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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> CENTRO DEMARZIO S.R.L. v. ITALY - 24/11 (Judgment : Article 1 of Protocol No. 1 - Protection of property : First Section Committee) French Text [2018] ECHR 575 (05 July 2018)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2018/575.html
Cite as: CE:ECHR:2018:0705JUD000002411, [2018] ECHR 575, ECLI:CE:ECHR:2018:0705JUD000002411

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PREMIÈRE SECTION

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE CENTRO DEMARZIO S.R.L. c. ITALIE

 

(Requête no 24/11)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

STRASBOURG

 

5 juillet 2018

 

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Centro Demarzio S.r.l. c. Italie,

La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en un comité composé de :

Kristina Pardalos, présidente,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 juin 2018,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 24/11) dirigée contre la République italienne et dont une société de droit italien, la société Centro Demarzio S.r.l. (« la société requérante »), a saisi la Cour le 29 octobre 2010 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La société requérante a été représentée par Me A. Clarizia, avocate à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora, et par Mme P. Accardo, coagent.

3. La société requérante se plaignait notamment d'une ingérence dans son droit au respect de ses biens en raison d'un acte illégal de l'administration.

4. Le 10 mars 2017, le grief concernant l'article 1 du Protocole no 1 a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l'article 54 § 3 du règlement de la Cour.

5. Par une lettre du 20 mars 2018, le Gouvernement s'est opposé à l'examen de la requête par un comité. Après avoir examiné l'objection du Gouvernement, la Cour l'a rejetée.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

6. La société requérante est une société à responsabilité limitée de droit italien ayant son siège à Gravina di Puglia. Il s'agit d'un centre de soins et d'imagerie médicale conventionné par le service sanitaire national.

7. La société requérante fut constituée en 1991, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi no 412 de 1991 (« la loi no 412 »). Auparavant, son activité était gérée à titre privé par le docteur Demarzio, lequel exerçait également en tant que médecin auprès du service sanitaire national.

8. L'article 4 de la loi no 412 ayant introduit une incompatibilité entre un emploi auprès du service sanitaire national et toute autre activité salariée, ainsi que toute autre relation de travail, y compris conventionnée, avec le service sanitaire national, le docteur Demarzio fonda, avec d'autres personnes, la société requérante. Par la décision no 784 du 10 novembre 1992, le service sanitaire national transféra à cette nouvelle société la convention dont le docteur Demarzio était titulaire.

9. Le 1er janvier 1993, celui-ci céda ses parts sociales à des tiers dans le but de se consacrer exclusivement à son emploi salarié auprès du service sanitaire national, conformément à l'article 4 de la loi no 412.

10. Par la décision no 383 du 8 avril 1993, l'administration prit acte de ladite cession et, constatant que la condition de coresponsabilité du docteur Demarzio faisait désormais défaut, révoqua la convention de la société requérante. L'administration appuya sa décision sur un avis du Conseil d'État (no 2719/1992) concernant le caractère obligatoire de la condition de coresponsabilité.

11. La société requérante attaqua ladite décision devant le tribunal administratif des Pouilles (« le tribunal administratif »).

12. Par un jugement du 21 octobre 1996, le tribunal administratif fit droit au recours de la requérante et annula la décision litigieuse au motif qu'elle était illégale. Il déclara notamment que l'administration avait interprété de manière erronée les dispositions de loi pertinentes en la matière. En effet, selon lui, si la condition de coresponsabilité du titulaire de la convention est obligatoire lors du transfert d'une convention à une société, la sortie dudit titulaire de la société par la suite ne constitue en aucun cas un motif de révocation de la convention. D'autant plus que, en l'espèce, la démarche du docteur Demarzio était conforme à la disposition contenue dans l'article 4 de la loi no 412.

13. Par la décision no 1143 du 28 juin 1997, l'administration prit acte dudit jugement et rétablit la convention avec la société requérante à compter du 1er août 1997.

