BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
European Court of Human Rights |
||
You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> PERSTNER v. LUXEMBOURG - 7446/21 (Judgment : No Article 5 - Right to liberty and security : Fifth Section) French Text [2023] ECHR 168 (16 February 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2023/168.html Cite as: [2023] ECHR 168, ECLI:CE:ECHR:2023:0216JUD000744621, CE:ECHR:2023:0216JUD000744621 |
[New search] [Contents list] [Help]
CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE PERSTNER c. LUXEMBOURG
(Requête no 7446/21)
ARRÊT
Art 5 § 3 • Caractère raisonnable de la détention provisoire • Raisons sommaires du rejet des demandes de mise en liberté provisoire compensées par la référence aux éléments objectifs du dossier d’instruction accessibles au requérant • Motifs tirés du danger de fuite et de récidive pertinents et suffisants • Décision récente de la Cour de cassation ayant entériné le principe jurisprudentiel de la Cour de l’analyse du danger de fuite non uniquement sur la base de la gravité de la peine mais en fonction d’un ensemble de données supplémentaires • Durée raisonnable de la procédure suspendue durant huit mois lors de la pandémie de Covid-19 mais ayant été activement conduite aussi bien avant qu’après
STRASBOURG
16 février 2023
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Perstner c. Luxembourg,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une Chambre composée de :
Carlo Ranzoni, président,
Georges Ravarani,
Mārtiņš Mits,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Lado Chanturia,
Mattias Guyomar,
Kateřina Šimáčková, juges,
et de Martina Keller, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 7446/21) dirigée contre le Grand-Duché de Luxembourg et dont un ressortissant français, M. Kevin Perstner (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 22 janvier 2021,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement luxembourgeois (« le Gouvernement ») le grief concernant le caractère raisonnable de la détention provisoire et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
les observations des parties,
le fait que, bien qu’informé de son droit d’intervenir dans la procédure en vertu de l’article 36 § 1 de la Convention, le gouvernement français n’a pas indiqué dans le délai imparti qu’il souhaitait exercer ce droit,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2023,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne, sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention, la durée et le caractère raisonnable de la détention provisoire du requérant. Celui-ci se plaint d’une motivation abstraite et stéréotypée des décisions de rejet de ses demandes de mise en liberté provisoire.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1990 et est détenu à Schrassig. Il a été représenté par Me R. Schons, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. David Weis, représentant permanent du Luxembourg à la Cour européenne des droits de l’homme.
4. Le 9 septembre 2019, le requérant fut remis par les autorités françaises à leurs homologues luxembourgeois, sur base d’un mandat d’arrêt européen émis le 28 juin 2016 (mandat qui se référait à une information ouverte à la suite de quatre réquisitoires du parquet rendus entre le 7 juillet 2015 et le 24 juin 2016).
5. Soupçonné d’avoir - ensemble avec P. (un membre de la famille du requérant) et S. - commis en 2015 un vol à l’aide de violences sur un couple de personnes âgées (à leur domicile, après les avoir pris en filature dans un centre commercial), le requérant fut interrogé par le juge d’instruction le lendemain. Il confirma sa présence au centre commercial avec P. et S. et s’identifia lui-même sur les images des caméras de surveillance (qui montraient trois individus en train de prendre le couple en filature), mais il nia son implication dans les faits ayant eu lieu au domicile des victimes. Lors de l’interrogatoire, le juge d’instruction précisa que les mêmes personnes ayant pisté le couple dans l’enceinte du centre commercial avaient continué de suivre celui-ci en voiture sur le parking.
6. Les parties sont en désaccord quant aux circonstances entourant l’arrestation du requérant.
Selon les affirmations du Gouvernement, contestées par le requérant, la remise du requérant aux autorités luxembourgeoises intervint à la suite d’une cavale de quatre ans.
Un procès-verbal de la police judiciaire luxembourgeoise du 9 septembre 2019 renseigne que le requérant avait été arrêté le 17 juillet 2019 par la « Brigade Nationale des Recherches Fugitifs » (BNRF) française.
Un communiqué du parquet général luxembourgeois du 17 juillet 2019 confirme que le requérant avait pu être arrêté à Metz sur base d’une étroite coopération entre la Cellule recherche fugitifs de la Police judiciaire luxembourgeoise et la BNRF de l’Office central de la lutte contre le crime organisé français.
