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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> NEBI DOGAN v. TURKEY - 56440/07 (Judgment : Article 1 of Protocol No. 1 - Protection of property : Second Section Committee) French Text [2019] ECHR 470 (18 June 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/470.html Cite as: CE:ECHR:2019:0618JUD005644007, [2019] ECHR 470, ECLI:CE:ECHR:2019:0618JUD005644007 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE NEBI DOĞAN c. TURQUIE
( Requête n o 56440/07 )
ARR Ê T
STRASBOURG
18 juin 2019
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme .
En l ' affaire Nebi Doğan c. Turquie ,
La Cour européenne des droits de l ' homme ( deuxième section ), siégeant en un comité composé de :
Valeriu Griţco,
président,
Egidijus Kūris,
Darian Pavli,
juges,
et de
Hasan Bakırcı
,
greffier adjoint
d
e section
,
PROCÉDURE
1 . À l ' origine de l ' affaire se trouve une requête (n o 56440/07) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Nebi Doğan (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 décembre 2007 en vertu de l ' article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l ' homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2 . Le requérant a été représenté par M e A. Aktay, avocat exerçant à Mersin. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent . 3 . Le 7 septembre 2011 , la requête a été communiquée au Gouvernement .EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L ' ESPÈCE
4 . Le requérant est né en 1950 et réside à Adana . 5 . Les faits de la cause, tels qu ' ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. 6 . Le 6 décembre 2000, la D ir ection générale des routes (« la direction générale ») déclara d ' utilité publique l ' expropriation de plusieurs terrains, dont celui du requérant, aux fins de la construction d ' un tronçon de l ' autoroute reliant Ankara à Pozantı. Dans le cadre de ce projet, il fut procédé à l ' expropriation d ' une superficie de 5 851,3 0 m 2 sur les 7 291 m² qui constituaient le terrain du requérant , sur lequel étaient sises des installations . 7 . La procédure d ' achat prévue par l ' article 8 de la loi sur l ' expro priation n ' ayant pas abouti, l a direction générale saisit le tribunal de grande instance de Pozantı (« le TGI ») , le 12 juin 2002, d ' une action visant à la détermination de l ' indemnité d ' expropriation et à l ' inscription du bien en question à son nom sur le registre foncier. 8 . Le 24 juin 2002, le juge effectua une visite sur les lieux en compagnie d ' une commission d ' experts compétents en la matière . Dans leur rapport, remis le 15 juillet 2002 , l es experts procéd èrent à une estimation de la valeur qu ' avai en t le terrain et les installations s ises sur celui-ci à la date de saisine du TGI , conformément aux dispositions de la loi sur l ' expropriation. Ils évaluèrent l ' indemn ité d ' expropriation à 2 721 29 6 livres turques ( TRY ) (soit environ 1 617 670 euros ( EUR ) à la date d ' établissement du rapport ). 9 . À la suite de la formulation par les parties au procès d ' une contestation du rapport d ' expertise , le juge effectua une seconde visite sur les lieux, accompagné d ' une commission d ' experts qui était composée différemment . Dans leur rapport, déposé le 10 août 2002 , les experts évaluèr ent l ' indemnité d ' expropriation à 2 732 15 4 TR Y (environ 1 736 120 EUR) . 10 . Dans le cadre de ces deux expertises , la valeur du terrain avait été déterminée par les commissions d ' experts par comparaison avec la valeur de terrains équivalents vendus, dans des conditions normales, avant la date d e l ' expropriation. Ainsi, a près un examen portant sur dix-sept terrains, les experts avaient retenu un seul et même terrain pour la comparaison. Ils avaient estimé que la valeur du terrain du requérant était de 25 % inférieure à celle du terrain retenu à titre de comparaison. Par ailleurs, ils s ' étaient penchés sur les autres terrains du village expropriés dans le cadre du même projet. Ils avaient observ é que certains d ' entre eux , séparés de la route nationale par une rivière, étaient utilisés comme terrains agricoles et qu ' ils étaient d ' accès difficile, et que seuls les terrains situés entre la rivière et la route - comme celui du requérant - convenaient à une exploitation commerciale de type aire de repos. Ils avaient not é que le terrain du requérant était situé au bord de la route nationale et qu ' il comportait une station essence et une aire de repos. Ils avaient aussi noté que, de par sa situation géographique et climatique, le terrain litigieux était situé sur une zone propice à la construction d ' aires de repos. Ils avaient relevé que la grande majorité des véhicules circulant sur cet axe routier marquait un temps de repos dans ce secteur et que, en raison du nombre élevé de passages et de véhicules marquant une pause à cet endroit, l e potentiel commercial de ce terrain était très important. Ils avaient ajout é qu e, en raison de la situation géographique et topographique de la région, les terrains susceptibles d ' être aménagés en aires de repos étaient extrêmement rares. Ils avaient estim é , eu égard à ces éléments, que la valeur du terrain litigieux était nettement supérieure à celle des autres terrains expropriés dans le village et que, s ' agissant de la partie non expropriée du terrain, celle-ci n ' était plus exploitable et qu ' il y avait lieu de l ' exproprier également. 11 . Les deux commissions d ' expertise déposèrent des rapports complémentaires, la première le 18 septembre 200 2 et la seconde le 20 septembre 2002 . Elles y évaluaient l ' indemnité d ' expropriation respectivement à 2 719 978 TR Y (environ 1 682 440 EUR) et à 2 730 915 TR Y (environ 1 689 200 EUR) . 12 . Respectivement le 15 novembre 2002 et le 25 novembre 2002, l a première et la deuxième commission déposèrent à nouveau des rapports complémentaires, dans lesquels elles évaluaient l ' indemnité à 2 457 502 TR Y (environ 1 585 420 EUR) pour la première et à 2 459 690 TR Y (environ 1 586 840 EUR) pour la deuxième. 13 . Par un jugement du 23 décembre 2002, le TGI fixa l ' indemnité d ' expropriation , intérêts moratoires exclus , à 2 457 502 TR Y (environ 1 480 490 EUR à la date du jugement du TGI) et il ordonna l ' inscription du bien litigieux au nom de la direction générale dans le registre foncier. Le jour même du prononcé de ce tte décision , le requérant se vit verser la somme accordée par le tribunal. 14 . Le 10 juin 2003, la Cour de cassation annula ce jugement, considérant que le montant de l ' indemnité d ' expropriation calculé par les commis sions d ' experts était excessif. Elle releva, à la lumière d ' autres affaires examinées par elle, que les indemnités fixées pour les autres terrains expropriés dans le village étaient de vingt à trente fois inférieures à celle fixée pour le terrain du requérant. Selon la Cour de cassation, les particularités relevées par les experts ne justifiaient pas un tel écart. La haute juridiction nota également une grande différence entre le prix de vente du terrain retenu pour la comparaison et sa valeur au regard de la taxe foncière. Enfin, elle estima que la partie non expropriée du terrain litigieux, bien qu ' ayant perdu de sa valeur, n ' était pas totalement inexploitable et qu ' il n ' y avait pas lieu de l ' exproprier. 15 . Le 9 décembre 2003, la Cour de cassation rejeta la demande en rectification d ' arrêt formée par le requérant. 16 . Après renvoi de l ' affaire, le TGI ordonna que des expertises complémentaires fussent conduites à la lumière de l ' arrêt de cassation. 17 . Les première et deuxième commissions d ' experts évaluèrent le montant de l ' indemnité d ' expropriation à 2 209 608 TR Y (environ 1 205 830 EUR) . Après un examen portant sur d ' autres terrains, elles retinrent un autre terrain à titre de comparaison et estimèrent que la valeur du terrain du requérant était cinq fois supérieure à celle du terrain ainsi retenu (« le terrain de référence ») . Dans leur calcul, les experts ne tinrent pas compte de l ' arrêt de cassation quant à la partie non expropriée du terrain litigieux . 18 . L es commissions se penchèrent toutefois sur cette question dans d ' autres rapports complémentaires. E lles estimèrent que la parti e non expropriée avait perdu 70 à 75 % de sa valeur , et elles ét ablirent l ' indemnité d ' expropriation à 2 088 673 TR Y (environ 1 254 130 EUR) pour la première commission et à 2 108 829 TR Y (environ 1 266 230 EUR) pour la deuxième. 