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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ZEMMOUR v. FRANCE - 63539/19 (Judgment : No Article 10 - Freedom of expression-{general} : Fifth Section) French Text [2022] ECHR 1130 (20 December 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2022/1130.html Cite as: [2022] ECHR 1130, ECLI:CE:ECHR:2022:1220JUD006353919, CE:ECHR:2022:1220JUD006353919 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE ZEMMOUR c. FRANCE
(Requête no 63539/19)
ARRÊT
Art 10 • Liberté d’expression • Condamnation pénale à une amende pour provocation à la discrimination et haine religieuse envers la communauté musulmane française en raison de propos tenus en 2016 lors d’une émission de télévision et dans le contexte des attentats terroristes de 2015 • Propos ne suffisant pas à révéler de manière immédiatement évidente que l’auteur tendait, en les proférant, à la destruction des droits et libertés consacrés dans la Convention • Débat d’intérêt général • Large marge d’appréciation • Motifs suffisants et pertinents même si non expressément fondés sur l’art 10 • Peine non excessive
STRASBOURG
20 décembre 2022
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Zemmour c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une Chambre composée de :
Georges Ravarani, président,
Mārtiņš Mits,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Lado Chanturia,
Mattias Guyomar,
Kateřina Šimáčková,
Mykola Gnatovskyy, juges,
et de Martina Keller, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 63539/19) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Éric Zemmour (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 5 décembre 2019,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement ») le grief tiré de l’article 10 de la Convention et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 29 novembre 2022,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne, sous l’angle de l’article 10 de la Convention, la condamnation pénale du requérant pour provocation à la discrimination et haine religieuse envers la communauté musulmane française, en raison de propos tenus en 2016 au cours d’une émission télévisée.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1958 et réside à Paris. Il est représenté par Me A. Beauquier, avocat à Paris.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
4. Le requérant est un journaliste et chroniqueur politique connu. Il a publié de nombreux ouvrages d’analyse politique avant d’entamer une carrière politique à partir de 2021.
5. Le 16 septembre 2016, le requérant était invité dans l’émission télévisée « C à vous » diffusée en direct à 19 heures sur la chaîne de télévision France 5 dans le cadre de la promotion de son livre intitulé « Un quinquennat pour rien » comprenant une introduction intitulée « La France au défi de l’Islam » d’une quarantaine de pages. À cette occasion, il tint des propos qui lui valurent d’être cité par l’association Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO) devant le tribunal correctionnel de Paris sur le fondement de l’article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (loi de 1881), qui réprime la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (paragraphe 11 ci-dessous).
6. Les propos suivants (en italique) firent l’objet de poursuites :
1 - Le propos en forme de réponse négative « non » à la question de savoir « s’il y a des musulmans en France qui vivent dans la paix, qui n’interprètent pas à la lettre les textes du Coran, qui sont totalement intégrés » ;
2 - Les propos faisant suite à des échanges sur les notions de « bons et mauvais musulmans » et la contestation par le journaliste du droit du requérant d’arbitrer entre les deux prétendues catégories : « Les soldats du djihad sont considérés par tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas, comme des bons musulmans, c’est des guerriers, c’est des soldats de l’Islam » ;
3 - Les propos faisant suite à une discussion portant sur le sort qu’il convenait de réserver aux musulmans de France et la préface de l’ouvrage du requérant :
« [le journaliste] : c’est une vision assez apocalyptique
[Le requérant] : Mais je suis d’accord, absolument d’accord. Mais il ne vous a pas échappé que, je ne sais pas dans quel monde vous avez vécu cet été, m’enfin, Nice, ce n’est pas apocalyptique pour vous ? La mort du prêtre, c’est pas apocalyptique ? non mais c’est des gens qui vivaient en France, qui étaient Français, ça ne vous paraît pas apocalyptique ça ?
[Le Journaliste] : le terrorisme est apocalyptique
« Non mais c’est pas du terrorisme c’est du djihadisme. Donc c’est l’islam »
[Le journaliste] : la façon dont vous mettez un signe = entre djihadisme et islam
[Le requérant] : « Pour moi c’est égal » ;
4 - Les propos faisant suite à l’interpellation du requérant sur le fait qu’il parle dans son livre d’une guerre de civilisation menée par l’islam sur le sol français et en réponse à la question du journaliste « Vous pouvez répondre à ma question ? Alors qu’est-ce qu’on fait avec les musulmans ? » : « Le sujet est global. Nous vivons depuis trente ans une invasion, une colonisation, qui entraîne une conflagration. (...) Dans d’innombrables banlieues françaises où de nombreuses jeunes filles sont voilées, c’est également l’Islam, c’est également du djihad, c’est également la lutte pour islamiser un territoire qui n’est pas, qui est normalement une terre non islamisée, une terre de mécréant. C’est la même chose, c’est de l’occupation de territoire » ;
5 - Le propos suivant faisant suite à la question du journaliste « Qu’est-ce que vous faites avec les musulmans en France, est-ce que vous les mettez à part, est-ce que vous les chassez, est-ce que vous leur interdisez d’exercer leur religion ? » : « je pense qu’il faut leur donner le choix entre l’Islam et la France ». Ce propos est suivi de l’affirmation selon laquelle « Donc s’ils sont Français ils doivent, mais c’est compliqué parce que l’islam ne s’y prête pas, ils doivent se détacher de ce qu’est leur religion ».
7. Le 22 juin 2017, le tribunal correctionnel considéra que les cinq passages poursuivis relevaient de l’incrimination prévue à l’article 24 de la loi de 1881 et condamna le requérant pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une religion à une peine d’amende de 5 000 euros (EUR). Il rejeta l’argumentation du requérant selon laquelle, ses propos, d’une part, constituaient une critique de l’islam et non des musulmans, reflétant une inquiétude légitime de la compatibilité entre un islam rigoriste et les valeurs républicaines, et d’autre part, devaient être analysés au regard du contexte de l’émission diffusée en direct ainsi que du fait qu’elle se tenait peu après l’attentat de Nice de juillet 2016 et l’assassinat du Père Hamel, tous deux commis par des Français au nom de l’islam, dans les termes suivants :
« Sur le premier passage poursuivi
Il est patent qu’en répondant par un simple « non » soit de manière à la fois laconique et tranchée, qui fait écho à l’un de ses propos immédiatement antérieurs - « je ne reconnais rien du tout » - à la question [de la journaliste] sur le fait de savoir s’il existe, en France, des musulmans pacifiques et intégrés, [le requérant] stigmatise nécessairement l’ensemble de la communauté musulmane française, présentée comme guerrière et refusant de s’intégrer dans la nation, conclusion à la fois péjorative, sans nuances et sans échappatoire possible, qui ne peut qu’engendrer un sentiment d’hostilité et de rejet à l’encontre de cette communauté, et ce d’autant plus que ces propos sont déclinés sous plusieurs formes par [lui] lors de l’émission, cette répétition ne pouvant qu’accroître la vivacité de ce sentiment. (...)
