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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Orfanopoulos (Free movement of persons) French text [2004] EUECJ C-493/01 (29 April 2004)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2004/C49301.html
Cite as: EU:C:2004:262, ECLI:EU:C:2004:262, [2004] EUECJ C-493/01, [2004] EUECJ C-493/1

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IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
29 avril 2004 (1)


«Libre circulation des personnes - Ordre public - Directive 64/221/CEE - Décision d'éloignement motivée par des infractions à la législation pénale - Prise en compte de la durée du séjour et des conditions personnelles - Droits fondamentaux - Protection de la vie familiale - Prise en compte des circonstances intervenues entre la dernière décision des autorités administratives et l'examen, par une juridiction administrative, de la légalité de cette décision - Le droit de l'intéressé de faire valoir des considérations d'opportunité devant une autorité appelée à donner un avis»

Dans les affaires jointes C-482/01 et C-493/01,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour en application de l'article 234 CE, par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne), et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Georgios Orfanopoulos,

Natascha Or fanopoulos,

Melina Orfanopoulos,

Sofia Orfanopoulos

et

Land Baden- Württemberg (C-482/01),

et entre

Raffaele Oliveri

et

Land Baden-Württemberg (C-493/01),

des décisions à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 39, paragraphe 3, CE et 9, paragraphe 1, de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850) (C-482/01), et des articles 39 CE et 3 de cette même directive (C-493/01),



LA COUR (cinquième chambre),



composée de M. A. Rosas (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. A. La Pergola et S. von Bahr, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. et Mmes Orfanopoulos, par Me R. Gutmann, Rechtsanwalt,

- pour le Land Baden-Württemberg, par M. K.-H. Neher, Leitender Regierungsdirektor,

- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d'agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme C. O'Reilly, ainsi que par MM. D. Martin et W. Bogensberger, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. et Mmes Orfanopoulos, ainsi que de M. Oliveri, représentés par Me R. Gutmann, et de la Commission, représentée par M. W. Bogensberger, à l'audience du 12 juin 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 11 septembre 2003,

rend le présent



Arrêt



  1. Par ordonnances des 20 novembre et 4 décembre 2001, parvenues à la Cour respectivement les 13 décembre 2001 (affaire C-482/01) et 19 décembre 2001 (affaire C-493/01), le Verwaltungsgericht Stuttgart a posé, en vertu de l'article 234 CE, dans chaque affaire, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 39, paragraphe 3, CE et 9, paragraphe 1, de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850) (C-482/01), et des articles 39 CE et 3 de cette même directive (C-493/01).
  2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux litiges, l'un opposant M. Orfanopoulos, ressortissant hellénique, et ses enfants au Land Baden-Württemberg (affaire C-482/91) et l'autre opposant M. Olivieri, ressortissant italien, à cette même autorité (affaire C-493/01), au sujet de décisions d'expulsion du territoire allemand prises par le Regierungspräsidium Stuttgart (ci-après le «Regierungspräsidium»).
  3. Par ordonnance du 30 avril 2003, le président de la cinquième chambre de la Cour a, conformément à l'article 43 du règlement de procédure, ordonné la jonction des deux affaires aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

  4. Le cadre juridique

    La réglementation communautaire

  5. L'article 18, paragraphe 1, CE prévoit que tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité CE et par les dispositions prises pour son application.
  6. Conformément à l'article 39 CE:
  7. «1.     La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté.

    [...]

    3.       Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

    [...]

    b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,

    c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux,

    d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.

    [...]»

  8. L'article 46, paragraphe 1, CE, relatif à la liberté d'établissement et applicable dans le domaine de la libre prestation des services en vertu de l'article 55 CE, dispose que «[l]es prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique».
  9. La directive 64/221 vise, aux termes de son article 1er, les ressortissants d'un État membre qui séjournent ou se rendent dans un autre État membre de la Communauté, soit en vue d'exercer une activité salariée ou non salariée, soit en qualité de destinataires de services. Les dispositions de cette directive s'appliquent également au conjoint et aux membres de la famille d'un tel ressortissant, dans la mesure où ceux-ci répondent aux conditions des règlements et directives pris dans ce domaine en exécution du traité.
  10. La directive 64/221 concerne, selon son article 2, les dispositions relatives notamment à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour, ou à l'éloignement du territoire, qui sont prises par les États membres pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.
  11. L'article 3 de la directive 64/221 dispose:
  12. «1. Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu qui en fait l'objet.

    2. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures.

    [...]»

  13. Selon l'article 8 de la même directive:
  14. «L'intéressé doit pouvoir introduire contre la décision d'entrée, de refus de délivrance ou de refus de renouvellement du titre de séjour, ou contre la décision d'éloignement du territoire, les recours ouverts aux nationaux contre les actes administratifs.»

  15. Aux termes de l'article 9 de la directive 64/221:
  16. «1.     En l'absence de possibilités de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s'ils n'ont pas effet suspensif, la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d'éloignement du territoire d'un porteur d'un titre de séjour n'est prise par l'autorité administrative, à moins d'urgence, qu'après avis donné par une autorité compétente du pays d'accueil devant laquelle l'intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense et se faire assister ou représenter dans les conditions de procédure prévues par la législation nationale.

               Cette autorité doit être différente de celle qualifiée pour prendre la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d'éloignement.

    2.       Les décisions de refus de délivrance du premier titre de séjour ainsi que les décisions d'éloignement avant toute délivrance d'un tel titre sont soumises, à la demande de l'intéressé, à l'examen de l'autorité dont l'avis préalable est prévu au paragraphe 1. L'intéressé est alors autorisé à présenter en personne ses moyens de défense à moins que des raisons de sûreté de l'État ne s'y opposent.»

  17. En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26), les États membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d'autres dispositions du droit communautaire, ainsi qu'aux membres de leur famille tels qu'ils sont définis à l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, à condition qu'ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques dans l'État membre d'accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil.
  18. L'article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de la même directive prévoit que les États membres ne peuvent déroger aux dispositions de celle-ci que pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Dans ce cas, la directive 64/221 est applicable.
  19. La réglementation internationale

  20. La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), prévoit, à son article 8, le droit au respect de la vie privée et familiale.
  21. La réglementation nationale

