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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> DENIS AND IRVINE v. BELGIUM - 62819/17 (Judgment : No Article 5 - Right to liberty and security : Fourth Section) French Text [2019] ECHR 704 (08 October 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/704.html
Cite as: [2019] ECHR 704

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QUATRIÈME SECTION

 

AFFAIRE DENIS ET IRVINE c. BELGIQUE

(Requêtes nos 62819/17 et 63921/17)

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

STRASBOURG

8 octobre 2019

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 


En l’affaire Denis et Irvine c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une Chambre composée de :

          Jon Fridrik Kjølbro, président,
          Faris Vehabović,
          Paul Lemmens,
          Iulia Antoanella Motoc,
          Carlo Ranzoni,
          Stéphanie Mourou-Vikström,
          Péter Paczolay, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 septembre 2019,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 62819/17 et 63921/17) dirigées contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet État, M. Jimmy Denis (« le premier requérant), et un ressortissant britannique, M. Derek Irvine (« le second requérant »), ont saisi la Cour le 21 août 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants ont été représentés par Me P. Verpoorten, avocat à Herentals. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme I. Niedlispacher, du service public fédéral de la Justice.

3.  Les requérants allèguent que leur privation de liberté est contraire à l’article 5 § 1 de la Convention et qu’ils n’ont pas bénéficié d’un recours effectif au sens des articles 5 § 4 et 13 de la Convention.

4.  Le 12 février 2018, les griefs concernant les articles 5 §§ 1 et 4, et 13 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et les requêtes ont été déclarées irrecevables pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

5.  Le Gouvernement britannique n’a pas souhaité se prévaloir de son droit d’intervenir dans la procédure relative à la requête no 63921/17 (article 36 § 1 de la Convention).

EN FAIT

I.       LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6.  Les requérants sont nés respectivement en 1984 et 1964. Au moment de l’introduction de leurs requêtes, ils étaient respectivement internés à l’hôpital psychiatrique Bethaniënhuis à Zoersel et au centre de psychiatrie légale d’Anvers.

A.    Requête no 62819/17

7.  Par un jugement du tribunal correctionnel de Turnhout du 18 juin 2007, le premier requérant fut interné pour des faits qualifiés de vol en vertu de l’article 7 de la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels (« loi de défense sociale »), applicable à l’époque des faits.

8.  Dans son rapport du 22 janvier 2007, le psychiatre A. avait décrit le premier requérant comme ayant une personnalité psychotique avec une dépendance à la drogue et à l’alcool. Le psychiatre était d’avis que le requérant se trouvait dans un état grave de déséquilibre mental le rendant incapable du contrôle de ses actions et qu’il constituait un danger pour la société et pour lui-même, compte tenu de l’usage continu de drogues et de ses troubles psychotiques.

9.  Le premier requérant fut libéré à l’essai à plusieurs reprises mais sa libération fut à chaque fois révoquée au motif que les conditions qui lui étaient imposées n’étaient pas respectées. Son internement à la section de défense sociale de la prison de Merksplas fut maintenu à intervalles réguliers par les instances de défense sociale.

10.  Le 1er octobre 2016, la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement des personnes (ci-après « la nouvelle loi sur l’internement » ; paragraphe 33 ci‑dessous) entra en vigueur. Cette loi remplaça la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels (paragraphe 7 ci‑dessus).

11.  À une date non précisée, le premier requérant introduisit une demande de mise en liberté définitive. Dans ses conclusions, il fit valoir que son internement n’était plus légal dès lors que les faits pour lesquels il avait été interné ne pouvaient plus donner lieu à une mesure d’internement en vertu de la nouvelle loi sur l’internement. Il soutint qu’en vertu de l’article 5 § 1 e) de la Convention sa privation de liberté n’était dès lors ni « régulière » ni prise « selon les voies légales ». De plus, selon le requérant, le fait que la nouvelle loi sur l’internement ne prévoyait plus la possibilité d’interner une personne pour les faits qu’il avait commis, avait pour conséquence que son trouble mental n’était pas suffisamment sérieux pour justifier le maintien de la mesure d’internement.