19 . Le 29 novembre 2006, le TGI fixa l ' indemnité d ' expropriation à 938 797 TR Y ( soit environ 480 269 EUR à la date du jugement du TGI ) . À l ' appui de sa décision, il estima, après avoir pris en compte « l a situation géographique [ du terrain litigieux ] , s a nature et les éléments ayant un effet sur s a valeur » , sans indiquer d ' autres motifs, que la valeur d udit terrain ne pouvait pas être supérieure au double de la valeur du terr ain retenu pour la comparaison. Il considéra en outre que la partie non expropriée avait perdu 70 % de sa valeur. Le TGI ordonna par conséquent au requérant de rembourser le trop-perçu, à savoir 1 518 705 TRY (environ 776 938 EUR à la date du jugement du TGI) , l ' indemnité initialement accordée à celui-ci ayant été de 2 457 502 TRY (environ 1 257 210 EUR) . 20 . Le 19 juin 2007, la Cour de cassation confirma l e jugement du TGI . 21 . Le 24 mars 2008, la Cour de cassation rejeta le recours en rectification formé par l a direction générale . 22 . Le 18 avril 2011, le Trésor public informa le requérant que les mensualités versées par lui ne couvraient même pas le remboursement des intérêts. Il enjoignit au requérant de s ' acquitter de la totalité de sa dette dans un délai de deux mois sous peine d ' adjudication forcée de ses biens. 23 . Les développements ultérieurs dans la procédure d ' exécution initiée par le Trésor ne sont pas connus .II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
24 . Le droit et la pratique internes pertinents en l ' espèce sont décrits dans l ' arrêt Yetiş et autres c. Turquie (n o 40349/05 , § 22, 6 juillet 2010).EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L ' ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N o 1 À LA CONVENTION
25 . Le requérant allègue une violation de l ' article 1 du Protocole n o 1 à la Convention , aux termes duquel :« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d ' utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu ' ils jugent nécessaires pour réglementer l ' usage des biens conformément à l ' intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d ' autres contributions ou des amendes. »
26 . Le Gouvernement conteste cette thèse.A. Sur la recevabilité
27 . Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes au motif que le requérant n ' a pas formé un recours en rectification contre l ' arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2007 . 28 . La Cour rappelle avoir déjà rejeté des exceptions semblables (voir, entre autres, Türkkan c. Turquie , n o 8774/06 , § 15, 15 février 2011, et Nacaryan et Deryan c. Turquie , n os 19558/02et 27904/02, § 30, 8 janvier 2008). En l ' espèce, elle n e voit aucune raison de parvenir à une autre conclusion et elle rejette donc l ' exception du Gouvernement. 29 . Constatant par ailleurs que ce grief n ' est pas manifestement mal fondé au sens de l ' article 35 § 3 a) de la Convention et qu ' il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d ' irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.B. Sur le fond
30 . Le requérant se plaint d ' une insuffisance de l ' indemnité d ' expropriation. Il reproche aux juridictions internes de n ' avoir pas tenu compte des rapports d ' expertise et d ' avoir considéré que la valeur du terrain litigieux ne pouvait être supérieure au double de celle du terrain de référence. Selon l ' intéressé, alors que les experts auraient quant à eux examiné tous les critères énoncés par la loi sur l ' expropriation lors de la détermination de l ' indemnité, les juridictions n ' ont pas tenu compte de la situation du terrain, de ses caractéristiques et de ses particularités, de son caractère d ' exploitation c ommerciale et de son potentiel. 31 . Le Gouvernement estime que l ' article 1 du Protocole n o 1 ne garantit pas dans tous les cas le droit à une réparation intégrale. Il dit que la chambre de la Cour de cassation ayant été amenée à se prononc er sur les pourvois du requérant était spécialisée dans l ' évaluation des montants des indemnités. I l se réfère aux conclusions de la Cour de cassation dans son arrêt du 10 juin 2003 et soutient que l ' indemni té fixée par les juridictions internes était raisonnablement en rapport avec la valeur moyenne des terrains situés dans le même secteur . 