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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Markus Stoß (Free movement of persons) French Text [2010] EUECJ C-410/07 (04 March 2010)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C41007_O.html

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(AVIS JURIDIQUE) IMPORTANT: IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 4 mars 2010 (1)

Affaires jointes C-316/07, C-358/07à C-360/07, C-409/07 et C-410/07

Markus Stoß

contre

Wetteraukreis

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Gießen (Allemagne)]

Kulpa Automatenservice Asperg GmbH

contre

Land Baden-Württemberg


[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne)]

SOBO Sport & Entertainment GmbH

contre

Land Baden-Württemberg

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne)]

Andreas Kunert

contre

Land Baden-Württemberg

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne)]

Avalon Service-Online-Dienste GmbH

contre

Wetteraukreis

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Gießen (Allemagne)]

Olaf Amadeus Wilhelm Happel

contre

Wetteraukreis

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Gießen (Allemagne)]

«Libre prestation de services – Jeux de hasard – Cohérence de la politique nationale en matière de jeux – Activité d’organisation de paris sportifs soumis à autorisation – Reconnaissance mutuelle»






I –    Introduction

1.        Une industrie milliardaire, qui concerne une activité dangereuse et culturellement sensible. Un service qui, grâce aux nouveaux moyens de communication, franchit facilement les frontières. Un secteur non harmonisé sur lequel n’existe qu’une jurisprudence au cas par cas.

2.        Tous ces éléments sont réunis dans le secteur du jeu: c’est pourquoi il ne faut pas s’étonner du caractère fortement litigieux du secteur et des conflits qu’il continuera vraisemblablement de générer à l’avenir. Les questions qui sont ici examinées en sont une bonne preuve, tout comme de nombreuses autres questions qui sont actuellement présentées à la Cour (2).

3.        L’absence de droit dérivé est en l’espèce un facteur déterminant, qui oblige les juridictions à se référer directement aux traités. En dépit d’une augmentation sensible de la jurisprudence en la matière au cours des dernières années, il n’existe toujours pas de base jurisprudentielle suffisante pour régler les différents cas de figure qui sont présentés chaque jour devant les juridictions nationales. C’est à ces dernières qu’incombe en dernière instance d’examiner, du point de vue communautaire, des réglementations qui restreignent l’accès au marché du jeu dans un État membre. En répondant aux questions préjudicielles, la Cour est tenue de leur indiquer la voie à suivre pour la réalisation de cette tâche difficile.

4.        Dans les affaires concernées en l’espèce, le Verwaltungsgericht Gießen et le Verwaltungsgericht Stuttgart (tribunaux administratifs, Allemagne) demandent à la Cour de se prononcer, en premier lieu, sur la compatibilité avec le droit communautaire du monopole sur les paris sportifs et les loteries qui existe en Allemagne, car ils estiment que la politique nationale de limitation du jeu souffre d’un défaut présumé de cohérence. En second lieu, la Cour doit se prononcer sur la possibilité d’appliquer le principe de reconnaissance mutuelle aux autorisations nationales pour l’organisation de paris sportifs.

II – Le cadre juridique

A –    La réglementation communautaire

5.        À l’heure actuelle, le secteur des jeux de hasard n’est pas harmonisé en droit de l’Union. La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (3), exclut expressément ceux-ci de son champ d’application: « [l]a présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes: […] h) les activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard, y compris les loteries, les casinos et les transactions portant sur des paris» (article 2, paragraphe 2).

6.        Cette absence de droit dérivé oblige à recourir au droit primaire, et notamment, pour le cas d’espèce, à l’article 49 CE, dont le premier alinéa interdit les «restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté […] à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation».

B –    Le droit allemand

7.        En Allemagne, les compétences en matière de jeu sont réparties entre l’État fédéral et les Länder. Il y a, dans la plupart des Länder, un monopole régional pour l’organisation des paris sportifs et des loteries, tandis que l’exploitation des machines de jeux et des casinos est confiée à des opérateurs privés dûment autorisés.

1.      Le droit fédéral

8.        L’article 284 du code pénal allemand (Strafgesetzbuch, ci-après le «StGB») dispose que:

«1)      Quiconque organise ou tient publiquement un jeu de hasard sans autorisation administrative ou fournit les installations nécessaires à cet effet est passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement au maximum ou d’une amende.
[...]
3)      Quiconque agit dans les cas visés au paragraphe 1
         1. de façon professionnelle [...]
[...]
         est passible d’une peine de trois mois à cinq ans d’emprisonnement.
[...]»

9.        La fixation des conditions d’octroi des autorisations mentionnées dans l’article 284 du StGB incombe aux Länder, à l’exception des autorisations pour l’organisation des paris relatifs à des compétitions hippiques officielles et pour l’installation et l’exploitation des machines à sous, qui sont octroyées par les Länder, mais en application, respectivement, des conditions fixées par la loi relative aux paris sur les courses et aux loteries (Rennwett und Lotteriegesetz, ci-après le «RWLG») et du code du commerce et de l’industrie (Gewerbeordnung).

10.      En ce qui concerne l’autorisation des paris relatifs aux compétitions hippiques, l’article 1 du RWLG énonce que:

«L’association qui veut exploiter une entreprise de paris mutuels à l’occasion de courses publiques de chevaux ou d’autres concours publics de performances hippiques doit en avoir obtenu l’autorisation des autorités compétentes selon le droit du Land.
[…]
3. L’autorisation ne peut être concédée qu’aux associations qui garantissent destiner exclusivement leurs revenus au développement de l’élevage hippique dans le Land.»

11.      L’article 2, paragraphe 1, du RWLG énonce que:

«Celui qui, à titre commercial, veut conclure des paris sur des concours publics de performances hippiques ou servir d’intermédiaire pour de tels paris (Bookmakers) doit avoir obtenu l’autorisation des autorités compétentes selon le droit du Land.»

2.      Le droit des Länder

a)      Le LottStV

12.      Par le traité relatif aux loteries en Allemagne (Staatsvertrag zum Lotteriewesen in Deutschland, ci-après le «LottStV»), entré en vigueur le 1er juillet 2004, les Länder ont créé un cadre uniforme pour l’organisation, l’exploitation et le placement, à titre commercial, de jeux de hasard, à l’exception des casinos.