Selon un article du « 20 minutes » publié le 17 juillet 2019, le requérant « dont le nom a[vait] figuré dans la liste des Europe’s most wanted fugitives d’Europol, a[vait] été interpellé [le matin], dans un camp de gens du voyage à Metz. (...) La BNRF a[vait] récupéré le dossier au mois de juin dans le cadre de la coopération internationale. L’homme a[vait] été localisé grâce à des investigations techniques. S’en [était] suivie une longue surveillance avant son interpellation ce mercredi. »
7. Le 10 septembre 2019, à l’issue de son interrogatoire, le requérant fut placé en détention provisoire.
8. Un rapport d’expertise génétique fut réalisé le 1er octobre 2019.
9. À la suite d’un réquisitoire du parquet du 18 décembre 2019, le requérant fut informé, le 20 décembre 2019, de la clôture de l’instruction.
10. Le 14 février 2020, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta une première demande de mise en liberté provisoire du requérant.
Elle se référa aux résultats de l’instruction (découlant, entre autres, de saisies, des déclarations du requérant et des témoins, ainsi que de l’exploitation des enregistrements de caméras de vidéosurveillance) pour conclure à l’existence d’indices graves de culpabilité à charge du requérant. Elle nota que les faits reprochés au requérant emportaient en partie une peine criminelle et que le danger de fuite, qui était légalement présumé, existait également en fait au vu de la gravité des faits reprochés et de l’absence d’attaches du requérant au Luxembourg. Enfin, pour justifier un risque de récidive, elle évoqua le résultat des examens médicaux pratiqués sur les victimes présumées et la gravité des blessures subies par ces dernières, ainsi que le sang-froid et l’extrême brutalité déployés au cours des faits reprochés au requérant.
Il n’apparaît pas du dossier que le requérant ait fait appel de cette ordonnance.
11. Le 3 avril 2020, la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma une ordonnance (datée du 28 février 2020) de renvoi du requérant devant la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg (ci-après « le tribunal »).
Se référant à l’ordonnance du 28 février 2020 - qui avait listé de nombreux rapports et procès-verbaux dressés au sujet des investigations réalisées - elle considéra que les éléments recueillis dans le cadre de l’instruction constituaient des charges suffisantes autorisant le renvoi. Ainsi, elle relata que le résultat de l’exploitation des caméras de vidéosurveillance dans le centre commercial et dans les alentours de celui-ci, les dépositions des témoins, ainsi qu’une expertise de comparaison photographique « permett[ai]ent de croire que » P., S. et le requérant avaient observé, pris en filature puis suivi les victimes jusqu’à leur domicile où l’agression avait eu lieu. Elle précisa que la voiture occupée par P., S. et le requérant avait été observée par les témoins en stationnement, le jour des faits, le long de la chaussée à une cinquantaine de mètres du lieu des infractions.
La chambre du conseil de la Cour d’appel rejeta par ailleurs une demande en complément d’instruction réitérée par le requérant. Entérinant les constats faits en première instance, elle expliqua en quoi l’absence de confrontation du requérant au dénonciateur anonyme ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable.
12. Le requérant formula une deuxième requête en obtention d’une mise en liberté avec mise sous contrôle judiciaire, fondée sur le fait qu’en guise de garantie de représentation, le requérant avait son domicile dans la région frontalière et qu’il disposait d’une promesse d’embauche. Il insista également sur l’insuffisance des charges et le caractère disproportionné de la durée de la détention provisoire, soulignant la disponibilité d’alternatives moins contraignantes.
13. Le 14 mai 2020, le tribunal rejeta la demande aux motifs suivants :
« L’existence d’indices graves de culpabilité au sens de l’article 94, alinéa 1 du code de procédure pénale [ci-après « CPP »], à charge [du requérant] résulte nécessairement de la constatation par la juridiction d’instruction chargée du règlement de la procédure de charges suffisantes contre ce dernier ayant justifié son renvoi devant la juridiction de jugement.
Les faits reprochés au prévenu emportent en partie une peine criminelle.
Le danger de fuite est légalement présumé ; il existe également en fait au vu de la gravité des faits reprochés au prévenu, des peines prévues par la loi et au vu de l’absence d’attaches du prévenu au Grand-Duché.
Il n’y a partant pas lieu de faire droit à la requête. »
14. Le 10 juin 2020, la chambre criminelle de la Cour d’appel (ci-après « la Cour d’appel ») rejeta l’appel du requérant, par adoption des motifs du jugement du 14 mai 2020, sauf qu’elle précisa en outre qu’une mise en liberté sous contrôle ou avec obligation de fournir un cautionnement n’était pas adaptée, « au vu de la situation personnelle du requérant », et qu’il ne résultait pas du dossier répressif que le délai raisonnable de la détention provisoire eût été dépassé.