  22. L'article 47, paragraphe 1, point 2, de l'Ausländergesetz (loi sur les étrangers, BGBl. 1990 I, p. 1354), dans la version du 16 février 2001 (BGBl. 2001 I, p. 266), prévoit qu'un ressortissant étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion dès lors qu'il a été condamné, conformément au Betäubungsmittelgesetz (loi sur les stupéfiants), ou en raison de troubles à la sécurité publique, à une peine exécutoire d'au moins deux ans alors qu'il était mineur ou à une peine privative de liberté et qu'il n'a pas été sursis à l'exécution de cette peine.
  23. L'article 47, paragraphe 2, point 1, de l'Ausländergesetz énumère les cas dans lesquels un ressortissant étranger doit, en principe, faire l'objet d'une mesure d'expulsion.
  24. L'article 47, paragraphe 3, de l'Ausländergesetz prévoit que, en principe, un étranger qui bénéficie d'une protection spéciale contre l'expulsion en vertu de l'article 48, paragraphe 1, de ladite loi fait l'objet d'une mesure d'expulsion dans les cas visés à l'article 47, paragraphe 1, de cette même loi.
  25. L'article 48, paragraphe 1, point 4, de l'Ausländergesetz prévoit une protection spéciale contre l'expulsion s'agissant des ressortissants étrangers qui vivent en communauté familiale avec un ressortissant allemand. La première phrase de ce même paragraphe énonce que ces ressortissants ne peuvent être éloignés du territoire que pour des motifs très sérieux liés à la sécurité et à l'ordre publics. Il existerait, conformément à la deuxième phrase de ce même paragraphe, de tels motifs dans les hypothèses énumérées à l'article 47, paragraphe 1, de cette loi.
  26. Il ressort des observations du gouvernement allemand que l'Aufenthaltsgesetz/EWG (loi relative au séjour des ressortissants des États membres de la Communauté européenne, BGBl. 1980 I, p. 116), dans la version du 27 décembre 2000 (BGBl. 2000 I, p. 2042), serait applicable, en tant que loi spéciale, aux ressortissants communautaires ainsi qu'aux membres de leur famille. Par conséquent, l'Ausländergesetz ne s'appliquerait aux étrangers qui bénéficient de la libre circulation en vertu du droit communautaire que dans la mesure où le droit communautaire et l'Aufenthaltsgesetz/EWG ne comportent pas de dispositions dérogatoires.
  27. L'article 12, paragraphes 1 et 3, de l'Aufenthaltsgesetz/EWG prévoit:
  28. «(1) Dans la mesure où la présente loi autorise la libre circulation et ne prévoit pas déjà des mesures restrictives dans les dispositions qui précèdent, l'interdiction initiale d'entrée, les mesures limitant la délivrance d'un titre de séjour/CE ou sa prorogation, telles que prévues aux articles 3, paragraphe 5, 12, paragraphe 1, deuxième phrase et 14 de l'Ausländergesetz ainsi que l'expulsion ou la reconduite à la frontière des personnes énumérées à l'article 1 ne sont légales que pour des motifs d'ordre public, de sécurité ou de santé publique (article 48, paragraphe 3, article 56, paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne). Les étrangers en possession d'un titre de séjour/CE à durée illimitée ne peuvent être expulsés que pour des motifs sérieux tenant à la sécurité ou à l'ordre public.

    [...]

    (3) Les décisions ou mesures mentionnées au paragraphe 1 ne doivent être prises que lorsqu'un étranger fournit un motif de le faire par son comportement personnel. Cette règle ne s'applique pas aux décisions ou mesures qui sont adoptées pour des motifs de protection de la santé publique.»

  29. Conformément à l'article 7, paragraphe 1, première phrase, de l'Ausländer- und Asylverfahrenzuständigkeitsverordnung (règlement sur la compétence des juridictions en matière de litiges relatifs aux étrangers et au droit d'asile), les Regierungspräsidien sont compétents pour expulser les étrangers qui ont commis des délits lorsque ceux-ci sont incarcérés sur ordre d'un juge ou se trouvent pour plus d'une semaine en détention provisoire.

  30. Les litiges au principal et les questions préjudicielles

    Affaire C-482/01

  31. M. Orfanopoulos, ressortissant hellénique, né en 1959, a passé les treize premières années de sa vie en Grèce. En 1972, il est entré sur le territoire allemand dans le cadre d'un regroupement familial. Il y a séjourné depuis, à l'exception d'une période de deux ans, durant laquelle il a accompli son service militaire en Grèce. En août 1981, il a épousé une ressortissante allemande. Trois enfants, qui sont les autres demandeurs dans le litige au principal, sont nés de ce mariage.
  32. Pendant ses séjours en Allemagne, M. Orfanopoulos a été en possession de titres de séjour à durée déterminée, le plus récent ayant été valable jusqu'au 12 octobre 1999. En novembre 1999, il a introduit une demande de prolongation de son permis de séjour.
  33. M. Orfanopoulos n'a aucune qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme. Il a exercé depuis 1981 différentes activités salariées. Les périodes de travail en question ont été interrompues par des périodes de chômage prolongé.
  34. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que M. Orfanopoulos est toxicomane. Il a été condamné à neuf reprises en raison d'infractions à la législation sur les stupéfiants et pour s'être livré à des actes de violence. En 1999, il a été incarcéré pendant six mois. En janvier 2000, il a été hospitalisé pour désintoxication et a ensuite entrepris, à deux reprises, une tentative de cure dans un établissement spécialisé. Dans ces deux cas, il a été renvoyé de l'établissement en question pour des motifs disciplinaires. Il purge, depuis septembre 2000, une peine de prison en application des jugements prononcés contre lui.
  35. Entre 1992 et 1998, M. Orfanopoulos a reçu à plusieurs reprises un avertissement sur les conséquences que son comportement pouvait avoir en application de la législation relative aux étrangers. En février 2001, le Regierungspräsidium a ordonné son expulsion et a rejeté sa demande de prolongation de permis de séjour. Il lui a été indiqué qu'il serait reconduit à la frontière lorsqu'il sortirait de prison.
  36. La décision d'expulsion était motivée par le nombre et par le degré de gravité des infractions commises par M. Orfanopoulos ainsi que par le risque concret de récidive dans l'avenir, en raison de sa dépendance à la drogue et à l'alcool. D'après le Regierungspräsidium, les conditions légales d'une expulsion obligatoire, en application de l'article 47, paragraphe 1, point 2, de l'Ausländergesetz, étaient remplies. Bien que M. Orfanopoulos bénéficiait, d'après cette autorité, d'une protection spéciale contre l'expulsion, prévue à l'article 48, paragraphe 1, point 4, de l'Ausländergesetz, la deuxième phrase de ce même paragraphe prévoirait que, en général, dans les cas pour lesquels l'article 47, paragraphe 1, point 2, de cette loi trouve à s'appliquer, il existe de graves raisons liées à la sécurité et à l'ordre publics. L'article 47, paragraphe 3, de l'Ausländergesetz aurait cependant pour effet d'atténuer l'obligation d'expulsion et de la transformer en une expulsion de principe.
  37. Le Regierungspräsidium a considéré que, compte tenu de la situation personnelle de M. Orfanopoulos, il n'y avait pas lieu d'appliquer les dispositions dérogatoires et que, même si l'on devait estimer que les conditions d'une dérogation étaient réunies, il y aurait lieu de l'expulser. Il aurait quelques connaissances de la langue grecque. L'intérêt général de la sécurité et de l'ordre publics serait plus important que son intérêt particulier à continuer à séjourner en Allemagne. Son expulsion serait, par conséquent, un moyen adapté pour atteindre l'objectif visé.
  38. Considérant que la décision d'expulsion prise par le Regierungspräsidium était basée sur des dispositions de l'Ausländergesetz incompatibles avec le droit communautaire, M. Orfanopoulos et ses trois enfants ont formé, le 21 mars 2001, un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi.
  39. Dans ces circonstances, le Verwaltungsgericht Stuttgart a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
  40. «1) La limitation de la liberté de circulation d'un ressortissant de l'Union européenne qui a séjourné de nombreuses années dans l'État membre d'accueil, ordonnée en raison d'une infraction au Betäubungsmittelgesetz pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, conformément à l'article 39, paragraphe 3, CE, est-elle conforme au droit communautaire lorsque l'on peut s'attendre au vu de son comportement personnel à ce qu'il récidive dans l'avenir et que l'on ne saurait attendre du conjoint de ce ressortissant et de ses enfants qu'ils vivent dans l'État d'origine de la personne en cause?