13.      L’article 1 du LottStV fixe les objectifs de ce texte entre les Länder. Ces objectifs sont:

«1.      de canaliser de manière ordonnée et surveillée la propension naturelle au jeu de la population et en particulier d’éviter qu’elle ne se reporte sur les jeux de hasard non autorisés,
2.      d’empêcher les incitations excessives au jeu,
3.      d’exclure une exploitation de la propension au jeu à des fins de gains privées ou commerciales,
4.      de garantir que les jeux de hasard se déroulent d’une manière régulière et que leur logique soit compréhensible, et
5.      de garantir qu’une part importante des recettes provenant des jeux de hasard soit utilisée pour promouvoir des objectifs publics ou bénéficiant d’un statut fiscal privilégié, au sens du code fiscal.»

14.      Conformément à l’article 5 du LottStV:

«1.      Les Länder ont, dans le cadre des objectifs visés à l’article 1, l’obligation de droit de veiller à une offre suffisante de jeux de hasard.
2.      Sur la base de la loi, les Länder peuvent assurer eux-mêmes cette tâche ou la faire assurer par des personnes morales de droit public ou par des sociétés de droit privé dans lesquelles des personnes morales de droit public détiennent directement ou indirectement une participation déterminante.
3.      Les personnes mentionnées au paragraphe 2 ne sont autorisées à agir en tant qu’organisateurs ou exécutants [...] que dans le Land dans lequel elles exécutent leurs tâches conformément au paragraphe 2. Elles ne peuvent commercialiser ou faire commercialiser des jeux de hasard que dans ce Land. Elles ne peuvent organiser ou réaliser des jeux de hasard dans un autre Land qu’avec l’autorisation de ce dernier. L’obtention de l’accord n’est pas un droit acquis.
4.      Les personnes autres que celles citées au paragraphe 2 ont seulement le droit d’organiser des loteries et des tirages selon les dispositions de la troisième section.»

15.      L’article 6 du LottStV, compris dans la troisième section, soumet l’organisation publique de loteries ne relevant pas de l’article 5, paragraphe 2, à une autorisation préalable et il énumère une série de conditions qui doivent être réunies pour l’octroi de cette dernière. L’article 7, paragraphe 1, du LottStV exclut la possibilité d’accorder ces autorisations lorsqu’il est possible que cette organisation de loteries, compte tenu du volume général de l’offre de jeux de hasard existante, encourage particulièrement cette passion du jeu.

16.      Dans le cadre défini par le LottStV, chaque Land a édicté sa propre réglementation sur les jeux de hasard en se réservant l’organisation des loteries et des paris sportifs ou en la confiant à des sociétés de droit privé qu’il contrôle.

b)      La réglementation du Land Hessen

17.      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur les paris sportifs, loteries à tirages et loteries complémentaires étatiques en Hesse (Gesetz über staatliche Sportwetten, Zahlenlotterien und Zusatzlotterien in Hessen), seul le Land est autorisé à organiser des paris sportifs sur son territoire, à l’exception des paris portant sur les courses hippiques (paragraphe 1). Il peut cependant confier la gestion de ces paris et des loteries à une personne morale de droit privé (paragraphe 4). La négociation à titre commercial des paris sportifs et des loteries ne peut s’effectuer que dans les points de collecte autorisés (paragraphe 5).

c)      La réglementation du Land Baden-Württemberg

18.      Aux termes de l’article 2 de la loi sur les loteries, paris et tirages d’État du Land Baden-Württemberg (Gesetz über staatliche Lotterien, Wetten und Ausspielungen), le Land organise le Loto, le Loto sportif et la loterie (paragraphe 1), et il peut confier la mise en œuvre des jeux de hasard organisés par le Land à une personne morale de droit privé dans laquelle il détient directement ou indirectement une participation déterminante (paragraphe 4).

3.      L’arrêt du Bundesverfassungsgericht du 28 mars 2006

19.      Le 28 mars 2006, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale allemande) a rendu un arrêt (4) qui déclarait incompatible avec le droit fondamental de la liberté d’entreprise – consacré par l’article 12 de la loi fondamentale – le monopole des paris sportifs qui existait dans le Land Bayern, dans la mesure où sa structure juridique, ses modalités de commercialisation et sa présentation n’auraient pas pour finalité de contribuer de façon conséquente et active à l’objectif de réduction de la passion du jeu et de la lutte contre la dépendance.

20.      L’arrêt, qui concernait le Land Bayern, peut néanmoins être étendu aux monopoles des paris sportifs qui existent dans d’autres Länder et présentent les mêmes caractéristiques.

21.      Le Bundesverfassungsgericht a accordé aux législateurs compétents une période transitoire allant jusqu’au 31 décembre 2007 pour restructurer le monopole concerné afin d’y introduire un minimum de cohérence avec l’objectif de lutte contre la dépendance (5).

22.      C’est à cette fin que les Länder ont adopté un nouveau traité, le traité des Länder sur les jeux de hasard en Allemagne (Staatsvertrag zum Glücksspielwesen in Deutschland), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2008 (6).

III – Les litiges au principal et les questions préjudicielles

23.      Les parties requérantes dans les six litiges au principal (7) disposent de locaux commerciaux, situés dans les Länder Hessen et Baden-Württemberg, dans lesquels elles exercent une activité d’intermédiaire pour des paris sportifs (8) pour le compte d’organisateurs de jeux de hasard établis dans d’autres États membres. Ces organisateurs sont deux entreprises autrichiennes – Happybet Sportwetten GmbH (9) et web.coin Handelsges. mbH (10) –, une entreprise basée à Malte – Fa. Tipico Co. Ltd (11) – et deux sociétés britanniques, l’une enregistrée à Gibraltar – Fa. Digibet Ltd (12) – et l’autre à Londres – Happy Bet Ltd (13). Toutes ces sociétés ont reçu l’autorisation des autorités locales compétentes du lieu de leur siège social pour exercer une activité dans le secteur des paris sportifs.

24.      En 2005, en 2006 et en 2007, les autorités compétentes des Länder Hessen et Baden-Württemberg (respectivement le Landrat Wetterau et le Regierungspräsidium Karlsruhe) ont édicté une série de décisions interdisant aux requérantes d’organiser des paris sportifs dans les Länder cités.