12.  Le 27 octobre 2016, le service psychosocial de la prison de Merksplas établit un rapport sur la base d’entretiens avec le premier requérant, du dossier, des observations du personnel du service, d’une enquête sociale menée par la maison de la justice et de l’avis du psychiatre. Le rapport fit état du fait que le requérant ne se droguait plus mais que ses problèmes psychotiques étaient également induits par le stress. Dans les moments où la problématique psychotique s’estompait, c’étaient des caractéristiques antisociales qui apparaissaient dans la personnalité du requérant. Il semblait toutefois fonctionner de manière plus stable. Ayant examiné les antécédents du requérant, son parcours depuis son internement initial, le plan de reclassement proposé, et l’absence de contre-indications, le service psychosocial donna un avis positif à la libération à l’essai avec un reclassement ambulatoire.

13.  Le 15 novembre 2016, la chambre de protection sociale du tribunal de l’application des peines d’Anvers (« CPS ») ordonna la libération à l’essai avec un reclassement ambulatoire.

14.  Le 27 décembre 2016, le premier requérant fut de nouveau arrêté et replacé à la section de défense sociale de la prison de Merksplas parce qu’il ne respectait pas les conditions qui lui avaient été imposées.

15.  Le 25 janvier 2017, la CPS révoqua la libération à l’essai du premier requérant, rejeta sa demande de libération définitive, ordonna son placement immédiat à la section de défense sociale de la prison de Merksplas, rejeta les demandes de permission de sortie et décida que le directeur de la prison devait rendre un nouvel avis au plus tard le 18 juillet 2017. La CPS rappela qu’elle tirait sa compétence pour ordonner une libération définitive de la nouvelle loi sur l’internement qui prévoyait un certain nombre de conditions, notamment le fait que l’état de santé mental devait s’être suffisamment stabilisé et qu’une libération à l’essai d’une durée minimum de trois ans avait eu lieu. La CPS ne pouvait qu’appliquer la loi qui ne prévoyait aucune autre base légale pour mettre une personne en liberté définitive. La CPS considéra à titre surabondant que le législateur n’avait en tout cas pas eu la volonté de donner un effet rétroactif à la loi « plus douce » concernant les décisions d’internement prises sur le fondement de l’ancienne loi de défense sociale de 1930. Ceci ressortait explicitement des travaux parlementaires. Le ministre de la Justice avait simplement suggéré que les CPS compétentes revoient les décisions de maintien d’une mesure d’internement avec la clémence nécessaire. Ainsi, la CPS considéra que, indépendamment de la question de savoir si les faits punissables ayant justifié en 2007 l’internement du requérant pouvaient encore constituer un motif d’internement sous l’empire de la nouvelle loi, le requérant ne pouvait pas être mis en liberté définitive eu égard à son état mental actuel et au fait qu’il n’avait pas effectué la période de libération à l’essai prévue par la loi.

16.  Le premier requérant se pourvut en cassation. Invoquant une violation des articles 5 § 1 et 7 de la Convention, il fit tout d’abord valoir que la prolongation de sa privation de liberté n’était pas légale et régulière dès lors que les infractions pour lesquelles il fut interné ne pouvaient plus, selon les termes de la nouvelle loi sur l’internement, donner lieu à un internement. Il tira un deuxième moyen de la méconnaissance des articles 5 § 4 et 13 de la Convention, faisant valoir que ces dispositions exigeaient que toute personne dont la privation de liberté n’était plus régulière devait avoir accès à un tribunal pouvant ordonner sa libération immédiate. En exigeant d’une personne qu’elle effectue une période probatoire de trois ans avant de pouvoir obtenir sa libération définitive, la loi méconnaissait les dispositions invoquées.