    2) L'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 [...] fait-il obstacle à une disposition nationale qui ne prévoit plus de procédure de réclamation comportant également un examen de l'opportunité d'une mesure à l'encontre d'une décision de l'autorité administrative relative à l'éloignement du territoire du titulaire d'un permis de séjour dès lors qu'aucune autorité indépendante de l'administration qui prend la décision n'a été mise en place.»

  41. Par lettre du 10 avril 2002, le conseil de M. et Mmes Orfanopoulos a informé le greffe de la Cour que, par ordonnance du 28 mars 2002, le Landesgericht Heilbronn (Allemagne) a remis M. Orfanopoulos en liberté sous condition de non-récidive.
  42. Affaire C-493/01

  43. M. Oliveri, ressortissant italien, est né en Allemagne en 1977. Il y a séjourné depuis sa naissance de manière ininterrompue. Il n'a pas obtenu de diplôme de fin d'études.
  44. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que M. Oliveri est toxicomane depuis plusieurs années. En raison de cette toxicomanie, il a été contaminé par le virus HIV et a contracté une hépatite C chronique. Il ne s'est pas présenté pour une cure de désintoxication qui aurait dû commencer en mai 1999.
  45. M. Oliveri a commis de nombreuses infractions et a déjà fait l'objet de sanctions pénales pour vols et commerce illicite de stupéfiants. En novembre 1999, il a été incarcéré. La condamnation pénale a ensuite été suspendue pour la durée d'un traitement dans un établissement de soins hospitaliers. M. Oliveri a cependant interrompu ce traitement et il a été mis fin au sursis. En avril 2000, il a été à nouveau arrêté et se trouve depuis lors incarcéré.
  46. En mai 1999, M. Oliveri a reçu un avertissement sur les conséquences que son comportement pouvait avoir en application de la législation allemande relative aux étrangers. En août 2000, le Regierungspräsidium a ordonné son expulsion et a menacé de le reconduire vers l'Italie sans lui fixer de délai pour un départ volontaire. La décision d'expulsion était motivée par la fréquence et l'importance des infractions commises par M. Oliveri, ainsi que par le risque concret de récidive dans l'avenir, en raison de sa dépendance à la drogue. Le fait qu'il a laissé passer deux occasions de suivre une cure de désintoxication montrerait qu'il n'est pas désireux, ou qu'il n'est pas en mesure, de mener un tel traitement à bien. M. Oliveri remplirait les conditions énoncées à l'article 47, paragraphe 1, point 2, de l'Ausländergesetz en vertu desquelles l'expulsion est obligatoire. En revanche, il ne remplirait pas les conditions ouvrant droit à une protection spéciale telle que celle prévue à l'article 48, paragraphe 1, de cette même loi.
  47. D'après le Regierungspräsidium, M. Oliveri a vécu jusqu'à son arrestation avec ses parents mais son comportement délictueux montrerait que ses liens avec ceux-ci s'étaient déjà relâchés. Le fait qu'il ait été contaminé par le virus HIV n'impliquerait pas qu'il dépende absolument de l'aide de ses parents. Il y aurait lieu de supposer qu'il a des connaissances de base de la langue italienne. L'expulsion ne serait pas disproportionnée par rapport à l'objectif visé.
  48. Le 25 septembre 2000, M. Oliveri a formé un recours devant le Verwaltungsgericht Stuttgart contre la décision du Regierungspräsidium. Le risque de récidive n'existerait plus parce qu'il aurait gagné en maturité dans l'intervalle, à la suite de la vie difficile qu'il a menée en prison. Il souhaiterait se soumettre à une cure de désintoxication.
  49. Il ressort du dossier que le service médical de l'hôpital de l'établissement pénitentiaire de Hohenasperg (Allemagne) a fait savoir, par lettre du 20 juin 2001, que M. Oliveri est très gravement malade et qu'il devrait bientôt succomber à sa maladie. Il serait à craindre qu'il ne recevrait pas les soins médicaux appropriés et nécessaires en Italie.
  50. Dans ces circonstances, le Verwaltungsgericht Stuttgart a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
  51. «1) L'article 39 du traité CE et l'article 3 de la directive 64/221 [...] s'opposent-ils à une réglementation nationale qui impose de manière contraignante aux autorités compétentes d'ordonner l'expulsion de ressortissants d'autres États membres qui ont fait l'objet d'une condamnation pénale pour mineurs d'au moins deux ans ou d'une condamnation à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle au Betäubungsmittelgesetz si l'exécution de la peine n'a pas été assortie d'un sursis.

    2) L'article 3 de la directive 64/221 [...] doit-il être interprété en ce sens que les juridictions nationales doivent prendre en considération des éléments de fait ainsi qu'une évolution positive de la personne concernée intervenus après la dernière décision des autorités compétentes lorsqu'elles vérifient si l'expulsion d'un ressortissant communautaire est légale ou non.»


