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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> T.I. AND OTHERS v. GREECE - 40311/10 (Judgment : Preliminary objection joined to merits and dismissed : First Section)) French Text [2019] ECHR 575 (18 July 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/575.html Cite as: ECLI:CE:ECHR:2019:0718JUD004031110, CE:ECHR:2019:0718JUD004031110, [2019] ECHR 575 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE T.I. ET AUTRES c. GRÈCE
( Requête n o 40311/10 )
ARR Ê T
STRASBOURG
18 juillet 2019
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l ' article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l ' affaire T.I. et autres c. Grèce ,
La Cour européenne des droits de l ' homme ( première section ), siégeant en une chambre composée de :
Ksenija Turković,
présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski,
Raffaele Sabato,
juges,
et de
Abel Campos
,
greffier
d
e section
,
PROCÉDURE
1 . À l ' origine de l ' affaire se trouve une requête (n o 40311/10) dirigée contre la République hellénique et dont trois ressortissantes russe s, M mes T.I. (« la première requérante ») , T.A. (« la deuxième requérante ») et V.K. (« la troisième requérante »), ont saisi la Cour le 28 juin 2010 en vertu de l ' article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l ' homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Le 6 septembre 2016 l a vice-présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de leur identité formulée par les requérantes (article 47 § 4 du règlement de la Cour ). 2 . Les requérantes ont été représentées par le Moniteur grec Helsinki, une organisation non gouvernementale ayant son siège à Glyka Nera (Athènes). Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les dél é guées de son agent, M me S. Charitaki, conseillère auprès du Conseil juridique de l ' État , et M me S. Papaioannou, auditrice auprès du Conseil juridique de l ' État . Le g ouvernement russe a exercé son droit d ' intervention (article 36 § 1 de la Convention et article 44 § 1 a) du règlement de la Cour ). 3 . Les requérantes alléguaient en particu lier une violation des articles 4, 6 et 13 de la Convention. 4 . Le 6 septembre 2016 , la requête a été communiquée au Gouvernement .EN FAIT
11 . Le 18 septembre 2003, la troisième requérante fut arrêtée pour violation de la loi n o 2734/1999 sur la prostitution. Cette requérante allègue qu ' elle a été détenue dans de mauvaises conditions et que les autorités ne l ' ont pas informé e sur la législation protégeant les victimes de la traite des êtres humains avant le début du procès dirigé contre elle . Elle ajoute qu e, lors de son appréhension, elle a appelé sa proxénète depuis le véhicule de police , mais qu ' aucun effort n ' a été fait par les agents de police pour localiser cette dernière .
12 . Le 19 septembre 2003, par le jugement n o 46811/2003 , le tribunal correctionnel de Thessalonique condamna la troisième requérante à une peine d ' emprisonnement de quarante jours avec sursis ainsi qu ' à une sanction pécuniaire de 200 euros (EUR) .13 . D ' après l e Gouvernement , l a troisième requérante a été conduite à la direction de la sécurité de la police de Thessalonique à l ' issue du procès dirigé contre elle . Toujours d ' après lui, l ors de dépositions faites notamment les 19, 22 et 24 septembre 2003 en tant que témoin , l ' intéressée a fait des révél ations sur le réseau de prostitution aux policiers, et elle a déclaré avoir été forcée à se prostituer par N.S., F.P. et E.M., et a indiqué où logeaient ces personnes .
14 . Également selon l e Gouvernement , conformément à l ' article 12 de la loi n o 3064/2002 combiné avec le décret présidentiel n o 233/2003, la troisième requérante a immédiatement été placée sous un régime de protection . 15 . Le 23 septembre 2003 , à la suite d ' une opérat ion de police, N.S., F.P. et E.M. furent arrêtés. 16 . Le 23 octobre 2003, des poursuites pénales furent engagées contre ces trois personnes, notamment pour organisation criminelle, traite des êtres humains et proxénétisme.17 . Le 14 novembre 2003, en application de l ' ordonnance n o 1/2003 du procureur près le tribunal de première instance de Thessalonique , l ' exécution de la décision ordonnant l ' expulsion de la troisième requérante fut suspendue jusqu ' à ce qu ' un arrêt définitif contre N.S., F.P. et E.M f û t rendu . En application de la même ordonnance, l ' intéressée s e vit délivr er un permis de séjour.
18 . Le 1 er décembre 2003, la troisième requérante fut transférée dans un foyer.
19 . Le 2 décembre 2003, le juge d ' instruction du tribunal correctionnel de Thessalonique ordonna la détention provisoire de N.S. et F.P . (mandat n os 19/2003 et 20/2003). Quant à E.M. , il s e vit imposer , par l ' ordonnance n o 68/2003 du juge d ' instruction, d es mesures préventives de comparution devant le commissariat de police de son lieu de résidence et une interdiction de quitter le territoire. 20 . Le 15 décembre 2003, à l ' issue de l ' enquête judiciaire officielle ( κύρια ανάκριση ), l ' affaire fut renvoyée au procureur compétent. Ce dernier ordonna le renvoi de N.S., F.P. et E.M. en jugement.21 . Le 10 février 2004, le département d ' Interpol de la police hellénique avisa la direction de la sécurité de la police de l ' Attique que le bureau central d ' Interpol en Russie lui avait fourni des informations sur l ' agence de voyage « G », qui était impliqué e dans des actes de prostitution. Il ajouta qu ' un contr ôle de la police russe était en cours .
22 . Le 8 avril 2004 , par l ' ordonnance n o 457/2004, la chambre d ' accusation du tribunal correctionnel de Thessalonique confirma le renvoi de N.S., F.P. et E.M. en jugement devant la cour d ' assises de Serres (« la cour d ' assises ») . Par la même ordonnance, la détention pr ovisoire de N.S. et de F.P. fut remplacée par des mesures restrictives. 23 . L ' audience de l ' affaire, initialement fixé e au 19 janvier 2005, fut ajourné e, d ' une part, aux fins de la jonction d ' autres dossiers contre les mêmes accusés concern a nt deux autres femmes ayant été forcées à se prostituer et, d ' autre part , aux fins de la convo cation de la troisième requérante comme témoin. 24 . Le procès eut lieu devant la cour d ' assises du 16 septembre au 20 octobre 2005. La troisième requérante manifesta son intention de se constituer partie civile. L ' intéressée et les policiers de la direction de la sécurité de la police de Thessalonique furent entendus comme témoins. 25 . Le 20 octobre 2005, la cour d ' assises condamna F.P. et N.S . des chefs d ' organisation criminelle, de traite des êtres humains, de séquestration et de proxénétisme à l ' encontre de trois victimes, dont la troisième requérante (arrêts n os 37-46/2005). F.P. et N.S. se virent infliger une peine de réclusion de seize ans et neuf mois et une amende de 90 000 EUR ; quant à E.M. , il fut condamné de traite des êtres humains, de participation au proxénetisme et de sequéstration et se vit infliger une peine de réclusion de quatorze ans et six mois et une amende de 80 000 EUR . Les accusés se virent également condamnés à verser 30 EUR à la troisième requérante. La cour d ' assises ordonna l e sursis à l ' exécution des peines sous réserve du versement de cautions par les accusés . 26 . Le même jour , l es accusés interjetèrent appel. 27 . L ' audience devant la cour d ' appel criminelle de Thessalonique (« la cour d ' appel de Thessalonique ») fut ajournée à trois reprises, le 7 avril 2008 (grève des avocats), le 14 mai 2010 (maladie d ' un accusé et empêchement d ' un avocat de la défense) et le 11 février 2011 (grève des avocats).28 . Le 6 juin 2011, la cour d ' appel de Thessalonique s tatua sur le recours des accusés (arrêts n os 209 - 212/2011). Elle condamna F.P. et N.S. à une peine d ' emprisonnement sans sursis de cinq ans et dix mois chacun, pour association de malfaiteurs, proxénétisme et traite des êtres humains à l ' encontre de trois victimes . Pour ce faire, elle reconnu t à F.P. et N.S la circonstance atténuante prévue à l ' article 84 § 2 e) du CP ( bon comportement de l ' auteur de l ' infraction pendant une période relativement longue après la commis sion d e celle-ci ) , et elle prit en suite en compte la gravité des actes in criminés et la personnalité des accusé s , conformément aux critères énoncés à l ' article 79 du CP, ainsi que le fait qu ' il était question en l ' espèce de peines con fondues (article 94 du CP) . La demande de commutation de leurs peines en sanctions pécuniaires formulée par les accusés fut rejetée. Par ailleurs, l a cour d ' appel acquitta tous les accusés d u chef de séquestration . Elle acquitta également E.M. du chef de traite des êtres humains , et elle mit fin aux poursuites dirigées contre celui-ci en ce qui concernait le délit de facilitation de la débauche d ' autrui ( διευκόλυνση αλλότριας ακολασίας ) . La troisième requéran te ne comparut pas à l ' audience. La cour d ' appel, après avoir constaté que la question de la co nstitution de partie civile dev ait être examinée d ' office, condamna également les accusés à verser 30 EUR à l ' intéressée .