Sur le deuxième passage poursuivi
Là encore, [le requérant], en affirmant péremptoirement que « tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas » considéreraient les djihadistes comme de « bons musulmans », et ne ponctuant au surplus la tentative [du journaliste] de le faire revenir sur ce constat d’un tout aussi péremptoire « Eh bien si », dresse de la communauté musulmane un portrait univoque et négatif propre à susciter le rejet, celle-ci étant considérée dans son ensemble comme admiratrice, ouvertement ou en secret, des personnes commettant des actes de guerre ou de terrorisme au nom de l’islam, le fait de préciser que cette admiration pourrait être secrète ne pouvant, qui plus est, que renforcer la défiance envers cette communauté. (...)
Sur les troisième, quatrième et cinquième passages poursuivis
Si, à première vue [les propos du troisième passage] paraissent viser non une communauté, les musulmans, mais une religion, l’islam, et échapper, de ce fait à l’incrimination prévue par l’article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, (...) il convient toutefois de les replacer dans le contexte de l’émission et de les mettre, ainsi, en lien avec (....) les quatrième et cinquième passages, qui, sans contestation possible, compte tenu des termes employés (...) non seulement sont de nature à engendrer un sentiment de rejet, mais interdisent également, de fait, à l’auditeur, d’opérer une distinction entre la critique, légitime, d’une religion, et l’appel au rejet et à l’exclusion de ses adeptes dans leur ensemble, leur religion étant incompatible avec les valeurs françaises traditionnelles.
De plus il doit être souligné que cette incompatibilité supposée conduit Eric Zemmour à répondre « je pense qu’il faut leur donner le choix entre l’Islam et la France » à la question [du journaliste] « qu’est-ce que vous faites avec les musulmans en France, est-ce que vous les mettez à part, est-ce que vous les chassez, est-ce que vous leur interdisez d’exercer leur religion ? » - réponse qui constitue en elle-même un acte direct d’appel à la discrimination et à l’exclusion - et, allant jusqu’au bout de sa logique à affirmer « moi si. Culturellement oui » lorsque [le journaliste] lui fait remarquer « si demain un catholique tuait en criant le dieu catholique est grand je ne me sentirais pas responsable d’un meurtre pareil », postulant ainsi sans ambiguïté, la nécessaire solidarité, selon lui, de tous les musulmans envers les attentats terroristes, voire leur responsabilité, au moins morale, dans ces actions, sans que jamais, malgré les multiples invitations en ce sens qui lui sont faites par ses interlocuteurs, il nuance ou modère ses déclarations.
Il apparaît, par conséquent, que sous couvert d’opérer une analyse d’ordre historique et théologique sur les fondements doctrinaux de l’Islam, reposant sur une approche exégétique du Coran, Eric Zemmour incite en réalité par ses propos ses auditeurs à estimer que leur sécurité et la préservation de leur mode de vie et de leurs valeurs passent nécessairement par le rejet des membres de la communauté musulmane. »
8. Par un arrêt du 3 mai 2018, la cour d’appel de Paris infirma partiellement le jugement. Elle considéra que seuls les passages 4 et 5 étaient susceptibles de recevoir la qualification de « provocation à la discrimination et à la haine religieuse », et ramena la peine à 3 000 EUR. A l’appui de sa solution, elle retînt les éléments suivants :
« (...) doit être soulignée l’évolution de la jurisprudence qui désormais considère que l’infraction [prévue par l’article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881, suppose non seulement une publicité et le fait que les propos visent l’ensemble d’une communauté ethnique, nationale ou religieuse, mais également qu’ils contiennent une exhortation « explicite ou implicite » à la haine ou à la discrimination raciale.
Le premier propos soit le « non » visé par la prévention, n’est effectivement que l’expression d’une opinion. Le deuxième propos est également l’appréciation de son auteur sur l’orientation religieuse et la doctrine de l’islam qui n’engage que lui et qui ne contient aucune exhortation à la haine ou à la discrimination à l’égard des adhérents de cette religion. Il en est de même du troisième propos, qui est une critique de l’islam.
En revanche, le quatrième propos décrit les musulmans comme des envahisseurs et des colonisateurs qui nécessitent, au moins implicitement, une résistance des populations visées par ceux-ci. Il s’agit donc d’un appel au rejet et à la discrimination des musulmans en tant que tels, étant rappelé que l’ensemble du discours du prévenu est axé sur l’idée qu’il n’existe pas de bons ou de mauvais musulmans : tous ne pouvant par vocation religieuse qu’être adeptes du jihad, c’est-à-dire que, même s’ils ne sont pas tous violents, ils ne peuvent se désolidariser de ceux qui se livrent à la violence au nom de leur foi. Ces termes violents, en réponse à une question générale sur « les musulmans » ne visent donc pas seulement les banlieues, ni l’islam.
Le cinquième passage poursuivi (...) est l’expression d’un rejet de cette communauté qui ne peut qu’appeler à l’exclusion de celle-ci en son entier.
Ainsi, les deux derniers passages poursuivis, compris ensemble, visent les musulmans dans leur globalité et contiennent une exhortation implicite à la discrimination (...)
Déclare [le requérant »] coupable de provocation à la discrimination et à la haine religieuse (...). »
9. Le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt, invoquant la violation de l’article 10 de la Convention. À l’appui de son pourvoi, il fit valoir que ses propos portaient sur une question d’intérêt public qui relevait de sa liberté d’expression.