    Observations liminaires

  52. Il y a lieu de présenter, pour les deux affaires, trois observations liminaires communes sur la description de la réglementation nationale dans laquelle s'inscrivent les questions préjudicielles, sur la réglementation communautaire applicable et sur l'ordre dans lequel il convient d'examiner ces deux affaires.
  53. Tout d'abord, en ce qui concerne la réglementation nationale, il y a lieu de relever que le gouvernement allemand a contesté la description de cette réglementation faite par le Verwaltungsgericht Stuttgart dans les deux ordonnances de renvoi.
  54. À cet égard, il suffit de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, sur l'interprétation des dispositions nationales et de juger si l'interprétation qu'en donne la juridiction de renvoi est correcte (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Corsten, C-58/98, Rec. p. I-7919, point 24). En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (voir arrêts du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. p. I-8089, point 10, et du 13 novembre 2003, Neri, C-153/02, non encore publié au Recueil, points 34 et 35).
  55. Dès lors, il y a lieu d'examiner les questions préjudicielles dans le cadre réglementaire tel que défini par le Verwaltungsgericht Stuttgart.
  56. Par ailleurs, à supposer même que le cadre juridique national, tel qu'il est exposé par le gouvernement allemand, soit correct, il apparaît que les questions posées par le Verwaltungsgericht Stuttgart gardent leur pertinence, eu égard aux indications découlant de l'ordonnance de renvoi, relatives à la pratique administrative qui, selon cette juridiction, est suivie par les autorités compétentes.
  57. Il appartient, en tout état de cause, à la juridiction de renvoi, qui est saisie du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, de vérifier le bien-fondé de l'interprétation qu'elle fait du cadre juridique national et l'exactitude des indications relatives à ladite pratique administrative.
  58. Ensuite, en ce qui concerne la réglementation communautaire, il convient de constater que la juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle l'article 18 CE, relatif à la citoyenneté européenne, l'article 39 CE, qui institue le principe de la libre circulation des travailleurs, ainsi que la directive 64/221, trouvent à s'appliquer dans les circonstances des deux litiges au principal. Le droit à la libre circulation de MM. Orfanopoulos et Oliveri résulterait directement de l'article 18 CE. Ceux-ci relèveraient également du champ d'application de la directive 64/221, étant donné qu'ils séjourneraient en Allemagne avec l'intention d'y exercer une activité salariée.
  59. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en l'état actuel du droit communautaire, le droit des ressortissants d'un État membre de circuler et de séjourner sur le territoire d'un autre État membre n'est pas inconditionnel. Cela découle, d'une part, des dispositions en matière de libre circulation des personnes et des services contenues au titre III de la troisième partie du traité, à savoir les article 39 CE, 43 CE, 46 CE, 49 CE et 55 CE, ainsi que des dispositions du droit dérivé prises pour leur application et, d'autre part, des dispositions de la deuxième partie du traité, et plus spécialement de l'article 18 CE, qui, tout en accordant aux citoyens de l'Union le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, renvoie expressément aux limitations et conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application (voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 2000, Kaba I, C-356/98, Rec. p. I-2623, point 30, et du 6 mars 2003, Kaba II, C-466/00, Rec. p. I-2219, point 46).
  60. Pour ce qui est des limitations et conditions prévues par le traité ainsi que par les dispositions prises pour son application, il importe de rappeler notamment les dispositions de la directive 90/364 et les dispositions du droit dérivé portant sur les travailleurs migrants.
  61. En ce qui concerne les travailleurs migrants ressortissants d'un État membre, il convient de relever que leur droit de séjour est subordonné au maintien de la qualité de travailleur ou, le cas échéant, de personne à la recherche d'un emploi (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89, Rec. p. I-745, point 22), sauf s'ils tirent ce droit d'autres dispositions du droit communautaire (voir arrêt Kaba II, précité, point 47).
  62. Il convient d'ajouter que, pour ce qui est plus spécialement des détenus ayant exercé un emploi avant leur détention, le fait que la personne concernée n'a pas été présente sur le marché de l'emploi pendant ladite détention n'implique pas, en principe, qu'elle n'aurait pas continué d'appartenir au marché régulier de l'emploi de l'État membre d'accueil pendant cette période, à condition qu'elle retrouve un emploi dans un temps raisonnable après sa libération (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2000, Nazli, C-340/97, Rec. p. I-957, point 40).
  63. Il apparaît que M. Orfanopoulos a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et a exercé plusieurs activités salariées sur le territoire allemand. Dans de telles conditions, il convient de constater que l'article 39 CE et la directive 64/221 trouvent à s'appliquer dans des circonstances telles que celles du litige au principal dans l'affaire C-482/01.
  64. Quant à l'affaire C-493/01, les renseignements dont la Cour dispose ne lui permettent pas d'établir avec certitude si M. Oliveri peut s'appuyer sur les dispositions de l'article 39 CE ou sur d'autres dispositions du traité et du droit dérivé relatives à la libre circulation des personnes ou à la libre prestation des services.
  65. En revanche, il est constant que, en sa qualité de citoyen de l'Union, M. Oliveri dispose aux termes de l'article 18 CE, du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application.
  66. Dans de telles conditions, il appartient à la juridiction de renvoi d'établir sur quelles dispositions du droit communautaire, outre l'article 18, paragraphe 1, CE, un ressortissant d'un État membre tel que M. Oliveri peut, le cas échéant, s'appuyer dans les circonstances du litige ayant donné lieu à l'affaire C-493/01. À cet égard, il incombe en particulier à celle-ci de vérifier si l'intéressé relève du champ d'application de l'article 39 CE, soit en qualité de travailleur, soit en tant qu'autre personne pouvant bénéficier, en vertu des dispositions du droit dérivé prises pour l'application de cet article, de la libre circulation, ou s'il peut s'appuyer sur d'autres dispositions du droit communautaire, telles que la directive 90/364 ou l'article 49 CE qui s'applique notamment aux destinataires de services.
  67. Il convient de relever que la directive 64/221 trouve à s'appliquer dans tous les cas de figure visés au précédent point du présent arrêt. Pour ce qui est plus particulièrement de la directive 90/364, il importe de rappeler les dispositions de son article 2, paragraphe 2.
  68. Enfin, quant à l'ordre d'examen des deux affaires, il convient de relever que la juridiction de renvoi interroge la Cour, dans le cadre de l'affaire C-493/01, sur la conformité avec le droit communautaire d'une disposition nationale qui prescrit aux autorités compétentes d'expulser des ressortissants d'autres États membres qui ont été condamnés à certaines peines pour des délits spécifiques. Or, plusieurs intéressés, qui ont soumis des observations écrites dans l'affaire C-482/01, considèrent que cette question ou, en tout état de cause, une question similaire se pose également dans le cadre de cette dernière affaire.
  69. Dans de telles conditions, il convient d'examiner, tout d'abord, l'affaire C-493/01 et, ensuite, l'affaire C-482/01.

  70. Sur les questions préjudicielles

    Affaire C-493/01

    Sur la première question

    - Portée de la question

  71. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si les articles 39, paragraphe 3, CE et 3 de la directive 64/221 s'opposent à une réglementation nationale qui impose aux autorités compétentes d'ordonner l'expulsion de ressortissants d'autres États membres qui ont fait l'objet d'une condamnation pénale pour mineurs d'au moins deux ans ou d'une condamnation à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle à la loi sur les stupéfiants, si l'exécution de la peine n'a pas été assortie d'un sursis.
  72. Il découle du dossier que, par sa question, la juridiction de renvoi vise l'article 47, paragraphe 1, de l'Ausländergesetz (obligation d'expulsion), qui constitue la base juridique de la décision d'expulsion prise à l'encontre de M. Oliveri.
  73. - Observations soumises à la Cour

  74. Le gouvernement italien et la Commission considèrent que l'article 39, paragraphe 3, CE et la directive 64/221 font obstacle à une expulsion obligatoire, dans la mesure où une telle expulsion n'accorde pas de marge d'appréciation.
  75. D'après le gouvernement allemand, il n'existe pas, selon le droit national en vigueur, de procédure d'expulsion automatique ou sommaire. La vérification du caractère proportionnel d'une décision d'expulsion serait assurée en vertu de l'application combinée des articles 47, paragraphe 1, point 2, et 48, paragraphe 1, point 4, de l'Ausländergesetz, ainsi que de l'article 12 de l'Aufenthaltsgesetz/EWG.
  76. - Réponse de la Cour