29 . La troisième requérante affirme que, convoquée devant la cour d ' appel, elle a décidé de n e pas compara î tre en raison de la souffrance qu ' elle aurait éprouvée lors des audiences devant la cour d ' assises, d e la circonstance que les accusés bénéficiaient d ' un s ursis à l ' exécution de s peines et du caractère excessif que le retard avant l ' audience en deuxième instance aurait revêtu . 30 . Il ressort du dossier que la dite requérante bénéficiait d ' un permis de séjour au moins jusqu ' au 12 mai 2017.31 . Le 12 décembre 2003, les deux premières requérantes se présentèrent à la direction de la sécurité de la police d ' Ermoúpolis (Syros). Elles s ' y plaignirent d ' être victimes de la traite des êtres humains de la part d ' une certaine N.M. et de ses associés , qui, selon elles, les forçaient à travailler sans être payées , et notamment à se livrer à des « danses privé e s » , à du strip-tease et à de l ' incitation à la consommation dans différents bars d ' Athènes et de Syros. La direction de la sécurité de la police d ' Ermoúpolis informa le procureur près le tribunal de première instance de Syros, qui ordonna une enquête ( προκαταρκτική εξέταση ) le 16 décembre 2003 .
32 . Le 22 décembre 2003, les deux premières requérantes furent reconnues comme « victimes de la traite des êtres humains », selon les dispositions de la législation interne pertinente. L ' exécution des décisions ordonnant l eur expulsion f u t suspendue jusqu ' à ce qu ' un arrêt définitif contre les auteurs présumés de s faits de traite des êtres humains fût rendu . Selon le Gouvernement, l es requérantes susmentionnées ont été transférées à la direction de la sécurité de la po lice d ' Athènes puis dans un foyer. Les dites requérantes contestent avoir reçu une assistance légale et psychologique, et avoir été transférées dans un foyer. E n outre, elles disent ne pas avoir bénéficié d ' une interprétation appropriée au cours de la procédure en cause .
33 . À différentes dates ( les 12 et 18 décembre 2003, les 1 er juin et 13 novembre 20 0 4 et le 11 avril 2005 ) , les deux premières requérantes déposèrent comme témoins. Elles désignèr ent N.M., A.A. et P.F. comme étant les auteurs des faits. 34 . Le 19 janvier 2004, la direction de la sécurité d ' Ermoúpolis envoya au procureur près le tribunal de première instance de Syros des éléments recueillis au cours de l ' enquête. Il ressort de ce document qu ' en décembre 2003 le s dites requérantes avaient indiqué avoir été enfermées en un endroit situé à Athènes désigné par elles comme étant le domicile de N.M . 35 . L e 9 mars 2004, le procureur susmentionné demanda à la direct ion de la sécurité d ' Ermoúpolis d ' entendre les deux premières requérantes en tant que témoins . Il ajouta que les données personnelles d u dénommé C., qui avait été mentionné par la première requérante dans sa déposition du 18 décembre 2003 , devaient être précisé e s , et que tant C. que N.T. et D. M. devaient être auditionnés comme témoins. Le procureur près le tribunal de première instance de Syros précisa en outre que l ' affaire devait par la suite être r envoyée à la direction de la sécurité de la police d ' Athènes aux fins de l a collecte des données personnelles des propriétaires des entreprises et de la convocation de ces derniers et de N.M. à une audition en tant que témoins. 36 . Le 8 novembre 2004, l ' opérateur de téléphonie mobile de N.M. informa la direction de la sécurité de la police de l ' Attique de l ' adresse déclarée par cel le -ci , à Nea Smyrni. 37 . Le 11 avril 2005 , après avoir procédé aux actes d ' enquête, et notamment après avoir entendu en tant que témoins les deux premières requérantes , ainsi que G.A. et D.M., les propriétaires des bars où les intéressées travaillaient, la direction de la sécurité de la police de l ' Attique renvoya l ' affaire au procureur près le tribunal de première instance de Syros en mention nant , entre autres, que le s permis de séjour et de travail de N.M. faisaient l ' objet de recherch es de la part de la p réfecture d ' Athènes. 38 . Le 29 juin 2005 , le procureur près le tribunal de première instance de Syros renvoya l ' affaire au procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes, les délits les plus graves ayant prétendument été commis dans cette dernière ville . 39 . Le 10 décembre 2005, le procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes ordonna l ' audition des suspects N.M., A.A. et P.F . 40 . Le 4 juillet 2006, la direction de la sécurité de la police de l ' Attique demanda à la p réfecture de l ' Attique de lui fournir des informations complémentaires concernant le permis de séjour de N.M. 41 . Le 6 juillet 2006, la p réfecture d ' Athènes fournit les informations demandées.42 . Le 27 juillet 2006, un policier de la direction de la sécurité de la police de l ' Attique attesta avoir constaté que les suspects N.M. et P.F., qu ' il avait été chargé de rechercher à leurs adresses respectives, n ' y habitaient plus.
43 . Auparavant, le 21 juillet 2006, A.A. avait été présenté devant la direction susmentionnée afin d ' y être auditionné sans prêter serment. 44 . Le 1 er août 2006, il soumit des explications écrites à la dite direction. 45 . Le 11 ao ût 2 006 , la direction de la sécurité de la police d ' Athènes renvoya l ' affaire au procureur près le tribunal de première instance d ' Athènes, l ' informant, entre autres, que N.M. et P.F. n ' avaient pas été retrouvés à leurs adresses. 46 . À une date non précisée, le procureur près le tribunal de première instance d ' Athènes engagea des poursuites pénales notamment contre N.M., G.A., D.M., P.F. et A.A. pour organisation criminelle, traite des êtres humains, faux et usage de faux, extorsion, séquestration et port d ' armes. Il transmit le dossier au juge d ' instruction compétent aux fins de la réalisation d ' u ne enquête judiciaire officielle. 47 . Le 27 décembre 2007, la chambre d ' accusation du tribunal correctionnel d ' Athènes ordonna la disjonction des dossiers relatifs aux délits (notamment de faux et d ' usage de faux, d ' extorsion, de séquestration, d e tentat ive de violences, de falsification de certificats et de port d ' armes) (ordonnance n o 3765/2007). Elle pr écisa que cette disjonction des dossiers était nécessaire car les faits relevant des délits risquaient d ' être couverts par la prescription. 48 . Le 27 février 2008, le magistrat d ' Athènes ( πταισματοδίκη ς Αθηνών ) enjoignit au commissariat de police de Neos Kosmos de notifier à N.M. qu ' elle devait se présenter devant lui le 29 février 2008 afin de se défendre au sujet des actes incriminés.49 . Peu après (le s 27 et 29 février 2008 ) , deux policiers , rattachés l ' un au commissariat de police de Nea Smyrni et l ' autre à celui de Neos Kosmos , attestèrent qu ' il avait été constaté, après vérification, que N.M. était « inconnue » aux deux adresses dont les autorités de police dispo saient .
50 . Le 30 avril 2008, la juge d ' instruction compétente imposa à A.A. d es mesures préventives de comparution devant le commissariat de police de son lieu de résidence et une interdiction de quitter le territoire (ordonnance n o 32/2008). 51 . Le 9 mai 2008, le juge d ' instruction compétent ordonna l ' arrestation de N.M. (ordonnance n o 25/2008). 52 . Le 5 juin 2008, la chambre d ' accusation du tribunal correctionnel d ' Athènes confirma les mesures restrictives imposées à A.A. (ordonnance n o 1877/2008). 53 . Les 19 et 20 juin 2008, la deuxième requérante reconnu t A.A. comme complice de P.F. et elle fit part de son intention de se constituer partie civile. 54 . Le 17 novembre 2008, la juge d ' instruction compétente imposa à P.F. d es mesures préventives de comparution devant le commissariat de police de son lieu de résidence et une interdiction de quitter le territoire (ordonnance n o 59/2008). 55 . Le 10 juillet 2009, par l ' ordonnance n o 1341/2009, la chambre d ' accusation de la cour d ' appel d ' Athènes renvoya N.M., P.F. et A.A. en jugement pour les crimes , notamment , de constitution d ' organisation criminell e et de traite des êtres humains . Par la même ordonnance, la demande d e levée de la mesure d ' interdiction de quitter le territoire formulée par A.A. fut rejetée . Les mesures préventives imposées à A.A. et P.F. par les ordonnances n os 32/2008 et 59/2008 et le mandat d ' arrêt délivré à l ' encontre de N.M. furent maintenus. 56 . D ' après l e Gouvernement , les autorités compétentes ont recherché les accusés a ux fins de la notifi cation à ceux-ci de l ' ordonnance n o 1341/2009 . S ' agissant de N.M., il fut procédé à la notification de l ' ordonnance selon la procédure prévue par les dispositions concernant les personnes de domicile inconnu . 57 . Le 20 octobre 2009, par l ' ordonnance n o 295 /09 , le procureur près la cour d ' appel d ' Athènes décida de suspendre le procès mené devant cette juridiction contre N.M. , en raison du fait que l ' accusée n ' a vait pas été retrouvée. 58 . Après quatre ajournements, l e procès relatif aux délits (notamment de faux et d ' usage de faux, d ' extorsion, de séquestration, d e tentat ive de violences, de falsification de certificats et de port d ' armes) eut lieu devant le tribunal correctionnel d ' Athènes le 16 mars 2010. La deuxième requérante fit part de son intention de se constituer partie civile. Elle réclama 44 EUR à titre de dommages-intérêts. 59 . Le 19 mars 2010, le tribunal correctionnel d ' Athènes condamna N.M. à une peine d ' emprisonnement de deux ans et sept mois , notamment pour faux et usage de faux , falsification de certificats et séquestration , et il condamna également P.F. à une peine d ' emprisonnement de trois ans et sept mois pour faux et usage de faux, falsification de certificats, extorsion, tentat ive de violences et port d ' armes (arrêt n o 25018-26603/2010). Les peines imposées, non assorties de sursis, furent commuées en sanctions pécuniaires de 10 EUR par jour de détention. Le tribunal acquitta A.A. et G.A. , et il conclut à l ' irrecevabilité de l ' audience ( κηρύχθηκε απαράδεκτη η συζήτηση ) dans le chef de D.M. Il condamna également N.M. et P.F. à verser 44 EUR à la deuxième requérante. 60 . Le 28 juin 2012, le procureur près la cour d ' appel d ' Athènes ordonna à son tour l ' arrestation de N.M. 61 . Le 27 mars 2013, le procès dirigé contre P.F. et A.A. concernant les crimes d ' organ isation criminelle et de traite des êtres humains eut lieu devant la cour d ' appel criminelle d ' Athènes. La deuxième requérante déposa comme témoin . La cour d ' appel criminelle d ' Athènes acquitta P.F. et A.A. (arrêt n o 1700/2013).62 . Il ressort du dossier que la deuxième requérante bénéficiait jusqu ' au 31 mai 2017 d ' un permis de séjour délivré conformément aux dispositions du droit interne accordant une protection aux victimes de la traite des êtres humains. Il en ressort aussi que l a première requérante bénéficiai t d ' un permis de séjour d u même type jusqu ' à l ' obtention par elle, en 2010, d ' un permis de séjour en tant que conjointe d ' un citoyen grec.
