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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> NEKRASOV v. RUSSIA - 18791/13 (Judgment : Article 3 - Prohibition of torture : Third Section Committee) French Text [2019] ECHR 734 (15 October 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/734.html
Cite as: [2019] ECHR 734

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TROISIÈME SECTION

 

 

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE NEKRASOV c. RUSSIE

 

(Requête no 18791/13)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

STRASBOURG

 

15 octobre 2019

 

 

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

 


En l’affaire Nekrasov c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :

          Alena Poláčková, présidente,
          Dmitry Dedov,
          Gilberto Felici, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 septembre 2019,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18791/13) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet État, M. Aleksey Valeryevich Nekrasov (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 février 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Me M.A. Belinskaya, avocat à Saint‑Pétersbourg. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. M. Galperine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

3.  Le 23 janvier 2017, les griefs concernant les conditions de détention et de transport du requérant ainsi que son placement dans une cage métallique pendant le procès pénal dirigé contre lui ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

4.  Le Gouvernement ne s’est pas opposé à l’examen de la requête par un comité.

EN FAIT

  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1987. Il est détenu à Fornosovo.

A.  Les conditions de détention du requérant

6.  Le 4 décembre 2010, accusé d’une infraction pénale, le requérant fut incarcéré. Il fut détenu du 13 décembre 2010 au 17 octobre 2011 et du 3 février au 22 novembre 2012 à la maison d’arrêt no IZ-47/1 de Saint‑Pétersbourg (« la maison d’arrêt ») ; du 17 octobre 2011 au 3 février 2012 – à l’hôpital pénitentiaire MOB-1 rattaché au bureau médical no 78 du ministère fédéral de l’Exécution des peines.

7.  À la maison d’arrêt, le requérant séjourna dans différentes cellules, notamment dans la cellule n22 du service médical, qu’il occupa du 21 avril au 13 mai 2012 et du 17 juillet au 15 août 2012.

8.  Les parties ont présenté des versions différentes quant aux conditions de détention de l’intéressé.

9.  Le requérant affirme que toutes les cellules qu’il a occupées à la maison d’arrêt mesuraient 8 m2, à l’exception de la cellule no 22, qui avait une superficie de 12 m2. Il allègue que le nombre de détenus par cellule variait entre quatre et six. Il indique que les toilettes étaient adjacentes aux lavabos et qu’elles n’étaient séparées du reste de la cellule par aucune cloison. Il ajoute que les grillages posés sur les fenêtres, à l’extérieur et à l’intérieur, réduisaient l’apport de lumière naturelle et empêchaient l’ouverture des fenêtres pour l’aération des cellules, qu’il n’y avait pas d’eau chaude et que les détenus ne bénéficiaient que de quinze minutes par semaine pour se doucher. Selon le requérant, la plupart de ses codétenus fumaient dans les cellules.

10.  En ce qui concerne plus précisément la cellule no 22 du service médical, le requérant affirme qu’il y a séjourné avec trois autres détenus et que les conditions matérielles y étaient meilleures que dans les autres cellules de la maison d’arrêt.

11.  Se fondant sur des attestations établies le 22 mars 2017 par l’administration de la maison d’arrêt et versées au dossier soumis à la Cour, le Gouvernement indique que la cellule no 22 mesurait 12,60 m2 et que les autres cellules dans lesquelles le requérant a séjourné avaient une superficie de 8 m2. En ce qui concerne plus précisément les conditions de détention dans la cellule no 22, il ajoute que le requérant l’a partagée avec deux autres personnes. À l’appui de sa thèse, le Gouvernement a soumis des extraits des registres consignant le nombre de personnes détenues dans cette cellule.

B.  Les conditions de transport du requérant de la maison d’arrêt au tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg et les conditions de sa détention dans ce tribunal

12.  Dans le cadre du procès pénal dirigé contre lui, le requérant fut conduit à plusieurs reprises de la maison d’arrêt au tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg, où il fut placé dans des cellules de transit avant d’être conduit dans le prétoire. Le dernier transfert de l’intéressé au tribunal eut lieu le 28 juin 2012.

C.  Le placement du requérant dans une cage métallique

13.  Le requérant affirme que lors de l’examen de l’affaire pénale dirigée contre lui devant le tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg il fut placé dans une cage métallique à l’intérieur du prétoire.