15. Dans sa troisième demande, le requérant réitéra ses arguments quant à l’absence d’un risque de fuite eu égard aux garanties de représentation, notamment une caution offerte par la famille à hauteur de 25 000 EUR et un contrat de travail daté du 4 septembre 2020 (pour un travail dans une entreprise de toiture luxembourgeoise). Il estima que les juridictions d’instruction n’avaient pas fourni d’éléments intelligibles quant à l’existence d’« indices » au sens de l’article 5 de la Convention. Il sollicita des mesures alternatives à la détention provisoire, telles une mise sous contrôle judiciaire, sinon une mise en liberté provisoire sous caution ou sous surveillance électronique.
16. Le 11 septembre 2020, le tribunal rejeta la demande, aux motifs suivants :
« Les indices graves de culpabilité à charge du prévenu résultent à suffisance de l’ordonnance de renvoi.
Le danger de fuite est légalement présumé. Il existe également en fait au vu de la gravité des faits reprochés.
Un danger de récidive n’est pas à exclure au vu de la situation sociale et personnelle précaire.
Au vu de ces développements, il n’y a partant pas lieu de faire droit ni à la requête principale, ni aux requêtes subsidiaires. »
17. Un arrêt du 29 septembre 2020 rejeta l’appel du requérant, par adoption du raisonnement du tribunal. La Cour d’appel ajouta en outre que le prévenu n’avait pas d’attaches au Luxembourg, que le seul fait qu’il eût présenté un contrat de travail daté du 4 septembre 2020 qui aurait dû prendre effet au 14 septembre 2020 n’était pas une garantie suffisante qu’il comparût effectivement à son procès, et qu’un placement sous contrôle judiciaire ou le versement d’une caution n’étaient pas susceptibles de contrecarrer efficacement le danger de fuite. La Cour d’appel estima également qu’eu égard à la gravité de l’infraction reprochée au requérant (à savoir, d’avoir ensemble avec P. et S. - alors déjà condamnés par un jugement séparé à une peine de réclusion - commis un vol à l’aide de violences ou de menaces sur un couple de personnes âgées ayant entraîné une incapacité de travail) et à la peine que le requérant risquait d’encourir, la durée de la détention provisoire n’était à ce stade pas excessive.
18. Le 16 novembre 2020, le requérant fut cité à comparaître à trois audiences situées entre les 16 et 18 décembre 2020.
19. Le 28 janvier 2021, la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg condamna le requérant pour vol avec violences à sept ans de réclusion. Pour prononcer la peine, le tribunal retint d’abord que l’infraction de coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail personnel ne donnait pas lieu à une condamnation séparée, dans la mesure où elle était « absorbée par l’infraction de vol à l’aide de violences », qui est punie, selon l’article 468 du CPP, d’une peine de réclusion de cinq à dix ans. Le tribunal tint ensuite compte du casier judiciaire français du requérant, ainsi que du « caractère sournois et dénué des moindres scrupules des actes violents exercés à l’encontre d’un couple âgé de plus de 80 ans, [du] rôle actif joué [par le requérant] dans l’entreprise criminelle » et des « contestations futiles et vaines, témoignant de l’absence du moindre repentir » de sa part.
20. Le requérant ne releva pas appel de ce jugement.
LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT
21. Selon l’article 116 du CPP, la mise en liberté peut être demandée à la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement, si l’affaire y est renvoyée. La mise en liberté ne peut être refusée que si les conditions prévues à l’article 94 du CPP sont réunies. Ces dernières se lisent notamment ainsi :
« 1) S’il y a danger de fuite de l’inculpé; le danger de fuite est légalement présumé, lorsque le fait est puni par la loi d’une peine criminelle;
2) s’il y a danger d’obscurcissement des preuves;
3) s’il y a lieu de craindre que l’inculpé n’abuse de sa liberté pour commettre de nouvelles infractions. »
22. La Cour de cassation a, récemment, cassé et annulé un arrêt rendu par la chambre du conseil de la Cour d’appel ayant rejeté une demande de mise en liberté provisoire. La Cour de cassation a estimé que les juges avaient violé l’article 5 § 3 de la Convention en n’ayant pas étayé leur décision - selon laquelle le danger de fuite existait en fait « au vu de la gravité des faits reprochés à l’inculpé et des peines prévues par la loi » - par des données supplémentaires justifiant le maintien en détention provisoire au regard de ce danger (No 133/2022 pénal, arrêt du 17 novembre 2022, disponible sur www.justice.public.lu).