76 . Le 6 octobre 2006, la dite procureure renvoya l ' affaire , avec ses conclusions sur celle-ci , au procureur en chef près le tribunal correctionnel d ' Athènes. E lle estima qu ' une enquête devrait déterminer, entre autres, si des crimes d ' organisation criminelle, de traite des êtres humains par complicité, d ' usage de faux et d e manquement au x devoir s professionnels avaient été commis. Après avoir procédé à un résum é d es allégations des requérantes ainsi que d es témoignages des employés du consulat , e lle indiqua qu ' il était étonnant que ces employés n ' eussent procédé à aucune vérification avant la délivr ance d es visas en cause et qu ' ils n ' eussent pas remarqué qu ' il y avait des différences entre les demandes de visa et les passeports quant aux prénom s respectifs des mères des requérantes . À cet égard, elle ajout a qu ' il était pourtant « bien connu - d ' autant plus [ de ces employés ] personnellement - à quel le fin les étrangères, ressortissantes russes, voyageaient en Grèce, étant donné que , pour chaque visa, la somme de 1 000 EUR ou de 1 000 à 2 000 dollars était demandée aux intéressées ». Elle souligna enfin la gravité des faits et demanda à se voir autoriser à t raiter le dossier, malgré le fait qu ' il s ' agissait de crimes et non pas de délits.
77 . Le 30 octobre 2006, la procureure près le tribunal correctionnel d ' Athènes renvoya le dossier de l ' affaire à la d irection de la sécurité de la police de l ' Attique aux fins de la conduite d ' une enquête préliminaire supplémentaire. E lle demanda en particulier à ce que le champ de l ' enquête fût étendu, et ce afin que des cas similaires concernant des ressortissantes russes ayant été arrêté e s pendant les années 2001 à 2004 fussent , le cas échéant, trouvé e s et que celles-ci fussent auditionnées en tant que témoins, que des copies des visas délivrés pendant la même période lui fussent communiquées , que les propriétaires des hôtels et des agences de tourisme impliqués fussent interrogés et que les employés du ministère des A ffaires étrangères à Athènes fussent entendus .
78 . Le 2 décembre 2006, le Moniteur grec Helsinki soumit au procureur en chef près le tribunal correctionnel d ' Athènes des éléments relatifs à d ' autres cas d e personnes victimes de la traite des êt res humains pour lesquelles le c onsulat avait procédé à la délivrance de visas. 79 . Le 25 mai 2009, après avoir cl ôturé l ' enquête à son niveau , la d irection de la sécurité de la police de l ' Attique renvoya l ' affaire au procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes , en y joignant les éléments recueillis pendant l ' enquête en cause .80 . Le 4 décembre 2009, l ' enquête préliminaire fut clôturée par l ' ordonnance n o ΕΓ 87 - 09/190/50 Δ /4-12-2009 du procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes ( article 47 du CPP ) . En premier lieu, le procureur releva que, les visas ayant été délivrés avant novembre 2003, les infractions relati ve s à la falsification de documents et à l ' usage de faux, constituant des délits, étaient prescrit e s . En deuxième lieu, il constata l ' absence de preuves suffisantes de culpabilité en ce qui concernait l ' infraction de manquement au x devoir s professionnels , prétendument commis e par les employés du m inistère des A ffaires étrangères en raison de l ' absence de conduite par eux d ' une enquête administrative . En troisième lieu, s ' agissant du restant de l ' affaire en cause, à savoir les crimes d ' organisation criminelle et de traite des êtres humains, il estima qu ' il existait des indices sérieux quant à la commission de ces infractions et il demanda à ce qu ' une enquête judiciaire officielle ( κύρια ανάκριση ) fût diligentée . Cette ordonnance fut notifiée aux requérantes le 3 0 décembre 2009.
81 . Le 18 mars 2010, le dossier de l ' affaire fut r envoyé au président du comité de trois membres du tribunal correctionnel d ' Athènes pour ouverture d ' une enquête judiciaire officielle. Des poursuites pénales furent engagées contre neuf personnes, y compris contre trois employés du consulat, E.K., I.S. et E.K ou ., pour traite des êtres humains. 82 . Le 23 septembre 2015, le juge d ' instruction compétent demanda au département des étrangers de l ' Attique de lui communiquer des informations sur les adresses des requérantes , en vue de la notifi cation à ces dernières de convocations à témoigner . 83 . Peu après (l e s 24, 25, 26 et 28 septembre 2015 ) , différents départements des étrangers de la région d e l ' Attique répondirent à la demande faite par le juge d ' instruction au département susmentionné. Le juge d ' instruction obtint ainsi la communication de trois adresses pour la première requérante (y compris l ' adresse « Konstantinoupoleos 82 , Athènes » ) , de deux adresses pour la deuxième requérante et de trois adresses pour la troisième requérante (y compris l ' adresse « Konstantinoupoleos 82 , Athènes ») . 84 . Quelques jours plus tard ( l e 30 septembre et les 2 et 5 octobre 2015 ) , le juge d ' instruction ordonna à plusieurs commissariats de police de procéder à la convocation des requérantes à certain e s des adresses fourni e s par les différents départements des étrangers de la région d e l ' Attique. Il ressort du dossier qu e, en ce qui concerne la première requérante, le juge d ' instruction s ' est adress é , entre autres, au commissariat de police d ' A i galeo, où il existait également une adresse « Konstantinoupoleos 82 ». 85 . En réponse à cette injonction, respectivement l e 3 octobre 2015 et le 5 octobre 2015, le commissariat de police d ' A i galeo et celui de Petroupoli informèrent le juge d ' instruction que la première requérante n ' était pas connue aux adresses où elle avait été recherchée. 86 . Entre-temps, l e 2 octobre 2015 , la convocation concernant la deuxième requérante avait été notifiée à l ' ex-mari de celle-ci. 87 . Le 7 octobre 2015, le commissariat de police de Glyfada informa le juge d ' instruction que la troisième requérante n ' était pas connue aux deux adresses fournies par celui-ci.88 . Le 23 février 2016 , par l ' ordonnance n o 641/2016, la chambre d ' accusation du tribunal correctionnel d ' Athènes mit fin aux poursuites contre E.S. et I.Z. après avoir constaté la prescription d es actes de traite des êtres humains prétendument commis , au motif que ces actes remonta ie nt à 2001, soit à une époque où ils constituaient des délits. Par la même ordonnance, elle considéra, s ' agissant des autres accusés - à savoir E.K., I.S. et E.K ou ., employés du consulat, ainsi que I.S., I.M. et K.C. - , qu ' il n ' existait pas des indices sérieux quant à la commission par eux des infractions reprochées . C ette ordonnance fut rectifiée pour une correction mineure par l ' ordonnance n o 852/2016.
89 . Les requérantes indiq uent que les ordonnances n os 641/2016 e t 852/2016 leur ont été notifiées en 2016 aux adresses déclarées par elles à Athènes.90 . Le droit et la pratique internes pertinents en l ' espèce sont décrits dans l ' arrêt L.E. c. Grèce (n o 71545/12 , §§ 29-34, 21 janvier 2016).
91 . Les dispositions pertinentes en l ' espèce du CPP en vigueur à l ' époque des faits se lisaien t ainsi :Article 48
« Le plaignant peut, dans les quinze jours à partir de la notification de l ' ordonnance du procureur ( ... ) , faire appel devant le procureur comp é tent de la cour d ' appel contre l ' ordonnance du procureur près le tribunal correctionnel. ( ... ) »
Article 155 - Notification
« 1. La notification s ' effectue avec la remise du document par huissier de justice (...) en main s propre s à l ' intéressé (...). Si le destinataire n ' est pas trouvé à son domicile (...), le document est délivré à l ' une des personnes qui habite nt avec lui , même à titre temporaire (...)
2. (...) Si aucune des personnes mentionnées au paragraphe précédent ne se trouve au domicile, celui qui est chargé de la notification doit coller le document sur la porte du domicile devant un témoin (...) . Si la notification a été faite [en collant le document] sur la porte du domicile parce que les personnes visées aux alinéas 1 b) et c) ont refusé de recevoir le document signifié ou étaient absentes, une copie de ce document est signifiée à tout mandataire désigné de l ' accusé ou de la personne [ civile ment responsable d e celui-ci] . Dans ce cas, les effets [juridiques] commencent à partir de la notification au mandataire. »
Article 308
« ( ... ) Les parties ont le droit de faire savoir au procureur, et oralement et avant qu e celui-ci ne rédige sa proposition, qu ' elles souhaitent connaître le contenu [de celle-ci] . Dans ce cas, le procureur doit informer, par voie de notification, la partie qui a exercé ce droit, s i elle réside [dans le ressort ] du tribunal, ou, à défaut, le mandataire qu ' elle a désigné [dans le ressort] du tribunal , qu ' elle doit comp araître [devant lui] pour prendre connaissance de sa proposition dans les vingt-quatre heures. ( ... )
Cet te notification peut être fait e oralement ou par téléphone. Dans ce cas, elle est prouvée par une attestation établie par le secrétaire compétent du b ureau d u p rocureur joint e au dossier.