25.      Ces décisions administratives ont été attaquées auprès du Verwaltungsgericht Gießen et du Verwaltungsgericht Stuttgart au double motif, d’une part, que les monopoles sur les paris sportifs qui existent dans les Länder concernés portent atteinte à la liberté d’établissement (article 43 CE) et à la libre prestation de services (article 49 CE) et, d’autre part, que les entreprises pour le compte desquelles les requérantes agissaient bénéficiaient de licences émises par d’autres États membres pour organiser des jeux de hasard, ce qui aurait dû suffire pour exercer la même activité en Allemagne.

26.      Le Verwaltungsgericht Gießen et le Verwaltungsgericht Stuttgart exposent, dans leurs ordonnances de renvoi, des doutes importants sur la compatibilité de la réglementation allemande du jeu avec le droit communautaire, et ils adressent à la Cour les questions préjudicielles suivantes (14) en vertu de l’article 234 CE:

«1)      Les articles 43 CE et 49 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’existence d’un monopole d’État à l’égard de certains jeux de hasard comme les paris sportifs lorsqu’il n’existe pas dans l’État membre en question de politique cohérente et systématique de restriction des jeux de hasard, en particulier parce que les organisateurs disposant de concessions nationales encouragent à participer à d’autres jeux de hasard – comme les loteries nationales et les jeux de casino – et qu’en outre d’autres jeux dont il est présumé qu’ils présentent un risque de dépendance équivalent ou supérieur – comme les paris sur des événements sportifs donnés (courses hippiques) et les jeux automatisés – peuvent être offerts par des prestataires de services privés?

2)      Les articles 43 CE et 49 CE doivent-ils être interprétés en ce sens que les autorisations pour l’organisation de paris sportifs qui ne sont pas restreintes au territoire national correspondant et qui sont accordées par des organismes publics des États membres compétents autorisent le titulaire de l’autorisation ainsi que les tiers mandatés par celui-ci à offrir et à mettre en œuvre également sur le territoire d’autres États membres et sans autorisations nationales supplémentaires les offres en cause pour la conclusion de contrats?»

IV – La procédure devant la Cour

27.      Les demandes préjudicielles ont été enregistrées au greffe de la Cour le 9 juillet 2007 (C-316/07), le 2 août 2007 (C-358/07, C-359/07 et C-360/07), et le 3 septembre 2007 (C-409/07 et C-410/07).

28.      Markus Stoß, Kulpa Automatenservice Asperg GmbH, SOBO Sport & Entertainment GmbH, le Wetteraukreis et les gouvernements allemand, belge, danois, espagnol, français, italien, lituanien, néerlandais, autrichien, portugais, slovène, finlandais et norvégien, ainsi que la Commission des Communautés européennes ont présenté des observations écrites.

29.      Lors de l’audience, qui s’est déroulée le 8 décembre 2009, ont comparu, pour formuler oralement leurs observations, les représentants des parties requérantes au principal, du Wetteraukreis, du Land Baden-Württemberg, des gouvernements allemand, belge, grec, italien, portugais et norvégien, ainsi que de la Commission.

V –    Sur la première question préjudicielle

A –    Les principes fondamentaux de la jurisprudence en matière de jeu

30.      La relation entre les libertés communautaires et les différentes politiques relatives au jeu des États membres a été traitée par la Cour dans une riche jurisprudence qui, depuis l’arrêt Schindler (15), s’est focalisée sur la possibilité de justifier des mesures restreignant la libre prestation de services (article 49 CE) ou la liberté d’établissement (article 43 CE) au sein de l’Union.

31.      À ce propos, cette jurisprudence prête attention à la nature particulière des jeux de hasard, un secteur dans lequel il n’est pas possible de faire abstraction des «considérations d’ordre moral, religieux ou culturel» et qui implique des «risques élevés de délit et de fraude» et favorise une «incitation à la dépense qui peut avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables» (16). En considération de cet élément, et à défaut d’harmonisation communautaire en la matière, la Cour reconnaît aux États membres un pouvoir d’appréciation suffisant pour fixer, en fonction de leurs propres échelles de valeurs, les conditions nécessaires à la protection des joueurs ainsi que, de façon plus générale, celles nécessaires à la protection de l’ordre social (17).

32.      Ainsi, la jurisprudence, même en reconnaissant que la réglementation nationale qui interdit certains jeux de hasard (18) ou limite leur exploitation à un nombre limité de concessionnaires, publics ou privés (19), fait obstacle à la libre prestation des services qu’elle soit discriminatoire ou pas, autorise de telles restrictions quand elles poursuivent un objectif d’intérêt général (20), comme la réduction des occasions de jeu ou la lutte contre la fraude et la criminalité (21).

33.      Les États membres sont donc libres de «fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard» et de «définir avec précision le niveau de protection recherché» (22). Cependant, il ne suffit pas d’invoquer formellement ces objectifs: depuis l’arrêt Zenatti, précité, la Cour indique la nécessité d’une vérification de la cohérence de la législation en cause par rapport aux objectifs allégués ainsi que de sa proportionnalité. Et, depuis l’arrêt Gambelli e.a., également précité, elle exige, plus en détail, que les restrictions à la libre prestation de services ou à la liberté d’établissement: 1) soient appliquées de manière non discriminatoire, 2) soient justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, 3) soient propres à garantir la réalisation de cet objectif et 4) n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (23).

34.      En ce qui concerne la troisième condition, il y a lieu de rappeler qu’«une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique» (24). En conséquence, un monopole national dans le secteur des jeux de hasard tel que celui qui se présente dans le cas d’espèce sera conforme aux articles 43 CE et 49 CE du moment qu’il n’est pas discriminatoire et qu’il est proportionné et adéquat (cohérent, selon la terminologie utilisée par la jurisprudence en matière de jeu) par rapport à l’objectif d’intérêt général recherché qui a été invoqué à titre de justification.

B –    Reformulation de la première question préjudicielle

35.      Dans leur première question préjudicielle, le Verwaltungsgericht Gießen et le Verwaltungsgericht Stuttgart posent la question de l’éventuelle incompatibilité du monopole sur les paris sportifs et les loteries en Allemagne avec les articles 43 CE et 49 CE, étant donné le manque présumé de cohérence dont ils estiment que souffre la politique nationale de limitation du jeu.