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION
23. Le requérant dénonce la durée excessive et le caractère déraisonnable de sa détention provisoire. Il se plaint notamment de la motivation insuffisante des décisions de rejet de ses demandes de mise en liberté provisoire. Il invoque l’article 5 § 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »
A. Sur la recevabilité
24. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Le requérant
25. Le requérant conteste les raisons spécifiques, avancées par le Gouvernement, qui auraient justifié son placement et maintien en détention provisoire. Il soutient qu’il possédait une « adresse notoirement connue » dans la région frontalière, qu’il était « parfaitement identifiable et identifié » et qu’il aurait suffi aux autorités judiciaires luxembourgeoises de le convoquer pour qu’il se présentât devant elles. Or, elles n’auraient fait qu’émettre un mandat d’arrêt européen, dont il aurait ignoré l’existence durant la période précédant son exécution.
26. Il estime ensuite que les juridictions internes n’ont pas fourni de motifs pertinents et suffisants, individualisés et personnalisés à sa situation, pour justifier son maintien en détention provisoire. Les décisions se résumeraient essentiellement à une énonciation, par un banal copier/coller, de motifs abstraits, selon une méthode qui serait généralement appliquée en la matière.
b) Le Gouvernement
27. Le Gouvernement conteste l’affirmation du requérant selon laquelle sa situation résulterait d’une pratique systématique luxembourgeoise. Il apporte des précisions factuelles qui, selon lui, expliquent les raisons spécifiques ayant amené les autorités judiciaires à décider du placement et du maintien en détention provisoire du requérant. Renvoyant au jugement de condamnation du 28 janvier 2021 (paragraphe 19 ci-dessus), le Gouvernement souligne le caractère sournois des actes violents exercés, le rôle actif et l’absence de repentir du requérant. Celui-ci aurait été activement recherché depuis l’été 2015, de sorte que le Luxembourg l’aurait fait figurer sur la liste des criminels les plus recherchés d’Europe. Il n’aurait pu être arrêté qu’après quatre ans de cavale et grâce à la collaboration active d’une brigade spéciale avec les autorités françaises. Étant donné le risque de fuite évident, dans ce contexte particulier, le requérant n’aurait pu ni dû être libéré.
28. Dans son arrêt de renvoi du 3 avril 2020, la chambre du conseil aurait, sur base d’une appréciation circonstanciée de la situation, constaté des soupçons suffisamment sérieux pour justifier une mise en détention provisoire (paragraphe 11 ci-dessus). Les juridictions saisies par la suite auraient justifié leurs décisions au regard de la situation particulière du requérant. Elles ne se seraient pas, contrairement aux affirmations du requérant, limitées à constater le caractère de non-résident de celui-ci, mais auraient témoigné d’un risque de fuite réel et apprécié souverainement les garanties matérielles de comparution du requérant devant le juge interne.
29. Le Gouvernement estime que la durée globale de la détention provisoire n’était pas excessive au regard des circonstances de l’affaire. Les autorités judiciaires auraient pris toutes les mesures appropriées pour garantir un délai raisonnable des procédures, lesquelles auraient néanmoins été allongées par les actes déposés par le requérant, telle une demande de réouverture de l’instruction le 12 février 2020 refusée le 3 avril 2020 (paragraphe 11 in fine ci-dessus). À cela s’ajouteraient les aménagements indispensables engendrés dans le contexte de la pandémie de Covid-19, et le fait que l’administration judiciaire connaît des vacances judiciaires pendant les congés de Noël, de Pâques et en été.
2. Appréciation de la Cour
30. La Cour a rappelé les principes généraux relatifs à la durée et au caractère raisonnable d’une détention provisoire dans l’arrêt Hasselbaink c. Pays-Bas (no 73329/16, §§ 67 à 73, 9 février 2021, ainsi que l’arrêt Buzadji c. République de Moldova [GC], no 23755/07, §§ 84 à 91, 5 juillet 2016, y cité), auquel elle se réfère.
31. S’agissant de la période à prendre en considération aux fins de l’article 5 § 3, la Cour relève que cette période a débuté le 9 septembre 2019, jour de la remise du requérant aux autorités luxembourgeoises, et s’est terminée le 28 janvier 2021, lorsque le tribunal prononça sa condamnation. Ainsi, la détention provisoire a duré une année, quatre mois et vingt jours.