L ' affaire [ne peut être] introduite devant la chambre d ' accusation a vant l ' expiration d ' un délai de dix jours à compter de la date de la notification [ ; le dossier reste , pendant ce délai,] au sein du secrétariat du parquet, sauf s ' il existe un risque de prescription. »
Article 432
« Si celui qui a été déféré au tribunal pour être jugé pour un crime est absent de son lieu de résidence et si son domicile est inconnu, et s ' il ne comparaît pas ou n ' est pas arrêté dans un délai d ' un mois à compter de la citation à comparaître (...), la procédure est, lors de l ' audience , suspendue ( αναστέλλεται ) par une décision du procureur près la cour d ' appel jusqu ' à ce qu ' il soit arrêté ou qu ' il comparaisse . ( ... ) »
92 . L ' article 351 du code pénal (C P) , intitulé « traite des êtres humains », se lisait ainsi avant l ' entrée en vigueur , le 15 octobre 2002, de la loi n o 3064/2002 :
« 1. Celui qui, afin de fa ciliter la débauche d ' autr ui :
a) [même avec son consentement, embauche une femme mineure en vue de la prostituer ou amène celle-ci à se prostituer] ; b) par la force, de manière frauduleuse, par des menaces, par l ' imposition ou l ' abus de pouvoir ou par tout e autre forme de coercition, embauche une femme adulte en vue de la prostitu er ou amène celle-ci à se prostituer ; c) par les formes [de coercition] mentionné e s ci-dessus, détient une femme contre sa volonté dans une maison close ou la force [à se soumettre] à la prostitution ; est puni d ' une peine d ' emprisonnement [allant] d ' un an à trois ans et d ' une sanction pécuniaire si une peine plus lourde n ' est pas imposée.
2. Le maximum de la peine ci-dessus est porté à cinq ans si l ' infraction a été commise par l ' une des personnes mentionnées à l ' article 349 § 2 c). (...) »
94 . Dans son rapport de 2002 sur la traite des personnes à l ' égard de la Russie , le D épartement d ' État américain a formul é les constatations suivantes :
« La R ussie est un pays d ' origine pour des femmes et de s enfants victimes de trafic à des fins d ' exploitation sexuelle dans de nombreux pays d ' Europe, du Moyen - Orient et d ' Amérique du Nord. Le g ouvernement r usse ne respecte pas encore pleinement les normes minimales pour l ' élimination de la traite et ne déploie pas des efforts significatifs [ pour y parvenir ] . Il n ' y a pas de loi contre la traite en particulier. Le recrutement à des fins de prostitution e s t illégal , mais n ' est pas un crime. Le g ouvernement russe reconna î t qu ' il y a un problème de traite et la D o uma a demandé aux États-Unis de coopérer en vue de la rédaction d ' une législation antitraite. ( ... ) »
95 . Dans son rapport de 2003 sur la traite des personnes à l ' égard de la Russie , le dit département d ' État a formulé les constatations suivantes :« La R ussie est un pays pourvoyeur majeur de femmes destinées au trafi c à des fins d ' exploitation sexuelle dans de nombreux pays. ( ... ) Des femmes des anciens pays s oviétiques auraient transité par la Russie jusqu ' aux États du Golf e , jusqu ' en Europe et jusqu ' en Amérique du Nord à des fins d ' exploitation sexuelle. ( ... ) Le g ouvernement russe ne respecte pas encore pleinement les normes minimales pour l ' élimination de la traite ; toutefois, il déploie des efforts importants [ pour y parvenir ] . Les efforts déployés p endant la période de référence devront être renforcés à la lumière de l ' étendue du phénomène de traite. Cela étant , les agents du g ouvernement central ont démontré [qu ' il y avait] une forte augmentation de la volonté politique de reconna î tre et d ' aborder le problème de traite , et l es efforts récents [entrepris] pour engager de nouvelles réformes ont été positifs. ( ... ) »
96 . Dans son rapport de 2003 sur la traite des personnes à l ' égard de la Grèce , le même département d ' État a formulé les constatations suivantes :
« La Grèce est un pays de destination et de transit pour des femmes et des enfants victimes de trafi c à des fins d ' exploitation sexuelle. Selon une source gouvernemental e , jusqu ' à 18 000 personnes ont fait l ' objet de trafic en Grèce en 2002. Les principaux pays d ' origine comprennent l ' Albanie, la Bulgarie, la Moldavie, la Roumanie, la Russie et l ' Ukraine. ( ... ) Le g ouvernement grec ne se conforme pas pleinement aux normes minimales pour l ' élimination de la traite et ne fait pas d ' efforts [ pour y parvenir ] . Le g ouvernement a démontré un changement de volonté politique d ' aborder [le sujet] par sa législation détaillée récente sur la traite. Toutefois, le g ouvernement n ' a pas encore [ réussi à appli quer efficace ment ] la loi. ( ... ) »
EN DROIT
« 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.
( ... ) »
a) Arguments des parties
102 . Le Gouvernement argue qu ' à la date de saisine de la Cour, le 28 juin 2010, par les requérantes : a) en ce qui concerne la troisième requérante, l ' arrêt de la cour d ' appel de Thessalonique n ' avait pas encore été prononcé, et l ' intéressée n ' avait pas fait usage de son droit de manifester son intention de se constituer partie civile en deuxième instance ; b) la première requérante n ' avait pas participé aux procédures pénales devant le tribunal correctionnel d ' Athènes et la cour d ' appel d ' Athènes en tant que partie civile ; et c) la deuxième requérante ne s ' était pas constituée partie civile devant la cour d ' appel d ' Athènes. 103 . Le Gouvernement argue par ailleurs que les requérantes n ' ont pas introduit de recours contre l ' ordonnance du 4 décembre 2009 du procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes. Selon lui, les intéressés auraient notamment pu saisir le procureur près la cour d ' appel sur le fondement de l ' article 48 du CPP. 104 . Les requérantes répliquent que la constitution de partie civile de la deuxième requérante a été reconnue par la cour d ' appel et que, en tout état de cause, l ' obligation découlant de l ' article 4 de la Convention d ' enquêter sur les faits ne dépend pas de l ' introduction d ' une plainte de la part de la victime. Au contraire, selon les requérantes, les autorités sont tenues d ' agir d ' elles-mêmes une fois que l ' affaire a été portée à leur connaissance. Quant à l ' argument du Gouvernement selon lequel l ' affaire était pendante à la date de saisine de la Cour par les requérantes, les intéressées soutiennent que, dans des affaires similaires, la Cour prend en considération la durée globale des procédures étant donné son impact sur l ' effectivité de ces dernières. 105 . En ce qui concerne l ' allégation du Gouvernement selon laquelle les requérantes n ' ont pas saisi, sur le fondement de l ' article 48 du CPP, le procureur près la cour d ' appel, les intéressées indiquent que l ' ordonnance du procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes a été prise le 4 décembre 2009, soit six ans après les faits en cause. Il s ' ensuit, d ' après les requérantes, que les autorités n ' avaient aucune intention de mener une enquête effective sur ces faits et que, en tout état de cause, une partie des délits était déjà prescrite. Les intéressées ajoutent qu ' elles avaient toujours l ' espoir de voir le juge d ' instruction compétent mener une enquête effective sur les infractions qui, selon elles, impliquaient des agents de l ' État, mais que cet espoir ne s ' est pas concrétisé.b) Appréciation de la Cour
106 . Pour ce qui est de l ' exception du Gouvernement tirée du caractère prématuré de la requête en ce qui concerne la troisième requérante, la Cour observe que les arrêts n os 209-212/2011 de la cour d ' appel de Thessalonique ont été prononcés le 6 juin 2011, soit avant l ' examen par elle de la recevabilité de l ' affaire. Elle rejette donc l ' exception soulevée par le Gouvernement à ce titre (voir, Sidiropoulos et Papakostas c. Grèce , n o 33349/10, § 66, 25 janvier 2018 ). 107 . La Cour considère que les exceptions du Gouvernement restantes sont étroitement liées à la substance du grief énoncé par les requérantes sur le terrain du volet procédural de l ' article 4 de la Convention (voir, mutatis mutandis , Zontul c. Grèce , n o 12294/07, § 76, 17 janvier 2012). Elle décide par conséquent de les joindre au fond.a) Les requérantes
