessaire, elle était publiée dans le Bulletin officiel et dans un journal de grande diffusion. L'article 103 du même code autorisait la partie défenderesse à exercer les voies de recours en dehors des délais légaux si elle prouvait avoir été empêchée de le faire par une circonstance indépendante de sa volonté. L'article 266 du CPC disposait qu'une copie des décisions judiciaires était communiquée aux parties lorsque cela était nécessaire pour le calcul du délai pour interjeter appel ou pour former un pourvoi en recours.27. En ce qui concernait la procédure de divorce, l'article 616 du CPC prévoyait que, lorsque la citation de l'époux défendeur avait été faite par voie d'affichage et qu'il ne s'était pas présenté à l'audience, le tribunal devait demander des éléments de preuve ou procéder à une enquête afin de vérifier si le défendeur avait son domicile au lieu indiqué dans la demande de divorce. Si le tribunal constatait qu'il n'y avait pas son domicile, il devait le citer à son domicile et, le cas échéant, à son lieu de travail. Selon l'article 619 du même code, le délai pour interjeter appel ou pour former un pourvoi en recours dans la procédure de divorce était de 30 jours à compter de la communication de la décision de justice.28. Le nouveau code civil, entré en vigueur le 1er octobre 2011, dispose en son article 397 que l'autorité parentale revient, après le divorce, aux deux parents, sauf si le juge en décide autrement. Selon l'article 401 de ce code, le parent qui n'habite pas avec l'enfant a le droit de garder des relations personnelles avec lui. L'article 403 du même code dispose en outre que, lorsque les circonstances de fait ont subi un changement, le juge peut, à la demande notamment de l'un des parents ou d'un membre de la famille, décider de modifier les mesures relatives aux droits et obligations des parents divorcés envers leurs enfants mineurs.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
29. La requérante se plaint d'un manque d'équité de la procédure de divorce engagée à son encontre au motif qu'elle n'a pas été effectivement citée à comparaître lors de la procédure en première instance et que les juridictions d'appel et de recours ont refusé de corriger cette carence. Elle invoque à cet égard l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l'espèce :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
30. Constatant que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.B. Sur le fond
1. Thèses des parties
31. La requérante se plaint de ne pas avoir pu exercer de recours contre le jugement du 16 juin 2011 du tribunal de première instance de Motru. À cet égard, elle indique que son ex-époux savait qu'elle vivait en Italie, où elle avait obtenu une carte d'identité le 20 novembre 2010 et où elle avait commencé à travailler en octobre 2011. Elle dit y avoir vécu en permanence après cette dernière date. Elle indique avoir interjeté appel contre le jugement du 16 juin 2011 lorsqu'elle a pris connaissance de celui-ci, à son retour en Roumanie en août 2012. Elle soutient avoir tenté d'apporter des preuves, notamment des déclarations de témoins qui auraient pu dire que son époux lui avait caché qu'il avait engagé une procédure de divorce, mais les tribunaux auraient rejeté sa demande.
32. Le Gouvernement expose que les tribunaux internes ont respecté le cadre légal lorsqu'ils ont procédé à la citation de la requérante dans un premier temps au domicile commun des époux et ensuite par voie de publication. Il indique que, pendant la procédure en appel, la requérante a indiqué avoir habité en Italie à partir d'octobre 2011, et non du 20 novembre 2010, alors que, en recours, elle avait versé au dossier un document attestant qu'elle avait habité en Italie à partir du 20 novembre 2010. Il ajoute que la requérante n'a pas apporté devant les tribunaux internes la preuve que son ex-�époux avait demandé de mauvaise foi sa citation par publication, comme le permettait le CPC pour faire annuler les actes de procédure accomplis.33. Dans ses observations supplémentaires, le Gouvernement indique qu'il y a une contradiction dans les observations de la requérante devant la Cour. À ses yeux, la requérante n'a pas clarifié si elle se trouvait en Italie entre le 20 novembre 2010, date à laquelle elle a obtenu une carte d'identité délivrée par les autorités italiennes, et octobre 2011, lorsqu'elle y aurait obtenu un contrat de travail.