32. Pour se prononcer sur l’existence d’une éventuelle violation de l’article 5 § 3, la Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de se substituer aux autorités nationales, qui sont mieux placées pour interpréter la législation nationale, examiner toutes les circonstances d’une affaire et prendre toutes les décisions nécessaires, y compris celles relatives à la détention provisoire. C’est essentiellement sur la base de la motivation des décisions de détention de ces juridictions internes que la Cour est appelée à décider s’il y a eu ou non violation de l’article 5 de la Convention (voir, parmi d’autres, Rubtsov et Balayan c. Russie, nos 33707/14 et 3762/15, § 30, 10 avril 2018).
33. Le Gouvernement apporte des précisions factuelles qui expliqueraient les raisons spécifiques ayant justifié le maintien en détention provisoire du requérant (paragraphe 27 ci-dessus). La Cour rappelle toutefois qu’elle doit analyser si les décisions litigieuses contiennent des références à des faits précis et à des circonstances individuelles justifiant le maintien en détention, et non les observations postérieures du gouvernement à cet égard (Urtāns c. Lettonie, no 16858/11, § 35, 28 octobre 2014). Seule une décision motivée des autorités nationales peut effectivement démontrer aux parties qu’elles ont été entendues et rendre possible les recours et le contrôle public de l’administration de la justice.
34. Dans le cadre de cette analyse, la Cour rappelle que la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne détenue d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention. Toutefois, lorsque les autorités judiciaires nationales apprécient pour la première fois, « aussitôt » après l’arrestation, s’il y a lieu de mettre la personne arrêtée en détention provisoire, elle ne suffit plus et les autorités doivent aussi avancer d’autres motifs pertinents et suffisants pour légitimer la détention (Merabishvili c. Géorgie [GC], no 72508/13, § 222, 28 novembre 2017).
35. En l’espèce, le requérant a été arrêté, sur base d’un mandat d’arrêt européen, parce qu’il était soupçonné d’avoir commis, avec deux autres personnes, un vol à l’aide de violences sur un couple de personnes âgées, à leur domicile, après les avoir pris en filature dans un centre commercial. Lors de l’interrogatoire par le juge d’instruction, à l’issue duquel il a été placé en détention, le requérant s’était identifié lui-même sur les images des caméras de surveillance du centre commercial, qui montraient, par ailleurs, les mêmes personnes en train de suivre le couple en voiture sur le parking (paragraphe 5 ci-dessus).
36. Une première demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par une ordonnance du 14 février 2020 (dont le requérant n’a pas fait appel) concluant à l’existence de soupçons par référence aux résultats de l’instruction (paragraphe 10 ci-dessus).
37. Dans le cadre des deuxième et troisième demandes de mise en liberté provisoire, le tribunal (confirmé par la Cour d’appel) s’est référé à l’ordonnance de renvoi pour conclure à l’existence de soupçons dans le chef du requérant (paragraphes 13 et 16 ci-dessus). Certes, une motivation plus détaillée aurait été souhaitable, mais la Cour estime qu’elle peut être considérée comme suffisante, dans la mesure où l’ordonnance de renvoi, à laquelle le tribunal s’est référé, contenait des éléments et développements précis (voir, mutatis mutandis, Merabishvili, précité, § 227, 28 novembre 2017, et les références y citées).
38. La Cour conclut qu’il est établi que des soupçons pesaient sur le requérant tant au moment de son arrestation qu’au fil de l’avancement de l’enquête.
39. Reste donc à analyser ce qu’il en était des « autres motifs pertinents et suffisants pour légitimer la détention » et, le cas échéant, si les autorités ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (Merabishvili, précité, § 222, et Buzadji, précité, § 87).
40. L’ordonnance rejetant la première demande de mise en liberté provisoire n’est pas sujette à caution, la chambre du conseil y ayant évoqué des éléments concrets, tels que le résultat des examens médicaux pratiqués sur les victimes présumées et la gravité des blessures subies par ces dernières, ainsi que le sang-froid et l’extrême brutalité déployés au cours des faits reprochés au requérant (paragraphe 10 ci-dessus).
41. Pour ce qui est ensuite du rejet des deuxième et troisième demandes, le premier motif avancé par les autorités est le danger de fuite. La Cour rappelle que celui-ci ne peut s’apprécier uniquement sur la base de la gravité de la peine; il doit s’analyser en fonction d’un ensemble de données supplémentaires propres soit à en confirmer l’existence, soit à le faire apparaître à ce point réduit qu’il ne peut justifier une détention provisoire (voir, parmi d’autres, Prencipe c. Monaco, no 43376/06, § 83, 16 juillet 2009). La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion d’entériner ce principe récemment (paragraphe 22 ci-dessus).