10. La Cour de cassation rejeta le pourvoi par un arrêt du 17 septembre 2019 ainsi motivé :
« (...) 7. Pour déclarer le prévenu coupable en raison des seuls propos tenus dans les quatrième et cinquième passages poursuivis, après avoir cité les principaux moments de l’interview, au cours de laquelle les propos incriminés ont été prononcés, et exposé que le quatrième passage litigieux décrit les musulmans comme des envahisseurs et des colonisateurs qui nécessitent, au moins implicitement, une résistance des populations concernées, l’arrêt relève qu’il s’agit d’un appel au rejet et à la discrimination des musulmans en tant que tels, l’ensemble du discours du prévenu étant axé sur l’idée que tous ne peuvent, par vocation religieuse, même lorsqu’ils ne sont pas violents, qu’être adeptes du jihad, sans se désolidariser de ceux qui se livrent à la violence au nom de leur foi.
8. Les juges ajoutent que le cinquième passage poursuivi, donnant aux musulmans "le choix entre l’islam et la France", est l’expression d’un rejet de cette communauté qui ne peut qu’appeler à l’exclusion de celle-ci en son entier.
9. Ils en déduisent que les deux derniers passages incriminés, compris ensemble, visent les musulmans dans leur globalité et contiennent une exhortation implicite à la discrimination.
10. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a méconnu aucun des textes visés au moyen, a justifié sa décision.
11. Elle a souverainement analysé les éléments extrinsèques, éclairant le sens et la portée des propos poursuivis, tels qu’ils étaient susceptibles d’être compris par les personnes pouvant en prendre connaissance.
12. Au terme de cette analyse, elle a exactement retenu que, par leur sens et leur portée, les propos incriminés, qui désignaient tous les musulmans se trouvant en France comme des envahisseurs et leur intimaient l’obligation de renoncer à leur religion ou de quitter le territoire de la République, contenaient un appel à la discrimination (...) »
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
I. Le droit interne
A. L’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse
11. Aux termes de l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881, dans leur rédaction applicable, à la date des faits litigieux :
« Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. »
12. La loi de 1881 établit une distinction entre la provocation directe, qui pousse directement à commettre certaines infractions, et la provocation indirecte « qui tendrait à susciter non pas l’entreprise criminelle mais un mouvement d’opinion de nature à créer à son tour un état d’esprit susceptible de permettre la naissance de l’entreprise criminelle » (Cass. Crim, 25 février 1954, Bull. crim. 1954 no 89). La provocation à la discrimination incriminée par l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881 relève de cette seconde catégorie.
B. La jurisprudence pertinente de la Cour de cassation
13. Depuis 2008, la Cour de cassation contrôle que le propos tend, tant par son sens que par sa portée, à provoquer autrui à la discrimination, à la haine ou la violence (Crim. 29 janvier 2008, no 07.83695). Elle juge de manière constante au visa de l’article 24 de la loi de 1881 que sont incriminés, les propos qui, même sous une forme implicite, « incitent », « exhortent » ou « appellent » à la discrimination (voir, par exemple, Crim. 8 novembre 2011, no 09-88007 ; Crim. 20 septembre 2016, no 15-83.070 ; Crim. 7 juin 2017, no 16‑80322 ; Crim. 9 janvier 2018, no 17-80491).
14. Entrent également dans les prévisions de l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881 les propos qui, tant par leur sens que par leur portée, tendent à susciter un sentiment d’hostilité ou de rejet envers un groupe de personnes à raison d’une religion déterminée (voir, par exemple, Crim. 17 mars 2015, no 13‑87922 ; Crim. 1er février 2017, no 15-84511).
15. Dans un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la précision et la compatibilité de l’article 24 alinéa 8 (aujourd’hui 7) de la loi de 1881 avec la liberté d’expression en retenant les motifs suivants :
« Et attendu que cette question ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux dès lors que, d’une part, les termes de l’article 24, alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881, qui laissent au juge le soin de qualifier des comportements que le législateur ne peut énumérer a priori de façon exhaustive, sont suffisamment clairs et précis pour que l’interprétation de ce texte, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire, et que, d’autre part, l’atteinte portée à la liberté d’expression par une telle incrimination apparaît nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de lutte contre le racisme et de protection de l’ordre public poursuivi par le législateur ; »
II. INSTRUMENTS ET TEXTES PERTINENTS DU CONSEIL DE L’EUROPE
A. La Recommandation no R (97) 20 du Comité des Ministres sur le discours de haine
16. Il est renvoyé aux extraits de cette Recommandation qui figurent dans l’arrêt Perinçek c. Suisse ([GC], no 27510/08, §§ 78 et 79, CEDH 2015 (extraits)). Le préambule de cette Recommandation souligne notamment « la nécessité de trouver un équilibre entre la lutte contre le racisme et l’intolérance, et la nécessité de protéger la liberté d’expression, afin d’éviter le risque de saper la démocratie au motif de la défendre ». Une annexe à cette Recommandation définit le « discours de haine » comme « couvrant toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance, y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l’immigration ».
B. La Commission Européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la lutte contre le discours de haine
1. La Recommandation de politique générale no 15
17. La Recommandation de politique générale no 15 de l’ECRI sur la lutte contre le discours de haine adoptée le 8 décembre 2015 précise que :
« 7. Aux fins de la présente Recommandation, on entend par : (...)
h. « discrimination », toute différence de traitement fondée sur un motif tel que (...) la religion (...) qui manque de justification objective et raisonnable ; (...)
w. « racisme », la croyance qu’un motif tel que (...) la religion (...) justifie le mépris envers une personne ou un groupe de personnes ou l’idée de supériorité d’une personne ou d’un groupe de personnes ; (...)