110 . Tout d ' abord , l es requérantes soutiennent que certains éléments de preuve fournis par le Gouvernement, parmi lesquels des informations concernant leurs permis de séjour et statut marital , constituent des données personnelles. De l ' avis des requérantes, le choix de l ' État grec de soumettre ces éléments devant la Cour enfreint la loi g recque n o 2472 /1997 sur la protection des données personnelles et, par conséquent , ceux-ci ne devraient pas être pris en compte par la Cour. 111 . Ensuite, l a troisième requérante allègue qu ' elle n ' a pas été placée sous un régime de protection immédiatement après son arrestation, et qu ' elle a été condamné e pour prostitution , et ce alors qu ' il était évident, à ses dires, qu ' elle était victime de la traite des êtres humains. Elle indique qu ' elle avait l ' intention de coopérer avec les autorités de police depuis le début. Elle ajoute qu ' elle a été détenue dans de mauvaises conditions et qu ' elle n ' a été informée sur la législation protégeant les victimes de la traite des êtres humains qu ' après l ' ouverture du procès dirigé contre elle, lequel procès n ' aurait pas été équitable. L ' intéressée dit aussi que les autorités de police n ' ont pas fai t d ' efforts pour arrêter sa proxénète, alors qu ' elles auraient disposé des coordonné es de cette dernière depuis le début. Elle soutient encore qu ' elle n ' a pas bénéficié d ' une assistance matérielle et psychologique suffisante. 112 . La troisième requérante allègue également que les poursuites concernant la traite des êtres humains n ' ont pas donné lieu à un examen approfondi des circonstances ayant entouré les faits en cause , puisqu e, selon elle, les autorités de police ont limité l ' enquête aux auteurs présumés des faits séjournant en Grèce et n ' o nt pas coopéré avec leur s homologues russes . Sur ce point , elle indique que la direction de la sécurité de la police de l ' Attique avait pourtant été informée, le 10 février 2004, par le département d ' Interpol de la police hellénique , que les autorités russes enquêtaient sur l ' agence de voyage « G », impliqué e dans des actes de prostitution (paragraphe 21 ci - dessus). 113 . Cette requérante ajoute que la procédure relative aux faits d ' exploitation la concernant était d ' une durée excessive et qu ' elle a pris fin huit ans après les faits en cause . Elle indique aussi que l ' on ne peut lui imputer l es ajournement s d ' a udience devant la cour d ' appel criminelle de Thessalonique , au motif que ce ux -ci étai en t d us à des grève s d es avocats qui auraient affecté tous les avocats impliqués, y compris ceux de la défense. 114 . La troisième requérante soutient en outre que les peines d ' emprisonnement imposées aux auteurs des faits, d ' une durée de cinq ans et dix mois, n ' étaient pas en adéquation avec la gravité des crimes commis , notamment eu égard à la reconnaissance de la culpabilité des accusés du chef de traite des êtres humains à l ' encontre de trois victimes . 115 . Quant aux deux première s requérante s, elles dénoncent la durée de la procédure relative aux faits d ' exploitation les concernant en ce qu ' elle aurait été excessive. À cet égard, e lles précisent que la procédure en cause a débuté en 2003, lors du recueil de leurs dépos itions en tant que témoins , et qu ' elle doit être considérée comme pendante , l ' un des auteur s présumés des faits ayant échappé à la justice et demeurant introuvable . Elles indiquent en outre que leur affaire a été jugée en première instance presque dix ans après les faits d ' exploitation commis à leur encontre . Elles disent aussi qu e seuls deux des auteurs présumés des faits ont été jugés et acquittés , et elles estiment que , si les autorités avaient arrêté N.M. au moment de la dénonciation de cette dernière par elles, la durée de la procédure aurait été moins longue. Or, selon les dites requérantes, les autorités n ' ont pas entrepris des efforts afin d ' arrêter N.M., qui a réussi à fuir la justice. Les intéressées ajoutent que, dans son arrêt L.E. c. Grèce ( précité ) , la Cour avait déjà conclu à la violation de l ' article 4 de la Convention pour des faits identiques. Elles disent également qu ' elles n ' ont pas bénéficié d ' une assistance matérielle et psychologique suffisante. 116 . Quant aux procédures portant sur la délivrance de s visa s , les requérantes reprochent aux autorités grecques de ne pas avoir agi plus rapidement , en engageant d ' office une enquête , et d ' avoir attend u leur dépôt de plainte à ce sujet . Elle dénoncent en outre le comportement de la direction de la sécurité de la police de l ' Attique, qui aurait renvoyé le dossier de l ' affaire trois ans après l ' avoir reçu, à une époque où les délits auraient déjà été prescrits. E lles indiquent e n particulier que la direction de la sécurité de la police de l ' Attique s ' est vu ordonn er de mener une enquête le 30 octobre 2006, mais que la plupart des dépositions des témoins n ' ont été recueillies qu ' entre septembre 2008 et mai 2009, soit deux ans plus tard . Elles précis ent à ce sujet que la plupart des agences de voyage et d es hôtels avai en t entre-temps « disparu ». Les requérantes reprochent en outre aux autorités judiciaires de n ' avoir entrepris aucune démarche concernant leur affaire entre le 18 mars 2010, date de renvoi du dossier de l ' affaire en vue de l ' ouverture d ' une enquête judiciaire officielle, et le 23 septembre 2015, date de recherche de leurs coordonnées aux fins de leur convocation à déposer comme témoins. Les intéressées ajoutent que la procédure en cause ne s ' est terminée qu ' au moment de la notification à leur égard des ordonnances de la chambre d ' accusation , survenue selon elles en mai 2016 .117 . L es requérantes se plaignent également de la prescription d ' une partie des actes prétendument comm is par les employés du consulat . Elles précisent à cet égard que le cadre législatif interne ne régissait pas suffisamment « la falsification des documents officiels en vue de faciliter la traite des êtres humains » à l ' époque des faits et qu ' il était donc insuffisant . Elles indiqu ent que tant la Convention de s Nations u nies contre la criminalité transnationale organisée (« le Protocole de Palerme ») et les p rotocoles s ' y rapportant que la Convention du Conseil de l ' Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, signée par la Grèce en 2005 et entrée en vigueur le 1 er août 2014, prévoient la criminalisation de la délivrance de documents de voyage falsifi é s. En tout état de cause, selon les requérantes, les autorités internes auraient dû prévoir des sanctions plus élevées pour les agents de l ' État impliqués , de même que des délais de prescription plus longs .
118 . Les requérantes ajoutent qu ' elles n ' ont pas été invitées à déposer et, que, au cours de la conduite de l ' enquête, elles n ' avaient pas accès au dossier de l ' affaire. Elles disent aussi que ni leurs représentants, ni les cinq témoins proposés par elles, ni quatre des auteurs présumés des faits n ' ont été invités à déposer. Les requérantes précisent qu e leur c onvocation par le juge d ' instruction a eu lieu aux adresses fourni e s par ce dernier à la police , et non pas à celles déclarées par elles dans leur s demande s de constitution de partie civile . La première requérante indique en outre que le juge d ' ins truction a renseigné l ' adresse « K onstantinoupoleos 82, Athènes », mais que, au lieu d ' envoyer par fax la convocation au commissariat de police d ' Omonoia, compétent pour procéder à la notification, il l ' a envoyé e au commissariat de police d ' A i galeo. À ses dires , l es policiers de ce commissariat, bien qu e sa cha nt qu ' ils n ' étaient pas compétents, ont procédé à une convocation à l ' adresse « K onstantinoupoleos 82, Aigaleo» et ont ensuite informé le juge d ' instruction que les intéressées n ' y avaient pas été retrouvées. Les requérantes indiquent encore que le juge d ' instruction n ' a pas procédé à la notification prévue par les articles 155 § 2 et 308 du CPP à l ' endroit de leurs représentants, que ni ces derniers ni elles - mêmes n ' ont été informés de la fin de l ' instruction, et ce malgré l ' expression par elles de leur volonté à cet égard dans leurs demande s de constitution de partie civile , et qu ' elles n ' ont par conséquent pas pu exercer les recours prévus par la loi. 119 . Les requérantes soutiennent qu e ni l ' enquête administrative ni la procédure pénale n ' ont été menées de manière impartiale. S elon elles , l ' enquête administrative a été menée par un diplomate dont les supérieurs - en l ' occurrence des conseillers ministériels - voyaient leur responsabilité être mise en jeu . Elles ajoutent que le ministère des A ffaires étrang ères n ' a engagé cette procédure que le 7 juin 2006, et ce seulement après avoir été officiellement informé de la volonté du procureur près la Cour de cassation d ' ouvrir une enquête. Or, selon les intéressées, le Moniteur grec Helsinki avait déjà informé le ministère depuis décembre 2004 et , à la suite de cette initiative, il s ' était vu répondre qu ' une enquête administrative serait trop longue et s ' était vu recommander de s ' adresser au procureur compétent. Les requérantes ajoutent encore que l ' enquête administrative a pris fin très rapidement et que, de surcroît, elles n ' ont pas été invitées à compara î tre et ne se sont pas vu notifier les conclusions de cette enquête . De l ' avis des requérantes, la volonté des autorités de ne pas faire la lumière sur l ' affaire se trouve ainsi établie par ces éléments . Quant à la procédure pénale, les requérantes précisent que le procureur en chef près le tribunal correctionnel d ' Athènes a renvoyé l ' affaire à la direction de la sécurité de la police de l ' Attique au lieu d ' engager des poursuites pénales et de transférer le dossier de l ' affaire à un juge d ' instruction.120 . Enfin, les requérantes estiment qu ' il y a eu en l ' espèce également violation d u volet matériel de l ' article 4 de la Convention, au motif que des agents de l ' État ont délivré des documents de voyage falsifiés. Or, à leurs yeux , même si les délits en cause sont prescrits, l ' État est toujours responsable pour les actes contraires à l ' article 4 de la Convention. Aussi les intéressées demandent -elles à la Cour d ' inviter les parties à soumettre des observations complémentaires sur ce point en application de l ' article 54 § 2 de son règlement .