42. En l’occurrence, le tribunal s’est borné à retenir que le danger de fuite était légalement présumé et qu’il existait également eu égard à la gravité des faits reprochés et de l’absence d’attaches du requérant au Grand-Duché. De tels motifs ne sont clairement pas suffisamment individualisés, surtout dans la mesure où ils ne mentionnent même pas les mesures alternatives sollicitées par le requérant. La Cour d’appel a en revanche pris soin d’ajouter d’abord qu’une mise en liberté sous contrôle ou avec obligation de fournir un cautionnement n’était pas adaptée, « au vu de la situation personnelle du requérant » (paragraphe 14 ci‑dessus), puis que le seul fait que le requérant eût présenté un contrat de travail n’était pas une garantie suffisante qu’il comparût effectivement à son procès (paragraphe 17 ci-dessus). Certes, elle ne mentionnait sur ces points aucune autre donnée ou information circonstanciée. Cependant, la Cour note aussi que les ordonnances entérinées par la Cour d’appel s’en sont remises aux nombreux éléments d’ores et déjà recueillis dans le cadre de l’instruction (voir paragraphe 37 ci-dessus). Or, dans les circonstances de la présente affaire, la Cour peut concéder qu’au travers des susdites réponses, la Cour d’appel visait l’ensemble de ces éléments du dossier d’instruction, parfaitement accessibles au requérant (au moins par le biais de son représentant).
43. Il en va de même pour le motif tiré du danger de récidive retenu « au vu de la situation sociale et personnelle précaire » du requérant (paragraphe 16 ci-dessus). Pareille motivation est, à n’en pas douter, succincte, voire laconique. Mais, pour les mêmes raisons que celles avancées au paragraphe précédent, la Cour est d’avis que cette réponse sommaire doit être située dans le contexte de la présente affaire. En effet, l’affaire est à analyser à l’aune de l’absence de sérieux des arguments présentés par le requérant pour solliciter sa libération provisoire, la Cour d’appel ayant par ailleurs fait référence directement ou indirectement aux nombreux éléments objectifs qui figuraient dans le dossier d’instruction et auxquels le requérant avait accès (voir paragraphes 13, 16, 37 et 42 ci-dessus).
44. En résumé, la Cour conclut que les raisons exposées par les juridictions luxembourgeoises pour refuser d’élargir le requérant constituaient en l’occurrence, dans les circonstances de l’affaire, des motifs « pertinents » et « suffisants ».
45. Encore y a-t-il lieu d’examiner si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure.
46. La justification de toute période de détention, aussi courte soit-elle, doit être démontrée de manière convaincante par les autorités (Fenech c. Malte (déc.), no 19090/20, § 81, 23 mars 2021).
47. Il ressort des éléments fournis à la Cour que, de nombreux devoirs d’investigation ayant été réalisés dès avant l’arrestation du requérant, seul un rapport d’expertise génétique a été réalisé, le 1er octobre 2019, à la suite du placement en détention provisoire du requérant (paragraphe 8 ci-dessus). La clôture de l’instruction est intervenue deux mois plus tard et a été suivie d’une ordonnance de renvoi, confirmée en appel, trois mois après (paragraphes 9 et 11 ci-dessus). Si le Gouvernement ne saurait utilement reprocher au requérant d’avoir tenté de solliciter un complément d’instruction à l’occasion de la procédure de renvoi, la Cour concède en revanche qu’aucune lenteur particulière ne saurait être imputée aux autorités nationales pendant la période concernée.
48. Au-delà de cette période, il est vrai que certains retards se sont produits. Ainsi, une fois la décision de renvoi devenue définitive, le requérant a été cité seulement sept mois plus tard à des audiences fixées au mois suivant (paragraphe 18 ci-dessus). Toutefois, il ne faut pas faire abstraction du contexte particulier, lié à la crise sanitaire résultant de l’épidémie de Covid‑19, qui prévalait au moment donné. Aussi, une suspension temporaire d’une procédure du fait des circonstances exceptionnelles de la pandémie de Covid-19 a-t-elle été jugée conforme à l’obligation de diligence particulière dès lors que cette procédure a été activement conduite aussi bien avant qu’après l’adoption de mesures d’urgence (mutatis mutandis, ibidem, § 96). Or, en tenant compte de ce contexte inédit, la Cour est prête à accepter l’argument du gouvernement selon lequel la durée de la procédure n’a pas dépassé ce qui peut être considéré comme raisonnable.