14. Le 23 novembre 1998, la société requérante assigna le service sanitaire national devant le tribunal de Bari et demanda un dédommagement pour les pertes financières dues à la suspension de la convention de 1993 à 1997. Le tribunal, estimant que l'action judiciaire aurait dû être dirigée contre la région, rejeta le recours.

15. En 2003, la société requérante saisit le tribunal administratif d'une demande en réparation dirigée contre la région.

16. Par un jugement du 22 février 2006, le tribunal administratif rejeta ce recours. Examinant le fond de la demande de réparation, il estima que celle-ci ne pouvait pas être accueillie car, en l'absence de l'élément subjectif de l'action illégale, les conditions d'engagement de la responsabilité de l'administration n'étaient pas réunies. En effet, selon lui, dans la mesure où l'acte illégal avait été pris à la suite d'une « erreur excusable » de l'administration, compte tenu notamment de la nouveauté des dispositions législatives pertinentes en la matière, de leur complexité et de leur manque de clarté, ainsi que des difficultés d'interprétation et des divergences de la jurisprudence du Conseil d'État en la matière, on ne pouvait pas soutenir qu'il existait une faute de l'administration donnant lieu à un droit à réparation.

17. La société requérante interjeta appel de ce jugement. Par un arrêt du 29 octobre 2010, le Conseil d'État rejeta son recours.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

18. La société requérante se plaint d'avoir subi une ingérence qu'elle qualifie d'illégale dans son droit au respect de ses biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

A. Sur la recevabilité

19. Constatant que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention et qu'elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

20. La société requérante déclare avoir subi de très importantes pertes financières en raison de l'action selon elle illégale de l'administration et se plaint de l'impossibilité d'obtenir une réparation à cet égard. Elle soutient en particulier que la révocation de la convention par le service sanitaire national aurait engendré une cessation presque totale de son activité pendant 45 mois. De plus, la reprise de l'activité en 1997 aurait été pénalisée par la création d'un centre d'imagerie médicale concurrent et par la modification par le service sanitaire national des barèmes de remboursement des prestations.

21. La société requérante estime qu'il est inacceptable que l'État utilise la notion d'« erreur excusable » pour se dégager de sa responsabilité.

22. Le Gouvernement argue que l'ingérence dans le droit de propriété de la requérante était prévue par la loi, mais il admet cependant une erreur d'application de la part de l'administration.

23. Il expose que ladite erreur était excusable au motif qu'elle se fondait sur un avis de la haute juridiction administrative et qu'elle était justifiée par les difficultés objectives liées à l'interprétation de la loi applicable en raison notamment de la nouveauté de celle-ci. Il indique que, de plus, l'administration a réagi très rapidement en faveur de la requérante en rétablissant la convention litigieuse aussitôt après le passage en force de chose jugée du jugement du tribunal administratif. Dès lors, selon lui, aucune responsabilité de l'administration ne serait envisageable en l'espèce.

24. Le Gouvernement soutient par ailleurs que le préjudice subi par la requérante correspond à un manque à gagner tout à fait compatible avec le risque d'entreprise normal auquel elle était exposée du fait de son activité commerciale. Il considère que ce manque à gagner ne saurait donc être considéré comme une « charge excessive » imposée à la requérante.

25. À cet égard, il expose en outre que l'annulation de la convention a eu pour seul effet de priver le centre médical des patients du service sanitaire national. Or, à ses yeux, bien que la prise en charge de ces patients représentait une partie importante de l'activité de la société requérante, la perte de ces patients n'a pas entraîné pour autant la cessation de toute activité.

26. Enfin, le Gouvernement indique que la conclusion de conventions entre le service sanitaire national et les structures médicales privées est un moyen de servir l'intérêt public de la communauté, prioritaire par rapport aux intérêts et aux espérances de profit des organismes privés.

2. Appréciation de la Cour

27. La Cour rappelle que la notion de « biens » de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention a une portée autonome qui ne se limite certainement pas à la propriété de biens corporels : certains autres droits et intérêts constituant des actifs peuvent aussi passer pour des « droits de propriété » et donc pour des « biens » aux fins de cette disposition (Gasus Dosier - und Fördertechnik GmbH c. Pays-Bas, 23 février 1995, § 53 série A no 306-B).

