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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> STROEA v. ROMANIA - 76969/11 (Judgment : No Article 8 - Right to respect for private and family life : Fourth Section Committee) French Text [2019] ECHR 765 (22 October 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/765.html Cite as: [2019] ECHR 765 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE STROEA c. ROUMANIE
(Requête no 76969/11)
ARRÊT
STRASBOURG
22 octobre 2019
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Stroea c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :
Faris Vehabović,
président,
Iulia Antoanella Motoc,
Carlo Ranzoni, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er octobre 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 76969/11) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Daniel-Nicu Stroea (« le requérant »), a saisi la Cour le 8 décembre 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me A. Stroea, avocate à Galați. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 14 janvier 2018, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1978 et réside à Galați.
5. L’intéressé, employé de la société E., était également le représentant commercial d’une autre société commerciale, la société P.N., spécialisée dans la distribution de médicaments dans les pharmacies de la région. À une date non précisée, la société P.N. porta plainte contre lui pour fraude. Elle l’accusait de s’être approprié une importante somme d’argent provenant de la vente de médicaments.
A. Les articles de presse litigieux
6. Les 2 et 9 octobre 2009, le journal local Monitorul de Galați publia deux articles concernant la fraude qui aurait été commise par le requérant, ainsi que par sa compagne, administratrice de la société E., au détriment de la société P.N.
7. Les deux articles étaient publiés dans la rubrique « Actualité » du journal et étaient accompagnés de plusieurs documents reproduits en fac‑similé. Le logo « P », indiquant qu’il s’agissait d’une publicité, était apposé à la fin du second article.
8. Le premier article était intitulé « Une fraude de 1,5 milliard de lei dans les pharmacies de Braila et Galați ». Une manchette placée en haut de la page titrait :
« Pharmaciens, qui profite de votre confiance ? N.S. [le requérant], représentant d’une société de distribution de médicaments, a perçu illégalement cette somme auprès des pharmacies. Les produits, et implicitement l’argent provenant de leur vente, appartiennent en réalité à la société P.N., qui a conclu avec l’employeur [du requérant], la société E., un contrat d’intermédiaire pour la distribution de médicaments. [Le requérant] s’est approprié l’argent de la société P.N. et refuse maintenant de le lui restituer. La société P.N. a porté plainte contre lui. La future épouse [du requérant], l’avocate A.J. du barreau de Galați, n’est pas étrangère à cette affaire. Ils doivent encore restituer 10 000 EUR à la société P.N., qui leur a prêté cette somme pour l’achat d’un appartement. »
9. Cet article indiquait que le requérant n’avait pas respecté le contrat conclu avec la société P.N. et qu’il s’était frauduleusement approprié environ 40 000 euros (EUR) provenant de la vente de médicaments. La somme en question aurait été encaissée par le requérant, qui aurait omis de la reverser à la société P.N. L’article faisait une large part aux déclarations du représentant de la société P.N., qui affirmait que, en plus de s’être livrés à la fraude susmentionnée, le requérant et sa compagne avaient refusé de rembourser un prêt personnel. Il citait également les propos de divers pharmaciens, qui affirmaient qu’ils avaient été trompés par le requérant. Enfin, il précisait que A.J., avocate au barreau local, présentée comme future épouse du requérant, était soupçonnée de complicité de fraude.
10. Le second article était intitulé « Une avocate de Galați complice d’une escroquerie de plus de 1,5 milliard de lei ». Une manchette placée en haut de la page titrait :
« N.S. [le requérant], représentant de la société E., s’est frauduleusement approprié plus de 1,5 milliard de lei. Il a reçu diverses sommes provenant de plusieurs pharmacies de Braila et de Galați. L’argent devait être reversé à la société P.N., qui lui avait fourni les médicaments en vertu d’un contrat d’intermédiaire pour la distribution de médicaments. Cependant, [le requérant] a empoché l’argent et il fera l’objet de poursuites. L’avocate A.J., administratrice de la société E., n’est pas étrangère à cette affaire. Elle se trouve dans une situation d’incompatibilité à raison d’un cumul de fonctions : avocate et administratrice de la société commerciale E. Son cas sera étudié par le barreau de Galați. »
11. L’article réitérait les accusations portées contre le requérant et mettait l’accent sur la supposée implication de sa compagne dans la fraude alléguée. Il était également mentionné que le requérant et sa compagne, au sujet desquels il était indiqué que leur mariage était prévu dans le courant de l’année, avaient refusé de rembourser un prêt. Enfin, l’article relatait que le requérant faisait également l’objet de poursuites dans un autre dossier de fraude.