9. Aux fins de la Recommandation, le discours de haine désigne l’usage d’une ou de plusieurs formes particulières d’expression - à savoir, l’appel à, la promotion de ou l’incitation au dénigrement, à la haine ou à la diffamation à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes, ainsi que le harcèlement, les injures, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation ou les menaces à l’encontre de cette ou ces personne(s) et toute justification de ces diverses formes d’expression - fondée(s) sur (...) la religion (...). »
2. La Recommandation de politique générale no 5 de l’ECRI (révisée) sur la prévention et la lutte contre le racisme et la discrimination envers les musulmans
18. Les passages pertinents du préambule de cette Recommandation, adoptée le 16 mars 2000 et révisée le 8 décembre 2021, sont ainsi rédigés :
« (...) Regrettant vivement que soit parfois présentée une image de l’islam et des musulmans, reproduisant des stéréotypes hostiles qui font percevoir cette religion et ses fidèles ou celles et ceux qui sont perçus comme tels comme une menace ;
Rejetant toute vision déterministe de l’islam et reconnaissant la grande diversité intrinsèque des pratiques de cette religion ;
Observant la hausse significative du racisme et de la discrimination envers les musulmans dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, et soulignant que cette recrudescence revêt également des formes contemporaines et qu’elle a accompagné de près l’actualité mondiale, notamment les attentats terroristes du 11 septembre 2001, et l’intensification de la lutte contre le terrorisme, la situation au Moyen-Orient et la migration croissante en provenance de pays à majorité musulmane vers l’Europe ;
Fermement convaincue que la haine et les préjugés qui visent les communautés musulmanes et qui peuvent se manifester sous diverses formes, non seulement par des attitudes négatives, mais aussi, à des degrés divers, par des actes discriminatoires, des discours de haine et des crimes de haine, doivent être activement combattus dans le cadre de la lutte contre le racisme ; (...)
Regrettant vivement les fausses accusations qui visent l’ensemble des communautés musulmanes sans faire de distinction entre les musulmans et les extrémistes empruntant l’habit religieux ; (...) »
19. L’ECRI recommande notamment ce qui suit :
« (...) veiller à ce que le droit pénal prenne en compte les préjugés antimusulmans et pénalise les actes antimusulmans ci-après dès lors qu’ils sont intentionnels :
a. l’incitation publique à la discrimination, à la violence ou à la haine à l’égard de personnes ou de groupes de personnes au motif que les personnes concernées sont musulmanes ou perçues comme telles ; (...) »
3. Les cinquième et sixième rapports sur la France, publiés les 1er mars 2016 et 21 septembre 2022
20. Dans ces rapports, l’ECRI constate que la situation en matière de discours de haine islamophobe reste préoccupante (5e rapport) et élevée (6e rapport) et que l’intolérance envers les musulmans est amplifiée par le discours politique « assimilant l’islam au terrorisme et des déclarations sous-entendant que les musulmans ne s’intègrent pas dans la société française, stigmatisant notamment le port du voile. » (6e rapport).
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
21. Le requérant soutient que sa condamnation pour provocation à la discrimination et la haine religieuse est contraire à l’article 10 de la Convention, aux termes duquel :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (...)
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
A. Sur la recevabilité
1. Arguments des parties
22. Le Gouvernement soutient que la requête est irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 17 de la Convention, aux termes duquel :
« Aucune des dispositions de la (...) Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la (...) Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à [la] Convention. »
23. Le Gouvernement fait valoir que les propos du requérant constituent une prise de position haineuse caractérisée qui ne relève pas de la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention. Loin de défendre une opinion sur la place de l’islam au sein de la société française, ces propos s’apparenteraient, selon lui, davantage à la stigmatisation d’une communauté de personnes en raison de leur religion et de la menace qu’elles représentent pour les valeurs républicaines de laïcité et de tolérance.
24. Le requérant s’oppose à l’exception du Gouvernement. Il soutient qu’il n’est pas contraire à la Convention de déplorer l’existence d’une tendance séparatiste de certains quartiers due à l’application d’une idéologie qui place la règle religieuse au-dessus de la règle républicaine. Il explique que l’occupation du territoire qu’il dénonce à travers ses propos vise les dynamiques fondamentalistes qui conduisent à des logiques de communautarisation et de séparatisme de ces quartiers. Le constat d’une telle dérive aurait été fait par le Gouvernement lui-même dans son étude d’impact du projet de loi ayant abouti à l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République, qui souligne que « l’islamisme est une idéologie qui recouvre une pluralité de courants et de doctrines dont le point commun réside dans la volonté de soumettre l’espace social et l’espace politique à un régime de normes religieuses ». Nulle visée destructrice des droits et libertés consacrés dans la Convention ne se déduirait davantage de son point de vue sur la liberté religieuse en France : comme tous les croyants, les pratiquants de l’islam doivent accepter de « se détacher de leur religion » (paragraphe 6 ci-dessus, in fine), c’est-à-dire de ne pas faire une lecture littérale du Coran. Tel serait le sens de la décision de la Cour dans l’affaire Belkacem c. Belgique ((déc.), no 34367/14, 27 juin 2017).
2. Appréciation de la Cour
26. Des propos catégoriques attaquant ou dénigrant des groupes entiers, qu’ils soient ethniques, religieux ou autres ne méritent qu’une protection très limitée au regard de l’article 10 de la Convention, le cas échéant lu à la lumière de l’article 17 (voir en ce sens Seurot c. France (déc.), no 57383/00, 18 mai 2004 ; Soulas et autres c. France, no 15948/03, §§ 40 et 43-44, 10 juillet 2008 ; Le Pen c. France (déc.), no 18788/09, 20 avril 2010, qui concernent des déclarations générales hostiles aux musulmans en France), voire aucune (voir notamment Norwood v. the United Kingdom (dec.), no 23131/03, ECHR 2004-XI, s’agissant de propos établissant un lien entre les musulmans au Royaume-Uni et les attaques terroristes du 11 septembre 2001). Cette position s’inscrit dans le droit fil de l’obligation, découlant de l’article 14 de la Convention, de lutte contre la discrimination raciale (Budinova et Chaprazov c. Bulgarie, no 12567/13, § 94, 16 février 2021 et les références citées). Toutefois, l’article 17 ne s’applique qu’à titre exceptionnel et dans des hypothèses extrêmes. Dans les affaires relatives à l’article 10 de la Convention, il ne doit être employé que s’il est tout à fait clair que les propos incriminés visaient à faire dévier cette disposition de sa finalité réelle par un usage du droit à la liberté d’expression à des fins manifestement contraires aux valeurs de la Convention (Perinçek précité, § 114).
27. En l’espèce, la question déterminante sur le terrain de l’article 17 de la Convention est de rechercher si les propos du requérant avaient pour but d’attiser la haine ou la violence et si, en les tenant, celui-ci a cherché à invoquer la Convention de manière à se livrer à une activité ou à commettre des actes visant à la destruction des droits et libertés qui y sont consacrés de telle sorte qu’il ne bénéficie pas de la protection de l’article 10.