17.  Par un arrêt du 21 février 2017 (no P.17.0125.N), la Cour de cassation rejeta le pourvoi du premier requérant. S’agissant du moyen tiré de la violation des articles 5 § 1 et 7 de la Convention, la Cour de cassation estima que l’article 7 de la Convention n’était applicable qu’aux peines, et pas aux mesures de sûreté telles que l’internement. Du reste, l’article 5 § 1 de la Convention n’empêchait pas qu’une mesure d’internement imposée par une décision passée en force de chose jugée soit définitive et donne lieu à partir de ce moment-là à une phase d’exécution à laquelle ne s’appliquaient pas les mêmes règles que celles en vigueur pour imposer cette mesure. Dès lors, l’article 5 § 1 n’avait pas pour conséquence qu’une mesure d’internement imposée définitivement n’était plus imposée régulièrement ou légalement parce que la loi avait changé au cours de la phase d’exécution et avait ainsi pour seule conséquence que cette mesure ne pouvait plus être imposée à l’avenir pour le fait pour lequel l’intéressé était déjà interné. L’appréciation de l’état mental d’un interné et de la dangerosité sociale en découlant ne se faisait pas uniquement en fonction du fait pour lequel il avait été interné, mais également en fonction d’un ensemble de facteurs de risque qui avaient été soumis à l’appréciation de la CPS. Dans la mesure où le moyen était déduit d’une autre prémisse juridique, il manquait en droit. S’agissant du moyen tiré de la violation des articles 5 § 4 et 13 de la Convention, la Cour de cassation releva qu’en vertu de l’article 66 de la nouvelle loi sur l’internement, la libération définitive était en principe soumise à l’accomplissement d’un délai d’épreuve. Cette condition n’impliquait pas que l’interné n’avait pas accès au juge ou ne disposait pas d’un recours effectif tel que requis par la Convention. Le moyen déduit d’une autre prémisse juridique manquait en droit.

18.  Le 18 juillet 2017, la CPS ordonna une nouvelle fois la libération à l’essai du premier requérant, à condition qu’il soit accueilli par un hôpital psychiatrique à Zoersel. Le 24 juillet 2017, le premier requérant fut conduit à cet hôpital.

B.     Requête no 63921/17

19.  Par une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal correctionnel de Turnhout du 14 novembre 2002, le second requérant fut interné pour des faits qualifiés de tentative de vol avec effraction en vertu de l’article 7 de la loi de défense sociale.

20.  Dans son rapport du 18 octobre 2002, le psychiatre D. avait décrit le second requérant comme souffrant d’un sérieux trouble de la personnalité et d’un trouble psychotique le rendant incapable du contrôle de ses actes.

21.  Le 27 juin 2003, le requérant fut libéré à l’essai. Il fut placé dans un hôpital psychiatrique en écosse.

22.  Après avoir fui cet établissement, il fut retrouvé errant en Belgique le 1er décembre 2010 et arrêté. Le 11 janvier 2011, la commission de défense sociale (« CDS ») d’Anvers ordonna sa réintégration dans l’aile psychiatrique de la prison de Turnhout.

23.  Comme il s’avéra impossible d’assurer l’intégration du second requérant dans une institution en Ecosse, la CDS ordonna, le 23 juin 2016, son placement prioritaire dans un centre de psychiatrie légale à Gand ou à Anvers. Dans l’attente qu’une place soit disponible, il fut placé à la section de défense sociale de la prison de Turnhout.

24.  Le 6 décembre 2016, le second requérant demanda à la CDS de se prononcer sur un nombre de modalités de l’internement, étant donné qu’il se trouvait toujours en détention dans la prison de Turnhout. Dans ses conclusions, il demanda également sa libération définitive, soulevant les mêmes arguments tirés des articles 5 et 7 de la Convention que le premier requérant (paragraphe 11 ci‑dessus).

25.  Le 21 décembre 2016, le service psychosocial de la prison de Turnhout établit un rapport sur la base d’un entretien avec le second requérant ainsi que des observations du personnel du service, du dossier et des rapports antérieurs. Le rapport conclut qu’il s’indiquait de placer le requérant dans un centre de psychiatrie légale ou un établissement pour long séjour dans la mesure où il ne semblait pas possible, nonobstant les démarches effectuées, de le placer dans un hôpital psychiatrique en écosse. Ledit rapport fut complété par l’avis du psychiatre du service psychosocial daté du 22 décembre 2016 faisant état de la continuité des symptômes schizophrènes traités par des injections intramusculaires antipsychotiques. Le psychiatre était d’avis que le maintien de la mesure d’internement s’indiquait avec un placement en centre de psychiatrie légale.

26.  Par un jugement du 25 janvier 2017, la CPS constata qu’il n’était pas possible de mettre en œuvre la décision de la CDS du 23 juin 2016 (paragraphe 23 ci‑dessus). Elle révoqua donc cette dernière décision et décida que l’internement du second requérant se poursuivrait à la section de défense sociale de la prison de Turnhout dans l’attente d’une possibilité de placement dans un centre de psychiatrie légale à Gand ou Anvers. La CPS rejeta les arguments tirés des articles 5 et 7 de la Convention ainsi que la demande de mise en liberté définitive du second requérant pour les mêmes motifs qu’elle le fit pour le premier requérant (paragraphe 15 ci-dessus).