B. L’action en responsabilité civile pour diffamation
12. Le requérant introduisit une action en responsabilité civile délictuelle pour diffamation contre la société éditrice du journal Monitorul de Galați. Dans le cadre de ce recours, il se plaignait des propos contenus dans les deux articles en ce qu’ils auraient été diffamatoires et réclamait un droit de réponse. La partie défenderesse invoqua sa liberté d’expression et soutint qu’elle avait vérifié les informations publiées à l’aune des documents mis à sa disposition par la société P.N. Elle indiqua également que la société P.N. avait payé pour la publication des articles et qu’elle considérait donc ceux-ci comme étant de la « publicité ». Enfin, elle précisa que, si le requérant souhaitait bénéficier d’un droit de réponse, il devait supporter des frais de publication selon des conditions tarifaires identiques à celles appliquées à la société P.N.
13. Le tribunal accueillit une demande d’intervention dans la procédure de la société P.N. Cette dernière exposa qu’elle avait déposé une plainte pénale contre le requérant et elle versa au dossier plusieurs pièces pour étayer ses allégations.
14. Par un jugement du 4 février 2011, le tribunal de première instance de Galați rejeta l’action du requérant. Pour ce faire, il considéra qu’il ressortait des documents versés au dossier, dont certains avaient été publiés en fac-similé dans le journal, que les affirmations litigieuses avaient une base factuelle. Il estima que le journal avait publié les articles en toute bonne foi, sur la base des documents présentés par la société P.N., et que les affirmations du représentant de cette société retranscrites dans le journal étaient corroborées par les documents comptables mis à la disposition du journal.
15. Enfin, le tribunal constata que les articles ne contenaient pas d’expressions injurieuses et il jugea qu’ils ne faisaient pas partie d’une campagne médiatique diffamatoire dirigée contre le requérant. Se référant aux droits garantis par la Convention, le tribunal conclut que les articles avaient pour but d’informer le public et qu’à ce titre ils devaient bénéficier de la protection de l’article 10.
16. Le requérant forma un pourvoi. Dans le cadre de son recours, l’intéressé, qui invoquait le code de déontologie de la profession de journaliste et les dispositions du code civil, se plaignait de faire l’objet d’une campagne médiatique qui, selon lui, avait été déclenchée par la société P.N. moyennant le paiement de la publication des propos litigieux, qu’il qualifiait de diffamatoires. Il estimait que ces propos n’avaient pas de base factuelle et alléguait que les documents versés au dossier ne prouvaient pas l’existence d’une fraude.
17. Le 30 septembre 2011, le tribunal départemental de Galați accueillit partiellement le pourvoi du requérant. Il valida le raisonnement du tribunal de première instance, mais estima que cette juridiction n’avait pas suffisamment mis en balance le droit au respect de la vie privée du requérant et le droit à la liberté d’expression du journal. À cet égard, le tribunal départemental jugea que le requérant devait bénéficier d’un droit de réponse.
18. Par conséquent, le tribunal départemental condamna la société éditrice à publier gratuitement un droit de réponse dans le journal Monitorul de Galați à la même page que celle où avaient été publiés les articles litigieux et d’une longueur équivalente à ceux-ci.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
19. Les articles pertinents en l’espèce du code civil, tels qu’en vigueur à l’époque des faits, étaient ainsi libellés :
Article 998
« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Article 999
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais aussi par sa négligence ou par son imprudence. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
20. Le requérant se plaint d’avoir subi une atteinte à son droit à la réputation à raison des affirmations contenues dans les deux articles parus dans le journal Monitorul de Galați. Il invoque l’article 8 de la Convention, dont les parties pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
21. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
22. Le requérant conteste l’existence d’un intérêt public ayant justifié la publication des articles susmentionnés. Il expose qu’il n’est pas un personnage public et allègue que ces articles s’inscrivaient dans le cadre d’une campagne de diffamation sur fond de litige commercial avec la société P.N. Il en veut pour preuve le fait que cette société a payé pour la publication des articles. Selon lui, ces articles se fondaient uniquement sur des documents fournis par la société P.N. et présentaient exclusivement le point de vue de cette dernière. Quant à son droit de réponse, le requérant indique avoir renoncé à l’exercer dès lors que sa publication serait devenue inutile, plusieurs années s’étant écoulées depuis la parution des articles.
23. Le Gouvernement réplique que les articles litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’un sujet d’intérêt public, à savoir la distribution de produits pharmaceutiques, relevant à ce titre du devoir d’information de la presse. Il considère que les articles avaient une base factuelle suffisante et que, par conséquent, rien ne justifiait de sanctionner la société éditrice du journal. Enfin, le Gouvernement indique que le tribunal départemental a mis en balance les droits concurrents tirés des articles 8 et 10 de la Convention, mais que le requérant ne s’est pas prévalu du droit de réponse accordé par le tribunal.