36.      Cependant, à mon avis, cette formulation est inadéquate sur deux points.

37.      En premier lieu, la rédaction de la question n’est pas correcte, dans la mesure où elle part d’un diagnostic préalable du caractère inadapté de la réglementation concernée, qui désigne comme symptômes l’incitation publique à la participation aux jeux placés sous monopole et l’ouverture aux entreprises privées d’autres jeux présentant un risque de dépendance vraisemblablement équivalent ou supérieur. Or, conformément à la jurisprudence précitée, l’invocation de cette incohérence serait, en elle-même, suffisante pour invalider une éventuelle justification des restrictions à la libre prestation des services.

38.      Partant, étant donné que les tribunaux de Gießen et de Stuttgart désirent savoir si la configuration du monopole des loteries et des paris sportifs respecte le traité, il n’y a pas lieu de prendre en prémisse le défaut de cohérence de la réglementation allemande concernant le jeu, mais il convient de se demander si les circonstances indiquées (ouverture partielle d’autres jeux et large publicité) conduisent à une incohérence de ce genre et, par conséquent, génèrent une incompatibilité avec le droit de l’Union.

39.      En second lieu, je pense que cet examen de la législation allemande doit être effectué exclusivement à la lumière des dispositions du traité relatives à la libre prestation de services (article 49 CE). La liberté d’établissement (article 43 CE), qui est également invoquée par les juridictions administratives allemandes, n’est pas pertinente dans les cas d’espèce.

40.      Toutes les parties requérantes dans les cas d’espèce sont des personnes physiques ou morales allemandes qui entendent exercer une activité d’intermédiaire de paris sportifs pour le compte de sociétés établies dans d’autres États membres, dont il ne semble pas qu’elles aient eu l’intention de s’installer en Allemagne. Partant, la liberté d’établissement n’est pas en cause, seule la libre prestation de services est en jeu en l’espèce.

41.      Eu égard à ce qui précède, la première question préjudicielle devrait être posée dans les termes suivants ou avec des termes comparables:

«L’article 49 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’existence d’un monopole d’État à l’égard de certains jeux de hasard comme les paris sportifs, si les organisateurs disposant de concessions nationales encouragent à participer à ces jeux [(25)] et que, de surcroît, les prestataires de services privés peuvent offrir des jeux capables de présenter un risque de dépendance équivalent ou supérieur (par exemple, les paris sur des événements sportifs donnés comme les courses hippiques et les machines à sous)? Faut-il considérer que ces circonstances empêchent une politique au regard du jeu qui soit cohérente et systématique au sens de la jurisprudence?»

42.      Par le biais de cette première question, les juridictions de renvoi demandent à la Cour de préciser la forme et les critères en fonction desquels il convient d’évaluer la réglementation nationale relative au jeu pour que cette dernière puisse être qualifiée de «cohérente», cette qualification étant nécessaire pour que la réglementation soit viable aux fins du traité. Les juridictions de renvoi s’interrogent, notamment, sur la question de savoir si cette évaluation doit être réalisée globalement, vis-à-vis de la politique du jeu en général, ou bien jeu par jeu, de manière individuelle, de sorte que les décisions normatives ou les actes adoptés pour un jeu n’affectent pas l’appréciation relative à la réglementation qui en vise un autre.

43.      Eu égard à la quantité et à la diversité des arguments avancés par tous les intervenants et par les auteurs de la question principale, j’estime néanmoins qu’il n’est possible de donner une réponse utile à cette question qu’après avoir analysé trois aspects de la réglementation allemande concernée par le cas d’espèce. Il s’agit: de son caractère discriminatoire ou non (C); de la finalité d’intérêt général qu’elle poursuit (D), et de sa cohérence ou de son adéquation à cet objectif (E).

C –    Le caractère non discriminatoire

44.      Selon une jurisprudence constante, l’article 49 CE interdit toute discrimination exercée à l’encontre du prestataire, en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu’il est établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être exécutée (26).

45.      Dans le secteur particulier des jeux de hasard, la Cour a déclaré qu’une législation nationale, interdisant à toute personne, autre que l’organisme public autorisé, l’exploitation d’un jeu particulier, n’implique pas une discrimination, du moment qu’elle vise indistinctement tous les opérateurs intéressés par une telle activité, indépendamment de leur qualité de ressortissant de l’État membre en question et du lieu où ils sont établis (27). On peut considérer que les monopoles allemands sur les paris présentent un tel caractère, étant donné qu’ils sont indifféremment préjudiciables à toutes les sociétés privées de jeu, indépendamment de leur nationalité et de leur établissement ou non sur le sol allemand.

D –    L’objectif d’intérêt général

46.      L’étape suivante dans l’analyse d’une politique restrictive des jeux de hasard consiste à définir son objectif d’intérêt général, car c’est seulement au regard d’un objectif clair que la Cour peut déterminer si la réglementation en question est cohérente avec celui-ci.

47.      Il semble ressortir de l’article 1 du LottStV que, dans le cas de la réglementation allemande, cet objectif est multiple et qu’il inclut la prévention de la fraude et de l’incitation excessive au jeu, qui, selon ce que la Cour a déjà affirmé, constitue une raison impérieuse d’intérêt général pouvant, à certaines conditions, légaliser des limitations aux activités de jeu (28).

48.      L’article précité du LottStV fait également référence au fait de «garantir qu’une part importante des recettes provenant des jeux de hasard soit utilisée pour promouvoir des objectifs publics ou bénéficiant d’un statut fiscal privilégié, au sens du code fiscal» (article 1, paragraphe 5, du LottStV). Conformément à la jurisprudence, rien ne s’oppose à la poursuite d’un tel but, si l’objectif de financer des activités sociales, philanthropiques ou d’intérêt général constitue uniquement «une conséquence bénéfique accessoire, et non la justification réelle, de la politique restrictive mise en place» (29).

49.      Il incombe à la juridiction nationale de décider si tel est le cas en Allemagne, ou si de fait, ainsi que l’ont avancé certaines des requérantes dans les litiges au principal, l’objectif de donner lieu à des recettes constitue la seule finalité du monopole en cause en l’espèce. Néanmoins, cette vérification est étroitement liée au «test de cohérence» de la politique du jeu.

E –    Le test du caractère adéquat et proportionnel de la législation

50.      Une fois précisés les deux points précédents, il convient de procéder au test dit «hypocrisy test» sur les mesures litigieuses (30), qui constitue le cœur de la première question préjudicielle. Il s’agit, plus concrètement, du test classique sur le caractère adéquat et proportionnel de la réglementation visée, qui est effectué de façon conjointe par la jurisprudence en matière de jeux.