49. Dans les circonstances particulières de la cause, la Cour estime ainsi que la période litigieuse ne peut être considérée comme excessive.
50. Eu égard à tous ces éléments, et tout en notant l’évolution intervenue en la matière dans la jurisprudence de la Cour de cassation (paragraphe 22 ci‑dessus), la Cour conclut à l’absence de violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Déclare, à l’unanimité, le grief tiré de l’article 5 § 3 recevable ;
2. Dit, par six voix contre une, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 février 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Martina Keller Carlo Ranzoni
Greffière adjointe Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Mits.
C.R.
M.K.
OPINION DISSIDENTE DU JUGE MITS
(Traduction)
1. Je ne puis malheureusement me rallier en l’espèce à la majorité de mes collègues. Je pense que la motivation fournie par les juridictions internes ne satisfait pas aux normes découlant de la Convention et qu’il y a eu, par conséquent, violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
2. Les principes généraux relatifs à la justification et à la durée d’une détention provisoire sont énoncés aux paragraphes 67 à 73 du récent arrêt rendu dans l’affaire Hasselbaink c. Pays-Bas (no 73329/16, 9 février 2021), auquel se réfère le paragraphe 30 du présent arrêt. Le principe qui se trouve au cœur de mon désaccord est ainsi libellé :
« 72. Lorsqu’elle exerce sa fonction sur ce point, la Cour doit s’assurer que les motifs avancés par les juridictions internes en faveur et en défaveur de la remise en liberté ne soient pas « généraux et abstraits » (...), mais qu’ils s’appuient sur des faits précis ainsi que sur les circonstances personnelles du requérant justifiant sa détention (...) »
3. En l’espèce, la première demande de mise en liberté provisoire fut rejetée le 14 février 2020. Se référant aux résultats de l’instruction, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg conclut à l’existence d’indices graves de culpabilité à la charge du requérant et estima que le danger de fuite était renforcé par la gravité des faits reprochés et l’absence d’attaches de l’intéressé au Luxembourg. Il justifia l’existence d’un risque de récidive par le sang-froid et la brutalité déployés au cours des faits reprochés au requérant (paragraphe 10 de l’arrêt). Celui-ci ne fit pas appel de cette décision.
4. La deuxième demande de mise en liberté provisoire fut rejetée le 14 mai 2020. Le requérant avait argué qu’il avait son domicile dans la région frontalière et qu’il disposait d’une promesse d’embauche. Le tribunal souligna l’existence d’indices graves de culpabilité à la charge du requérant et invoqua le danger de fuite, insistant sur la gravité des faits reprochés au prévenu, les peines encourues par lui et l’absence d’attaches de celui-ci au Luxembourg (paragraphes 12 et 13 de l’arrêt). Le 10 juin 2020, la Cour d’appel rejeta l’appel du requérant. Elle souscrivit à la motivation du tribunal de première instance et précisa en outre qu’une mise en liberté sous contrôle ou avec obligation de fournir un cautionnement n’était pas adaptée, « au vu de la situation personnelle du requérant » (paragraphe 14 de l’arrêt).
5. La troisième demande de mise en liberté provisoire fut rejetée le 11 septembre 2020. Le requérant avait plaidé l’absence d’un risque de fuite eu égard à la caution offerte par la famille à hauteur de 25 000 EUR et à un contrat de travail dans une entreprise luxembourgeoise. Il avait également sollicité des mesures alternatives à la détention provisoire, telles une mise sous contrôle judiciaire, une mise en liberté provisoire sous caution ou sous surveillance électronique. Pour rejeter la demande, le tribunal indiqua qu’il existait des indices graves de culpabilité à la charge du prévenu résultant de l’ordonnance de renvoi, que le danger de fuite existait au vu de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, et que le danger de récidive n’était pas à exclure au vu de « la situation sociale et personnelle précaire » de l’intéressé (paragraphes 15 et 16 de l’arrêt). Le 29 septembre 2020, la Cour d’appel rejeta l’appel du requérant. Elle souscrivit à la motivation ci-dessus et ajouta que le prévenu n’avait pas d’attaches au Luxembourg, que le seul fait qu’il eût présenté un contrat de travail n’était pas une garantie suffisante et qu’un placement sous contrôle judiciaire ou le versement d’une caution n’étaient pas susceptibles de contrecarrer efficacement le danger de fuite (paragraphe 17 de l’arrêt).