28. Dans les circonstances de l’espèce, la Cour considère que les propos tenus par le requérant au cours de l’émission télévisée, alors même qu’ils visaient à provoquer à la discrimination et à la haine religieuse (paragraphes 59 à 63 ci-dessous), ne suffisent pas, quels que controversés et choquants qu’ils puissent être, à révéler de manière immédiatement évidente que ce dernier tendait, en les proférant, à la destruction des droits et libertés consacrés dans la Convention. Dans ces conditions, elle estime que la présente requête ne constitue pas un abus de droit aux fins de l’article 17 de la Convention et qu’elle n’est pas incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Il convient donc de rejeter l’exception préliminaire du Gouvernement sans que cela ne fasse obstacle à ce que la Cour s’appuie sur l’article 17 de la Convention comme une aide à l’interprétation de l’article 10 § 2 de la Convention au regard de l’appréciation de la nécessité de l’ingérence litigieuse (Ayoub et autres c. France, nos 77400/14 et 2 autres, § 101, 8 octobre 2020 et les références jurisprudentielles mentionnées ; Z. B. c. France, no46883/15, § 27, 2 septembre 2021).
29. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
30. Le requérant soutient que sa condamnation constitue une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression qui n’est pas « prévue par loi » au sens du paragraphe 2 de l’article 10. L’incrimination prévue à l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881 ferait l’objet d’une interprétation fluctuante, le délit, pour être constitué, nécessitant que les propos en cause tantôt appellent ou exhortent à la discrimination tantôt suscitent simplement un sentiment de rejet ou d’hostilité. Selon le requérant, l’interprétation majoritaire voudrait que l’article 24 de la loi de 1881 réprime une provocation caractérisée à commettre des actes discriminatoires ou haineux. Or, en l’espèce, la Cour de cassation aurait opéré un revirement de jurisprudence en le jugeant coupable d’une exhortation implicite à la discrimination. Le caractère implicite de l’incitation ainsi retenue rendrait superflue la condition principale du délit, à savoir la provocation, et constituerait une interprétation extensive de la loi pénale au détriment de l’accusé en analysant les propos non du point de vue de leur auteur mais « tels qu’ils [sont]susceptibles d’être compris ».
31. Le requérant fait ensuite valoir que sa condamnation ne poursuit aucun but légitime tenant à la protection des « droits d’autrui », et qu’elle n’est pas nécessaire, pour cette raison notamment, dans une société démocratique.
32. À titre liminaire, il soutient que ni les juges du fond ni la Cour de cassation n’ont adopté de motivation circonstanciée quant à la nécessité de l’ingérence dans son droit à la liberté d’expression. Ce manque de justification s’expliquerait par le fait que les propos litigieux échappent aux possibilités de limitations que ménage le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention.
33. À cet égard, le requérant soutient, premièrement, que ses propos relèvent d’un débat d’intérêt général. Ces derniers n’exprimeraient aucun rejet à l’égard des musulmans mais dénonceraient, à l’instar des préoccupations du Gouvernement à ce sujet (paragraphe 24 ci-dessus), la montée du fondamentalisme religieux dans certains quartiers et les dangers de celui-ci pour la cohésion sociale qui pourraient être évités si, comme il l’a préconisé, un choix était fait entre la religion et la France. Il estime qu’une telle opinion visait à apporter une proposition de solution à l’islamisation des territoires et ne constituait pas, à l’inverse de propos gratuits ou inutilement offensants qui ne nourrissent pas de débat d’intérêt général (Féret c. Belgique, no 15615/07, 16 juillet 2009, Le Pen, décision précitée, E.S. c. Autriche, no 38450/12, 25 octobre 2018), une incitation à la discrimination ou à la haine. Il fait valoir que le contexte d’attentats terroristes dans lequel elle a été exprimée ne justifiait en aucun cas l’atteinte portée à son droit à la liberté d’expression mais, au contraire, devait amener à s’interroger sur la cause de ce fléau et à en débattre publiquement.
34. Le requérant souligne en revanche, deuxièmement, que la diffusion en direct de ses propos au cours de l’émission télévisée, qui se présente comme un « talk-show », est un élément contextuel qui doit être pris en considération. Il explique que les questions biaisées, ciblées et provocatrices des journalistes sur la place de l’islam en France ne lui laissaient d’autre choix que de donner des réponses courtes et sans explication. Le requérant fait remarquer, par comparaison, qu’il n’a pas été poursuivi pour les opinions défendues sur ce thème dans son livre.
35. Le requérant soutient, troisièmement, que sa condamnation ne répond à aucun besoin social impérieux mais constitue au contraire une menace pour la société démocratique. Elle priverait les intellectuels comme lui, dont les positions sont partagées par une partie importante de la société française, de la possibilité de prendre part au débat, aux fins d’imposer une opinion relevant d’un consensus de façade ne permettant pas de discuter de la place de l’islam en France. Le requérant souligne qu’il y va de l’intérêt de la société démocratique de le laisser s’exprimer, soit pour trouver des solutions à la crise sociétale soit pour combattre de manière intelligente certaines de ses opinions.
36. À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour n’accueillerait pas l’exception d’irrecevabilité tirée de l’article 17 de la Convention, le Gouvernement ne conteste pas que la condamnation du requérant constitue une ingérence dans son droit à la liberté d’expression. Toutefois, il considère que cette ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un « but légitime » et était « nécessaire dans une société démocratique » au sens de l’article 10 § 2 de la Convention.
37. Il fait tout d’abord valoir que l’ingérence était prévue par l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881. Il précise, d’une part, que ce délit a été défini de manière constante par la Cour de cassation comme le fait d’« inciter », d’« exhorter » ou encore d’ « appeler », même sous une forme implicite, à la discrimination et, d’autre part, qu’il est également de jurisprudence bien établie qu’entrent dans les prévisions de ce texte les propos qui, par leur sens et leur portée, tendent à susciter un sentiment d’hostilité ou de rejet envers un groupe de personnes à raison d’une origine ou d’une religion déterminée (paragraphes 13 et 14 ci-dessus). Il rappelle également que la Cour a déjà eu l’occasion de juger que ce texte répondait aux exigences de prévisibilité de la loi au sens de l’article 10 § 2 de la Convention.
