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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> LASCAU v. ROMANIA - 39855/13 (Judgment : Right to a fair trial : Fourth Section Committee) French Text [2020] ECHR 421 (09 June 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/421.html
Cite as: [2020] ECHR 421

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QUATRIÈME SECTION

 

 

 

AFFAIRE LASCĂU c. ROUMANIE

(Requête no 39855/13)

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

STRASBOURG

9 juin 2020

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Lascău c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :

          Faris Vehabović, président,
          Iulia Antoanella Motoc,
          Carlo Ranzoni, juges,
et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête susmentionnée (no 39855/13) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ioan Lascău (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 17 juin 2013,

les observations des parties,

Notant que le 18 décembre 2014, le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention concernant l’équité de la procédure a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 mai 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1.  La requête concerne, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, la condamnation du requérant par la Haute Cour de cassation et de justice sur la base des preuves que le tribunal départemental de Braşov et la cour d’appel de Braşov avaient jugées insuffisantes.

EN FAIT

2.  Le requérant est né en 1956 et réside à Sânmartin. Il a été représenté par Me  G. Mateuț, avocat.

3.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

4.  Par un réquisitoire du parquet anticorruption, le requérant, ancien chef de service de la direction départementale des Finances publiques de Bihor, fut renvoyé devant le tribunal départemental de Brasov pour répondre des chefs d’accusation de prise illégale d’intérêts, de blanchiment d’argent, de corruption passive, de complicité d’évasion fiscale, de complicité de faux en écritures et de complicité de banqueroute frauduleuse. Certaines pièces à conviction furent obtenues à la suite de l’écoute des conversations téléphoniques du requérant et de ses proches et d’une perquisition menée au domicile de l’intéressé.

5.  En ce qui concerne l’infraction de prise illégale d’intérêts et de blanchiment d’argent, le parquet reprochait au requérant d’avoir acquis un immeuble par l’intermédiaire d’une société écran et de l’avoir revendu, blanchissant le profit ainsi obtenu. Une expertise comptable, réalisée à la demande du parquet, conclut que l’intéressé avait utilisé l’argent provenant de la revente de l’immeuble pour acquérir un appartement.

6.  Quant à l’infraction de corruption passive, le parquet reprochait au requérant d’avoir reçu des biens de la part d’un homme d’affaires, P.J., et des sociétés commerciales de celui-ci et d’avoir bénéficié de services payés par eux en échange de l’adoption par la direction des Finances de décisions favorables à ces sociétés. P.J., après avoir agi en qualité de corrupteur, s’était autodénoncé au parquet. Il s’était ensuite rétracté, mais le parquet avait estimé, au regard des autres pièces du dossier et des déclarations de dix autres témoins, dont certains étaient des employés des sociétés appartenant à P.J., que sa rétractation n’était pas sincère.

7.  Estimant que plusieurs preuves avaient été obtenues illégalement, notamment les écoutes téléphoniques et les documents saisis au domicile du requérant, le tribunal les écarta du dossier. Il entendit le requérant et plusieurs témoins, dont P.J. et les dix témoins sur les déclarations desquels le parquet avait fondé l’accusation de corruption passive.

8.  P.J. déclara que le requérant avait payé l’ensemble des biens qu’il avait reçus ainsi que l’ensemble des services dont il avait bénéficié. Il ajouta avoir subi des pressions et des menaces de la part du parquet pour formuler des accusations contre le requérant. Deux témoins, P.D.R. et L.D., qui avaient déclaré devant le parquet qu’ils avaient antidaté des factures aux fins de justification de la fourniture des biens et des services en cause à l’intéressé, se rétractèrent également. L.D. soutint que le procureur lui avait dicté sa déclaration.

9.  Par un jugement du 1er juin 2010, le tribunal relaxa le requérant du chef des infractions qui lui étaient reprochées, à l’exception de celle de complicité de banqueroute frauduleuse.

10.  En ce qui concerne l’infraction de prise illégale d’intérêts, il examina les pièces du dossier et estima qu’elles n’étaient pas suffisantes pour renverser la présomption d’innocence dont bénéficiait le requérant. Quant au blanchiment d’argent, il jugea que l’intéressé avait démontré qu’il avait acquis l’appartement en question avec des fonds propres.