2. Appréciation de la Cour
24. La Cour rappelle que, pour que l’article 8 de la Convention entre en ligne de compte, l’attaque à la réputation personnelle doit atteindre un certain niveau de gravité et avoir été effectuée de manière à causer un préjudice à la jouissance personnelle du droit au respect de la vie privée (Axel Springer AG c. Allemagne [GC], no 39954/08, § 83, 7 février 2012). En l’espèce, compte tenu du fait que les deux articles litigieux comportaient des accusations de fraude et d’escroquerie dirigées contre le requérant, la Cour estime que les affirmations y contenues étaient d’une gravité suffisante pour appeler l’application de l’article 8 de la Convention.
25. Elle rappelle également que dans les affaires du type de celle à l’examen se trouve en cause non pas un acte de l’État, mais l’insuffisance alléguée de la protection accordée par les juridictions internes à la vie privée des requérants. Les obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale peuvent impliquer l’adoption de mesures visant au respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre eux. La frontière entre les obligations positives et négatives de l’État au regard de l’article 8 ne se prête pas à une définition précise ; les principes applicables sont néanmoins comparables. En particulier, dans les deux cas, il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents en jeu (Von Hannover c. Allemagne (no 2) [GC], nos 40660/08 et 60641/08, §§ 98 et 99, CEDH 2012).
26. La Cour rappelle encore que, dans des affaires telles que la présente espèce, qui nécessitent une mise en balance du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d’expression, si cette mise en balance par les autorités nationales s’est faite dans le respect des critères établis par sa jurisprudence, il faut des raisons sérieuses pour qu’elle substitue son avis à celui des juridictions internes (Von Hannover (no 2), précité, §§ 106-107).
27. La Cour a posé un certain nombre de critères dans le contexte de la mise en balance des droits en présence. Les critères pertinents ainsi définis sont la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, et le contenu, la forme et les répercussions de la publication (Von Hannover (no 2), précité, §§ 109-113, Axel Springer AG, précité, §§ 90-95, et Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France [GC], no 40454/07, § 93, CEDH 2015 (extraits)).
a) Quant à la question de la contribution à un débat d’intérêt général
28. La Cour note que le tribunal de première instance et le tribunal départemental de Galați ont estimé que les informations contenues dans les deux articles publiés dans le journal Monitorul de Galați s’inscrivaient dans le cadre d’un sujet relevant du devoir d’information de la presse (paragraphes 15 et 17 ci-dessus).
29. La Cour estime quant à elle que la publication des deux articles, prise dans son ensemble et considérée dans son contexte, se rapportait à une question d’intérêt général qui, en l’occurrence, avait trait à des aspects relatifs à l’activité des intermédiaires dans la chaîne de distribution des médicaments et à l’approvisionnement approprié des pharmacies dans plusieurs villes.
30. Enfin, pour autant que les articles litigieux contenaient des détails concernant le futur mariage du requérant, la Cour constate que ces informations se rattachaient à la question d’intérêt général susmentionnée dès lors qu’elles relataient l’implication réelle ou supposée de la compagne du requérant, administratrice de la société E., laquelle employait l’intéressé, dans les activités commerciales de ce dernier sur le marché de la distribution des médicaments (paragraphes 10 et 11 ci-dessus).
b) Quant à la notoriété de la personne visée et à l’objet du reportage
31. La Cour rappelle qu’il faut opérer une distinction entre les personnes privées et les personnes agissant dans un contexte public, en tant que personnalités politiques ou que personnes publiques (Couderc et Hachette Filipacchi Associés, précité, § 118). Les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier (Petrina c. Roumanie, no 78060/01, § 40, 14 octobre 2008). Ce principe ne s’applique d’ailleurs pas uniquement aux hommes politiques, mais vaut pour toute personne qui fait partie de la sphère publique, que ce soit par ses actes ou par sa position (Couderc et Hachette Filipacchi Associés, précité, § 121).
32. En l’espèce, la Cour observe que le requérant n’était pas un personnage public et qu’il n’était pas connu du grand public. Toutefois, son activité professionnelle faisait de lui un personnage connu dans son secteur professionnel (voir, mutatis mutandis, Petrie c. Italie, no 25322/12, § 51, 18 mai 2017).
33. Quant à l’objet des articles litigieux, la Cour note qu’il n’était pas centré sur la vie privée du requérant, mais sur son activité professionnelle liée à la vente de médicaments et à ses relations commerciales avec les clients et les fournisseurs de médicaments.