38. Il soutient ensuite que l’ingérence avait pour but légitime la protection de la réputation d’autrui ou des droits d’autrui.
39. Enfin, il fait valoir que la condamnation du requérant repose sur des motifs suffisants et pertinents et n’outrepasse pas la marge d’appréciation dont disposaient les autorités françaises en l’espèce. En premier lieu, le Gouvernement considère que le requérant bénéficie d’une protection renforcée au sens de l’article 10 de la Convention dès lors que, d’une part, les questions abordées lors de l’émission au cours de laquelle il a prononcé les propos litigieux portaient sur un débat d’intérêt général, celui de la place de l’islam dans la société française et, d’autre part, qu’il est un personnage public dont la notoriété repose notamment sur ses déclarations polémiques sur des sujets sensibles. Pour autant, le Gouvernement soutient, en deuxième lieu, que le contexte dans lequel les propos ont été tenus peut, à double titre, justifier l’ingérence litigieuse. D’une part, la condamnation du requérant s’inscrit dans un contexte national de menaces et d’actes terroristes inédits revendiqués par l’organisation terroriste « État islamique » (les attentats perpétrés à Paris en janvier et novembre 2015, puis à Nice et dans l’église Saint-Étienne-du-Rouvray en juillet 2016), qui ont donné lieu à de nombreux débats sur la place de la communauté musulmane. Or le requérant a sciemment alimenté, de manière négative, les réflexions sur l’islam en France, au risque d’amplifier les répercussions possibles de ses déclarations sur les auditeurs. D’autre part, le requérant devait nécessairement avoir conscience du retentissement de ses déclarations alors qu’il les tenait au cours d’une émission à succès à une heure de grande écoute. En troisième lieu, le Gouvernement fait valoir que les juridictions internes ont pris en compte la teneur des propos pour déduire, au terme d’une motivation détaillée sur chacun des passages visés à la prévention, que certains d’entre eux pouvaient passer pour une justification de l’intolérance, et non une simple mise en cause du fondamentalisme religieux. En dernier lieu, le Gouvernement estime que le montant de l’amende de 3000 euros (EUR) est modéré au regard de la peine qu’encourait le requérant en vertu de la loi applicable.
2. Appréciation de la Cour
40. La Cour considère que la condamnation pénale du requérant a constitué une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 § 1 de la Convention. Pareille immixtion enfreint l’article 10, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire » dans une société démocratique pour les atteindre.
a) Prévue par la loi
41. La Cour renvoie aux principes relatifs à l’exigence de prévisibilité de la loi dans le cadre de l’article 10 tels qu’ils sont résumés dans l’arrêt Perinçek précité (§§ 131‑136) et Selahattin Demirtaş c. Turquie (no 2) [GC], no 14305/17, §§ 249-254, 22 décembre 2020).
42. De ces principes, il découle que la question déterminante qui se pose est celle de savoir si, lorsqu’il a tenu les propos pour lesquels il a été condamné, le requérant savait ou aurait dû savoir - en s’entourant au besoin de conseils éclairés, qu’ils étaient de nature à engager sa responsabilité pénale sur le fondement de l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881.
43. En l’espèce, la Cour relève tout d’abord que l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881 établit une distinction claire entre les provocations qui « poussent directement » à commettre certaines infractions (voir, par exemple, le délit d’apologie d’actes de terrorisme, Rouillan c. France, no 28000/19, § 26, 16 juin 2022) et celles, comme en l’espèce, qui « poussent à la discrimination » (paragraphe 12 ci-dessus). Elle note également que la notion de propos provocants au sens de cette disposition est interprétée par la Cour de cassation comme couvrant tant les propos qui suscitent un sentiment de rejet ou d’hostilité envers un groupe de personnes déterminées que ceux qui exhortent à la discrimination à l’égard de ce groupe. En d’autres termes, la jurisprudence est établie en ce sens que des propos peuvent être considérés comme provocants sans être exhortatoires ou, de manière plus stricte, s’ils appellent à la discrimination, à la haine ou à la violence (paragraphes 13 et 14 ci-dessus). Elle relève également que la Cour de cassation n’exclut pas que le délit de provocation soit caractérisé en raison du caractère implicite de l’appel à la discrimination, à la haine ou à la violence (ibidem). Elle relève enfin que la Cour de cassation a jugé les termes de ce texte « suffisamment clairs et précis pour que [son] interprétation, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire », justifiant ainsi sa décision de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité dont il faisait l’objet (paragraphe 15 ci-dessus).
44. Pour sa part, la Cour rappelle qu’elle a déjà admis que la loi de 1881 satisfait aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité requises par l’article 10 § 2 (voir, notamment, Le Pen, décision précitée, et, récemment, Bonnet contre France (déc.), no 35364/19, § 32, 25 janvier 2022). Par ailleurs, elle considère que, dans les circonstances de l’espèce, tant l’énoncé de l’article 24 alinéa 7 que la jurisprudence de la Cour de cassation pouvaient raisonnablement permettre au requérant de prévoir que ses propos étaient susceptibles d’engager sa responsabilité pénale. Elle précise que le caractère implicite de la provocation retenu par les juridictions internes et dénoncé par le requérant comme un facteur d’imprévisibilité de la loi au motif qu’il inclurait que les propos soient « compris par le public » comme une incitation à la discrimination se rattache, dans les circonstances de l’espèce, à la pertinence et à la suffisance des motifs retenus par les juridictions internes pour justifier l’ingérence litigieuse dans son droit à la liberté d’expression et sera en conséquence examiné dans le cadre de l’appréciation de la « nécessité » de celle-ci.
b) But légitime
45. La Cour considère, à l’instar du Gouvernement, que la condamnation du requérant pour provocation à la discrimination avait pour but la protection de la réputation ou des droits d’autrui, en l’espèce ceux des personnes de confession musulmane (voir en ce sens, Le Pen c. France, (déc.), no 45416/16, 28 février 2017, § 29).