27.  Le second requérant se pourvut en cassation développant les mêmes moyens que le premier requérant (paragraphe 16 ci-dessus).

28.  Par un arrêt du 21 février 2017 (no P.17.0124.N), la Cour de cassation rejeta le pourvoi selon les mêmes motifs qu’elle le fit pour le premier requérant (paragraphe 17 ci-dessus).

29.  Le 22 février 2018, la CPS ordonna le placement du second requérant au centre de psychiatrie légale d’Anvers. Cette décision fut exécutée à une date non précisée.

II.    LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

30.  Le droit et la pratique internes relatifs à l’internement des personnes ont été exposés dans l’arrêt Rooman c. Belgique ([GC], no 18052/11, §§ 75‑104, 31 janvier 2019). Certaines dispositions pertinentes méritent d’être mentionnées en particulier.

A.    Critères fondant une mesure d’internement

31.  L’article 7 de la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, tel qu’en vigueur au moment de la décision initiale d’internement des requérants, était ainsi libellé :

« Les juridictions d’instruction, à moins qu’il ne s’agisse d’un crime ou d’un délit politique ou de presse, et les juridictions de jugement peuvent ordonner l’internement de l’inculpé qui a commis un fait qualifié crime ou délit et qui est dans un des états prévus à l’article premier. (...) »

32.  L’article 1er de la loi se réfère aux personnes qui se trouvent « soit en état de démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale [les] rendant incapable[s] du contrôle de [leurs] actions ».

33.  L’article 9 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement des personnes, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, se lit comme suit :

« § 1er. Les juridictions d’instruction, sauf s’il s’agit d’un crime ou d’un délit considéré comme un délit politique ou comme un délit de presse, à l’exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie, et les juridictions de jugement peuvent ordonner l’internement d’une personne :

1o qui a commis un crime ou un délit portant atteinte à ou menaçant l’intégrité physique ou psychique de tiers et

2o qui, au moment de la décision, est atteinte d’un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et

3o pour laquelle le danger existe qu’elle commette de nouveaux faits tels que visés au 1o en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d’autres facteurs de risque.

(...) »

34.  D’après le rapport de la première lecture du projet de loi par la commission de la justice de la Chambre des représentants (Doc. 54‑1590/006), l’introduction d’un « seuil » pour pouvoir procéder à l’internement avait pour but de concentrer la mesure d’internement sur le groupe cible qui en a besoin et d’éviter qu’une mesure d’internement à durée indéterminée puisse être ordonnée pour des faits relativement mineurs (page 4). En réponse à une question posée par des membres de la commission, le ministre de la Justice indiqua que juridiquement parlant, les dispositions modifiant le champ d’application de la loi sur l’internement ne pouvaient pas être considérées comme des dispositions pénales. Dès lors, le principe de l’application rétroactive de la loi pénale la plus douce n’était pas appliqué et la nouvelle loi sur l’internement n’affectait pas, en principe, les décisions relatives aux personnes souffrant de troubles mentaux qui avaient commis des faits pouvant donner lieu à un internement en vertu de la loi de défense sociale de 1930, mais pour lesquels l’internement ne serait plus possible en vertu de la nouvelle législation (page 46).

B.     Dispositions relatives à la libération des personnes internées

35.  En ses parties pertinentes, l’article 18 de la loi du 9 avril 1930, tel qu’en vigueur au moment de la décision initiale d’internement des requérants, prévoyait ce qui suit :

« La commission [de défense sociale] peut, soit d’office, soit à la demande du procureur du Roi, de l’interné ou de son avocat, ordonner la mise en liberté définitive ou à l’essai de l’interné, lorsque l’état mental de celui-ci s’est suffisamment amélioré et que les conditions de sa réadaptation sociale sont réunies. Si la demande de l’interné ou de son avocat est rejetée, elle ne peut être renouvelée avant l’expiration d’un délai de six mois prenant cours à la date du rejet définitif. (...) »

36.  La nouvelle loi sur l’internement (loi du 5 mai 2014), prévoit que la libération à l’essai est une modalité d’exécution de la décision d’internement par laquelle la personne internée subit la mesure de sûreté qui lui a été imposée dans le cadre d’un trajet de soins résidentiel ou ambulatoire, moyennant le respect des conditions qui lui sont imposées pendant le délai d’épreuve (article 25). Elle peut, à tout moment de l’internement, être accordée à la personne internée s’il n’existe pas de contre-indications auxquelles la fixation de conditions particulières ne puisse répondre et si la personne internée marque son accord sur les conditions (article 26).