11.  Au sujet de l’accusation de corruption passive, il estima que la rétractation de P.J. était corroborée par l’ensemble des preuves contenues dans le dossier et par les déclarations des dix témoins qu’il avait interrogés. Par ailleurs, il nota que le requérant n’avait pas été impliqué dans la prise des décisions de la direction des Finances concernant les sociétés appartenant à P.J., ces dernières ayant fait l’objet de contrôles fiscaux réalisés en bonne et due forme.

12.  Sur appel du parquet, par un arrêt du 22 février 2012, la cour d’appel de Braşov confirma la relaxe, après avoir entendu plusieurs témoins et ordonné une nouvelle expertise comptable. Elle mit fin aux poursuites pour complicité de banqueroute frauduleuse pour cause de prescription de la responsabilité pénale.

13.  Le parquet se pourvut en cassation devant la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour »).

14.  Par un arrêt définitif du 13 février 2013, la Haute Cour accueillit partiellement le pourvoi et condamna le requérant à une peine de trois ans d’emprisonnement pour les infractions de corruption passive et de blanchiment d’argent. Elle ordonna également la confiscation de l’appartement qui avait été acquis par le requérant ainsi que des sommes qui représentaient le prix des biens et des services dont il aurait bénéficié.

15.  Elle estima, au regard des dispositions du code de procédure pénale, que les écoutes téléphoniques et la perquisition avaient été effectuées en bonne et due forme. Par conséquent, elle jugea que les preuves ainsi obtenues étaient légales et les réintégra au dossier. Elle considéra ensuite que le tribunal et la cour d’appel avaient fait une interprétation erronée des preuves du dossier.

16.  En ce qui concerne l’infraction de corruption passive, la Haute Cour fonda la condamnation du requérant sur l’autodénonciation de P.J. et sur les premières déclarations que ce dernier avait faites au cours de l’enquête.

17.  Elle estima que ces déclarations étaient véridiques et que la rétractation ultérieure de P.J. devant le parquet puis devant le tribunal de première instance n’était pas sincère. À cet égard, elle nota que lors de ses premières déclarations P.J. n’avait pas mentionné un quelconque paiement effectué par le requérant pour les biens et les services dont celui-ci avait bénéficié. En outre, elle considéra que les premières déclarations de P.J. étaient corroborées par les déclarations que des témoins avaient faites devant le parquet, notamment P.D.R. et L.D., par les documents comptables et par les écoutes téléphoniques.

18.  Elle jugea que le requérant s’était rendu coupable de prise illégale d’intérêts à l’occasion de l’acquisition de l’immeuble, mais constata que la responsabilité pénale pour cette infraction était prescrite.

19.  Quant à l’infraction de blanchiment d’argent concernant la somme provenant de la revente de cet immeuble, la Haute Cour fonda la condamnation sur les conclusions de l’expertise comptable qui avait été réalisée à la demande du parquet, qui retraçait le circuit de l’argent et qui contredisait la thèse du requérant selon laquelle l’appartement en question avait été acquis avec des fonds propres.

20.  Elle estima que les conclusions de l’expertise étaient corroborées par les documents saisis lors de la perquisition réalisée au domicile de l’intéressé. Par ailleurs, elle jugea que la cour d’appel avait enfreint les dispositions du code de procédure pénale en omettant d’indiquer les raisons pour lesquelles elle avait écarté l’expertise du parquet et en avait ordonné une nouvelle.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

21.  Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure pénale (CPP) en vigueur avant le 1er février 2014 définissant l’étendue de la compétence et des pouvoirs des juridictions saisies d’un recours sont décrites dans l’arrêt Găitănaru c. Roumanie (no 26082/05, §§ 17-18, 26 juin 2012).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

22.  Le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable dans le cadre de la procédure pénale menée contre lui. Il reproche à la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») de l’avoir condamné des chefs de corruption passive et de blanchiment d’argent en l’absence d’administration directe des preuves, et plus particulièrement des témoignages. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A.     Sur la recevabilité

23.  Le Gouvernement considère que les déclarations des témoins n’ont joué aucun rôle dans la condamnation du requérant pour blanchiment d’argent.