28. Par ailleurs, des « biens » au sens de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention peuvent être soit des « biens existants » (Van der Mussele c. Belgique, 23 novembre 1983, § 48 série A no 70 et Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-�XII), soit des valeurs patrimoniales, y compris des créances, pour lesquelles un requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » de les voir concrétiser (voir, par exemple, Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, 20 novembre 1995, § 31, série A no 332, et Eleftherios G. Kokkinakis - Dilos Kykloforiaki A.T.E. c. Grèce, no 45826/11, § 42, 20 octobre 2016).

29. En outre, l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. La prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, est inhérente à l'ensemble des articles de la Convention (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 58, CEDH 1999-�II).

30. Dans la présente affaire, il n'est pas contesté qu'il y a eu une ingérence dans le droit au respect des biens de la requérante. Le Gouvernement estime que ladite ingérence était prévue par la loi.

31. À cet égard, la Cour observe que la décision du service sanitaire national de révoquer la convention dont la société requérante était bénéficiaire a été déclarée illégale par un jugement définitif du tribunal administratif, lequel a estimé que l'administration avait interprété de manière erronée les dispositions de loi pertinentes. Elle note que, malgré cette décision, l'intéressée n'a pu obtenir aucune réparation.

32. La Cour considère que cette constatation, qui n'a pas été contestée par les autorités compétentes en l'espèce, suffit pour réfuter l'argument du Gouvernement selon lequel l'ingérence dans le droit au respect des biens de la société requérante était prévue par la loi.

33. Par ailleurs, le caractère excusable de l'erreur commise par l'administration, mis en avant par le Gouvernement dans ses observations, ne saurait justifier en soi l'ingérence litigieuse. En effet, la Cour considère tout d'abord qu'il ne saurait revenir à la requérante de supporter la charge d'éventuelles erreurs ou carences des autorités (voir, mutatis mutandis, Gashi c. Croatie, no 32457/05, § 40, 13 décembre 2007). De plus, dans la mesure où l'erreur de l'administration aurait été engendrée par le manque de clarté de loi applicable, elle rappelle que le principe de légalité présuppose l'existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles (Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, § 64, CEDH 2000-�VI).

34. Enfin, la Cour observe au passage que la reconnaissance par les autorités nationales du caractère illégal de l'ingérence litigieuse se saurait suffire, en l'absence de toute réparation du préjudice subi, à redresser la violation alléguée de la Convention (voir, parmi beaucoup d'autres, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 178, CEDH 2006-�V, et Vella c. Malte, no 69122/10, § 47, 11 février 2014).

35. Eu égard à ce que précède, la Cour estime que l'ingérence litigieuse était manifestement illégale sur le plan du droit interne et, par conséquent, incompatible avec le droit au respect des biens de la société requérante. Une telle conclusion la dispense de rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits individuels.

36. Dès lors, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

37. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

38. La société requérante réclame 3 383 787 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi. Cette somme correspond notamment, selon elle, au coût du matériel de radiologie qui aurait été inutilisé en raison de la révocation de la convention (24 523,05 EUR), aux frais de gestion et de maintenance du centre médical durant la période allant de janvier 1993 à août 1997 (68 286,23 EUR), au manque à gagner du centre pendant cette même période (608 168,30 EUR), ainsi qu'aux pertes subies postérieurement à la reprise de l'activité du fait du positionnement sur le marché d'un centre médical conventionné concurrent (2 682 809,80 EUR).

39. La société requérante demande en outre 80 000 EUR pour le préjudice moral qu'elle dit avoir subi.

40. Le Gouvernement s'oppose aux prétentions de la requérante et estime notamment que le remboursement d'un quelconque manque à gagner aurait pour effet de rompre le juste équilibre entre les intérêts supérieurs de la communauté et la sauvegarde du droit de la société requérante de tirer profit de son activité.

41. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'État défendeur l'obligation juridique de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI, et Katsaros c. Grèce (satisfaction équitable), no 51473/99, § 17, 13 novembre 2003). En outre, la Cour rappelle que seuls les préjudices causés par les violations de la Convention qu'elle a constatées sont susceptibles de donner lieu à l'allocation d'une satisfaction équitable (Motais de Narbonne c. France (satisfaction équitable), no 48161/99, § 19, 27 mai 2003).

42. Dans la présente affaire, la Cour a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole no 1 de la Convention en raison de l'annulation illégale de la convention par le service sanitaire national pendant quatre ans environ, annulation qui n'a aucunement été réparée au niveau national. Elle observe que celle-ci a sans doute engendré une limitation importante de l'activité de la société requérante, bien qu'elle n'ait pas entraîné la fermeture du centre médical (paragraphes 19 et 24 ci-dessus).

43. Or la société requérante n'a pas prouvé dans quelle mesure son activité avait été réduite pendant la période durant laquelle la convention avait été révoquée et quel type de soins elle avait pu continuer à dispenser. Par ailleurs, elle n'a pas non plus prouvé que les frais de maintenance et de gestion du centre étaient devenus manifestement disproportionnés par rapport au volume et au type d'activité exercée pendant ladite période. Par conséquent, la Cour ne fait pas droit aux demandes de la société requérante liées au remboursement du prix du matériel de radiologie et aux frais de gestion et de maintenance du centre médical, puisque le lien de causalité avec la violation constatée n'a pas été établi.

44. Concernant les demandes de la requérante ayant trait au manque à gagner, la Cour estime que la société requérante a effectivement subi un préjudice à ce titre du fait de l'impossibilité pour elle, pendant presque quatre ans, d'exercer son activité conventionnée par le service sanitaire national.

45. La Cour considère cependant qu'elle ne saurait spéculer sur le montant des profits que la société requérante aurait pu réaliser si la convention n'avait pas été suspendue. De plus, elle souligne l'impossibilité de quantifier précisément, sur la base des arguments et des justificatifs avancés par la société requérante à l'appui de sa demande de satisfaction équitable, le manque à gagner ainsi subi. La Cour rappelle à cet égard que l'existence d'un manque à gagner (lucrum cessans) doit être établie avec certitude et ne doit pas se fonder uniquement sur des conjectures ou des probabilités (Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie [GC], no 38433/09, § 219, CEDH 2012).

46. Dans ces conditions, la Cour estime approprié de fixer une somme forfaitaire en réparation du manque à gagner lié à l'impossibilité pour la société requérante de se prévaloir de la convention avec le service sanitaire national entre 1993 et 1997.

47. En outre, la Cour estime que l'ingérence manifestement illégale dans le droit au respect des biens de la société requérante a inévitablement causé à celle-ci un dommage moral en raison de l'incertitude prolongée dans la conduite des affaires et des sentiments d'impuissance et de frustration, ainsi qu'une atteinte à la réputation de l'entreprise (Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], no 35382/97, § 35, CEDH 2000-IV).

48. Statuant en équité sur la base de l'ensemble des informations dont elle dispose, la Cour estime raisonnable d'accorder à la société requérante une somme globale de 394 000 EUR, tous préjudices confondus, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme.

B. Frais et dépens

49. La société requérante demande 10 000 EUR pour les frais de procédure qu'elle dit avoir engagés devant la Cour.

50. Le Gouvernement n'a pas présenté d'observations à cet égard.

51. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. La Cour relève que la requérante n'a pas fourni de justificatifs à l'appui de sa demande et décide de ne rien allouer à ce titre.

C. Intérêts moratoires

52. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

 

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 de la Convention ;

 

3. Dit

a) que l'État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, 394 000 EUR (trois cent quatre-vingt-quatorze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage matériel et moral ;

b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 juillet 2018, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

              Renata DegenerKristina Pardalos
              Greffière adjointePrésidente


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