34. La Cour considère donc que l’ingérence dans la vie privée du requérant a été moins importante qu’elle ne l’aurait été si les articles avaient visé sa personne et sa vie privée exclusivement.
c) Quant au comportement antérieur de la personne concernée
35. La Cour constate que ni les juridictions internes ni les parties ne se sont prononcées sur le comportement antérieur du requérant. Dès lors, elle estime que le comportement antérieur du requérant envers les médias n’a eu aucune conséquence sur l’issue de la mise en balance des droits en présence (voir, mutatis mutandis, Fuchsmann c. Allemagne, no 71233/13, § 49, 19 octobre 2017).
d) Quant au contenu, à la forme et aux répercussions des articles litigieux
36. La Cour observe que les juridictions internes ont analysé de manière approfondie le contenu et la forme des articles litigieux, ainsi que, plus globalement, le contexte factuel de l’espèce.
37. En premier lieu, la Cour note que le tribunal de première instance de Galați a jugé que les affirmations litigieuses avaient une base factuelle et que la société éditrice du journal avait agi de bonne foi en publiant les articles sur la base des documents présentés par la société P.N. (paragraphe 14 ci-dessus). Elle note aussi que ce tribunal a ensuite estimé que les articles litigieux ne contenaient pas d’expressions injurieuses et qu’ils ne faisaient pas partie d’une campagne médiatique diffamatoire dirigée contre le requérant (paragraphe 15 ci-dessus).
38. La Cour constate quant à elle que la véracité des documents qui accompagnaient les articles n’a pas été mise en cause par le requérant, qui a toutefois contesté l’interprétation qui en avait été faite par le représentant de la société P.N. (paragraphe 16 ci-dessus). Elle conclut, à l’instar des juridictions internes, que les informations publiées avaient une base factuelle et que les articles ne visaient pas le requérant dans des termes outranciers ou violents.
39. En second lieu, la Cour note que le tribunal départemental de Galați a procédé à une évaluation circonstanciée de l’équilibre à ménager entre les intérêts opposés. Prenant en compte le droit du requérant à la protection de sa réputation, ce tribunal a condamné la société éditrice du journal à publier un droit de réponse, initialement réclamé par l’intéressé, dans les mêmes conditions de publication que les articles litigieux (paragraphes 12 et 17-18 ci‑dessus). Alors que ce droit lui aurait permis de répliquer aux accusations formulées et de faire valoir son propre point de vue devant le même public, le requérant y a renoncé au motif que la publication d’une réponse était tardive.
40. Or la Cour relève que le requérant n’a pas prouvé l’existence d’une atteinte irrémédiable à sa vie privée à raison du délai écoulé entre la publication des articles et le moment où le droit de réponse lui a été accordé.
41. Quant à la question de savoir si le journal avait respecté les règles déontologiques en faisant payer la société P.N. pour la publication des articles, la Cour constate que les juridictions internes n’ont pas jugé que cette pratique était prohibée en droit interne ou que le comportement des journalistes était délibérément contraire à ces règles. Ce qui importe, aux yeux de la Cour, est de savoir si les articles étaient susceptibles de contribuer au débat d’intérêt public (voir, mutatis mutandis, Haldimann et autres c. Suisse, no 21830/09, § 57, CEDH 2015). Or, la Cour est d’accord avec les tribunaux internes que le reportage en cause portait bien sur un sujet d’intérêt public (paragraphes 29-30 ci-dessus).
e) Conclusion
42. La Cour constate que, conformément à sa jurisprudence, les juridictions nationales ont procédé à une mise en balance circonstanciée du droit du journal Monitorul de Galați à la liberté d’expression avec le droit du requérant au respect de sa vie privée.
43. Elle relève ainsi que les tribunaux internes ont attaché de l’importance à la contribution des articles à un débat d’intérêt général et qu’ils ont examiné la base factuelle des informations publiées et la bonne foi de leur auteur. Ils ont également accordé au requérant un droit de réponse bénéficiant des mêmes conditions de publication que les articles litigieux.
44. Dans ces circonstances, et eu égard à la marge d’appréciation dont les juridictions nationales disposent en la matière lorsqu’elles mettent en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression, la Cour estime qu’en l’espèce cette mise en balance a été respectueuse des critères établis par sa jurisprudence et qu’il n’y a pas de raisons sérieuses qui justifieraient qu’elle substitue son avis à celui des tribunaux internes. Partant, ces juridictions n’ont pas manqué à leurs obligations positives au titre de l’article 8 de la Convention et il n’y a pas eu violation de cette disposition.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 octobre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Andrea Tamietti Faris Vehabović
Greffier adjoint Président