b) Le g ouvernement
121 . Le Gouvernement soutient que le cadre législatif pertinent en vigueur en Grèce au moment des faits a offert aux requérantes une protection pratique et effective , dont les intéressées auraient bénéficié . En particulier, selon le Gouvernement, immédiatement après l ' introduction d es plaintes des requérantes , les autorités ont informé ces dernières de leurs droits par l ' intermédiaire d ' un interprète et leur o nt assuré un logement , elles o nt porté les faits à la connaissance du procureur compétent , et elles se sont mobilisées afin de retrouver les responsables. 122 . Le Gouvernement estime qu e, en ce qui concerne les enqu êtes menées par la section de police spécialisée dans la lutte contre la traite des êtres humains , l es autorités de police ont agi rapidement et avec diligence . L ' enquête a urait été étendue aux autres femmes victime s de la traite des êtres humains . Le Gouvernement ajoute que le Moniteur grec Helsinki - qui a représenté les requérantes devant les juridictions inter nes - recevait des fonds d e la part du ministère des A ffaires étrangères , destinés à l ' aide aux victimes de la traite des êtres humains. Il dit aussi que les autorités internes ont collaboré avec l e bureau central d ' Interpol en Russ i e . 123 . Le Gouvernement estime que l ' affaire relative aux faits d ' exploitation concernant la troisième requérante a été dans son ensemble jugée dans des délais raisonnables , et il précise à ce sujet que la procédure a duré cinq ans et huit mois pour deux instances. Il ajoute à cet égard que les ajournements d ' audience étaient justifiés et que cette requérante a elle - même demandé un report de l ' examen de l ' affaire . 124 . Le Gouvernement dit que N.S., F.P. et E.M., responsables présumés des faits de traite des êtres humains commis à l ' en contre de la troisième requérante, ont été arrêtés un jour après le recueil de la deuxième déposition de l ' intéressée. Il dit aussi que l e juge d ' instruction a ordonné la détention provisoire de N.S. et de F.P. , et l ' imposition de mesures restrictives à l ' encontre de E.M. Il ajoute que l es accusés N.S. et F.P. ont été condamnés à des peines lourdes tant en première qu ' en deuxième instance, et ce sans se voir accorder le bénéfice d ' un sursis à l ' exécution en deuxième instance. Quant à la détermination de la peine à imposer en cas de concours d ' infractions, le Gouvernement allègue que le cumul strict des peines infligées a des effets indésirables. Il indique en particulier que la fixation d ' une peine globale est justifiée car elle éviterait l ' imposition d ' une peine trop stricte et l ' application d ' une sanction disproportionnée à l ' auteur de l ' infraction. Le Gouvernement ajoute que la troisième requérante a bénéficié de l ' assistance d ' un avocat du Moniteur grec Helsinki , mais qu ' elle a choisi de ne pas compara î tre devant la cour d ' appel. 125 . En outre, le Gouvernement soutient que, en ce qui concerne les deux premières requérantes, les autorités de police ont agi avec diligence en vue de l ' arrestation des suspects et de leur renvoi devant la justice . Il expose que la procédure en cause a débuté le 20 juin 2008, date de constitution de partie civile de la deuxième requérante , et qu ' elle s ' est terminée le 19 mars 2010, date de prononcé de l ' arrêt n o 25018-26603/2010 du tribunal correctionnel d ' Athènes. Il estime que cette période d ' un an et neuf mois environ n ' a pas été d ' une durée déraisonnable, compte tenu de la complexité de l ' affaire et des nombreux actes d ' enquête réalisés. Il est aussi d ' avis que la durée de la période comprise entre le 20 juin 2008, date susmentionnée correspondant à la constitution de partie civile de la deuxième requérante , et le 20 octobre 2009, date de la décision de suspension du procès dirigé contre N.M. prise par le procureur , ne peut être qualifiée de déraisonnable . 126 . Le Gouvernement considère que le fait que les accusés P.F. et A.A. ont été acquittés en appel ne permet pas de douter de l ' indépendance et de l ' impartialité des tribunaux ayant examiné les charges portées à leur en contre, puisque l ' article 4 de la Convention n ' établi rait pas une obligation d ' aboutissement de toutes les plaintes pour traite des êtres humains à une condamnation. De m ême , il estime que le fait que N.M. n ' a pas pu être retrouvée par l es autorités de police, en dépit des efforts qui auraient été immédiatement déployés par celles-ci après le recueil des dépositions des requérantes pour la localiser et l ' arrêter, n ' est pas susceptible de mettre en doute l ' eff ectivité de l ' enquête en l ' espèce. En tout état de cause, selon le Gouvernement, la procédure contre N.M. n ' a pas été clôturée , mais uniquement suspendue jusqu ' à l ' arrestation et la traduction en justice de cette dernière . Le Gouvernement ajoute que , tout au long de l ' enquête, les autorités de police ont coopéré avec les requérantes et procédé à l ' audition de nombreux témoins. 127 . Quant aux procédures portant sur la délivrance de s visa s , le Gouvernement argue que l ' enquête judiciaire menée en l ' espèce était pleinement satisfaisante, qu ' elle a été engag ée immédiatement après la plainte du Moniteur grec Helsinki du 17 janvier 2006 et qu ' elle a été conduite avec la diligence requise, étant donné notamment la demand e d ' extension du champ de ladite enquête formulée par le procureur compétent (paragraphe 77 ci-dessus) , et , en outre, qu ' aucune inertie ne peut être reprochée aux autorités. En particulier, de l ' avis du Gouvernement, seule doit être prise en compte la période allant du 16 mai 2006, date de constitu tion de partie civile des requérantes , au 4 décembre 2009, date de clôture de l ' enquête préliminaire par le procureur compétent . Dès lors, selon le Gouvernement, cette période de trois ans et six mois environ n ' a pas été d ' une durée déraisonnable en l ' espèce, étant donné la complexité de l ' affaire et les nombreux actes d ' enquête réalisés . En ce qui concerne la complexité de l ' affaire, le Gouvernement expose que le procureur près le tribunal correctionnel d ' Athènes a demandé la conduite d ' une enquête en avril 2006 et que des poursuites pénales ont été engagées contre neuf personnes, y compris contre trois employés du consulat. 128 . Le Gouvernement indique aussi que les requérantes ont participé activement à cette procédure, en manifestant leur intention de se constituer parties civiles et en soumettant un mémoire et des éléments complémentaires en mai et en décembre 2006. Il ajoute qu ' elles ont été invitées à déposer en tant que témoins et que, lors de l ' instruction, les autorités compétentes les ont recherché e s , en vain, aux adresses déclarées par elles. Il précise à cet égard que , d ' après l ' article 155 du CPP , la notification peut être faite à un représentant dans le seul cas où il s ' agit du mandataire d e l ' accusé ou de la personne civilement responsable de ce dernier . 129 . Quant aux allégations des requérantes portant sur la prescription de certains des faits , le Gouvernement réplique que la prescription ne concernait qu ' une partie des agissements en cause , à savoir ceux de nature délictuelle et non pas criminelle. Il indique e n particulier, s ' agissant d es actes de traite des êtres humains , que des poursuites pénales ont été engagées et une instruction ordonnée. Le Gouvernement ajoute que, après avoir pris en compte tous les éléments du dossier , le procureur compétent a, par un arrêt amplement motivé, conclu à l ' absence de preuves suffisantes de culpabilité en ce qui concernait l es faits allégué s de manquement au x devoir s professionnels , prétendument commis par les employés du ministère des Affaires étrangères en raison de l ' absence de conduite par eux d ' une enquête administrative lors de la procédure d ' examen des demandes de visa. 130 . Le Gouvernement estime en outre que les allégations des requérantes ont été examinées de manière approfondie et que le fait que la chambre d ' accusation a procédé à la délivrance d ' une ordonnance de non - lieu ne permet pas de doute r de l ' effectivité de l ' enquête. Il dit p ar ailleurs que, à l ' issue de l ' enquête administrative , au cours de laquelle tous les éléments de preuve auraient été évalués et pris en compte , il a été considéré que les visas en cause avaient été délivrés conformément aux exigences requises en la matière et que les employés du consulat ne pouvaient pas savoir que les requérantes risquaient de devenir victimes d e la traite des êtres humains. 131 . Le Gouvernement avance enfin qu e la présente affaire se distingue de l ' affaire L.E. c. Grèce ( précité e), en ce que, en l ' espèce, les autorités internes auraient promptement reconnu le statut de victimes de la traite des êtres humains aux requérantes et ne seraient jamais revenues sur l ' octroi de cette protection pendant les procédures pénales.a) P rincipes généraux consacrés à l ' article 4 de la Convention