46. Reste donc à savoir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ».
c) Nécessité dans une société démocratique
i. Principes généraux
47. La Cour renvoie aux principes généraux permettant d’apprécier la nécessité d’une ingérence donnée dans l’exercice de la liberté d’expression, tels que réaffirmés à de nombreuses reprises depuis l’arrêt Handyside c. Royaume-Uni (7 décembre 1976, § 49, série A no 24) et rappelés dans les arrêts Morice c. France ([GC], no 29369/10, § 124, CEDH 2015), Delfi AS c. Estonie [GC], no 64569/09, §§ 131-139, CEDH 2015) et Perinçek (précité, §§ 196‑197, et les références jurisprudentielles y mentionnées).
48. À ce titre, elle rappelle que la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » (Handyside, précité, § 49, Perinçek, précité, § 196).
49. Un principe constamment souligné dans la jurisprudence de la Cour veut que les propos se rapportant à des questions d’intérêt public appellent une forte protection, au contraire de ceux défendant ou justifiant la violence, la haine, la xénophobie ou toute autre forme d’intolérance, qui ne sont normalement pas protégés (ibidem, précité, § 197 et les références citées, Budinova et Chaprazov, précité, § 90).
50. L’appel à la discrimination relève de l’appel à l’intolérance, lequel, avec l’appel à la violence et l’appel à la haine, est l’une des limites à ne dépasser en aucun cas dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression (Baldassi et autres c. France, nos 15271/16 et 6 autres, § 64, 11 juin 2020).
51. La Cour a souligné, à de nombreuses reprises, que la tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner voire de prévenir toutes les formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance (y compris l’intolérance religieuse), si l’on veille à ce que les « formalités », « conditions », « restrictions » ou « sanctions » imposées soient proportionnées au but légitime poursuivi. Il reste loisible aux autorités compétentes d’adopter, en leur qualité de garantes de l’ordre public institutionnel, des mesures, même pénales, destinées à réagir de manière adéquate et non excessive à de pareils propos (Tagiyev et Huseynov c. Azerbaïdjan, no 13274/08, § 38, 5 décembre 2019 et les références citées).
52. Pour déterminer si l’ingérence des autorités publiques dans le droit à la liberté d’expression est « nécessaire, dans une société démocratique » dans ce type d’affaires, la Cour prend en compte un certain nombre de facteurs, qui ont été résumés dans l’affaire Perinçek (§§ 205-208 et les références citées). Outre la nature des propos, elle tient compte du contexte dans lequel ils ont été tenus, et en particulier des facteurs suivants :
i. Le point de savoir si les propos ont été tenus dans un contexte politique ou social tendu. Si tel est le cas, la Cour reconnait généralement qu’une certaine forme d’ingérence visant de tels propos peut se justifier.
ii. La question de savoir si correctement interprétés et appréciés dans leur contexte immédiat ou plus général, ils peuvent passer pour un appel direct ou indirect à la violence ou pour une justification de la violence, de la haine ou de l’intolérance. Lorsqu’elle examine cette question, la Cour est particulièrement sensible aux propos catégoriques attaquant ou dénigrant des groupes tout entiers, qu’ils soient ethniques, religieux ou autres.
iii. La Cour tient également compte de la manière dont ils ont été formulés et de la capacité - directe ou indirecte - à nuire.
53. Dans le cadre de ces affaires, c’est la conjonction de ces différents facteurs plutôt que l’un d’eux pris isolément qui détermine l’issue d’une affaire particulière. La Cour aborde donc ce type d’affaires en tenant éminemment compte du contexte.
54. L’incitation à la haine ne requiert pas nécessairement l’appel à tel ou tel acte de violence ou un autre acte délictueux. Les atteintes aux personnes commises en injuriant, en ridiculisant ou en diffamant certaines parties de la population peuvent suffire pour que les autorités privilégient la lutte contre le discours raciste par rapport à la liberté d’expression exercée de manière irresponsable (Féret, précité, § 73, Atamanchuk c. Russie, no 4493/11, § 52, 11 février 2020).
55. Enfin, la Cour rappelle que la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence (Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 64, CEDH 1999-IV, Soulas, précité, § 45).
ii. Application au cas d’espèce
56. La Cour relève que la condamnation du requérant était fondée sur la caractérisation du délit de provocation à la discrimination et à la haine religieuse à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur appartenance à la religion musulmane.
57. La Cour rappelle d’emblée qu’elle a pour tâche de vérifier si les solutions retenues par les juridictions internes en vertu de leur pouvoir d’appréciation sont compatibles avec l’article 10 de la Convention. Ce faisant, elle doit se convaincre que les autorités nationales se sont fondées sur une appréciation acceptable des faits pertinents (Perinçek, précité, § 196).
58. La Cour relève également que les propos litigieux ont été tenus par le requérant alors qu’il était l’invité d’une émission de télévision à une heure de grande écoute en sa qualité de journaliste et polémiste pour présenter et discuter de son dernier ouvrage et en particulier de son introduction consacrée à la place de l’islam en France. La Cour reconnaît, à l’instar du Gouvernement, qu’eu égard à la notoriété et à la personnalité du requérant, d’une part, et à la nature des questions abordées lors de l’interview qui portaient sur la place de l’islam dans la société française, notamment dans un contexte d’attentats terroristes, d’autre part, les propos litigieux, qui étaient susceptibles d’intéresser le public, d’éveiller son attention ou de le préoccuper sensiblement, s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général (voir, mutatis mutandis, Erkizia Almandoz c. Espagne, no 5869/17, § 43, 22 juin 2021 et, plus récemment, Rouillan, précité, § 67).
59. Pour autant, les propos du requérant n’échappent pas aux limites posées au paragraphe 2 de l’article 10. Dès lors, il convient de déterminer si les juridictions internes ont dûment motivé leur appréciation selon laquelle les propos incriminés devaient être assimilés à un « discours de haine » et dans l’affirmative si la sanction imposée au requérant peut être qualifiée de proportionnée au but légitime poursuivi, en tenant compte des différents facteurs qui caractérisent un tel discours et qui ont été rappelés au paragraphe 52 ci-dessus. Il y a notamment lieu de prendre en considération le contexte ayant entouré les faits de l’espèce (Perinçek, précité, § 208).
