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European Court of Human Rights |
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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> HRISTOVA AND OTHERS v. BULGARIA - 48411/15 (Judgment : Article 8 - Right to respect for private and family life : Fourth Section Committee) French Text [2022] ECHR 478 (14 June 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2022/478.html Cite as: CE:ECHR:2022:0614JUD004841115, [2022] ECHR 478, ECLI:CE:ECHR:2022:0614JUD004841115 |
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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE HRISTOVA ET AUTRES c. BULGARIE
(Requête no 48411/15)
ARRÊT
STRASBOURG
14 juin 2022
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Hristova et autres c. Bulgarie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :
Tim Eicke, président,
Faris Vehabović,
Pere Pastor Vilanova, juges,
et de Ludmila Milanova, greffière adjointe de section f.f.,
Vu :
la requête (no 48411/15) contre la République de Bulgarie et dont quatre ressortissants de cet État, dont la liste et les précisions pertinentes figurent dans le tableau joint en annexe (« les requérants »), représentés par Mes M. Ekimdzhiev et S. Stefanova, avocats à Plovdiv, ont saisi la Cour le 25 septembre 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter à la connaissance du gouvernement bulgare (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. V. Obretenov, du ministère de la Justice, les griefs tiré des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention concernant la perquisition effectuée dans la maison de campagne des requérants et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 mai 2022,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
OBJET DE L’AFFAIRE
1. Le 26 mars 2015, la police effectua une perquisition dans la maison de campagne des requérants sans l’autorisation préalable d’un juge. Les policiers saisirent un fusil de chasse, un fusil pneumatique, une réplique d’un fusil d’assaut automatique, trois pistolets et des munitions. Une enquête pénale fut ouverte contre l’un des requérants pour détention illégale d’armes et de munitions.
2. Le 27 mars 2015, un juge du tribunal de district de Montana approuva la perquisition et saisie effectuées. En exposant, de manière générale, que les objets recherchés pouvaient être facilement déplacés ou cachés, il estima qu’il s’agissait d’un cas urgent où la perquisition était le seul moyen de recueillir et préserver des preuves et il constata que les règles de procédure avaient été respectées.
3. En octobre 2015, le parquet de district de Montana mit fin aux poursuites pénales en raison de l’absence de preuves suffisantes de la commission d’une infraction pénale.
4. Invoquant les articles 6 § 1, 8 et 13 et de la Convention, les requérants se plaignent de la perquisition en cause et de l’absence de voies de recours internes effectives à cet égard.
APPRÉCIATION DE LA COUR
5. La première requérante, Mme Ivana Hristova, est décédée le 4 avril 2021, alors que la procédure devant la Cour était pendante. Sa fille, Mme Snezhanka Nikolova, née en 1949 et résidant à Montana, a exprimé le souhait de maintenir la requête introduite à l’origine par cette requérante.
6. Eu égard à l’objet de la présente affaire, à l’ensemble des éléments dont elle dispose et à sa jurisprudence pertinente en la matière (Ergezen c. Turquie, no 73359/10, §§ 28 et 29, 8 avril 2014), la Cour estime que la fille de Mme Ivana Hristova possède un intérêt légitime à maintenir la requête au nom de la défunte. Elle lui reconnaît dès lors qualité pour se substituer désormais à cette requérante.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
A. Sur la recevabilité
7. Il y a lieu de rejeter les objections d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement. En premier lieu, en l’absence de toute allégation de traitements violents ou inappropriés subis aux mains des policiers pendant la perquisition en cause (voir, a contrario, Posevini c. Bulgarie, no 63638/14, §§ 48-57, 19 janvier 2017), les recours compensatoires suggérés par le Gouvernement, à savoir une action en dommages et intérêts en vertu de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage ou en vertu de la loi sur les obligations et les contrats, ne sauraient être considérés comme suffisamment effectifs dans le cas d’espèce, faute de preuves convaincantes du contraire et pour les raisons déjà exposées dans d’autres affaires bulgares relativement similaires (Govedarski c. Bulgarie, no 34957/12, §§ 72-74, 16 février 2016 et Stoyanov et autres c. Bulgarie, no 55388/10, §§ 114 et 115, 31 mars 2016). En deuxième lieu, le fait que deux des requérants, MM. Petrov et Georgiev, ont déclaré aux autorités des adresses permanentes dans une autre localité ne saurait enlever à leur maison familiale de campagne le caractère de « domicile », au sens de l’article 8, étant donné qu’ils ont démontré l’existence de liens suffisants et continus avec cette habitation (voir, mutatis mutandis, Prokopovitch c. Russie, no 58255/00, § 37, CEDH 2004-XI (extraits)).