134 . La Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente sur les principes généraux régissant l ' application de l ' article 4 dans le contexte spécifique de la traite des êtres humains (voir notamment Rantsev, précité, §§ 283-289). Elle relève notamment qu ' avec les articles 2 et 3, l ' article 4 consacre l ' une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l ' Europe. Vu l ' importance de l ' article 4 au sein de la Convention, sa portée ne pourrait se limiter aux seuls agissements directs des autorités de l ' État. Ladite disposition met aussi à la charge des États parties une série d ' obligations positives se rapportant notamment à la protection de la victime de la traite ainsi que la prévention et la répression de celle-ci ( Siliadin c. France , n o 73316/01, §§ 7 et 89, CEDH 2005 - VII). 135 . En ce qui concerne, en particulier, la traite des êtres humains, il y a la nécessité d ' adopter une approche globale pour lutter contre ce phénomène en mettant en place, en plus, des mesures visant à sanctionner les trafiquants, ainsi qu ' à prévenir le trafic et protéger les victimes ( Rantsev, précité, § 285). Il ressort de la jurisprudence que les États assument, tout d ' abord, la responsabilité de mettre en place un cadre juridique et réglementaire approprié, offrant une protection concrète et effective du droit des victimes, réelles et potentielles, de traite. En outre, la législation des États sur l ' immigration doit répondre aux préoccupations en matière d ' incitation et d ' aide à la traite ou de tolérance envers celle-ci ( Rantsev , précité, § 287). 136 . En deuxième lieu, dans certaines circonstances, l ' État se trouve devant l ' obligation de prendre des mesures concrètes pour protéger les victimes avérées ou potentielles de traitements contraires à l ' article 4. Comme les articles 2 et 3 de la Convention, l ' article 4 peut, dans certaines circonstances, imposer à l ' État ce type d ' obligation (voir, L.E. , précité, § 66 , et Chowdury et autres , précité, § 88 ). Pour qu ' il y ait obligation positive de prendre des mesures concrètes dans une affaire donnée, il doit être démontré que les autorités de l ' État avaient ou devaient avoir connaissance de circonstances permettant de soupçonner raisonnablement qu ' un individu était soumis, ou se trouvait en danger réel et immédiat de l ' être, à la traite ou à l ' exploitation au sens de l ' article 3 a) du Protocole de Palerme et de l ' article 4 a) de la convention anti-traite du Conseil de l ' Europe. Si tel est le cas et qu ' elles ne prennent pas les mesures appropriées relevant de leurs pouvoirs pour soustraire l ' individu à la situation ou au risque en question, il y a violation de l ' article 4 de la Convention (voir, Rantsev, précité, § 286 , L.E. , précité, § 66 , et Chowdury et autres , précité, § 88 ). 137 . Il n ' en résulte pas, toutefois, que l ' on puisse déduire de cette disposition une obligation positive d ' empêcher toute violence potentielle. Il faut en effet interpréter cette obligation de manière à ne pas imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif, eu égard aux difficultés pour la police d ' exercer ses fonctions dans les sociétés contemporaines et à l ' imprévisibilité du comportement humain, ainsi qu ' aux choix opérationnels à faire en termes de priorités et de ressources (voir, L.E. , précité, § 67) . 138 . En troisième lieu, l ' article 4 impose une obligation procédurale d ' enquêter sur les situations de traite potentielle. L ' obligation d ' enquête ne dépend pas d ' une plainte de la victime ou d ' un proche : une fois que la question a été portée à leur attention, les autorités doivent agir (voir, Rantsev , précité, § 232, L.E. , précité, § 68, et Chowdury et autres , précité, § 89 ). Pour être effective, l ' enquête doit être indépendante des personnes impliquées dans les faits. Elle doit également permettre d ' identifier et de sanctionner les responsables. Il s ' agit là d ' une obligation non de résultat, mais de moyens. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite dans tous les cas mais lorsqu ' il est possible de soustraire l ' individu concerné à une situation dommageable, l ' enquête doit être menée d ' urgence. La victime ou le proche doivent être associés à la procédure dans toute la mesure nécessaire à la protection de leurs intérêts légitimes (voir, L.E. , précité, § 68 ).b) Application de ces principes à la présente espèce
1) Troisième requérante
147 . La Cour note que la date cruciale à retenir quant à l ' obligation pesant sur les autorités de prendre des mesures concrètes pour la protection de la troisième requérante en tant que victime de la traite à des fins d ' exploitation sexuelle est la date à laquelle l ' intéressée a explicitement affirmé aux autorités qu ' elle était victime de la traite des êtres humains ( L.E. , précité, § 73) . Il revient également à la Cour d ' examiner si, avant une affirmation explicite faite par l ' intéressée , les autorités compétentes pouvaient raisonnablement connaître ou soupçonner qu ' elle était victime de la traite des êtres humains. En outre, la Cour examinera si les autorités policières et judiciaires ont pris par la suite les mesures nécessaires relevant de leurs pouvoirs pour offrir une protection adéquate à la requérante. 148 . À cet égard, la Cour observe , en premier lieu que, selon le Gouvernement, la troisième requérante a explicitement affirmé aux autorités qu ' elle était victime de la traite des êtres humains dans ses dépositions , l es 19, 22 et 24 septembre 2003 (paragraphe 13 ci-dessus). Or, d ' après le Gouvernement, cette affirmation a eu lieu après la condamnation de la requérante par le tribunal correctionnel de Thessalonique pour prostitution, le 19 septembre 2003. L ' intéressée quant à elle affirme que les autorités ne l ' avaient pas informé, avant le procès dirigé contre elle, sur la législation protégeant les victimes de la traite des êtres humains (paragraphe 11 ci - dessus). La Cour prend note du fait que la requérante n ' affirme ni avoir alerté des autorités sur sa situation de victime de la traite avant le 19 septembre 2003, ni que les autorités auraient dû soupçonner qu ' elle était victime de la traite des êtres humains avant sa propre affirmation devant elles . 149 . Quant à la période postérieure au 19 septembre 2003 , il ressort du dossier que les autorités compétentes ne sont pas restées indifférentes à l ' égard de l ' affirmation explicite de la requérante d ' avoir été victime de la traite . En effet, même si la troisième requérante allègue qu ' elle n ' a pas bénéficié d ' une assistance matérielle et psychologique suffisante, la Cour observe que, moins de deux mois après sa dénonciation, la décision ordonnant l ' expulsion de l ' intéressée a été suspendue et elle s ' est vu attribué un permis de séjour. Qui plus est, quinze jours après la délivrance de ce permis, la requérant a été placée dans un foyer (paragraphe 17 et 18 ci - dessus) . 150 . Dans ces conditions, la Cour ne saurait conclure que les autorités internes aient été en défaut d ' entreprendre d es mesures opérationnelles susceptibles d ' offrir à la troisième requérante une protection en tant que victime de la traite.2) Les deux premières requérantes
151 . La Cour constate que les deux premières requérantes ont alerté les autorités sur leur situation en tant que victimes de la traite des êtres humains le 12 décembre 2003, date à laquelle elles se sont présentées à la direction de la sécurité de la police d ' Ermoúpolis (paragraphe 31 ci-dessus). Dix jours plus tard, à savoir le 22 décembre 2003, les intéressées ont été reconnues comme « victimes de la traite des êtres humains » et l ' exécution des décisions ordonnant leur expulsion fut suspendue (paragraphe 32 ci-dessus) . La Cour note que les parties présentent des versions différentes quant au point de savoir si les requérantes ont été transférées ou pas dans un foyer. Les requérantes affirment en outre, sans préciser, qu ' elles n ' ont pas reçu une assistance légale et psychologique. Toutefois, et malgré les doutes exprimés par les deux premières requérantes, les éléments du dossier ne permettent pas contester de manière concrète l ' affirmation du Gouvernement que les intéressées ont été logées dans un foyer. 152 . Dans ces conditions, eu égard notamment à la célérité avec laquelle les autorités ont reconnu les requérantes comme victimes de la traite, la Cour ne saurait conclure que les mesures opérationnelles entreprises par les autorités internes afin d ' offrir une protection aux deux premières requérantes en tant que victime s de la traite n ' ont pas été suffisantes .1) Quant à l a procédure relative aux faits d ' exploitation concernant la troisième requérante
153 . La Cour constate que , le 23 octobre 2003 , des poursuites pénales ont été engagées contre N.S., F .P. et E.M. pour organisation criminelle, traite des êtres humains et proxénétisme. Elle note que les circonstances ayant entouré les faits d ' exploitation concernant la troisième requérante ont fait l ' objet d ' une enquête. 154 . Reste à savoir si l ' enquête en cause a satisfait aux exigences de l ' article 4 de la Convention. 155 . Tout d ' abord , l a Cour relève que les autorités de polic e ont réagi avec promptitude à la dénonciation de la dite requérante, faite le 19 septembre 2003, par laquelle celle-ci avait informé lesdites autorités qu ' elle était victime de la traite à des fins d ' exploitation sexuelle. La requérante susmentionnée a été entendue le s 19, 22 et 24 septembre 2003. Le 23 septembre 2003, à savoir immédiatement après le recueil de ses premières dépositions, N.S., F.P. et E.M., auteurs présumés de s faits de traite des êtres humains , ont été arr êtés. 156 . La Cour note cependant que la procédure en cause a pris fin le 6 juin 2011 par les arrêts n os 209-212/2011 de la cour d ' appel , soit sept ans et neuf mois environ après la dénonciation de l ' intéressée. En particulier, l ' audience de l ' affaire devant la cour d ' assises a été initialement fixée au 19 janvier 2005, soit deux ans et quatre mois après les faits en cause. Qui plus est, la procédure devant la cour d ' appel s ' est conclue cinq ans et huit mois après l ' introduction de l ' appel par les accusés. 157 . La Cour rappelle que l ' écoulement du temps érode inévitablement la quantité et la qualité des preuves disponibles et que l ' apparence d ' un manque de diligence jette un doute sur la bonne foi avec laquelle les investigations ont été menées (voir, mutatis mutandis , Paul et Audrey Edwards , précité, § 86). Il est vrai que, en l ' espèce, l ' affaire présentait une certaine complexité. Cela étant, la durée de la phase préliminaire ainsi que celle de l ' instance devant la cour d ' appel a pu être de nature à compromettre l ' eff ectivité de la procédure malgré la diligence apparente déployée par la cour d ' assises. 158 . La Cour juge qu ' il n ' est pas nécessaire de se prononcer sur les autres carences alléguées de la procédure litigieuse . Elle estime que les autorités compétentes n ' ont pas traité l ' affaire avec le niveau de diligence requis par l ' article 4 de la Convention (voir , mutatis mutandis , L.E. , précité, § § 84 et 86 ). La Cour conclut donc à la violation de cette disposition sous son volet procédural dans le chef de la troisième requérante .2) Quant à l a procédure relative aux faits d ' exploitation concernant la première et la deuxième requérante
