BURGAC AND OTHERS v. TURKIYE - 57407/19 (Article 8 - Right to respect for private and family life : Second Section Committee) French Text [2023] ECHR 944 (28 November 2023)


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European Court of Human Rights


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2023/944.html
Cite as: [2023] ECHR 944

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DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE BURGAÇ ET AUTRES c. TÜRKİYE

(Requête no 57407/19 et 17 autres -

voir liste en annexe)

 

 

 

 

 

ARRÊT
 

STRASBOURG

28 novembre 2023

 

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

 


En l'affaire Burgaç et autres c. Türkiye,

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

 Pauliine Koskelo, présidente,
 Lorraine Schembri Orland,
 Davor Derenčinović, juges,
et de Dorothee von Arnim, greffière adjointe de section,

Vu :

les requêtes dirigées contre la République de Türkiye dont la Cour a été saisie en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») par dix-huit ressortissants de cet État dont les noms et renseignements figurent dans la liste A en annexe (« les requérants »), aux dates qui y sont indiquées,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement turc (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. Hacı Ali Açıkgül, chef du service des droits de l'homme au ministère de la Justice de Türkiye, le grief tiré de l'article 8 de la Convention concernant l'enregistrement de la correspondance des requérants dans le système informatique UYAP et de déclarer irrecevable le surplus des requêtes,

les observations des parties,

la décision par laquelle la Cour a rejeté l'opposition du Gouvernement à l'examen des requêtes par un comité,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 novembre 2023,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

OBJET DE L'AFFAIRE


1.  Les présentes requêtes portent sur l'enregistrement de la correspondance des requérants, au cours de leur détention, dans le système informatique UYAP (« Ulusal Yargı Ağı Bilişim Sistemi » - Système Informatique du Réseau Judiciaire National).


2.  À l'époque des faits, les requérants étaient détenus au sein de différentes prisons en Türkiye.

3.  Au cours de leur détention, les requérants saisirent les instances judiciaires compétentes (juge de l'exécution et cour d'assises) pour demander qu'il soit mis un terme à la pratique consistant à enregistrer systématiquement leur correspondance - aussi bien celle qu'ils voulaient expédier que celle qui leur était envoyée - dans le système UYAP (voir, pour de plus amples informations sur cette pratique, Nuh Uzun et autres c. Turquie, nos 49341/18 et 13 autres, §§ 11-26, 29 mars 2022).

4.  Les juridictions internes ainsi saisies rejetèrent les demandes des requérants. Ensuite, la Cour constitutionnelle rejeta leurs recours individuels, estimant entre autres que leurs griefs tirés du droit au respect de la vie privée et/ou familiale et/ou de la correspondance étaient manifestement mal fondés.

APPRÉCIATION DE LA COUR

  1. JONCTION DES REQUÊTES


5.  Eu égard à la similarité de l'objet des requêtes, la Cour juge opportun de les examiner ensemble dans un arrêt unique.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION


6.  Les requérants allèguent que l'enregistrement de leur correspondance dans le système UYAP porte atteinte à leurs droits garantis par l'article 8 de la Convention.


7.  Le Gouvernement soulève les mêmes exceptions préliminaires que celles qu'il avait présentées dans les affaires Nuh Uzun et autres (précitée, §§ 29-34) et Dağlı et autres c. Türkiye ([comité], nos 25820/18 et 89 autres, §§ 7-8, 26 septembre 2023).


8.  Il indique également qu'il convient d'examiner les requêtes en ayant à l'esprit l'avis de dérogation communiqué le 21 juillet 2016 par la Türkiye au titre de l'article 15 de la Convention.


9.  En ce qui concerne les exceptions préliminaires du Gouvernement, la Cour rappelle avoir déjà rejeté les exceptions identiques dans les affaires Nuh Uzun et autres (précitée, §§ 40-44 et 82) et Dağlı et autres (précitée, §§ 10-13 et les affaires qui y sont citées). En l'espèce, la Cour ne voit aucune raison de s'écarter de ses conclusions tirées dans les affaires susmentionnées. La Cour rejette donc les exceptions préliminaires du Gouvernement.


10.  Constatant, par ailleurs, que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées ni irrecevables pour un autre motif visé à l'article 35 de la Convention, la Cour les déclare recevables.


11.  Quant au fond, la Cour rappelle avoir déjà conclu à la violation de l'article 8 de la Convention au motif que l'enregistrement de la correspondance des détenus dans le système UYAP ne pouvait être considéré comme ayant été « prévu par la loi » au sens de cette disposition (Nuh Uzun et autres, précité, §§ 79 à 99). Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne voit aucune raison de parvenir à une conclusion différente en l'espèce. Enfin, s'agissant de l'argument du Gouvernement tiré de l'avis de dérogation notifié au titre de l'article 15 de la Convention, la Cour considère que la mesure litigieuse, qui n'était pas « prévue par la loi », ne se justifie pas au regard des circonstances spéciales de l'état d'urgence (voir, mutatis mutandis, Baş c. Turquie, no 66448/17, § 161, 3 mars 2020, et Pişkin c. Turquie, no 33399/18, § 229, 15 décembre 2020).