32 . La Cour rappelle que toute atteinte au droit au respect des biens doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l ' intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l ' individu (voir, parmi d ' autres, Perdigão c. Portugal [GC], n o 24768/06 , § 63, 16 novembre 2010). Elle rappelle en outre que, sans le versement d ' une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive ( Papachelas c. Grèce [GC], n o 31423/96, § 48, CEDH 1999 - II). 33 . La Cour r edit p ar ailleurs que les garanties procédurales de l ' article 1 du Protocole n o 1 impliquent qu ' une absence d ' obligation pour les tribunaux d ' exposer de manière suffisante les motifs sur lesquels ils fondent leurs décisions rendrait théoriques et illusoires les droits garantis par la Convention. Sans exiger une réponse détaillée à chaque argument du plaignant, cette obligation présuppose, tout de même, que la partie lésée puisse s ' attendre à un traitement attentif et soigné de ses prétentions essentielles ( Gereksar et autres c. Turquie , n o 34764/05 et 3 autres , § 54, 1 er février 2011, et les références qui y figurent). 34 . En l ' espèce, la Cour estime ne pas être appelée à se prononcer sur la question de savoir sur quelle base les juridictions nationales auraient dû fixer le montant de l ' indemni té . En effet, elle ne saurait se substituer aux tribunaux turcs pour déterminer les critères à retenir pour l ' estimation de la valeur du terrain litigieux et la fixation des sommes dues qui en découleraient, son rôle consistant surtout à s ' a ssurer que les décisions des tribunaux nationaux ne sont pas entachées d ' arbitraire ou d ' irrationalité manifeste ( Anheuser-Busch Inc. c . Portugal [GC], n o 73049/01, § 83, CEDH 2007 - I). 35 . Sur ce point , la Cour observe que la valeur du terrain litigieux a fait l ' objet de plusieurs expertises, effectuées par deux commissions d ' experts composées différemment. Les experts ont soigneusement examiné l ' ensemble des critères devant être retenus pour la détermination de l ' indemnité d ' expropriation et ont souligné les caractéristiques du dit terrain. Ils ont expliqué dans quelle mesure ce bien se différenciait des autres terrains. 36 . La Cour relève ensuite que les experts ont toujours calculé une indemnité d ' expropriation supérieure à 2 000 000 TRY . En outre, pour autant que le Gouvernement se réfère aux conclusions de la Cour de cassation dans son arrêt du 10 juin 2003, la Cour souligne que m ême les expertises réalisées après cassation et à la lu mière de cet arrêt ont co nfirmé un tel montant . Or le TGI a fixé l ' indemnité d ' expropriation à un montant nettement inférieur , à savoir 938 797 TRY . Pour cela, il a simplement énoncé les critères à retenir pour l ' estimation de la valeur du bien du requérant et a considéré que celle-ci ne pouvait excéder le double de la valeur du terrain de référence, et ce sans apporter aucune explication. 37 . La Cour admet, certes, que les rapports d ' expertise ne liaient pas le TGI et que ce dernier pouvait donc allouer une indemnité inférieure à celle déterminée par les experts. Cependant , aux fins du respect de l ' article 1 du Protocole n o 1, il incombait à cette juridiction d ' exposer tant les raisons pour lesquelles elle écartait les conclusions de s rapports d ' expertise que les motifs précis pour lesquels elle décidait de fixer l ' indemnité d ' expropriation à un montant nettement inférieur à ceux calculés par les experts. À cet égard, la Cour estime qu ' un simple énoncé des critères à prendre en compte ne peut passer pour une motivation suffisante dès lors que le TGI n ' a pas indiqué pourquoi ni comment la prise en considération desdits critères devait amener à conclure que la valeur du terrain du requérant ne pouvait excéder le double de la valeur du terrain de référence (voir, mutatis mutandis , Kutlu et autres c. Turquie , n o 51861/11, § 72, 13 décembre 2016). 38 . Malgré la compétence limitée dont elle dispose pour connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par les juridictions nationales, la Cour estime qu e la manière dont le montant de l ' indemnité a été fixé ne lui permet pas d ' affirmer que celui-ci est raisonnablement en rapport avec la valeur du terrain litigieux . Par conséquent, rien ne permet de conclure que le juste équilibre devant régner entre l ' intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits d u requérant ait été maintenu ( i dem , § § 7 3-7 5) . 39 . Partant, il y a eu violation de l ' article 1 du Protocole n o 1 à la Convention .II . SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L ' ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