6. Quiconque lit ces décisions rejetant les demandes de mise en liberté provisoire formulées par le requérant se demande pourquoi précisément, après plus d’un an de privation de liberté, les risques de fuite et de récidive ont pesé plus lourd que la liberté et la présomption d’innocence de l’intéressé. Il en est ainsi parce que les motifs avancés dans les décisions en question sont « généraux et abstraits » et ne s’appuient pas sur les faits de l’espèce.
7. Il s’agit d’un problème récurrent dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour a ainsi précisé, dans le contexte des risques de fuite ou d’entrave à la justice, que les motifs justifiant un maintien en détention doivent être expliqués en détail :
« (...) La Cour rappelle à cet égard que les autorités ne peuvent justifier le maintien en détention par une simple référence à de tels risques ; elles doivent se référer à des faits précis concernant le comportement du requérant, sa situation personnelle, etc. (...) » (Alexanian c. Russie, no 46468/06, § 182, 22 décembre 2008)
8. En l’espèce, l’existence d’un risque de récidive a initialement été justifiée par le sang-froid et la brutalité déployés au cours des faits reprochés au requérant. Elle n’a pas été invoquée dans la deuxième décision de rejet de la demande de mise en liberté provisoire, mais dans la troisième décision, elle a été justifiée par « la situation sociale et personnelle précaire » du requérant. Si la première justification, bien que peu convaincante, avait le mérite d’être claire, la seconde est générale et ne permet aucune appréciation.
9. L’existence d’un risque de fuite a été justifiée, dans les trois décisions, par la gravité des faits reprochés au prévenu (et les peines encourues par lui), et par l’absence d’attaches de l’intéressé au Luxembourg. Pour rejeter la troisième demande, la Cour d’appel, répondant aux arguments soulevés par le requérant, a également ajouté que le contrat de travail présenté n’était pas une garantie suffisante contre la fuite et que les mesures moins intrusives proposées par l’intéressé n’étaient pas susceptibles de contrecarrer efficacement le danger de fuite. Le fait, par exemple, que le requérant s’était soustrait à la justice pendant plusieurs années ou que son lieu de résidence se trouvait dans la région frontalière entre la France et le Luxembourg n’a fait l’objet d’aucune appréciation, de même qu’il n’a pas été expliqué en quoi le versement d’une caution ou d’autres mesures moins intrusives ne pouvaient garantir que l’intéressé comparaîtrait effectivement à son procès. Les juridictions internes ne nous ont pas fourni suffisamment d’informations pour nous permettre de comprendre sur la base de quels faits elles se sont prononcées en faveur du maintien en détention.
10. La Cour a relevé deux éléments importants qui justifient la nécessité de fournir des motifs permettant de comprendre pourquoi il existe un intérêt public important à maintenir une personne en détention provisoire :
« (...) Seule une décision motivée des autorités en question peut démontrer aux parties qu’elles ont réellement été entendues, et permettre l’introduction de recours et un contrôle de la bonne administration de la justice par le public (...) » (Hasselbaink, précité, § 77)
Dès lors, une décision motivée est essentielle pour que le requérant puisse protéger sa liberté et que les autorités de poursuite puissent demander le placement en détention provisoire de l’intéressé. Elle est également déterminante pour que le public puisse exercer son contrôle sur la manière dont la justice est administrée par les tribunaux. De même, elle est déterminante pour que la Cour européenne des droits de l’homme puisse exercer sa fonction de contrôle puisqu’elle se prononce sur la base de ce qui est dit dans les décisions des juridictions internes et n’établit pas d’elle‑même les possibles motifs d’un maintien en détention.
11. Dans la présente affaire, il nous faut deviner si, lorsqu’elles ont statué sur les risques de fuite et de récidive, les juridictions internes ont pris en compte les informations plus générales tirées du dossier d’enquête (comme elles l’ont souligné en ce qui concerne les éléments de preuve de la culpabilité du requérant) et quels sont les faits qui ont fait pencher la balance en faveur du maintien en détention. La Cour de cassation a déjà conclu, dans une situation similaire, que faute d’avoir étayé la décision par laquelle ils avaient prononcé le maintien en détention, les juges avaient violé l’article 5 § 3 de la Convention (paragraphe 22 de l’arrêt).
12. Au vu de ce qui précède, j’estime que les motifs fournis en l’espèce par les juridictions internes pour justifier le maintien en détention du requérant, bien que pertinents, ne sauraient passer pour « suffisants ». Par conséquent, il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.