2. Appréciation de la Cour
34. La Cour rappelle avoir récemment résumé les principes applicables relatifs au « droit à un tribunal » et notamment à la notification des actes de procédure dans l'arrêt Paroutsas et autres c. Grèce (no 34639/09, §§ 25-�29, 2 mars 2017 ; voir également Gakharia c. Géorgie, no 30459/13, §§ 32-37, 17 janvier 2017, et Schmidt c. Lettonie, no 22493/05, §§ 86-89, 27 avril 2017). Elle a jugé, en particulier, que « le droit à un tribunal » comporte plusieurs aspects, dont le droit d'accès et l'égalité des armes, qui exige un juste équilibre entre les parties. Les réglementations relatives aux formalités pour former un recours ne devraient pas empêcher les justiciables d'utiliser une voie de recours disponible. L'effectivité du droit d'accès demande qu'un individu jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits (Paroutsas et autres, précité, § 28 ; voir également S.C. Raïssa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie, no 37576/05, § 29, 8 janvier 2013, et la jurisprudence y citée).35. Se tournant vers les faits de l'espèce, la Cour note que la requérante se plaint, d'une part, qu'elle n'a pas été effectivement citée à comparaître lors de la procédure en première instance et, d'autre part, que les juridictions d'appel et de recours ont refusé de corriger cette carence (paragraphe 29 ci-�dessus). S'agissant du défaut de citation en première instance, elle observe que les tribunaux internes ont procédé à la citation de la requérante au domicile commun des époux et ensuite par publication dans un journal, car son époux avait indiqué qu'elle habitait en Italie mais qu'il ne connaissait pas son adresse exacte (paragraphes 8, 9 et 10 ci-�dessus). Elle relève que, pour procéder ainsi, le tribunal de première instance de Motru a fait application des dispositions légales relatives à la notification des actes de procédure (paragraphe 25 ci-dessus). La Cour observe ensuite que la requérante n'allègue pas que les autorités nationales auraient dû faire des démarches pour trouver son adresse en Italie (voir, a contrario, Schmidt, précité, §§ 93-�94), mais que l'intéressée invoque plutôt la mauvaise foi de son époux qui connaissait selon elle son adresse en Italie mais ne l'avait pas communiquée aux autorités internes (paragraphe 31 ci-dessus). Toutefois, la Cour estime que cet aspect n'est pas décisif en lui-même et qu'il convient plutôt d'examiner la manière dont les tribunaux internes ont examiné, lorsqu'ils ont été saisis des recours exercés par la requérante, les arguments de celle-ci tirés du défaut de notification lors de la procédure de première instance (voir, mutatis mutandis, Gakharia, précité, § 46).36. À cet égard, la Cour note qu'il n'est pas contesté par les parties que le jugement rendu le 16 juin 2011 par le tribunal de première instance de Motru n'a jamais été notifié personnellement à la requérante (paragraphes 10 et 11 ci-�dessus). Si ce jugement a été communiqué par publication, la date de publication n'est pas certaine (paragraphe 11 ci-�dessus). La Cour estime que la date du 22 août 2012 indiquée par le tribunal départemental (paragraphe 15 ci-dessus) relève vraisemblablement de l'erreur matérielle puisque cette date est postérieure à la date à laquelle la requérante a interjeté appel (paragraphe 14 ci-dessus).37. La Cour note ensuite que la requérante allègue que, après avoir appris l'existence de ce jugement, elle a saisi les tribunaux internes d'une demande d'autorisation d'exercer un recours hors délai. La Cour relève que, pour ce faire, l'intéressée a notamment déposé devant la juridiction de recours une copie de sa carte d'identité délivrée le 20 novembre 2010 par les autorités italiennes (paragraphe 16 ci-dessus). De l'avis de la Cour, il s'agissait d'un