159 . La Cour observe que, en ce qui concerne la procédure visant P.F. et A.A., celle-ci s ' est étendue sur une période de neuf ans et trois mois environ, à savoir du 12 décembre 2003, date à laquelle les deux premières requérantes ont dénoncé les faits d ' exploitation les concernant aux autorités, au 27 mars 2013, date à laquelle la cour d ' appel criminelle d ' Athènes a rendu son arrêt n o 1700/2013 . En particulier, plus d ' un an s ' est écoulé entre le 9 mars 2004, date à laquelle le procureur près le tribunal de première instance de Syros a demandé à la direction de la sécurité d ' Ermoúpolis de procéder à différents actes d ' enquête et d ' envoyer par la suite le dossier à la direction de la sécurité de la police d ' Athèn es, et le 11 avril 2005, date à laquelle la direction de la sécurité de la police de l ' Attique a renvoyé l ' affaire au procureur près le tribunal de première instance de Syros. Quant à la procédure visant N.M., celle-ci reste toujours suspendue quinze ans après la dénonciation des dites requérantes, l ' accusée n ' ayant pas été retrouvée. 160 . En ce qui concerne plus précisément la recherche de N.M., la Cour observe que les requérantes susmentionnées avaient, dès le mois de décembre 2003, indiqué l ' adresse où les faits d ' exploitation en cause s ' étaient déroulés et où , selon elles, l ' accusée était domiciliée . Qui plus est, le 8 novembre 2004, l ' opérateur de téléphon ie mobile de N.M. avait informé la direction de la sécurité de la police d ' Athènes de l ' adresse déclarée par ce lle -ci . Or il ne ressort pas du dossier que les autorités aien t recherché la suspecte à ces autres adresses promptement, et , en tout état de cause , avant juillet 2006 (paragraphe 42 ci-dessus) . L ' intensification , dès le début de l ' enquête, des opérations de recherche de N.M. paraissait pourtant cruciale, les deux premières requérantes ayant désigné celle-ci comme étant l ' un des auteurs principaux des faits. De surcroît, le Gouvernement n ' offre pas d ' informations concrètes sur l ' état d es investigation s policière s menées quant au sort de N.M. après la suspension, en 2009, de la procédure contre c elle -ci . En effet, la dernière tentative de localis ation de N.M. semble avoir eu lieu en février 2008 - époque à laquelle des policiers ont attesté avoir constaté, après des vérifi cations faites aux adresses dont ils disposaient, que la suspecte y était in connue (paragraphe 49 ci-dessus) - , et ce malgré la délivrance , à l ' encontre de l ' intéressée, d ' un nouveau mandat d ' arrêt, le 28 juin 2012 , par le procureur près la cour d ' appel d ' Athènes . 161 . En ce qui concerne la participation des dites requérantes à la procédure en cause , la Cour observe que le 12 décembre 2003 les intéressées se sont présentées à la direction de la sécurité de la police d ' Ermoúpolis et qu ' elles ont dénoncé les faits d ' exploitation les concernant . C es requérantes ont ainsi porté à l ' attention des autorités d es faits qui, de par leur gravité, imposaient à ces dernières d e diligenter d ' office une procédure pénale - ce que lesdites autorités ont effectivement fait . Ainsi, l a circonstance que la première requérante ne s ' est pas constituée partie civile est-elle sans incidence sur l ' affaire. 162 . Compte tenu de ce qui précède , la Cour juge qu ' il n ' est pas nécessaire de se prononcer sur les autres carences alléguées de la procédure en cause. En conséquence, compte tenu des éléments exposés ci-dessus, la Cour estime que ces requérantes n ' ont pas bénéficié d ' une enquête effective. Partant, elle conclut à la violation de l ' article 4 de la Convention sous son volet procédural dans le chef de ces requérantes .3) Quant aux procédure s portant sur la délivrance des visas
163 . En premier lieu, l a Cour note que les requérantes ont porté les faits en cause à la connaissance du procureur près le tribunal correctionnel compétent en matière de traite des êtres humains le 26 mai 2005. Toutefois, ce n ' est que le 14 février 2006 que l ' ouverture d ' une enquête a été ordonnée .
164 . En secon d lieu, la Cour observe que la d irection de la sécurité de la police d ' Athènes a renvoyé le dossier de l ' affaire au procureur compétent deux ans et sept mois environ après l ' avoir reçu, et que la phase de l ' enquête préliminaire a duré plus de trois ans. S ' il est vrai que l ' enquête en cause présentait une certaine complexité, étant donné notamment le fait que plusieurs victimes de la traite des êtres humains devaient être entendues comme témoins, il n ' en reste pas moins qu ' une telle durée semble de prime abord excessive. En effet, comme l ' indiquent également les requérantes, à la date du 4 décembre 2009, à laquelle l ' enquête préliminaire a été clôturée , la partie des infractions concernant la falsification de documents et l ' usage de faux était déjà prescrite et le procureur compétent n ' a pu que le constater (paragraphe 80 ci-dessus) . Quant à la possibilité pour les requérantes de saisir le procureur près la cour d ' appel sur le fondement de l ' article 48 du CPP à la suite de l ' adoption de l ' ordonnance du 4 décembre 2009, la Cour relève , à l ' instar du procureur compétent , qu ' une partie des délits , à savoir la falsification de documents et l ' usage de faux, était déjà prescrite. Il s ' ensuit qu ' à ce moment-là la saisine du procureur près la cour d ' appel n ' aurait pas modifié la situation pour ce qui est des délits en cause . Il en va de même pour les actes de traite des êtres humains, reprochés à E.S. et I.Z. , dont la prescription a été constaté e le 23 février 2016 par la chambre d ' accusation du tribunal correctionnel d ' Athènes (paragraphe 88 ci-dessus). À cet égard, l a Cour souligne qu e, à l ' époque de s faits et avant l ' entrée en vigueur de la loi n o 3064/2002 , la traite des êtres humains constituait un délit (paragraphe 92 ci-dessus) , pour lequel un délai de prescription plus court était prévu .
165 . S e tournant vers la question de la participation des requérantes à la procédure en cause, la Cour note que , dans leur s demande s de con stitution de partie civile du 16 mai 2006, les intéressées avaient déclaré l ' adresse « Konstantinoupoleos 82 , Athènes » comme étant celle de leur dom icile. Elle observe en outre que le 23 septembre 2015 le juge d ' instruction s ' est adressé au département des étrangers de l ' Attique afin d ' obtenir des informations sur les adresses des requérantes, en vue de la notification à ces dernières de convocations à témoigner. Par la suite, différents services ont fait parvenir au juge d ' instruction des adresses censées être celles des intéressées, telles qu ' elles ressortaient des dossiers respectifs de ces dernières . Or , à l ' exception de l ' une d ' entre elles, toutes les tentatives de notific ation des convocations ont échoué, les requérantes n ' étant pas connues aux adresses en cause. Si l ' on ne peut pas considérer que le juge d ' instruction - qui a effectivement essayé de retrouver les requérantes - est resté inactif , rien n ' explique pourquoi les intéressé e s n ' ont pas été recherchées à l ' adresse déclarée par elles dans leur s demande s de constitution de parti e civile. La Cour relève en outre que , si les autorités compétentes ont bien recherché la première requérante à l ' adresse « Konstantinoupoleos 82 », cette recherche a été effectuée à A i galeo et non pas à Athènes. 166 . La Cour ne saurait se substituer aux juridictions internes et se prononcer sur le point de savoir si les autorités compétentes auraient dû ou non délivrer des visas aux requérantes. Elle peut uniquement constater que, au vu de ce qui précède, et eu égard notamment aux informations disponibles sur le phénomène de la traite des êtres humains en Russie et en Grèce à l ' époque des faits (paragraphes 94 - 96 ci-dessus) , les autorités compétentes auraient dû mener une enquête effective pour déterminer s ' il avait été procédé à un contr ôle r igoureux des dossiers des requérantes par les autorités compétentes avant la délivrance des visas. De l ' avis de la Cour, étant donné la gravité de la dénonciation des requérantes et le fait qu e c elles -ci accusaient des agents de l ' État d ' être impliqués dans les réseaux de la traite des êtres humains, les autorités étaient tenues d ' agir avec une diligence particulière en l ' espèce, afin de s ' assurer de la soumission des actes en cause à un examen approfondi et de faire ainsi dispara î tre les doutes e ntourant la probité des agents de l ' État. La Cour constate toutefois que, en raison des manquements décrits ci-dessus, cela n ' a pas été le cas en l ' espèce. 167 . Eu égard à ce qui précède, la Cour juge qu ' il n ' est pas nécessaire de se prononcer sur les autres carences alléguées des procédures en cause. Elle considère que les autorités compétentes n ' ont pas traité l ' affaire avec le niveau de diligence requis par l ' article 4 de la Convention et que les intéressées n ' ont pas été associées à l ' enquête dans la mesure requise par le volet procédural de cette disposition .168 . En conséquence, la Cour rejette l ' exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes et elle conclut à la violation de l ' article 4 de la Convention sous son volet procédural.
« Si la Cour déclare qu ' il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d ' effacer qu ' imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s ' il y a lieu, une satisfaction équitable. »
PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L ' UNANIMITÉ,
a) que l ' État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l ' arrêt sera devenu définitif conformément à l ' article 44 § 2 de la Convention , les sommes suivantes :
b) qu ' à compter de l ' expiration dudit délai et jusqu ' au versement, ces montants seront à majorer d ' un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 juillet 2019 , en application de l ' article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour .
Abel Campos
Ksenija Turković
Greffier
Présidente