37.  La libération définitive peut être octroyée à la personne internée à l’expiration d’un délai d’épreuve de trois ans et à condition que le trouble mental soit suffisamment stabilisé pour qu’il n’y ait raisonnablement plus à craindre qu’à cause de son trouble mental ou non, en conjonction éventuellement avec d’autres facteurs de risque, la personne internée commettra à nouveau des infractions portant atteinte à ou menaçant l’intégrité physique ou psychique de tiers (article 66).

38.  Par deux arrêts respectivement du 9 avril 2019 (no P.19.0273.N) et du 11 juin 2019 (no P.19.0245.N), la Cour de cassation a jugé qu’une personne internée qui n’est plus malade mentalement et qui n’est plus dangereuse doit bénéficier d’une libération définitive, même si le délai d’épreuve de trois ans n’est pas encore écoulé. La Cour de cassation a estimé qu’interpréter l’article 66 de la nouvelle loi sur l’internement autrement serait contraire à l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.

EN DROIT

I.       SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

39.  Compte tenu de la similitude des requêtes, la Cour estime approprié d’ordonner leur jonction (article 42 § 1 du règlement de la Cour).

II.    SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

40.  Les requérants allèguent que le maintien de la mesure d’internement après l’entrée en vigueur de la loi du 5 mai 2014 n’était plus conforme à l’article 5 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente est ainsi libellée :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

e)  s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;

(...) »

A.    Sur la recevabilité

41.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.     Sur le fond

1.    Thèses des parties

a)      Les requérants

42.  Les requérants constatent que les faits qu’ils avaient commis et qui avaient initialement justifié leur internement ne peuvent plus, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’internement, donner lieu à un internement. Ils allèguent que leur privation de liberté n’a dès lors plus de base légale, ce qui constituerait une violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Ils font valoir que la nouvelle loi sur l’internement prévoit que les faits qu’ils ont commis ne justifient pas qu’une mesure d’internement soit prise et que le ministre de la Justice a indiqué que la nouvelle loi visait à éviter un « usage impropre » de l’internement. En outre, avant que la nouvelle loi n’entre en vigueur, la commission de défense sociale de Gand aurait octroyé une mise en liberté définitive à tous les internés qui avaient commis des faits qui ne pourraient plus justifier un internement conformément à la loi du 5 mai 2014. Or, les requérants se trouveraient en l’espèce dans une situation identique. Il serait donc évident que le maintien de la mesure d’internement à leur égard ne soit pas légal.

b)      Le Gouvernement

43.  Le Gouvernement soutient qu’il est incontestable que les critères énoncés par l’arrêt Winterwerp c. Pays-Bas (24 octobre 1979, § 39, série A no 33) sont remplis dans les cas d’espèce. Les deux requérants furent internés dans le respect de la procédure légale en vigueur au moment des faits et donc « selon les voies légales » au sens de l’article 5 § 1. En ce qui concerne la régularité du maintien de l’internement alors qu’en vertu de la nouvelle loi sur l’internement les requérants ne pourraient plus être internés compte tenu de la nature des faits qu’ils avaient commis, le Gouvernement rappelle la jurisprudence de la Cour relative à l’article 7 de la Convention selon laquelle le juge ne doit appliquer la loi dont les dispositions sont les plus favorables au prévenu que tant que celui-ci n’a pas fait l’objet d’une décision définitive ayant acquis force de chose jugée (Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, § 109, 17 septembre 2009). Or en l’espèce, les décisions internant les requérants avaient été prises de nombreuses années auparavant, elles avaient acquis force de chose jugée et étaient devenues définitives. En ce qui concerne la persistance des troubles mentaux, le Gouvernement estime que les instances de défense sociale ont dûment contrôlé que tel était bien le cas à l’appui de rapports psychiatriques et psychologiques récents et ont conclu que l’état de santé mentale des requérants ne permettait pas leur libération.