argument sérieux qui appelait une réponse de la part des tribunaux internes (voir, mutatis mutandis, Paroutsas et autres, précité, § 36).38. La Cour prend note de l'argument soulevé par le Gouvernement dans ses observations supplémentaires faisant état de certaines contradictions dans les observations que la requérante a présentées devant elle quant à la durée de son séjour en Italie (paragraphe 33 ci-dessus). Toutefois, elle constate que la cour d'appel de Craiova a examiné cet argument et a décidé, sur la base des documents versés au dossier par la requérante dont, notamment, la copie de sa carte d'identité délivrée par les autorités italiennes, que l'intéressée se trouvait en Italie pendant l'intégralité de l'année 2011 (paragraphe 17 ci-dessus). Dès lors, elle ne saurait pas remettre en question ce constat.39. La Cour observe ensuite que le tribunal départemental n'a pas examiné le bien-fondé des arguments de la requérante tirés du défaut de notification puisqu'il s'est borné à constater que l'intéressée n'avait pas exercé de recours dans le délai de trente jours à compter de la publication du jugement du 16 juin 2011 (paragraphe 15 ci-dessus). De plus, la cour d'appel a confirmé ce raisonnement bien qu'elle ait constaté que la requérante se trouvait en Italie pendant l'intégralité de l'année 2011 (paragraphes 17-18 ci-dessus). La Cour estime que, en procédant ainsi, les tribunaux internes ont fait preuve d'un formalisme excessif qui n'était pas justifié, d'autant plus que la procédure en cause revêtait une importance considérable pour la requérante puisqu'elle affectait son état civil et ses droits parentaux (voir, mutatis mutandis, Schmidt, précité, § 95 in fine).40. Compte tenu du fait que les tribunaux internes saisis des recours n'ont pas examiné de manière adéquate les arguments de la requérante tirés du défaut de notification des actes de procédure en raison de sa résidence à l'étranger, la Cour estime que ceux-ci n'ont pas répondu aux problèmes spécifiques soulevés par l'intéressée et qu'ils ont entravé de manière excessive son droit d'accès à un tribunal (voir, mutatis mutandis, Paroutsas et autres, précité, § 38).41. Partant, il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
42. La requérante se plaint de ne pas avoir pu soulever d'arguments devant les juridictions internes concernant l'attribution de la garde de son enfant. Elle invoque l'article 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...).
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-�être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
A. Arguments des parties
43. Le Gouvernement soulève une exception d'incompatibilité ratione materiae, au motif que la requérante s'est vu octroyer par les juridictions nationales la garde partagée de son enfant ainsi qu'un droit de visite. Il se réfère à cet égard à la procédure finalisée par le jugement du 7 mars 2014 du tribunal de première instance de Târgu-Jiu (paragraphes 22-23 ci-dessus). Sur le fond, le Gouvernement estime que les autorités nationales ont rempli leurs obligations positives découlant de l'article 8 de la Convention. Il considère que le dispositif législatif en vigueur a permis à la requérante de présenter ses arguments dans un autre cadre que celui de la procédure de divorce et que l'action de l'intéressée visant à obtenir la garde partagée et un droit de visite a été dûment examinée par les tribunaux, qui y ont fait droit.44. La requérante allègue avoir été privée de tout contact avec son fils en 2012 et 2013 et que sa vie privée et sa vie de famille en ont été profondément affectées. Elle se plaint en outre que, en raison de la procédure de divorce, elle a dû revenir à son nom de jeune fille, sans pouvoir présenter devant les tribunaux ses arguments à cet égard.