51.      Le Verwaltungsgericht Gießen et le Verwaltungsgericht Stuttgart invoquent, dans leurs ordonnances de renvoi, un ensemble de circonstances et des caractéristiques de la réglementation allemande qui sont susceptibles de mettre en cause sa cohérence et sa proportionnalité et, partant, sa compatibilité par rapport au traité.

52.      Deux de ces facteurs revêtent néanmoins une importance particulière, dans la mesure où ce sont les seuls qui figurent dans le dispositif de la question préjudicielle: en premier lieu, le développement d’une activité promotionnelle intense pour inciter à participer aux jeux qui font l’objet du monopole; et, en second lieu, l’ouverture aux opérateurs privés de jeux présentant un risque de dépendance supérieur.

1.      La publicité des jeux soumis au monopole

53.      Les requérantes dans les litiges au principal et les juridictions de renvoi estiment, en premier lieu, que la politique du jeu en Allemagne souffre d’incohérence, parce que l’État réalise une «importante activité promotionnelle» de ses services (paris sportifs et loteries) (31).

54.      La Cour s’est déjà penchée sur cette question délicate dans l’arrêt Gambelli e.a., en prévenant les autorités qu’elles risquent de se contredire lorsqu’elles tentent d’éviter un préjudice qui découle d’une action à laquelle elles ont incité: «dans la mesure où les autorités d’un État membre incitent et encouragent les consommateurs à participer aux loteries, aux jeux de hasard ou aux jeux de paris afin que le Trésor public en retire des bénéfices sur le plan financier, les autorités de cet État ne sauraient invoquer […] la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier» des mesures qui limitent la libre prestation de services (32).

55.      Cet argument a été répété et précisé dans l’arrêt Placanica e.a., lorsque la Cour a pris note du fait que, selon la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione, «le législateur italien poursuit une politique expansive dans le secteur des jeux de hasard dans le but d’augmenter les recettes fiscales» et, partant, sa législation ne saurait tirer aucune justification des «objectifs de limitation de la propension au jeu des consommateurs ou de limitation de l’offre de jeux» (33).

56.      Néanmoins, la Cour a introduit une précision importante: après avoir rappelé que tant la Corte suprema di cassazione que le gouvernement italien identifient «comme le but réel de la réglementation italienne en cause […] [le fait de] prévenir l’exploitation des activités de jeu de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables», elle a affirmé que, «[d]ans cette optique, une politique d’expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard peut être tout à fait cohérente avec l’objectif visant à attirer des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites en tant que telles vers des activités autorisées et réglementées» (34). Cependant, pour atteindre cet objectif, «les opérateurs autorisés doivent constituer une alternative fiable, mais en même temps attrayante, à une activité interdite, ce qui peut en soi impliquer l’offre d’une gamme de jeux étendue, une publicité d’une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution» (35).

57.      Ainsi, la Cour a soutenu l’activité publicitaire faite par les titulaires des droits exclusifs dans le secteur du jeu en Italie, dans la mesure où la restriction portée à l’article 49 CE était destinée à lutter contre la criminalité.

58.      Par conséquent, l’arrêt Placanica e.a. a manifesté sans ambages la cohérence d’une législation qui vise à prévenir des conduites frauduleuses et délictuelles dans ce domaine, tout en permettant en même temps à l’opérateur bénéficiant du monopole d’utiliser des instruments de publicité.

59.      Mais qu’en est-il lorsque le but de la réglementation nationale est de combattre la dépendance au jeu et de limiter les occasions de jeu? Une première lecture des points 69 de l’arrêt Gambelli e.a. et 54 de l’arrêt Placanica e.a. pourrait laisser penser que la jurisprudence exclut totalement le caractère adapté d’une norme qui vise à limiter l’accès aux jeux de hasard lorsque l’opérateur bénéficiant du monopole fait la publicité de ses services. Néanmoins, un examen plus approfondi des décisions précitées met en relief les mesures de prudence ou les conditions dont la Cour a entouré cette thèse initiale. Elle a, en effet, également inclus comme facteur déterminant de l’incohérence précédemment mentionnée le fait que l’activité promotionnelle des jeux de hasard soit réalisée «afin que le Trésor public en retire des bénéfices sur le plan financier» (36).

60.      La Cour de l’Association européenne de libre-échange a la même pratique. Dans son arrêt Ladbrokes/Norvège, elle a utilisé l’argument de la canalisation de la demande des jeux dans le cadre de la lutte contre la dépendance. En se fondant sur l’arrêt Placanica e.a., elle estime qu’il est adéquat de se servir de mesures publicitaires pour «écarter les joueurs de jeux très addictifs offerts via Internet ou par d’autres canaux qui peuvent difficilement être supprimés» (37).

61.      Le simple exercice d’une activité publicitaire ne suffit pas à empêcher la réalisation de l’objectif de limitation des opportunités de jeu, du moment que cette publicité est réalisée de manière mesurée et qu’elle est réellement destinée à concentrer le jeu autour de l’offre réglementée et contrôlée, et non pas à accroître les recettes fiscales que l’État membre perçoit par ce système. Soutenir l’existence de monopoles ou d’organisateurs disposant d’une concession nationale sans qu’ils aient la possibilité de promouvoir leurs services ne serait pas, selon moi, très réaliste. C’est pourquoi je propose à la Cour d’étendre la thèse qu’elle a déjà soutenue dans l’affaire Placanica e.a. à l’objectif de limitation des occasions de jeu, mais seulement dans le cadre étroit qui vient d’être défini.

62.      Le contrôle de ces conditions incombe au juge national. Néanmoins, dans le cas d’espèce, l’arrêt du Bundesverfassungsgericht du 28 mars 2006 offre déjà un examen de la législation et des pratiques du secteur du jeu en Allemagne (38).

63.      Ainsi, la décision précitée déclarait que «les paris organisés par le Land Bayern ne sont aucunement destinés à combattre la dépendance au jeu et aux comportements de dépendance au jeu»; au contraire, «l’organisation du système des paris sportifs ODDSET poursuit clairement, entre autres, un objectif fiscal» (39). Le tribunal de Karlsruhe constatait, notamment, cette situation en ce qui concerne la commercialisation d’ODDSET, dont la situation actuelle, selon lui, «est semblable à la commercialisation économiquement efficace d’une activité récréative qui est fondamentalement inoffensive» (40). En ce sens, il cite l’existence d’une campagne publicitaire à large échelle qui présente le jeu comme une forme de divertissement socialement acceptable ou même positive (41).