8. Constatant par ailleurs que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
9. La Cour a déjà constaté des violations de l’article 8 dans des circonstances identiques a posteriori à celles de la présente affaire. Dans ses arrêts précités Govedarski (précité, §§ 78-89) et Stoyanov et autres (précité, §§ 123-134), elle a constaté que, en l’absence d’une autorisation préalable ou d’un contrôle effectif de la légalité et de la nécessité des perquisitions effectuées, celles-ci n’étaient pas entourées de garanties suffisantes contre l’arbitraire et ne pouvaient donc pas être considérées comme « prévues par la loi » au sens de l’article 8 de la Convention. La Cour estime que ces mêmes conclusions s’imposent vis-à-vis de la perquisition effectuée dans le domicile des requérants dans la mesure où l’appréciation du caractère urgent de la perquisition a été faite de manière stéréotypée, sans motivation spécifique liée aux circonstances du cas concret (paragraphes 1 et 2 ci-dessus).
10. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
III. SUR la VIOLATION ALLÉGUÉE de l’article 13 de la convention
12. Après examen de l’ensemble des éléments en sa possession, elle conclut qu’ils font également apparaître une violation de l’article 13 de la Convention, combiné avec l’article 8, eu égard à ses constats dans les affaires relativement similaires Posevini (précité, §§ 83-87) et Stoyanov et autres (précité, §§ 152-154).
IV. SUR LE grief tiré de l’article 6 § 1 de la convention
13. Les requérants ont également soulevé un grief sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention. Constatant qu’il n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
14. Cependant, eu égard aux faits de l’espèce, aux arguments des parties et aux conclusions auxquelles elle est parvenue sur le terrain des articles 8 et 13 de la Convention (paragraphes 9, 10 et 12 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur ce dernier grief (voir, mutatis mutandis, Posevini, précité, §§ 88-92).
APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
15. Les requérants demandent 8 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’ils estiment avoir subi et 5 422,48 euros (EUR) au titre des frais et dépens qu’ils disent avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour. Ils demandent que cette dernière somme soit transférée sur le compte de leurs représentants.
16. Le Gouvernement estime que ces prétentions sont exagérées et injustifiées.
17. La Cour octroie conjointement aux requérants 2 500 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
18. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour juge raisonnable d’allouer aux requérants la somme de 2 000 EUR pour la procédure menée devant elle, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, à transférer directement sur le compte de leurs représentants.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief formulé sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention ;
5. Dit,
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans un délai de trois mois les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i. 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros), conjointement aux requérants, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par les requérants à titre d’impôt, pour frais et dépens, à transférer directement sur le compte de leurs représentants ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 juin 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Ludmila Milanova Tim Eicke
Greffière adjointe f.f. Président
Appendix
Requête no 48411/15
Liste des requérants
No |
Prénom NOM |
Année de naissance |
Nationalité |
Lieu de résidence |
1. |
Ivana Tsvetanova HRISTOVA |
1928 (décédée en 2021) |
Bulgare |
Erden |
2. |
Lyuba Damyanova DEKEMVRIEVA |
1950 |
Bulgare |
Montana |
3. |
Damyan Petkov GEORGIEV |
1980 |
Bulgare |
Montana |
4. |
Petko Georgiev PETROV |
1948 |
Bulgare |
Montana |