14.  Le 5 octobre 2012, il prit part à l’audience devant la juridiction d’appel. Il indique qu’il y participa par vidéoconférence depuis une salle située dans la maison d’arrêt dans laquelle il était également placé dans une cage métallique.

D.  Les conditions de transport du requérant le 22 novembre 2012

15.  Le 22 novembre 2012, le requérant fut transporté de la maison d’arrêt à la colonie pénitentiaire no 4 située dans la région de Saint‑Pétersbourg (« la colonie pénitentiaire »).

16.  Le requérant affirme que le trajet a duré trois heures dans un véhicule où il y avait quarante détenus et que, faute de place, certains détenus étaient assis sur les genoux des autres.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION PRIS SEUL ET COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

17.  Le requérant dénonce les conditions dans lesquelles il a été détenu dans la maison d’arrêt, transporté entre la maison d’arrêt et le tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg, détenu dans les locaux de ce tribunal et transféré à la colonie pénitentiaire. Il se plaint en outre de son placement dans une cage métallique dans le prétoire pendant le procès pénal dirigé contre lui. Enfin, il allègue n’avoir eu à sa disposition aucun recours effectif au travers duquel il aurait pu soulever ces griefs. Il invoque les articles 3 et 13 de la Convention, ainsi libellés en leurs parties pertinentes en l’espèce :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A.  Thèses des parties

18.  Se référant à sa version des faits (paragraphe 11 ci‑dessus), le Gouvernement avance tout d’abord que l’intéressé disposait de plus de 4 m2 d’espace personnel dans la cellule no 22 du service médical de la maison d’arrêt. Il en conclut que les conditions de détention du requérant dans cette cellule étaient conformes à l’article 3 de la Convention. Il soutient en outre que le requérant a lui‑même indiqué que les conditions matérielles de sa détention avaient été meilleures dans cette cellule que dans les autres cellules de la maison d’arrêt. Il argue par conséquent que pendant la période du 17 juillet au 15 août 2012 il y a eu des « variations notables » dans les conditions de détention de l’intéressé, de sorte que le grief tiré de l’article 3 de la Convention, pour autant qu’il concerne la période de détention antérieure au 17 juillet 2012, est, selon lui, tardif, et qu’il doit être déclaré irrecevable. Quant aux conditions de détention du requérant pendant la période du 15 août au 22 novembre 2012, le Gouvernement a reconnu qu’elles n’étaient pas compatibles avec l’article 3 de la Convention et il a soumis une déclaration unilatérale à cet effet (paragraphe 21 ci‑dessous).

19.  En ce qui concerne ensuite les conditions de transport du requérant entre la maison d’arrêt et le tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg, les conditions de sa détention dans les locaux de ce tribunal ainsi que son placement dans une cage métallique à l’intérieur du prétoire, le Gouvernement indique que le dernier transfert et la dernière comparution de l’intéressé devant ce tribunal ont eu lieu le 28 juin 2012. Il estime que cette partie du grief a été introduite plus de six mois après la fin de la situation litigieuse et qu’elle est donc également tardive.

20.  En ce qui concerne enfin les conditions de transport du requérant le 22 novembre 2012, le Gouvernement indique que les registres pertinents en l’espèce, où étaient consignés les noms des personnes transférées (постовая ведомость и путевой журнал), ont été détruits après l’expiration du délai de conservation de trois ans, et qu’il lui est donc impossible d’indiquer le nombre de personnes qui ont été transportées en même temps que le requérant à la date en question. Il expose que, d’après les normes en vigueur, le requérant aurait dû être transporté dans un fourgon spécialement destiné au transfert de détenus, soit un fourgon de type GAZ‑3307-AZ prévu pour le transport de vingt et une personnes, soit un fourgon de type KAMAZ‑4308 prévu pour le transport de trente et une personnes.

B.  Appréciation de la Cour

1.  Sur la violation alléguée de l’article 3 de la Convention

a)  Sur la recevabilité

i.  La détention du requérant du 15 août au 22 novembre 2012

21.  Le 30 juin 2017, le Gouvernement a soumis une déclaration unilatérale dont les parties pertinentes en l’espèce se lisent ainsi :

« Je soussigné (...), représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, déclare par la présente que les autorités russes reconnaissent que, du 15 août au 22 novembre 2012, Aleksey Valeryevich Nekrasov a été détenu dans la maison d’arrêt nIZ‑47/1 de Saint-Pétersbourg dans des conditions qui ne répondaient pas aux normes fixées par l’article 3 de la Convention.