64.      À la lecture de l’arrêt commenté, il semble indubitable que le monopole en question ne réunissait pas, au moment des faits évoqués dans les procédures au principal, les conditions nécessaires pour être qualifié de cohérent et de systématique. Selon la haute juridiction allemande, la publicité qui était faite n’était pas suffisamment modérée, et elle n’était pas destinée à limiter les occasions de jeu et à lutter contre la dépendance au jeu, mais bien à obtenir des recettes fiscales pour les coffres publics.

65.      Certes, depuis 2006, une série de changements sont survenus, tant en termes de législation qu’en termes d’organisation. Par ces changements, les Länder pensent répondre aux conditions du Bundesverfassungsgericht. Le nouvel accord des Länder sur les jeux de hasard en Allemagne, en vigueur depuis le 1er janvier 2008, ainsi qu’une série de mesures, dont certaines affectent directement l’activité promotionnelle (42), répondent à cet objectif. Il reviendra néanmoins aux juges nationaux de dire si cette nouvelle situation doit être prise en compte pour répondre aux questions de Markus Stoß et des autres parties requérantes et, dans l’affirmative, si la «métamorphose» qui est supposée avoir eu lieu dans le secteur suffit pour estimer que les conditions précitées sont remplies.

2.      L’ouverture d’autres jeux aux opérateurs privés

66.      En deuxième lieu, le Verwaltungsgericht Gießen et le Verwaltungsgericht Stuttgart soulèvent l’incohérence supposée qu’il y aurait, d’une part, à instaurer un monopole sur l’exploitation des loteries et des paris sportifs au motif de la lutte contre la dépendance au jeu et la criminalité, et, d’autre part, à permettre en parallèle à des opérateurs privés d’offrir d’autres jeux présentant un risque de dépendance vraisemblablement équivalent ou supérieur, tels que les paris hippiques et les machines à sous.

67.      Sous cet argument se retrouve la question de savoir si l’examen de la compatibilité avec le droit de l’Union des systèmes légaux de jeu des États membres doit être fait de façon générale ou d’un point de vue sectoriel, jeu par jeu.

68.      Les requérantes dans les litiges au principal estiment que la législation sur les jeux de hasard d’un État membre doit conserver une cohérence d’ensemble, et non pas uniquement individuellement par rapport à chaque restriction. Elles invoquent en ce sens l’arrêt Gambelli e.a., des termes duquel elles déduisent que la Cour a effectué un examen général de la politique italienne en matière de jeux pour parvenir à se prononcer sur la légalité d’une mesure restrictive particulière.

69.      Cette première impression sur l’arrêt Gambelli e.a. est erronée. L’allusion qui est faite en son point 69 à la publicité portant sur des jeux différents de ceux qui sont concernés par la restriction en cause signifie qu’une incitation excessive à participer à un jeu donné (paris, loteries ou autre) empêcherait l’État de se prévaloir de la lutte contre la dépendance par rapport à ce jeu, et de justifier la limitation de la concurrence sur ce terrain précis.

70.      Dans l’arrêt Placanica e.a. qui lui a fait suite, la Cour s’est prononcée plus clairement pour un examen différencié, en précisant qu’il convient «d’examiner séparément [la cohérence et la proportionnalité] pour chacune des restrictions imposées par la législation nationale» (43). Le fait que, depuis ses premiers arrêts dans ce domaine, la Cour ait examiné exclusivement la restriction litigieuse, sans effectuer d’analyse globale de la réglementation portant sur tous les jeux de hasard dans l’État membre concerné confirme cette idée. L’arrêt Schindler, par exemple, a déclaré conforme au traité l’interdiction des loteries qui est inscrite dans la législation britannique, sans examiner la réglementation sur les paris sportifs qui existe dans ce même pays, laquelle est connue pour être l’une des plus libérales de l’Union européenne.

71.      Dans le même sens, on peut citer l’arrêt du 13 juillet 2004, Commission/France (44), qui concernait également une restriction à l’article 49 CE, bien que cette dernière était justifiée par des motifs de protection de la santé publique: «en ce qui concerne l’argument selon lequel le régime français de publicité télévisée serait incohérent, puisqu’il n’est applicable qu’à des boissons alcooliques ayant un taux d’alcool supérieur à 1,2°, qu’il ne concerne que la publicité télévisée et qu’il ne s’applique pas à la publicité en faveur du tabac, il suffit de répondre qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint» (arrêt précité, point 33).

72.      Conformément aux décisions précitées, j’estime que la réglementation portant sur les différents jeux de hasard dans un État membre ne saurait être traitée comme un tout, et qu’il convient d’examiner séparément chaque restriction et chaque jeu (45). La Cour n’a jamais soutenu qu’il fallait libéraliser «tout ou rien»; les termes utilisés dans ses arrêts indiquent clairement qu’il s’agit d’une matière où il faut résoudre les problèmes au cas par cas.

73.      Cette interprétation est beaucoup plus conforme à l’idée qui constitue le fondement de la jurisprudence en matière de jeux de hasard, selon laquelle il y a lieu de reconnaître aux États membres un pouvoir d’appréciation pour déterminer les conditions nécessaires à la protection des joueurs et de l’ordre social, conformément à leur propre échelle de valeurs (46). Pour des raisons morales ou culturelles, les États membres n’ont pas la même perception des différents jeux de hasard, ce qui explique que, indépendamment du risque de dépendance, et sans préjuger de la volonté sincère des autorités publiques de veiller à l’intérêt des citoyens, la participation à certains jeux soit plus libre dans certains pays que dans d’autres.

74.      En tout état de cause, et en marge du débat portant sur le fait de savoir s’il y a lieu d’examiner le caractère adéquat des mesures restrictives dans un cadre sectoriel ou non, je pense que l’option législative qui consiste à instituer un monopole sur certains jeux et à en laisser d’autres aux mains du secteur privé n’est pas a priori incohérente avec l’objectif de la lutte contre la fraude, ni avec l’objectif de limitation des occasions de jeu dans un État membre, du moment que les autorités publiques garantissent un certain contrôle sur les opérateurs, et que l’offre des jeux couverts par le monopole est inférieure à celle qui pourrait exister avec un prestataire privé (47).