  77. Il convient de rappeler que le principe de la libre circulation des travailleurs, consacré à l'article 39 CE, fait partie des fondements de la Communauté (voir, entre autres, arrêt du 3 juin 1986, Kempf, 139/85, Rec. p. 1741, point 13). Il est constant qu'une mesure d'expulsion du territoire applicable à des ressortissants d'autres États membres constitue une entrave à l'exercice de cette liberté. Néanmoins, une telle entrave peut être justifiée, en vertu du paragraphe 3 de cet article et de la directive 64/221, pour des motifs d'ordre public (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1997, Shingara et Radiom, C-65/95 et C-111/95, Rec. p. I-3343, point 28).
  78. En l'occurrence, il convient d'examiner si l'obligation d'ordonner l'expulsion de ressortissants d'autres États membres qui ont été condamnés à certaines peines pour des délits spécifiques peut être justifiée pour des motifs d'ordre public.
  79. À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de la libre circulation des travailleurs doit être interprété largement (voir, en ce sens, arrêts Antonissen, précité, point 11, et du 20 février 1997, Commission/Belgique, C-344/95, Rec. p. I-1035, point 14), tandis que les dérogations à celui-ci doivent être, au contraire, d'interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêts du 4 décembre 1974, Van Duyn, 41/74, Rec. p. 1337, point 18; du 26 février 1975, Bonsignore, 67/74, Rec. p. 297, point 6; Kempf, précité, point 13, et du 9 novembre 2000, Yiadom, C-357/98, Rec. p. I-9265, point 24).
  80. Il y a lieu d'ajouter qu'une interprétation particulièrement restrictive des dérogations à cette liberté est exigée par le statut de citoyen de l'Union. Ainsi que la Cour l'a constaté, ce statut a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31, et du 23 mars 2004, Collins, C-138/02, non encore publié au Recueil, point 61).
  81. Pour ce qui est des mesures d'ordre public, il ressort de l'article 3 de la directive 64/221 que, pour être justifiées, celles-ci doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu qui en fait l'objet. Il est précisé dans cette même disposition que la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement justifier ces mesures. Ainsi que la Cour l'a constaté, notamment dans son arrêt du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, Rec. p. 1999, point 35), la notion d'ordre public suppose l'existence, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, d'une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.
  82. S'il est vrai qu'un État membre peut considérer que l'usage de stupéfiants constitue un danger pour la société de nature à justifier des mesures spéciales à l'encontre des étrangers qui enfreignent la législation sur les stupéfiants, l'exception d'ordre public doit cependant être interprétée de manière restrictive, de sorte que l'existence d'une condamnation pénale ne peut justifier une expulsion que dans la mesure où les circonstances qui ont donné lieu à cette condamnation font apparaître l'existence d'un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l'ordre public (voir, notamment, arrêt du 19 janvier 1999, Calfa, C-348/96, Rec. p. I-11, points 22 à 24).
  83. La Cour en a conclu que le droit communautaire s'oppose à l'expulsion d'un ressortissant d'un État membre fondée sur des motifs de prévention générale, à savoir qui a été décidée dans un but de dissuasion à l'égard d'autres étrangers (voir, notamment, arrêt Bonsignore, précité, point 7), en particulier lorsque cette mesure a été prononcée de manière automatique à la suite d'une condamnation pénale, sans tenir compte du comportement personnel de l'auteur de l'infraction ni du danger qu'il représente pour l'ordre public (voir arrêts précités Calfa, point 27, et Nazli, point 59).
  84. Or, il convient de rappeler que la question posée par la juridiction de renvoi vise une réglementation nationale qui impose l'expulsion du territoire des ressortissants d'autres États membres ayant été condamnés à certaines peines pour des délits spécifiques.
  85. Force est de constater que, dans de telles conditions, l'expulsion du territoire est prononcée de manière automatique à la suite d'une condamnation pénale, sans tenir compte du comportement personnel de l'auteur de l'infraction ni du danger qu'il représente pour l'ordre public.
  86. Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que, pour autant qu'il se confirme que le requérant au principal relève bien du champ d'application de l'une des dispositions de droit communautaire visées au point 54 du présent arrêt qui conduisent à appliquer la directive 64/221, ce dont il appartient à la juridiction nationale de s'assurer, celles-ci, et notamment l'article 3 de ladite directive s'opposent à une réglementation nationale qui impose aux autorités nationales d'ordonner l'expulsion du territoire des ressortissants d'autres États membres ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour mineurs d'au moins deux ans ou d'une condamnation à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle à la loi sur les stupéfiants, si l'exécution de la peine n'a pas été assortie d'un sursis.
  87. Sur la seconde question

    - Portée de la question

  88. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3 de la directive 64/221 s'oppose à une pratique nationale selon laquelle les juridictions d'un État membre ne sont pas censées prendre en considération, en vérifiant la légalité de lルexpulsion ordonnée à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre, des éléments de fait, ainsi qu'une évolution positive de ce ressortissant, intervenus après la dernière décision des autorités compétentes.
  89. La juridiction de renvoi avance que, en application de la jurisprudence constante du Bundesverwaltungsgericht (Allemagne), les tribunaux nationaux ne peuvent et ne doivent se fonder sur des éléments de preuves qui sont apparus depuis la dernière décision prise par l'administration que lorsque ces éléments vont dans le sens de la décision prise par les autorités compétentes. Ce principe impliquerait, dans les circonstances du litige au principal, que ne pourrait pas être pris en considération l'argument que M. Oliveri a fait valoir au cours de la procédure, à savoir qu'il avait développé désormais le sida et qu'il y avait lieu de s'attendre à ce qu'il décède prochainement.
  90. M. Oliveri a également soutenu devant les autorités nationales qu'il n'existait plus de risque de récidive parce qu'il a gagné en maturité à la suite de la vie difficile qu'il a menée en prison.
  91. - Observations soumises à la Cour

  92. Le gouvernement italien et la Commission proposent d'apporter une réponse affirmative à la question. La Commission invoque notamment l'arrêt du 22 mai 1980, Santillo (131/79, Rec. p. 1585), dont il ressortirait que le tribunal ou l'autorité concernée devrait au moins tenir compte d'une évolution positive et, ainsi, de la suspension de la menace réelle, s'il s'est écoulé un long délai entre la date de la décision d'expulsion, d'une part, et celle de l'appréciation de cette décision par la juridiction compétente, d'autre part.
  93. Le gouvernement allemand soutient la thèse inverse. Il considère que la légalité d'une décision d'expulsion ne peut être appréciée qu'au regard de la situation concrète et des règles juridiques applicables au moment où la dernière décision est prise par l'administration, étant donné que cette dernière ne saurait tenir compte dans sa décision de développements ultérieurs concrets. Il fait cependant valoir que certains instruments permettent de tenir compte de faits nouveaux ou d'une évolution positive de la personne concernée depuis la date de la dernière décision de l'administration, tels que la prise en considération d'éléments de nature à représenter un obstacle à l'expulsion lors de l'exécution de celle-ci.
  94. - Réponse de la Cour

  95. Il convient de rappeler que, aux fins de décider si un ressortissant d'un autre État membre peut être expulsé dans le cadre de l'exception tirée des raisons d'ordre public, les autorités nationales compétentes doivent déterminer au cas par cas si la mesure ou les circonstances qui ont donné lieu à cette condamnation font apparaître l'existence d'un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l'ordre public (voir, notamment, arrêt Calfa, précité, point 22). Ainsi que le relève Mme l'avocat général au point 126 de ses conclusions, il ne résulte ni du libellé de l'article 3 de la directive 64/221, ni de la jurisprudence de la Cour, des indications plus précises en ce qui concerne la date à retenir pour déterminer le caractère «actuel» de la menace.
  96. Il est constant que ne saurait être exclue, en pratique, la possibilité que surgissent entre, d'une part, la date de la décision d'expulsion et, d'autre part, celle de son appréciation par la juridiction compétente, des circonstances impliquant une disparition ou une diminution non négligeable de la menace que constituerait, pour l'ordre public, le comportement de la personne ayant fait l'objet d'une décision d'expulsion.
  97. Or, ainsi qu'il ressort des points 64 et 65 du présent arrêt, les dérogations au principe de la libre circulation des travailleurs doivent être d'interprétation stricte, si bien que la condition relative à l'existence d'une menace actuelle doit en principe être remplie à l'époque où intervient l'expulsion.
  98. S'il est vrai qu'il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, il n'en demeure pas moins que ces modalités ne doivent pas être de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (voir, en ce sens, notamment arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33/76, Rec. p. 1989, point 5, et du 9 décembre 2003, Commission/Italie, C-129/00, non encore publié au Recueil, point 25).
  99. Une pratique nationale telle que celle décrite dans l'ordonnance de renvoi est susceptible de porter préjudice au droit à la libre circulation dont bénéficient les ressortissants des État membres, et notamment au droit de ceux-ci de ne faire l'objet de mesures d'expulsion que dans des cas extrêmes prévus par la directive 64/221. Cette constatation vaut tout particulièrement s'il s'est écoulé un long délai entre, d'une part, la date de la décision d'expulsion de l'intéressé et, d'autre part, celle de l'appréciation de cette décision par la juridiction compétente.
  100. Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l'article 3 de la directive 64/221 s'oppose à une pratique nationale selon laquelle les juridictions nationales ne sont pas censées prendre en considération, en vérifiant la légalité de l'expulsion ordonnée à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre, des éléments de fait intervenus après la dernière décision des autorités compétentes pouvant impliquer la disparition ou la diminution non négligeable de la menace actuelle que constituerait, pour l'ordre public, le comportement de la personne concernée. Tel est le cas surtout s'il s'est écoulé un long délai entre la date de la décision d'expulsion, d'une part, et celle de l'appréciation de cette décision par la juridiction compétente, d'autre part.
  101. Affaire C-482/01