Le Gouvernement est prêt à verser la somme de 3 500 EUR au requérant à titre de satisfaction équitable.

En conséquence, [il] invite la Cour à rayer du rôle la présente requête. Il suggère à la Cour de considérer cette déclaration comme un « autre motif » justifiant de rayer la requête du rôle, aux termes de l’article 37 § 1 c) de la Convention.

La somme susmentionnée, destinée à couvrir tout dommage matériel et moral ainsi que les frais et dépens, ne sera soumise à aucun impôt. Elle sera payable dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision de la Cour, en application de l’article 37 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et convertie en roubles russes au taux applicable à la date du paiement. Si elle n’était pas versée dans ce délai, le Gouvernement s’engage à la majorer, jusqu’au règlement, d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage. Le paiement vaudra règlement définitif de l’affaire. »

22.  Les observations du requérant parvinrent à la Cour le 5 janvier 2018. Le requérant y acceptait les termes de la déclaration unilatérale, mais invitait la Cour à examiner séparément les autres aspects du grief tiré de l’article 3 de la Convention relativement aux conditions de sa détention et de son transport.

23.  Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement et au montant de l’indemnisation proposée, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête pour autant que celle-ci concerne le grief tiré de l’article 3 de la Convention relativement aux conditions de détention du requérant à la maison d’arrêt no IZ‑47/1 du 15 août au 22 novembre 2012 (article 37 § 1 c) de la Convention).

24.  En outre, à la lumière des considérations qui précèdent et, en particulier, de sa jurisprudence constante en la matière, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention).

25.  Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).

ii.  Les autres aspects du grief tiré de l’article 3 de la Convention

26.  En ce qui concerne tout d’abord les conditions de détention du requérant pendant la période du 17 juillet au 15 août 2012 dans le service médical de la maison d’arrêt, la Cour estime que les éléments soumis par le Gouvernement permettent de conclure à l’absence de surpopulation dans la cellule no 22 (paragraphe 11 ci‑dessus). Elle observe ensuite que la description faite par le requérant des autres conditions matérielles dans cette cellule (paragraphes 910 ci‑dessus) ne permet pas de conclure à l’existence d’un grief défendable sur le terrain de l’article 3 de la Convention (Fetisov et autres c. Russie, nos 43710/07 et 5 autres, § 125, 17 janvier 2012). Il s’ensuit que cette partie du grief est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

27.  Eu égard à sa conclusion ci-dessus (paragraphe 26), la Cour estime que la période du 17 juillet au 15 août 2012 a marqué une interruption dans la « situation continue » concernant les conditions de détention du requérant et que, par conséquent, le grief de l’intéressé, pour autant qu’il concerne les conditions de sa détention pendant la période antérieure au 17 juillet 2012, a été introduit plus de six mois après la fin de celle‑ci (Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, § 77, 10 janvier 2012). Il s’ensuit que cette partie du grief est tardive et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

28.  En ce qui concerne ensuite les conditions de transport du requérant entre la maison d’arrêt et le tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg pendant le procès pénal dirigé contre lui et les conditions de sa détention dans les locaux de ce tribunal, la Cour constate que la situation litigieuse a pris fin le 28 juin 2012, soit plus de six mois avant l’introduction de la présente requête (ibidem). Il en est de même quant au grief du requérant relatif à son placement dans une cage métallique à l’intérieur du prétoire du tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg (Chelpakov et Lunev c. Russie (déc.) [comité], nos 41478/13 et 82669/17, 13 septembre 2018). Il s’ensuit que cette partie du grief est également tardive et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

29.  Quant à la partie du grief relative au placement du requérant dans une cage métallique lors de l’audience en appel le 5 octobre 2012, la Cour note qu’il n’est pas étayé par des éléments pertinents (ibidem). Il s’ensuit que cette partie du grief est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

30.  Constatant que le grief tiré de l’article 3 de la Convention relatif aux conditions de transfert du requérant le 22 novembre 2012 à la colonie pénitentiaire n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

b)  Sur le fond

31.  La Cour rappelle avoir déjà conclu dans de nombreuses affaires à la violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions de transport de détenus (voir, par exemple, Svetlana Kazmina c. Russie, no 8609/04, §§ 76‑79, 2 décembre 2010, M.S. c. Russie, no 8589/08, §§ 71‑77, 10 juillet 2014, Yaroslav Belousov c. Russie, nos 2653/13 et 60980/14, §§ 103‑111, 4 octobre 2016, et Radzhab Magomedov c. Russie, no 20933/08, §§ 59‑62, 20 décembre 2016).