75.      En outre, le potentiel addictif de certains jeux de hasard ne constitue pas, selon moi, le seul critère pour évaluer le risque qu’ils impliquent par rapport aux objectifs de la politique en matière de jeu. Bien que de nombreuses études indiquent que les machines à sous et les casinos génèrent un comportement de dépendance au jeu plus fréquemment que les loteries et les paris sportifs, cela ne signifie pas que les deux premiers présentent un plus grand danger pour la réalisation de l’objectif de lutte contre la criminalité (cela dépend du secteur qui est le plus susceptible d’activités frauduleuses dans chaque pays) ni de l’objectif qui consiste à réduire les occasions de jeu. Ainsi que le gouvernement danois l’indique à juste titre, la différence entre les deux groupes de jeux réside en ce que le casino et les machines à sous exigent la présence physique du joueur, laquelle n’est pas nécessaire pour participer à des loteries et à des paris sportifs. C’est pourquoi, même en cas de pluralité d’entreprises bénéficiant de concession pour les casinos (ou pour les machinesà sous), chacune d’elles opère sur un territoire délimité: l’augmentation de l’offre par rapport à une éventuelle situation de monopole est limitée. Au contraire, l’augmentation du nombre de prestataires de jeux bénéficiant d’une diffusion nationale, tels que les loteries ou les paris sportifs (lesquels, de surcroît, peuvent être faits par Internet), générerait une augmentation importante de la concurrence et, très probablement, un accroissement considérable des occasions de jeu.

76.      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu non plus de procéder à une analyse comparative de la politique en matière de jeux présentant un risque de dépendance équivalent. La compatibilité d’un monopole portant sur un jeu avec l’article 49 CE doit être analysée séparément et au regard de son adéquation ou de sa cohérence par rapport à l’objectif recherché.

3.      Autres facteurs

77.      Les juridictions de renvoi et les parties dans les litiges au principal ont également soulevé d’autres éléments ou circonstances susceptibles de mettre en danger la cohérence du régime relatif au jeu en Allemagne. J’analyse ci-après très brièvement ces éléments et circonstances.

a)      Internet permet de contourner le monopole

78.      Selon le Verwaltungsgericht Stuttgart, il est possible d’éviter la restriction qu’implique le monopole allemand sur les paris sportifs en recourant aux services que des opérateurs autorisés dans d’autres États membres offrent par le biais d’Internet, ce qui «met en évidence les limites et les inévitables déficiences dont souffrent les mesures nationales».

79.      Ainsi que le gouvernement français l’indique dans ses observations, les difficultés qu’un État peut rencontrer dans sa mission consistant à faire respecter une réglementation nationale ne sont pas pertinentes pour juger de sa compatibilité avec le droit cde l’Union. La limitation établie par la législation nationale sera en soi compatible ou incompatible avec le traité, et la facilité à développer un comportement contraire à ces règles nationales est sans incidence à cet égard, d’autant plus lorsque, ainsi que le gouvernement finlandais le rappelle dans ses observations, ces dispositions peuvent être destinées à diminuer le jeu sur Internet, en raison de son risque important de dépendance.

b)      Il n’y a pas d’étude préalable sur la cohérence et la proportionnalité des mesures

80.      Selon les juridictions de renvoi, la cohérence et la proportionnalité de la réglementation allemande n’ont pas été démontrées par un examen préalable sur les risques de la dépendance au jeu et les alternatives pour les éviter, ainsi que la Cour l’a exigé depuis l’arrêt Lindman (48).

81.      L’arrêt précité a jugé contraire à l’article 49 CE la réglementation fiscale finlandaise qui excluait de l’impôt sur le revenu les prix de loteries organisées en Finlande et taxait les prix issus de jeux organisés dans d’autres États membres en affirmant, entre autres, que «les raisons justificatives susceptibles d’être invoquées par un État membre doivent être accompagnées d’une analyse de l’opportunité et de la proportionnalité de la mesure restrictive adoptée par cet État», ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce, car le dossier transmis «ne révèle aucun élément de nature statistique ou autre permettant de conclure à la gravité des risques liés à la pratique des jeux de hasard ni, a fortiori, à l’existence d’une relation de connexité particulière entre de tels risques et la participation des ressortissants de l’État membre concerné à des loteries organisées dans d’autres États membres» (49).

82.      Il ressort uniquement de cet arrêt que la charge de la preuve concernant la proportionnalité et la cohérence des restrictions à la libre prestation de services incombe exclusivement à l’État membre, sans que la Cour ait jamais voulu imposer que cette défense soit rendue publique avant l’adoption de la réglementation litigieuse, ou qu’elle doive se matérialiser par des études statistiques ainsi que le suggère l’une des requérantes (50).

83.      Le point 50 de l’arrêt Placanica e.a., précité, ne dément pas l’affirmation antérieure: l’existence d’une étude ou d’une enquête préalable servant de base à la justification avancée par un État membre, comme cela a été le cas dans l’affaire italienne, implique un avantage, mais ne constitue pas une condition sine qua non. Ainsi que la Commission le soulève à juste titre, la seule absence d’un contrôle préalable sur le respect des libertés fondamentales du traité n’implique pas qu’il soit impossible de dédouaner une disposition nationale restrictive.

c)      D’autres Länder acceptent des exceptions au régime du monopole

84.      Les requérantes dans les litiges au principal soulignent également, en tant qu’éléments pouvant compromettre la cohérence du système, certaines exceptions injustifiées au régime du monopole, comme la subsistance de quatre autorisations de jeu accordées à l’époque à des entreprises privées par la République démocratique allemande, ou le régime de concession à des particuliers actuellement en vigueur dans le Land de Rhénanie-Palatinat (51).

85.      Si elles étaient vérifiées, il serait difficile de déclarer que de telles particularités sont compatibles avec un système qui défend la limitation du nombre des opérateurs comme étant un moyen pour réduire les occasions de jeu et lutter contre la criminalité (52). Il incombera, néanmoins, aux juridictions allemandes d’effectuer cet examen au regard des arguments des parties.