12.  Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION


13.  Les requérants réclament divers montants au titre du dommage matériel et/ou moral qu'ils estiment avoir subi et des frais et dépens qu'ils disent avoir engagés devant les juridictions internes et/ou devant la Cour.


14.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.


15.  La Cour ne distingue aucun lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Elle rejette donc les demandes formulées à ce titre. La Cour estime, en outre, que le constat de violation figurant dans le présent arrêt fournit en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout préjudice moral subi par les requérants (voir également Nuh Uzun et autres, précité, § 111).


16.  Enfin, compte tenu des documents en sa possession, la Cour juge raisonnable d'allouer à chacun des requérants figurant dans la liste B en annexe la somme forfaitaire de 500 euros (EUR) à titre de frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt (voir également ibidem, § 114). En revanche, il convient de rejeter les autres prétentions des requérants présentées au titre des frais et dépens, eu égard à l'absence de justificatifs pertinents.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

  1. Décide de joindre les requêtes ;
  2. Déclare les requêtes recevables ;
  3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;
  4. Dit que le constat de violation vaut en lui-même satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral subi par les requérants ;
  5. Dit

a)    que l'État défendeur doit verser, dans un délai de trois mois, 500 EUR (cinq cents euros) à chacun des requérants figurant dans la liste B en annexe, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt, pour frais et dépens, à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

b)    qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

  1. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 novembre 2023, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

 

 Dorothee von Arnim Pauliine Koskelo
 Greffière adjointe  Présidente

 

 


Appendix

Liste des requêtes :

No.

Requête No

Nom de l'affaire

Introduite le

Requérant
Année de naissance
Lieu de résidence

Représenté par


1.

57407/19

Burgaç c. Türkiye

27/09/2019

Mustafa BURGAÇ
1975
Osmaniye

D. ERTUNÇ


2.

9853/20

Aksoy c. Türkiye

30/01/2020

Murat AKSOY
1974
Konya

M. ÖNCÜ


3.

34551/20

Avcı c. Türkiye

14/07/2020

Aytekin AVCI
1988
Osmaniye

D. ERTUNÇ


4.

48561/20

Sarıbey c. Türkiye

17/09/2020

Ali SARIBEY
1984
Osmaniye

 


5.

51093/20

Ilıkan c. Türkiye

05/11/2020

Akın Hamit ILIKAN
1976
Kocaeli

F.A. ARSLAN


6.

52113/20

Dibek c. Türkiye

13/11/2020

Mehmet Emin DİBEK
1976
Adana

A. SIRKINTI


7.

52870/20

Sıdar c. Türkiye

18/11/2020

Oğuz Cabbar SIDAR
1981
Adana

D. ERTUNÇ


8.

7646/21

Çetin c. Türkiye

22/01/2021

Önder ÇETİN
1983
Nevşehir

E. AKARYILDIZ


9.

7781/21

Yıldırım c. Türkiye

15/01/2021

Mustafa YILDIRIM
1968
Erzurum

M. YILMAZ


10.

8022/21

Özyurt c. Türkiye

20/01/2021

Sadık ÖZYURT
1981
Istanbul

E. AKARYILDIZ


11.

8041/21

Akelma c. Türkiye

25/01/2021

Enes AKELMA
1974
Diyarbakır

H. AKELMA


12.

8043/21

Çakır c. Türkiye

21/01/2021

Burhanettin ÇAKIR
1986
Osmaniye

M. YELBEY


13.

8172/21

Çelik c. Türkiye

15/01/2021

Celal ÇELİK
1978
Istanbul

A. KAHRAMAN


14.

8590/21

Acar c. Türkiye

10/12/2020

İsmail ACAR
1965
İzmir

E. AKARYILDIZ


15.

8944/21

Gökçe c. Türkiye

28/12/2020

İbrahim GÖKÇE
1981
Istanbul

E. AKARYILDIZ


16.

9567/21

Sancılı c. Türkiye

11/01/2021

Ömer SANCILI
1986
Tokat

E. AKARYILDIZ


17.

11488/21

Hamza c. Türkiye

12/02/2021

Muharrem HAMZA
1977
Bingöl

M. EKİNOĞLU


18.

39179/21

Kaygas c. Türkiye

06/07/2021

Mustafa KAYGAS
1988
Antalya

 

 

ANNEXE : LISTE B

Liste des requérants auxquels la Cour alloue la somme forfaitaire susmentionnée, à titre de frais et dépens

 

No.

Requête No

Requérant
 


1.

9853/20

Murat AKSOY


2.

51093/20

Akın Hamit ILIKAN


3.

52113/20

Mehmet Emin DİBEK


4.

7646/21

Önder ÇETİN


5.

8022/21

Sadık ÖZYURT


6.

8590/21

İsmail ACAR


7.

8944/21

İbrahim GÖKÇE


8.

9567/21

Ömer SANCILI

 


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