2.    Appréciation de la Cour

a)      Principes généraux applicables

44.  La Cour renvoie aux principes généraux rappelés dans les arrêts Ilnseher c. Allemagne ([GC], nos 10211/12 et 27505/14, §§ 126‑141, 4 décembre 2018) et Rooman c. Belgique ([GC], no 18052/11, §§ 190‑193, 31 janvier 2019). En particulier, elle rappelle qu’en matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure (Ilnseher, précité, § 135). Une période de détention est en principe « régulière » si elle repose sur une décision judiciaire (Jėčius c. Lituanie, no 34578/97, § 68, CEDH 2000‑IX, et Nevmerjitski c. Ukraine, no 54825/00, § 116, CEDH 2005‑II (extraits)).

45.  S’il incombe au premier chef aux autorités nationales, notamment aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne, il en est autrement lorsque l’inobservation de ce dernier est susceptible d’emporter violation de la Convention. Tel est le cas, notamment, des affaires dans lesquelles l’article 5 § 1 de la Convention est en jeu et la Cour doit alors exercer un certain contrôle pour rechercher si le droit interne a été respecté (Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, § 101, 23 février 2012). En particulier, il est essentiel, en matière de privation de liberté, que le droit interne définisse clairement les conditions de détention et que la loi soit prévisible dans son application (Zervudacki c. France, no 73947/01, § 43, 27 juillet 2006).

46.  En ce qui concerne la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux, un individu ne peut passer pour « aliéné » et subir une privation de liberté que si les trois conditions suivantes au moins se trouvent réunies : premièrement, son aliénation doit avoir été établie de manière probante ; deuxièmement, le trouble doit revêtir un caractère ou une ampleur légitimant l’internement ; troisièmement, l’internement ne peut se prolonger valablement sans la persistance de pareil trouble (Winterwerp, précité, § 39, et Rooman, précité, § 192).

b)      Application au cas d’espèce

47.  La Cour constate d’emblée qu’il n’est pas contesté par les parties qu’en l’absence de « condamnation », la détention subie par les requérants relève de l’alinéa e) de l’article 5 § 1 de la Convention pour autant qu’il concerne la détention d’aliénés. Il n’est pas non plus contesté par les parties que les décisions initiales d’interner les requérants sur le fondement de l’article 7 de la loi de défense sociale avaient été prises « selon les voies légales » et que leur privation de liberté était régulière au sens de l’article 5 § 1.

48.  La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’internement, le 1er octobre 2016 (paragraphes 10 et 33 ci-dessus), le maintien de l’internement peut encore passer pour être légal dans la mesure où cette nouvelle loi ne prévoit plus la possibilité d’interner une personne pour les faits que les requérants avaient commis et qui étaient à la base de leur internement.

49.  La Cour relève qu’au regard du droit national tel qu’applicable au moment de la décision initiale d’interner les requérants, l’internement pouvait être ordonné sur le fondement de la loi de défense sociale suite à la commission de tout fait qualifié crime ou délit si l’intéressé se trouvait dans un état de démence, ou dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions (paragraphes 31 et 32 ci-dessus). Désormais, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’internement, l’article 9 de ladite loi prévoit que l’internement ne peut être ordonné qu’à la suite de la commission d’un crime ou d’un délit portant atteinte à ou menaçant l’intégrité physique ou psychique de tiers (paragraphe 33 ci-dessus). Ainsi, la Cour note, et cela n’est pas contesté par le Gouvernement, que les faits de vol et tentative de vol avec effraction commis par les requérants en l’espèce ne pourraient plus, à l’heure actuelle, constituer le fondement de l’internement d’une personne, nonobstant son état de santé mentale, sur le fondement de la nouvelle loi sur l’internement.

50.  Ceci étant dit, la Cour note que la nouvelle loi sur l’internement ne prévoit pas de mesure transitoire pour les personnes dont l’internement a été décidé sous l’empire de la loi de défense sociale de 1930 et qui avaient commis des faits ne remplissant pas les critères de la nouvelle loi.

51.  Aussi, en l’espèce, la Cour de cassation a jugé que l’internement des requérants pouvait être maintenu sur le fondement des décisions prises sous l’empire de la loi de défense sociale de 1930 et qui étaient passées en force de chose jugée. Elle a estimé que l’article 5 § 1 de la Convention n’avait pas pour conséquence qu’une mesure d’internement imposée définitivement n’était plus imposée régulièrement ou légalement parce que la loi avait changé au cours de la phase d’exécution (paragraphes 17 et 28 ci-dessus). Cette interprétation retenue par la Cour de cassation dans le cas des requérants semble être conforme aux travaux parlementaires desquels il ressort que la nouvelle loi sur l’internement n’avait pas en principe pour objet d’affecter les décisions relatives aux personnes souffrant de troubles mentaux qui avaient commis des faits pouvant donner lieu à un internement en vertu de la loi de défense sociale de 1930, mais pour lesquels l’internement ne serait plus possible en vertu de la nouvelle législation (paragraphe 34 ci-dessus). La détention des requérants continue donc de reposer sur les décisions judiciaires prises respectivement les 18 juin 2007 et 14 novembre 2002 (paragraphes 7 et 19 ci-dessus).