    Sur la première question

    - Portée de la question

  102. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si la limitation de la liberté de circulation d'un ressortissant communautaire qui a séjourné de nombreuses années dans l'État membre d'accueil, ordonnée en invoquant la dérogation d'ordre public visée à l'article 39, paragraphe 3, CE, est conforme au droit communautaire lorsqu'il peut être attendu, au vu de son comportement personnel, à ce qu'il récidive et qu'il ne saurait être attendu du conjoint de ce ressortissant et de ses enfants qu'ils vivent dans l'État d'origine dudit ressortissant.
  103. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que M. Orfanopoulos remplit les conditions d'une expulsion obligatoire telle que celle prévue à l'article 47, paragraphe 1, de l'Ausländergesetz. Néanmoins, dans la mesure où il vit en communauté familiale avec une ressortissante allemande, il bénéficie de la protection spéciale prévue à l'article 48, paragraphe 1, de cette même loi. Dans de telles conditions, l'article 47, paragraphe 3, de l'Ausländergesetz a pour effet de transformer l'obligation d'expulsion en une expulsion de principe.
  104. La juridiction de renvoi ne met pas en cause la compatibilité, avec le droit communautaire, de la base juridique de la décision d'expulsion prise à l'encontre de M. Orfanopoulos. En effet, elle fait remarquer que l'autorité administrative compétente est arrivée, à la suite d'un examen des circonstances de l'espèce et notamment de la dangerosité de l'intéressé pour la société, à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu d'écarter la présomption établie par l'article 47, paragraphe 1, point 2, de l'Ausländergesetz. La juridiction de renvoi s'interroge plutôt sur la question de savoir si, compte tenu du séjour prolongé de M. Orfanopoulos en Allemagne, de l'importance spécifique du principe de la libre circulation en droit communautaire et de la protection de la vie familiale, l'expulsion de celui-ci est compatible avec les principes généraux du droit communautaire, notamment avec le principe de proportionnalité. Plusieurs intéressés ayant soumis des observations écrites mettent néanmoins en cause la compatibilité de ladite base juridique avec le droit communautaire.
  105. - Observations soumises à la Cour

  106. M. et Mmes Orfanopoulos, le gouvernement italien, ainsi que la Commission considèrent qu'il y a lieu de savoir, à titre liminaire, si une disposition nationale qui prévoit une expulsion de principe, s'agissant des ressortissants d'autres États membres qui ont été condamnés à certaines peines pour des délits spécifiques, est conforme au droit communautaire. Ils considèrent que tel n'est pas le cas.
  107. Le gouvernement allemand relève des lacunes dans la description de la réglementation nationale contenue dans l'ordonnance de renvoi et soutient que la question préjudicielle n'est pas pertinente étant donné qu'il n'existerait pas, selon le droit national en vigueur, de procédure d'expulsion automatique ou sommaire. En outre, il rappelle qu'il n'appartient pas à la Cour de vérifier, dans le cadre d'une procédure préjudicielle, la légalité et la proportionnalité d'une mesure nationale. Le Land Baden-Württemberg se rallie à cette dernière position.
  108. Pour ce qui est de la question posée par la juridiction de renvoi, M. et Mmes Orfanopoulos, le gouvernement italien, ainsi que la Commission considèrent que les dérogations au principe de la libre circulation prévues par le droit communautaire doivent être appréciées dans le respect du droit à la protection de la vie familiale. La réglementation nationale en cause ne pourrait bénéficier de l'exception tirée des raisons d'ordre public, prévue à l'article 39, paragraphe 3, CE et spécifiée par la directive 64/221, que si cette réglementation est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect.
  109. Ces principes ne sont pas contestés par le gouvernement allemand. Il soutient, néanmoins, que le droit national applicable a suffisamment tenu compte des impératifs résultant du principe de proportionnalité et de l'importance spécifique de la libre circulation des personnes en droit communautaire, ainsi que des droits fondamentaux y afférents, tels que le respect de la vie familiale.
  110. - Réponse de la Cour

  111. Bien que la question posée parte de la prémisse selon laquelle, dans le cas de l'affaire au principal, il a été tenu compte du comportement personnel de la personne faisant l'objet d'une décision d'expulsion, il convient d'examiner, à titre liminaire, ainsi que l'ont proposé plusieurs intéressés ayant soumis des observations, la question de savoir si l'article 39 CE et la directive 64/221 s'opposent à une législation nationale qui prévoit une expulsion de principe s'agissant des ressortissants d'autres États membres, condamnés à certaines peines pour des délits spécifiques, qui bénéficient d'une protection spéciale au motif qu'ils vivent en communauté familiale avec un ressortissant allemand.
  112. À cet égard, il convient de relever, ainsi qu'il ressort du point 71 du présent arrêt, que les articles 39 CE et 3 de la directive 64/221 s'opposent à une réglementation nationale qui impose aux autorités nationales d'ordonner l'expulsion du territoire des ressortissants d'autres États membres ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour mineurs d'au moins deux ans ou d'une condamnation à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle à la loi sur les stupéfiants, si l'exécution de la peine n'a pas été assortie d'un sursis.
  113. En l'occurrence, il apparaît, à première vue, que malgré la prise en compte des circonstances d'ordre familial, il existe, dans le système d'expulsion décrit dans l'ordonnance de renvoi, un certain automatisme ou, en tout état de cause, une présomption que le ressortissant concerné doit être expulsé. Ainsi qu'il ressort de l'article 48, paragraphe 1, première phrase, de l'Ausländergesetz, les bénéficiaires d'une protection spéciale ne peuvent être éloignés du territoire que pour des motifs très sérieux liés à la sécurité et à l'ordre publics. Il existerait toutefois, conformément à la deuxième phrase de ce même paragraphe, de tels motifs dans les hypothèses énumérées à l'article 47, paragraphe 1, de cette loi.
  114. S'il se confirme que le système en cause a bien une telle portée, il convient de constater que celui-ci implique que l'expulsion du territoire d'un ressortissant d'un autre État membre qui a été condamné à une certaine peine pour des délits spécifiques est prononcée, malgré la prise en compte des considérations d'ordre familial, en se basant sur la présomption que celui-ci doit être expulsé, sans qu'il soit proprement tenu compte de son comportement personnel ni du danger qu'il représente pour l'ordre public.
  115. Il s'ensuit qu'un tel système est contraire aux articles 39 CE et 3 de la directive 64/221.
  116. Pour ce qui est de la question posée par la juridiction de renvoi, il convient de rappeler que l'examen effectué au cas par cas par les autorités nationales de l'existence éventuelle d'un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l'ordre public et, le cas échéant, de la question de savoir où se situe le juste équilibre entre les intérêts légitimes en présence doit se faire dans le respect des principes généraux du droit communautaire.
  117. Il importe de relever qu'il appartient à l'autorité nationale compétente de tenir compte, en appréciant où se situe le juste équilibre entre les intérêts légitimes en présence, de la condition juridique spéciale des personnes relevant du droit communautaire et du caractère fondamental du principe de la libre circulation des personnes (voir, en ce sens, arrêt Bouchereau, précité, point 30).
  118. En outre, il doit être tenu compte des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect. En effet, des motifs d'intérêt général ne sauraient être invoqués pour justifier une mesure nationale qui est de nature à entraver l'exercice de la libre circulation des travailleurs que lorsque la mesure en question tient compte de tels droits (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 43; du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 24, et du 11 juillet 2002, Carpenter, C-60/00, Rec. p. I-6279, point 40).
  119. Il convient de rappeler, dans ce contexte, qu'a été reconnue, dans le cadre du droit communautaire, l'importance d'assurer la protection de la vie familiale des ressortissants communautaires afin d'éliminer les obstacles à l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité. Il est constant qu'exclure une personne du pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale tel qu'il est protégé par l'article 8 de la CEDH, lequel fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, sont protégés dans l'ordre juridique communautaire (voir arrêt Carpenter, précité, point 41).
  120. Enfin, il importe de souligner la nécessité de respecter le principe de proportionnalité. Pour apprécier si l'ingérence envisagée est proportionnée au but légitime poursuivi, en l'occurrence la protection de l'ordre public, il convient de prendre en compte notamment la nature et la gravité de l'infraction commise par l'intéressé, la durée de son séjour dans l'État membre d'accueil, la période qui s'est écoulée depuis la perpétration de l'infraction, la situation familiale de l'intéressé et la gravité des difficultés que risquent de connaître le conjoint et leurs enfants éventuels dans le pays d'origine de l'intéressé (voir, en ce qui concerne l'article 8 de la CEDH, Cour eur. D. H., arrêt Boultif c. Suisse du 2 août 2001, Recueil des arrêts et décisions, § 48).
  121. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question et à la question liminaire soulevée dans le cadre de celle-ci que:
  122. - les articles 39 CE et 3 de la directive 64/221 s'opposent à une législation ou à une pratique nationale selon laquelle l'expulsion du territoire d'un ressortissant d'un autre État membre qui a été condamné à une certaine peine pour des délits spécifiques est prononcée, malgré la prise en compte des considérations d'ordre familial, en se basant sur la présomption que celui-ci doit être expulsé, sans qu'il soit proprement tenu compte de son comportement personnel ni du danger qu'il représente pour l'ordre public;