40 . Sur la base des mêmes faits, l e requérant dénonce une violation de l ' article 6 de la Convention. 41 . Eu égard au constat relatif à l ' article 1 du Protocole n o 1 , la Cour estime qu ' il n ' y a pas lieu d ' examiner s ' il y a eu, en l ' espèce, violation de la disposition invoquée .III . SUR L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
42 . Aux termes de l ' article 41 de la Convention,« Si la Cour déclare qu ' il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d ' effacer qu ' imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s ' il y a lieu, une satisfaction équitable. »
43 . Au titre du préjudice matériel qu ' il estime avoir subi, l e requérant réclame 190 000 livres turques ( TRY ) ( soit environ 80 000 euros ( EUR ) à la date de la demande) , ce montant correspond ant selon lui à la somme qu ' il a déjà remboursé e à l ' a dministration. À titre de justificatif, il présente les quittances des paiements. Par ailleurs, toujours au titre du préjudice matériel, i l invite la Cour à dire qu ' il ne doit pas être tenu de re stituer le trop-perçu de l ' indemnité et sollicite ainsi l ' abandon de s demandes de restitution le visant. Il sollicite enfin , sans c hiffrer ses prétentions , une indemnité pour dommage moral ainsi que le remboursement des frais et dépens et d es honoraires d ' avocat . 44 . Le Gouvernement conteste ces demande s. 45 . En ce qui concerne le préjudice matériel, la Cour constate que le remboursement d ' une partie substantielle de l ' indemnité d ' expropriation qui avait été versée au requérant lui est réclamé par l ' administration à la suite du jugement du 29 novembre 2006 du TGI , et que l ' intéressé en a déjà été restituée une partie. Elle observe que l ' obligation de restitution est une conséquence de la violation de l ' article 1 du Protocole n o 1 à la Convention. Le montant à restituer a de surcroît été fixé sans tenir compte d ' aucun critère objectif, et au mépris de bon nombre de rapports d ' expertise pourtant convergents. La violation constatée ne se limite donc pas à une insuffisance procédurale dont les répercussions financières ne pourraient pas être chiffrées mais entraîne de lourdes conséquences quant à la valeur patrimoniale du bien - qui se trouve drastiquement réduite. 46 . La Cour considère que le requérant doit être placé dans la situation qui était la sienne avant la violation constatée. Partant, elle estime raisonnable d ' allouer au requérant 80 000 EUR au titre du préjudice matériel , ce montant correspondant à la somme qu ' il a dû rembours er à l ' administration. Elle estime en outre qu ' il incombe à l ' État d ' assurer l ' abandon des demandes de restitution visant le requérant . 47 . S ' agissant du préjudice moral, la Cour, statuant en équité, octroie la somme de 1 500 EUR au requérant. 48 . Pour ce qui est de la demande présentée au titre des frais et dépens, compte tenu de l ' absence de documents pertinents, la Cour la rejette ( Ato c. Turquie , n o 29873/02, § 27, 8 juin 2010).PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L ' UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l ' article 1 du Protocole n o 1 à la Convention ;
2. Dit qu ' il y a eu violation de l ' article 1 du Protocole n o 1 à la Convention ;
3. Dit qu ' il n ' y a pas lieu d ' examiner le grief tiré de l ' article 6 de la Convention ;
4. Dit
a ) que l ' État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l ' État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :
i. 80 000 EUR (quatre-vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d ' impôt, pour dommage matériel,
ii. 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d ' impôt, pour dommage moral ;
b ) qu ' à compter de l ' expiration dudit délai et jusqu ' au versement, ces montants seront à majorer d ' un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 juin 2019 , en application de l ' article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Hasan Bakırcı
Valeriu Griţco
Greffier adjoint
Président