52.  La Cour est d’avis que l’interprétation faite par les autorités nationales de la nouvelle loi sur l’internement en l’espèce n’est pas arbitraire ou manifestement déraisonnable.

53.  En ce qui concerne la question plus large de la « régularité » de la détention au regard de la Convention, la Cour constate que les requérants ne contestent pas qu’ils remplissent les trois conditions exposées par la Cour dans l’arrêt Winterwerp (précité, § 39 ; paragraphe 46 ci-dessus). Elle estime partant ne pas devoir procéder à l’examen de leur respect.

54.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le maintien de la mesure d’internement des requérants après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’internement était compatible avec l’article 5 § 1 de la Convention.

55.  Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

56.  Les requérants dénoncent également une violation des articles 5 § 4 et 13 de la Convention. L’article 5 § 4 est une lex specialis par rapport aux exigences plus générales de l’article 13 (A. et autres c. Royaume-Uni [GC], no 3455/05, § 202, CEDH 2009). Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, §§ 114 et 126, 20 mars 2018), la Cour examinera donc le grief sous l’angle du seul l’article 5 § 4. Cette disposition est ainsi libellée :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A.    Sur la recevabilité

57.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.     Sur le fond

1.    Thèses des parties

a)      Les requérants

58.  Les requérants estiment ne pas avoir bénéficié d’un recours conforme aux exigences de l’article 5 § 4 de la Convention. Ils soutiennent en effet que, dès lors que leur privation de liberté n’était plus légale au sens de l’article 5 § 1, ils auraient dû pouvoir obtenir leur mise en liberté à bref délai. Or tel ne serait pas possible puisque l’article 66 de la nouvelle loi sur l’internement ne prévoit la possibilité d’une mise en liberté définitive qu’à l’issue d’une période d’essai de trois ans minimum. Ladite loi rend impossible la mise en liberté immédiate des personnes qui ne remplissent plus les critères développés par la Cour dans l’arrêt Winterwerp (précité, § 39), ce qui serait contraire à l’article 5 § 4. En outre, la nouvelle loi prévoit que l’opportunité du maintien de la mesure d’internement n’est examinée qu’un an plus tard et la jurisprudence interne démontrerait que la demande de mesure urgente prévue par l’article 54 de la nouvelle loi sur l’internement ne constitue pas non plus un recours effectif.

b)      Le Gouvernement

59.  Le Gouvernement considère que la détention des requérants n’était pas illégale. La thèse selon laquelle ils devaient être libérés sous peine de méconnaître l’article 5 § 4 de la Convention manquerait donc en droit. Pour le surplus, le Gouvernement fait valoir que la nouvelle loi sur l’internement prévoit clairement un système de contrôle de la légalité de la privation de liberté. Ce contrôle a été validé par la Cour de cassation au regard de l’article 5 § 4 de la Convention. Le Gouvernement observe que les requérants ont pu saisir la CPS puis la Cour de cassation et que ces juridictions ont, chacune, entendu, analysé et discuté les arguments soulevés par les requérants. Ces derniers auraient donc eu à leur disposition un recours effectif.

2.    Appréciation de la Cour

60.  Les principes généraux relatifs à l’article 5 § 4 en ce qu’il s’applique en cas d’internement de personnes souffrant de troubles mentaux ont été rappelés dans l’affaire Stanev c. Bulgarie ([GC], no 36760/06, §§ 168-171, CEDH 2012 ; voir aussi, Dufoort c. Belgique, no 43653/09, §§ 97-101, 10 janvier 2013). En particulier, cette disposition garantit, lorsqu’est en cause la détention d’un « aliéné » pour une durée illimitée ou prolongée, que l’intéressé ait le droit, au moins en l’absence de contrôle judiciaire périodique et automatique, d’introduire « à des intervalles raisonnables » un recours devant un tribunal pour contester la « légalité » – au sens de la Convention – de son internement (Stanev, précité, § 171).