    - en revanche, l'article 39 CE et la directive 64/221 ne s'opposent pas à l'expulsion d'un ressortissant d'un État membre qui a été condamné à une certaine peine pour des délits spécifiques et qui, d'une part, constitue une menace actuelle pour l'ordre public et, d'autre part, a séjourné de nombreuses années dans l'État membre d'accueil et peut invoquer des circonstances d'ordre familial à l'encontre de ladite expulsion, pourvu que l'appréciation effectuée au cas par cas par les autorités nationales de la question de savoir où se situe le juste équilibre entre les intérêts légitimes en présence soit faite dans le respect des principes généraux du droit communautaire et, notamment, en tenant dûment compte du respect des droits fondamentaux, tels que la protection de la vie familiale.

    Sur la seconde question

    - Portée de la question

  123. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 fait obstacle à une réglementation, telle que celle en vigueur dans le Land Baden-Württemberg, qui ne prévoit pas, s'agissant d'une décision d'éloignement du territoire prise par un Regierungspräsidium, de procédure de réclamation comportant également un examen de l'opportunité de cette décision, dès lors qu'aucune autorité indépendante de cette administration n'a été mise en place.
  124. Il ressort de l'ordonnance de renvoi et des observations du gouvernement allemand que la légalité et l'opportunité d'un acte administratif faisant grief sont, en principe, vérifiées en Allemagne par l'administration au cours d'une procédure précontentieuse, avant qu'une action en nullité ne soit introduite. Cependant, selon l'article 68, paragraphe 1, première phrase, de la Verwaltungsgerichtsordnung (code de contentieux administratif), un décret, même régional, peut déroger à ce principe. Le Land Baden-Württemberg aurait fait usage de cette possibilité en adoptant l'article 6 bis de l'Ausführungsgesetz zur Verwaltungsgerichtsordnung (loi portant application du code de procédure administrative). En vertu de cette disposition, qui aurait pris effet le 1er juillet 1999, une procédure précontentieuse serait exclue lorsqu'un acte administratif a été adopté par un Regierungspräsidium.
  125. - Observations soumises à la Cour

  126. M. et Mmes Orfanopoulos, le gouvernement italien, ainsi que la Commission, proposent d'apporter une réponse affirmative à cette question. Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que les dispositions de la directive 64/221 doivent permettre aux ressortissants des États membres d'obtenir un examen exhaustif de tous les faits et circonstances, y compris l'opportunité de la mesure envisagée, avant que la décision d'expulsion ne soit définitivement arrêtée.
  127. Le gouvernement allemand soutient que l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 ne s'oppose pas à une réglementation, telle que celle en vigueur dans le Land Baden-Württemberg, dès lors qu'il est garanti que la décision de l'administration fait l'objet d'une vérification approfondie du droit matériel dans les délais. Il invoque, à cet égard, l'arrêt Shingara et Radiom, précité. Une protection contre les expulsions serait assurée, dans ce Land, dans le cadre de la procédure administrative, celle-ci étant garantie dans le cadre d'une procédure juridictionnelle. La vérification effectuée par les tribunaux administratifs porterait, d'une part, sur la question de savoir si les conditions matérielles d'une décision d'éloignement du territoire sont réunies en droit ou en fait, y compris la question de savoir si l'administration compétente a dépassé ses compétences d'appréciation, et, d'autre part, sur le fond.
  128. - Réponse de la Cour