B. Appréciation de la Cour
45. La Cour estime qu'il n'est pas nécessaire en l'espèce de statuer sur l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement, puisqu'elle considère que ce grief est en tout état de cause manifestement mal fondé pour les raisons exposées ci-dessous.46. La Cour rappelle que, pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale, même si la relation entre les parents s'est rompue, et que des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans le droit protégé par l'article 8 de la Convention (voir, entre autres, Johansen c. Norvège, 7 août 1996, § 52, Recueil des arrêts et décisions 1996-�III, et Elsholz c. Allemagne [GC], no 25735/94, § 43, CEDH 2000-�VIII).47. Elle estime que la procédure de divorce a eu des conséquences sur la vie familiale de la requérante dans la mesure où la garde de son fils a été octroyée, dans le cadre de cette procédure, au père de l'enfant. Toutefois, elle note que les dispositions du nouveau code civil roumain autorisaient la requérante à demander aux tribunaux internes de modifier les mesures relatives à l'exercice de ses droits parentaux (paragraphe 28 ci-dessus). Elle note que l'intéressée s'en est prévalue immédiatement après l'examen de son recours relatif à la procédure de divorce et qu'elle a pu faire valoir ses arguments relatifs au droit de garde et au droit de visite dans le cadre d'une action séparée (voir, mutatis mutandis, Brée c. Roumanie (déc.), no 43515/12, § 49, 3 décembre 2013). La Cour considère que les tribunaux internes ont dûment examiné la demande de la requérante et qu'ils en ont clarifié les circonstances particulières en procédant à l'audition des parties et des témoins et en examinant le rapport des services sociaux relatif au développement psychologique de l'enfant (paragraphes 21 et 22 ci-dessus). Elle note que, sur la base de cet ensemble complet d'éléments de preuves, les tribunaux internes ont octroyé à la requérante un droit de garde partagée et un droit de visite (paragraphe 23 ci-�dessus). Elle relève que la requérante ne conteste pas l'argument du Gouvernement selon lequel le jugement du 7 mars 2014 était devenu définitif (paragraphe 24 ci-dessus). Par ailleurs, la requérante n'allègue pas que les autorités nationales ont failli à leur obligation positive d'apporter leur concours à la mise en exécution du jugement précité. En effet, dans ses observations, la requérante s'est limitée à indiquer qu'elle n'avait pas eu de contact avec son fils en 2012 et en 2013 (paragraphe 44 ci-dessus).48. Dès lors, la Cour estime que la requérante a bénéficié, en application des dispositions de la loi interne, d'une occasion adéquate de faire valoir devant les juridictions nationales ses arguments relatifs à l'octroi de la garde de son fils et à son droit de visite et que ces juridictions ont dûment examiné ces arguments et y ont fait droit. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu'il doit être rejeté, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.49. S'agissant enfin des allégations de la requérante tirées de l'impossibilité de faire valoir devant les juridictions nationales ses arguments relatifs à son nom après le divorce (paragraphe 44 ci-dessus), la Cour estime qu'il s'agit d'un nouveau grief que l'intéressée n'avait pas indiqué dans son formulaire de requête et qu'il ne constitue pas un grief sur lequel les parties ont échangé leurs observations.50. Dès lors, il convient de ne pas examiner ce grief à ce stade de la procédure de la présente requête (Nuray Şen c. Turquie (no 2), no 25354/94, §§ 199-200, 30 mars 2004 ; Piryanik c. Ukraine, no 75788/01, §§ 19-20, 19 avril 2005 ; et M.C. et autres c. Italie, no 5376/11, § 54, 3 septembre 2013).III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
51. Aux termes de l'article 41 de la Convention,« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
52. La requérante réclame 1 000 000 EUR au titre du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.53. Le Gouvernement estime que le constat d'une violation pourrait constituer en lui-même une réparation satisfaisante du préjudice moral allégué par la requérante. En tout état de cause, il indique que le montant réclamé est exorbitant par rapport à la jurisprudence de la Cour en la matière.54. La Cour, statuant en équité comme le veut l'article 41 de la Convention, considère qu'il y a lieu d'octroyer à la requérante 3 600 EUR au titre du préjudice moral.B. Frais et dépens
55. La requérante ne demande pas le remboursement des frais et dépens engagés devant les juridictions internes ou devant la Cour.56. Par conséquent, la Cour n'est pas appelée à lui allouer des sommes à ce titre.C. Intérêts moratoires
57. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit
a) que l'État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, 3 600 EUR (trois mille six cents euros), à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 avril 2018, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Andrea TamiettiPaulo Pinto de Albuquerque
Greffier adjointPrésident