24.  La Cour constate que, bien que le requérant ait fait l’objet d’une seule procédure pour l’ensemble des infractions qui lui étaient reprochées, les faits à l’origine des chefs d’accusation de blanchiment d’argent et de corruption passive étaient différents (paragraphes 5 et 6 ci-dessus). En outre, elle note que les preuves sur lesquelles les juridictions internes se sont fondées pour statuer sur la question de la responsabilité pénale de l’intéressé étaient également différentes (paragraphes 10, 11, 16 et 19 ci-dessus).

25.  Dès lors, la Cour estime qu’il convient d’examiner séparément, d’une part, la condamnation du requérant pour blanchiment d’argent et, d’autre part, la condamnation de celui-ci pour corruption passive.

26.  Elle observe qu’il ressort de la motivation de l’arrêt du 13 février 2013 que, pour condamner le requérant du chef de blanchiment d’argent, les juges de la Haute Cour se sont fondés exclusivement sur des pièces écrites, à savoir les conclusions de l’expertise comptable réalisée par le parquet qui ont été corroborées par la transcription des écoutes téléphoniques et les documents saisis au domicile du requérant (paragraphes 19 et 20 ci-dessus).

27.  Dans ces circonstances, et en l’absence d’autres éléments, la Cour ne saurait conclure que le réexamen des pièces écrites du dossier, qui a abouti à l’infirmation de la relaxe du requérant pour blanchiment d’argent, a entaché la procédure d’un manque d’équité, et ce d’autant plus que la Haute Cour a expliqué pour quelles raisons elle s’était écartée des conclusions des juridictions inférieures (paragraphe 20 ci-dessus).

28.  Il s’ensuit que la partie du grief concernant la condamnation du requérant pour blanchiment d’argent est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

29.  Pour ce qui est de la partie du grief concernant la condamnation pour corruption passive, la Cour constate qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient dès lors de la déclarer recevable.

B.     Sur le fond

1.    Arguments des parties

30.  Le requérant considère que sa condamnation du chef de corruption passive sans qu’il eût été procédé à l’audition des témoins s’analyse en une méconnaissance de son droit à un procès équitable. Il estime que cette audition par la Haute Cour était d’autant plus nécessaire que les témoins avaient fait état de pressions que le parquet aurait exercées sur eux pour les amener à témoigner contre lui.

31.  Le Gouvernement soutient qu’il n’y a pas eu de violation du droit du requérant à un procès équitable dès lors que l’arrêt de condamnation n’était pas fondé seulement sur les déclarations des témoins, mais sur d’autres preuves écrites.

2.    Appréciation de la Cour

32.  La Cour renvoie aux principes généraux régissant les modalités d’application de l’article 6 de la Convention aux procédures d’appel, qu’elle a rappelés dans l’affaire Găitănaru, § 26-28, 26 juin 2012 ; voir, également, Flueraş c. Roumanie, no 17520/04, § 53-55, 9 avril 2013, et Moinescu c. Roumanie, no 16903/12, § 33-35, 15 septembre 2015).

33.  En l’espèce, elle note qu’il n’est pas contesté par le Gouvernement que la Haute Cour a fondé son arrêt sur les preuves constituées par les déclarations de P.J. et d’autres témoins interrogés par le parquet et le tribunal de première instance. Le Gouvernement conteste seulement la valeur probante de ces témoignages et soutient que ce sont les preuves écrites qui ont emporté la conviction des juges de la Haute Cour (paragraphe 31 ci-dessus).

34.  La Cour ne saurait se prononcer sur la hiérarchie des preuves ou sur leur valeur probante. Elle rappelle que c’est en principe aux juridictions nationales qu’il revient d’apprécier les éléments recueillis par elles (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I).

35.  En l’espèce, il lui suffit de constater que la Haute Cour s’est prévalue de la possibilité offerte par la loi interne de procéder à un nouvel examen des témoignages afin de se prononcer sur la question de la culpabilité de l’intéressé (paragraphe 15 ci-dessus). Ainsi, il ressort clairement de la motivation de l’arrêt du 13 février 2013 que ces témoignages, en particulier ceux de P.J., P.D.R. et L.D., ont contribué de manière importante à former la conviction des juges de la Haute Cour. Or ces mêmes témoignages avaient suffisamment fait douter les premiers juges du bien-fondé de l’accusation pour les amener à prononcer la relaxe de l’intéressé du chef de corruption passive (paragraphes 16 et 17 ci-dessus).