61.  La Cour rappelle qu’elle a conclu à l’absence de violation de l’article 5 § 1 de la Convention (paragraphe 55 ci-dessus). Toutefois, le seul fait de n’avoir constaté aucun manquement aux exigences du paragraphe 1 de l’article 5 ne la dispense pas de contrôler l’observation du paragraphe 4 : il s’agit de deux textes distincts et le respect du premier n’implique pas forcément celui du second (Douiyeb c. Pays-Bas [GC], no 31464/96, § 57, 4 août 1999, et Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 88, 9 juillet 2009).

62.  En l’espèce, les requérants soutiennent que, compte tenu de l’illégalité alléguée de leur détention, ils auraient dû pouvoir obtenir leur mise en liberté immédiate et définitive, ce qui ne serait pas possible depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’internement.

63.  La Cour constate qu’en vertu de l’article 66 de la nouvelle loi sur l’internement, la libération définitive – demandée par les requérants à titre principal en l’espèce – ne peut être octroyée qu’à l’expiration d’une période de libération à l’essai de trois ans et à condition que le trouble mental soit suffisamment stabilisé pour qu’il n’y ait raisonnablement plus à craindre qu’à cause de son trouble mental, en conjonction éventuellement avec d’autres facteurs de risque, la personne internée commette de nouvelles infractions portant atteinte à ou menaçant l’intégrité physique ou psychique de tiers (paragraphe 37 ci‑dessus).

64.  Cela dit, la Cour rappelle que, dans une affaire issue d’une requête individuelle, elle n’a pas pour tâche de contrôler dans l’abstrait une législation ou une pratique contestée, mais elle doit autant que possible se limiter, sans oublier le contexte général, à traiter les questions soulevées par le cas concret dont elle se trouve saisie (Paradiso et Campanelli c. Italie [GC], no 25358/12, § 180, 24 janvier 2017). Son rôle ne consiste donc pas à se prononcer in abstracto sur la compatibilité des recours prévus par la nouvelle loi sur l’internement avec la Convention. Elle doit se limiter à vérifier que la manière dont la loi a été appliquée en l’espèce a respecté la Convention.

65.  Se tournant vers les circonstances de l’espèce, la Cour relève que les requérants ont pu contester la prolongation de leur internement en saisissant la CPS puis la Cour de cassation de leurs griefs et qu’ils ont bénéficié d’un recours devant un juge statuant à bref délai sur la légalité de leur détention ainsi que sur leur demande de libération. Aussi, la Cour constate que dans le cas des requérants, la condition d’avoir effectué une période de libération à l’essai de trois ans n’a constitué qu’un motif surabondant parmi les diverses raisons pour lesquelles les instances de défense sociale ont refusé leur mise en liberté immédiate et définitive. En effet, les instances de défense sociale ont également estimé, à l’appui de rapports psychiatriques et psychologiques récents, que l’état de santé mentale des requérants ne permettait pas leur mise en liberté (paragraphes 15 et 26 ci-dessus). Les requérants n’ont d’ailleurs fait valoir ni devant la Cour de cassation ni devant la Cour que le trouble psychiatrique ayant justifié leur internement ne persistait pas ou que leur état de santé mentale s’était suffisamment amélioré. Ils ne remplissaient donc pas les autres conditions prévues par l’article 66 de la nouvelle loi sur l’internement pour que leur mise en liberté définitive soit ordonnée. Il s’ensuit que dans leurs cas la condition légale litigieuse n’a eu aucun effet sur le pouvoir d’appréciation des juridictions nationales.

66.  Par ailleurs, la Cour prend note du fait qu’entretemps la Cour de cassation a interprété cette disposition à la lumière de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention en jugeant qu’une personne internée qui n’est plus malade mentalement et qui n’est plus dangereuse doit bénéficier d’une libération définitive, même si le délai d’épreuve de trois ans n’est pas encore écoulé (paragraphe 38 ci-dessus).

67.  Eu égard à ce qui précède, la Cour juge qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

 PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Décide de joindre les requêtes ;

2.      Déclare les requêtes recevables ;

3.      Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

4.      Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 octobre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Andrea Tamietti                                                                Jon Fridrik Kjølbro
  Greffier adjoint                                                                        Président

 


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