60. S’agissant, en premier lieu, de la nature des propos litigieux, la Cour rappelle que le requérant a présenté les musulmans vivant en France comme des « colonisateurs » et des « envahisseurs » en lutte pour « islamiser » le territoire français et a affirmé que cette situation impliquait qu’ils fassent « un choix entre l’islam et la France ». Elle relève que, par des décisions concordantes, le tribunal correctionnel, la cour d’appel et la Cour de cassation ont considéré que ces propos visaient la communauté musulmane dans son ensemble, et partant un groupe de personnes victimes d’une discrimination désignée par le critère de la religion. Les juridictions nationales ont jugé ainsi qu’en présentant les personnes de confession musulmane comme une menace pour la sécurité publique et les valeurs républicaines et qu’en postulant leur nécessaire solidarité avec les violences faites au nom de leur foi, le requérant nourrissait un sentiment de rejet généralisé à leur égard et ne se bornait pas à une critique de l’islam ou de la montée du fondamentalisme religieux dans les banlieues françaises. Pour rechercher si les propos du requérant comportaient un appel à des sentiments discriminatoires et haineux envers ce groupe, elles ont tenu compte des qualificatifs virulents appliqués aux personnes le composant et de l’injonction qu’il leur était faite de choisir entre leur religion ou la vie en France pour en déduire que les propos appelaient effectivement à leur rejet et à leur exclusion.
61. Pour sa part, la Cour considère, comme l’ont relevé les juridictions internes, et contrairement à ce que le requérant soutient devant elle en affirmant qu’il se bornait à exprimer son opinion critique sur le phénomène islamiste dans les banlieues françaises, que ses propos, présentés comme le fruit d’une « analyse historique et théologique » (paragraphe 7 ci‑dessus), contenaient en réalité des assertions négatives et discriminatoires de nature à attiser un clivage entre les Français et la communauté musulmane dans son ensemble (Soulas et autres, précité, § 40, Le Pen, décisions des 20 avril 2010 et 28 février 2017 précitées). Ainsi qu’elles l’ont fait valoir, le recours à des termes agressifs exprimés sans nuance pour dénoncer une « colonisation » de la France par « les musulmans » avait des visées discriminatoires et non pour seul but de partager avec le public une opinion relative à la montée du fondamentalisme religieux dans les banlieues françaises. Dans ces conditions, et à la lumière de l’article 17, la Cour considère que les propos du requérant ne relèvent pas d’une catégorie de discours bénéficiant d’une protection renforcée de l’article 10 de la Convention, et en déduit que les autorités françaises jouissaient d’une large marge d’appréciation pour y apporter une restriction. La Cour réitère à cet égard qu’il importe au plus haut point de lutter contre la discrimination raciale sous toutes ses formes et manifestations (Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, § 30, série A no 298). Elle rappelle également que des stéréotypes négatifs visant un groupe social agissent, à partir d’un certain degré, sur le sens de l’identité de ce groupe ainsi que sur les sentiments d’estime de soi et de confiance en soi de ses membres (Aksu c. Turquie [GC], nos 4149/04 et 41029/04, § 200, CEDH 2012, Lewit c. Autriche, no 4782/18, § 46, 10 octobre 2019, Budinova et Chaprazov, précité, § 68).
62. En deuxième lieu, s’agissant du media dans lequel les propos litigieux ont été tenus, la Cour relève qu’ils ont été exprimés lors d’une émission télévisée diffusée en direct à une heure de grande écoute et qu’ils étaient donc susceptibles de toucher un large public. La Cour rappelle à cet égard l’immédiateté et la puissance des médias de télédiffusion, dont l’impact est renforcé par le fait qu’ils restent des sources familières de divertissement nichées au cœur de l’intimité du foyer (Animal Defenders International c. Royaume-Uni [GC], no 48876/08, § 119, CEDH 2013 (extraits), Radio France et autres c. France, no 53984/00, § 39, CEDH 2004-II). Or le requérant était à l’époque lui-même journaliste et chroniqueur, connu pour ses sorties polémistes, et même s’il s’exprimait en qualité d’auteur sur le plateau de télévision, il n’échappait pas aux « devoirs et responsabilités » d’un journaliste. Il était donc parfaitement à même de mesurer la portée de ses propos, malgré les questions posées à brûle-pourpoint par les journalistes, et d’en apprécier les conséquences.
63. En troisième lieu, la Cour relève que les juridictions internes se sont référées aux « éléments extrinsèques » aux passages incriminés pour éclairer le sens et la portée des propos du requérant. La Cour de cassation a précisé que ces éléments étaient de nature à leur donner leur véritable sens, « tels qu’ils étaient susceptibles d’être compris par les personnes pouvant en prendre connaissance » (paragraphe 10 ci-dessus). Pour sa part, la Cour considère également que ces propos ne se limitaient pas à une critique de l’islam mais comportaient, compte tenu du contexte général dans lequel ils s’inscrivaient et des modalités de leur diffusion, une intention discriminatoire de nature à appeler les auditeurs au rejet et à l’exclusion de la communauté musulmane dans son ensemble et, ce faisant, à nuire à la cohésion sociale.
64. Au vu des éléments qui précèdent, la Cour considère que les motifs retenus par les juridictions internes pour entrer en voie de condamnation, alors même qu’elles ne se sont pas expressément fondées sur l’article 10 de la Convention, étaient suffisants et pertinents pour justifier l’ingérence litigieuse.
65. Enfin, en ce qui concerne les peines infligées, la Cour rappelle que leur nature et leur quantum constituent aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence (Soulas, précité, §§ 45-46, Bonnet, précité, § 55). Elle relève que la sanction maximale encourue pour le délit prévu à l’article 24 alinéa 7 de la loi de 1881 est une peine d’emprisonnement d’une année et une amende de 45 000 EUR. Compte tenu de la marge d’appréciation de l’État en l’espèce (paragraphes 19, 51 et 61 ci-dessus), et de la condamnation du requérant au paiement d’une amende d’un montant de 3000 EUR qui n’est pas excessif, la Cour est convaincue que l’ingérence litigieuse était proportionnée au but poursuivi.
66. En conclusion, la Cour considère que l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression était nécessaire dans une société démocratique afin de protéger les droits d’autrui qui étaient en jeu en l’espèce.
67. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 décembre 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Martina Keller Georges Ravarani
Greffière adjointe Président