36.  Dès lors, la Cour estime que la Haute Cour aurait dû s’interroger sur la nécessité d’une nouvelle audition de ces témoins, et ce d’autant plus qu’elle s’était prononcée sur la fiabilité de leurs témoignages. En effet, elle avait privilégié les déclarations qu’ils avaient faites devant le parquet, les estimant plus crédibles que celles qu’ils avaient faites devant le tribunal de première instance (paragraphe 17 ci-dessus), alors même que les témoins avaient fait état de pressions exercées sur eux par le parquet pour les amener à témoigner contre le requérant (paragraphe 8 ci-dessus).

37.  La Cour rappelle dans ce contexte que ceux qui ont la responsabilité de décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé doivent, en principe, être en mesure d’entendre les témoins en personne et d’évaluer leur fiabilité. L’évaluation de la fiabilité d’un témoin est une tâche complexe qui ne peut généralement pas être menée à bien par la simple lecture des déclarations écrites (Dan c. Moldova, no 8999/07, § 33, 5 juillet 2011). Bien sûr, il existe des cas où il est impossible pour un tribunal de faire interroger un témoin, par exemple si l’intéressé est décédé ou lorsqu’il s’agit de respecter son droit de ne pas s’incriminer lui-même (Craxi c. Italie (no 1), n34896/97, § 86, 5 décembre 2002, et Dan, précité, § 33). Cependant, tel n’était pas le cas en l’espèce.

38.  Eu égard à ces éléments, la Cour estime qu’en l’espèce l’omission de la Haute Cour d’entendre les témoins avant de déclarer l’intéressé coupable de corruption passive a sensiblement réduit les droits de la défense (Destrehem c. France, no 56651/00, § 45, 18 mai 2004, Dan, précité, §§ 31‑35, et Lazu c. République de Moldova, n46182/08, §§ 36-44, 5 juillet 2016).

39.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

40.  Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.    Dommage

41.  Le requérant réclame 140 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’il estime avoir subi. Il expose que ce montant correspond aux salaires non perçus en raison de la révocation de la fonction publique qui lui aurait été infligée, ainsi qu’à la somme qu’il dit avoir versée en vertu de l’arrêt rendu par la Haute Cour le 13 février 2013. Il laisse à l’appréciation de la Cour le montant du dédommagement qu’elle pourrait lui octroyer aux fins de compensation du préjudice moral qu’il dit avoir subi.

42.  Le Gouvernement considère qu’aucune somme ne saurait être allouée au requérant pour dommage matériel, la demande de celui-ci à cet égard ayant un caractère spéculatif. En ce qui concerne la demande pour préjudice moral, il estime qu’un éventuel constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention constituerait en soi une réparation équitable satisfaisante.

43.  La Cour note qu’en l’espèce la seule base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que le requérant n’a pas bénéficié des garanties d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. En ce qui concerne le dommage matériel allégué, elle ne saurait spéculer sur le résultat auquel la procédure aurait abouti si l’infraction à la Convention n’avait pas eu lieu (voir, mutatis mutandis, Alexe c. Roumanie, no 66522/09, § 48, 3 mai 2016). Il n’y a dès lors pas lieu d’accorder au requérant une indemnité pour dommage matériel.

44.  S’agissant de la demande formulée pour préjudice moral, malgré le fait que la Cour ne saurait certes spéculer sur ce qu’aurait été l’issue du procès si les garanties de l’article 6 § 1 de la Convention avaient été respectées, elle estime toutefois qu’il n’est pas déraisonnable de penser que l’intéressé a subi un préjudice moral réel dans le cadre dudit procès (Alexe, précité, § 50). En conséquence, elle accorde au requérant à ce titre 1 500 EUR.

B.     Frais et dépens

45.  Le requérant réclame 7 500 EUR au titre des frais et dépens qu’il dit avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant les juridictions internes. Il indique que ce montant correspond aux frais de transport engagés pour se rendre aux audiences devant les juridictions internes.

46  Le Gouvernement relève que le requérant n’a présenté aucun document justificatif pour les frais et dépens réclamés.

47.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des critères susmentionnés et de l’absence des documents justificatifs, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale.

C.    Intérêts moratoires

48.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne la condamnation du requérant pour corruption passive et irrecevable pour le surplus ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3.      Dit,

a)     que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

b)     qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.      Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 juin 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Ilse Freiwirth                                                                    Faris Vehabović
Greffière adjointe                                                                       Président


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