32.  En l’espèce, eu égard aux éléments dont elle dispose et au poids qu’elle attache habituellement aux divers éléments de preuve dans les affaires relatives aux conditions de détention ainsi qu’à la répartition de la charge de preuve (Ananyev et autres, précité, §§ 127‑129), la Cour considère que le Gouvernement n’a pas réfuté par des arguments convaincants les allégations du requérant selon lesquelles il avait été transporté dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention.

33.  Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions de transport du requérant le 22 novembre 2012.

2.  Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention

a)  Sur la recevabilité

34.  Eu égard à ses conclusions sur la recevabilité du grief tiré de l’article 3 de la Convention (paragraphes 2130 ci‑dessus), la Cour estime que le grief est « défendable » pour autant qu’il concerne les conditions de détention du requérant du 15 août au 22 novembre 2012 et les conditions de son transfert à la colonie pénitentiaire le 22 novembre 2012.

35.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

b)  Sur le fond

36.  Dans son arrêt Ananyev et autres précité, la Cour a conclu que le système juridique russe n’offrait pas de voies de recours internes effectives permettant de dénoncer les conditions de détention dans les maisons d’arrêt, et notamment la surpopulation carcérale (idem, § 119). Elle est par ailleurs arrivée à la même conclusion s’agissant du grief relatif aux conditions de transport de détenus (M.S. c. Russie, précité, §§ 80‑86). Elle estime que le Gouvernement n’a mis en avant aucun élément de fait ou de droit à même de l’amener à une conclusion différente en l’espèce.

37.  Partant, il y a eu violation de l’article 13 de la Convention.

II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

38.  Se fondant sur l’article 6 §§ 2, 3 b) et c) de la Convention, le requérant se plaint en outre de n’avoir pas pu communiquer en privé avec son avocat et, par conséquent, assurer efficacement sa défense en raison de son placement dans une cage métallique dans le prétoire du tribunal de la ville de Saint‑Pétersbourg. Il y voit notamment une violation du principe de la présomption d’innocence.

39.  Compte tenu de l’ensemble des éléments dont elle dispose, et pour autant que les griefs susmentionnés relèvent de sa compétence, la Cour estime que ces griefs ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention ou ses Protocoles. Dès lors, ces griefs doivent être déclarés irrecevables, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

40.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

41.  Le requérant réclame 50 000 euros (EUR) pour le préjudice moral qu’il estime avoir subi.

42.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter cette demande, qu’il estime infondée et excessive.

43.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 1 300 EUR pour préjudice moral.

B.  Frais et dépens

44.  Le requérant demande en outre pour les honoraires de conseil et de représentation de Me M.A. Belinskaya dans le cadre de la procédure devant la Cour la somme de 200 000 roubles russes (RUB), qui correspondrait à un total de quarante heures de travail. Il sollicite aussi 30 000 RUB pour des frais de traduction.

45.  Le Gouvernement conteste la nécessité et le caractère raisonnable des frais et dépens réclamés par le requérant.

46.  En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant, tous frais confondus, la somme de 1 900 EUR.

C.  Intérêts moratoires

47.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Décide, eu égard aux termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l’article 3 de la Convention et aux modalités prévues pour assurer le respect des engagements, de rayer la requête du rôle pour autant qu’elle concerne le grief relatif aux conditions de détention du requérant à la maison d’arrêt no IZ‑47/1 du 15 août au 22 novembre 2012 ;

 

2.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 3 de la Convention relativement aux conditions de transport du requérant le 22 novembre 2012 ainsi que de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention relativement aux conditions de détention du requérant du 15 août au 22 novembre 2012 et aux conditions de son transport le 22 novembre 2012, et irrecevable pour le surplus ;

 

3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

 

4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention ;

 

5.  Dit

a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i.  1 300 EUR (mille trois cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii.  1 900 EUR (mille neuf cents euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 octobre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

  Stephen Phillips                                                                  Alena Poláčková
        Greffier                                                                              Présidente

 


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