  129. Il y a lieu de rappeler que les dispositions de l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 ont pour objet d'assurer une garantie procédurale minimale aux personnes à qui est opposée une décision d'éloignement du territoire. Cet article, qui s'applique dans trois hypothèses, à savoir en l'absence de possibilités de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s'ils n'ont pas d'effet suspensif, prévoit l'intervention d'une autorité compétente différente de celle qualifiée pour arrêter la décision. À moins d'une urgence, l'autorité administrative ne peut prendre sa décision qu'après avis donné par l'autre autorité compétente. L'intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense devant cette dernière autorité et se faire assister ou représenter dans les conditions de procédure prévues par la législation nationale (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi, C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, point 62, et Yiadom, précité, points 29 à 31).
  130. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'intervention de «l'autorité compétente» visée à l'article 9, paragraphe 1, doit permettre d'obtenir un examen exhaustif de tous les faits et circonstances, y compris de l'opportunité de la mesure envisagée, avant que la décision ne soit définitivement arrêtée (arrêts Santillo, précité, point 12, et du 18 mai 1982, Adoui et Cornuaille, 115/81 et 116/81, Rec. p. 1665, point 15). La Cour a également précisé que, sauf cas d'urgence, l'autorité administrative ne peut prendre sa décision qu'après avis donné par l'autorité compétente (arrêts du 5 mars 1980, Pecastaing, 98/79, Rec. p. 91, point 17, et Dzodzi, précité, point 62).
  131. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le contrôle des décisions d'éloignement prises par des Regierungspräsidien est fait, dans le Land Baden-Württemberg, par des juridictions administratives dans le cadre de procédures juridictionnelles.
  132. La juridiction de renvoi part de la prémisse selon laquelle, dans ce Land, il n'existe, à l'encontre de ces décisions d'expulsion, ni de procédure de réclamation ni de recours juridictionnel comportant un examen de l'opportunité de la mesure d'expulsion envisagée. Il apparaît, cependant, qu'elle laisse subsister un certain doute pour ce qui est desdits recours.
  133. Il convient d'écarter, en premier lieu, la thèse du gouvernement allemand selon laquelle il suffit, afin de respecter les dispositions de l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221, que la décision de l'autorité administrative fasse l'objet d'une vérification approfondie du droit matériel dans les délais.
  134. Force est de constater qu'une telle interprétation ne permet pas d'assurer aux personnes à qui est opposée une décision d'éloignement du territoire la garantie d'un examen exhaustif de l'opportunité de la mesure envisagée et ne satisfait pas aux exigences d'une protection suffisamment efficace (voir, en ce sens, arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 17, et du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, Rec. p. 4097, points 14 et 15). Elle serait, en effet, de nature à priver l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 de son effet utile.
  135. En revanche, il en irait différemment dans l'hypothèse où la décision de l'autorité administrative fait l'objet d'une vérification approfondie du droit matériel ainsi que d'un examen exhaustif de l'opportunité de la mesure envisagée.
  136. Compte tenu du doute que la juridiction de renvoi a laissé subsister quant à l'étendue du contrôle exercé par les juridictions compétentes, à savoir les Verwaltungsgerichte, il lui appartient de vérifier si celles-ci sont à même d'examiner l'opportunité des mesures d'expulsion.
  137. Dans la mesure où il apparaîtrait que, dans les circonstances du litige au principal, les recours ouverts contre la décision d'expulsion ne portent que sur la légalité de celle-ci, il y aurait lieu de vérifier si est remplie la condition de l'intervention d'une autorité compétente différente de celle qualifiée pour arrêter la décision et, le cas échéant, si une telle intervention satisfait aux conditions énumérées au point 106 du présent arrêt.
  138. Il convient de relever que la directive 64/221 ne précise pas la notion d'«autorité indépendante». Ainsi qu'il ressort du point 19 de l'arrêt Santillo, précité, la directive laisse aux États membres une marge d'appréciation en ce qui concerne la désignation de l'autorité. Peut être considérée comme une telle autorité toute autorité publique indépendante de l'autorité administrative appelée à prendre une des mesures prévues par ladite directive, organisée de manière à ce que l'intéressé ait le droit de se faire représenter et de faire valoir ses moyens de défense devant elle.
  139. En l'occurrence, l'examen du dossier n'a pas permis d'établir qu'intervient, entre l'adoption de la décision en cause par le Regierungspräsidium et le contrôle juridictionnel exercé ex post par les juridictions administratives, une autorité indépendante au sens de l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221. Cet examen n'a pas non plus permis de constater qu'aurait existé, dans les circonstances telles que celles ayant donné lieu au litige au principal, une situation d'urgence.
  140. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 s'oppose à une disposition d'un État membre qui ne prévoit ni de procédure de réclamation ni de recours, comportant également un examen de l'opportunité, à l'encontre d'une décision d'expulsion d'un ressortissant d'un autre État membre prise par une autorité administrative, dès lors qu'aucune autorité indépendante de cette administration n'a été mise en place. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si les juridictions telles que les Verwaltungsgerichte sont à même d'examiner l'opportunité des mesures d'expulsion.

  141. Sur les dépens

  142. Les frais exposés par les gouvernements allemand et italien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
  143. Par ces motifs,

    LA COUR (cinquième chambre)

    statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht Stuttgart, par ordonnances des 20 novembre et 4 décembre 2001, dit pour droit:

    1) Il appartient à la juridiction de renvoi d'établir sur quelles dispositions du droit communautaire, outre l'article 18, paragraphe 1, CE, un ressortissant d'un État membre tel que M. Oliveri peut, le cas échéant, s'appuyer dans les circonstances du litige ayant donné lieu à l'affaire C-493/01. À cet égard, il incombe en particulier à celle-ci de vérifier si l'intéressé relève du champ d'application de l'article 39 CE, soit en qualité de travailleur, soit en tant qu'autre personne pouvant bénéficier, en vertu des dispositions du droit dérivé prises pour l'application de cet article, de la libre circulation, ou s'il peut s'appuyer sur d'autres dispositions du droit communautaire, telles que la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour, ou l'article 49 CE qui s'applique notamment aux destinataires de services.

    2) L'article 3 de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, s'oppose à une réglementation nationale qui impose aux autorités nationales d'ordonner l'expulsion du territoire des ressortissants d'autres États membres ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour mineurs d'au moins deux ans ou d'une condamnation à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle à la loi sur les stupéfiants, si l'exécution de la peine n'a pas été assortie d'un sursis.

    3) L'article 3 de la directive 64/221 s'oppose à une pratique nationale selon laquelle les juridictions nationales ne sont pas censées prendre en considération, en vérifiant la légalité de l'expulsion ordonnée à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre, des éléments de fait intervenus après la dernière décision des autorités compétentes pouvant impliquer la disparition ou la diminution non négligeable de la menace actuelle que constituerait, pour l'ordre public, le comportement de la personne concernée. Tel est le cas surtout s'il s'est écoulé un long délai entre la date de la décision d'expulsion, d'une part, et celle de l'appréciation de cette décision par la juridiction compétente, d'autre part.

    4) Les articles 39 CE et 3 de la directive 64/221 s'opposent à une législation ou à une pratique nationale selon laquelle l'expulsion du territoire d'un ressortissant d'un autre État membre qui a été condamné à une certaine peine pour des délits spécifiques est prononcée, malgré la prise en compte des considérations d'ordre familial, en se basant sur la présomption que celui-ci doit être expulsé, sans qu'il soit proprement tenu compte de son comportement personnel ni du danger qu'il représente pour l'ordre public.

    5) L'article 39 CE et la directive 64/221 ne s'opposent pas à l'expulsion d'un ressortissant d'un État membre qui a été condamné à une certaine peine pour des délits spécifiques et qui, d'une part, constitue une menace actuelle pour l'ordre public et, d'autre part, a séjourné de nombreuses années dans l'État membre d'accueil et peut invoquer des circonstances d'ordre familial à l'encontre de ladite expulsion, pourvu que l'appréciation effectuée au cas par cas par les autorités nationales de la question de savoir où se situe le juste équilibre entre les intérêts légitimes en présence soit faite dans le respect des principes généraux du droit communautaire et, notamment, en tenant dûment compte du respect des droits fondamentaux, tels que la protection de la vie familiale.

    6) L'article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 s'oppose à une disposition d'un État membre qui ne prévoit ni de procédure de réclamation ni de recours, comportant également un examen de l'opportunité, à l'encontre d'une décision d'expulsion d'un ressortissant d'un autre État membre prise par une autorité administrative, dès lors qu'aucune autorité indépendante de cette administration n'a été mise en place. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si les juridictions telles que les Verwaltungsgerichte sont à même d'examiner l'opportunité des mesures d'expulsion.

    Rosas

    La Pergola

    von Bahr

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2004.

    Le greffier

    Le président de la cinquième chambre

    R. Grass

    V. Skouris


    1 - Langue de procédure: l'allemand.


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