F –    Corollaire

86.      Eu égard à ce qui précède, j’estime que l’article 49 CE est compatible avec un monopole public sur certains jeux de hasard qui ne génère pas de discrimination fondée sur la nationalité ou le pays d’établissement, qui poursuit un ou plusieurs objectifs d’intérêts généraux et qui est proportionnel et cohérent ou adéquat par rapport à ces objectifs.

87.      L’appréciation de ces conditions revient au juge national. Cependant, en ce qui concerne l’examen de l’incohérence, il faut tenir compte des circonstances détaillées ci-après.

88.      D’une part, le fait que les monopolistes incitent à participer aux jeux de hasard ne suffit pas à déclarer que la réglementation concernée est incohérente ou inadéquate si l’activité promotionnelle est mesurée et qu’elle est réellement destinée à lutter contre la criminalité ou à canaliser le désir du jeu vers une offre réglementée et contrôlée, et non pas à accroître les recettes du Trésor public.

89.      D’autre part, le fait d’admettre que des opérateurs privés offrent des jeux présentant un risque de dépendance vraisemblablement équivalent ou supérieur à ceux des jeux soumis au monopole n’est pas non plus en soi incohérent ou inadéquat par rapport aux objectifs d’intérêt public et ne rend pas disproportionnée la décision de soumettre les paris et les loteries à un monopole étatique, du moment que les autorités publiques garantissent un contrôle suffisant sur les opérateurs privés et que l’offre des jeux soumis à monopole est inférieure à celle qui pourrait exister avec un prestataire privé.

VI – La seconde question préjudicielle

90.      Dans leur seconde question préjudicielle, le Verwaltungsgericht Gießen et le Verwaltungsgericht Stuttgart interrogent la Cour sur la possibilité d’appliquer le principe de reconnaissance mutuelle aux autorisations pour l’organisation de paris sportifs.

91.      Il s’agit, en fin de compte, de savoir si les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens que les licences accordées par un État membre et qui ne sont pas limitées à son territoire autorisent leur titulaire à exercer la même activité dans un autre État membre, sans qu’il soit nécessaire qu’il obtienne une nouvelle autorisation.

92.      Trois éléments me conduisent à répondre à cette seconde question par la négative: la jurisprudence sans ambiguïté sur les monopoles et autres restrictions à l’article 49 CE (1); l’échec des tentatives d’harmonisation du secteur du jeu (2), et la généralisation de techniques contraires à la confiance (3).

1.      L’acceptation jurisprudentielle de monopoles et autres restrictions à l’article 49 CE dans le secteur du jeu

93.      Ainsi que je l’ai amplement exposé au titre V des présentes conclusions, la Cour admet ouvertement et sans ambiguïté, bien que sous certaines conditions, les monopoles et autres restrictions visant le nombre d’opérateurs dans le secteur des jeux de hasard: l’arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité, constitue une claire confirmation de cette tendance.

94.      Une fois cette éventualité admise, le fonctionnement homogène – pour toute l’Union européenne – d’un système de reconnaissance mutuelle de licences en matière de jeux n’a tout simplement pas de place. Si un État membre dans lequel un monopole sur les jeux a été instauré (système respectueux, par ailleurs, des exigences du traité) était tenu de prendre en compte les autorisations accordées dans les autres États membres de l’Union, la jurisprudence précitée serait impraticable et dénuée de sens.

95.      Ainsi que la Cour l’a déclaré dans l’arrêt Säger (53), les restrictions à la libre prestation de services peuvent être justifiées par des causes d’intérêt général, du moment que «cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi». Si, au regard des critères établis par la jurisprudence, une réglementation nationale ayant opté pour un régime de monopole pour un motif particulier d’intérêt public s’avère légitime et respecte le traité, il semble impossible d’affirmer qu’un autre pays présentant une plus grande ouverture du marché offre à ces citoyens le même niveau de protection par rapport à cet intérêt (a fortiori si l’on tient compte des différences culturelles et même morales qui président les conceptions des États en la matière). Dans le cas contraire, la solution du monopole serait disproportionnée et, partant, illégitime. La reconnaissance mutuelle, même avec les précautions de l’arrêt Säger, est par conséquent incompatible avec la jurisprudence actuelle.

96.      En théorie seulement, il y aurait lieu de défendre la reconnaissance mutuelle de licences entre États ayant un degré équivalent d’ouverture dans le secteur du jeu et des régimes d’autorisation semblables avec une même finalité. Néanmoins, la réalité du secteur et son défaut d’harmonisation s’opposent à la viabilité de cette reconnaissance mutuelle partielle (54).

2.      L’absence d’harmonisation

97.      En second lieu, la reconnaissance mutuelle ne semble pas possible sans une harmonisation communautaire du secteur du jeu, ce qui ne semble pas devoir se produire dans un futur proche. Les points 144 à 148 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Placanica e.a. sont le fidèle reflet d’un tel desideratum, qui à l’époque était encore réaliste – en dépit de la frustration de plusieurs tentatives précédentes – grâce au contenu de la proposition dite «Bolkenstein» (55) de la directive services.

98.      Cependant, le texte final de la directive services n’a pas inclus dans son champ d’application les jeux de hasard (56), «compte tenu de la spécificité de ces activités qui entraînent de la part des États membres la mise en œuvre de politiques touchant à l’ordre public et visant à protéger les consommateurs» (57).

99.      Cette exclusion des jeux de hasard ne change rien à l’application de la liberté d’établissement et de prestations de services dans ce secteur (58) et ne confère pas aux États membres une marge d’action plus étendue que celle qui leur a été reconnue jusqu’à présent par la Cour lorsqu’elle interprétait les traités. Néanmoins, après cette manifestation claire de la volonté du législateur communautaire, il n’y a pas lieu non plus de conserver l’espoir, au moins à court terme, d’une harmonisation du secteur. Or, sans cette dernière, il est difficile de garantir la reconnaissance mutuelle des autorisations en matière de jeux.

100. C’est que le principe de reconnaissance mutuelle, bien qu’attractif, est loin d’être une «solution miracle» (59). Dans certains secteurs, les énormes différences entre les réglementations des États membres rendent impossible l’application du principe qui, en dépit de son très fort potentiel en tant qu’instrument pour la réalisation du marché intérieur, est, de par nature, un instrument qui a des limites (60).

101. Par conséquent, sans harmonisation, il y aura toujours des limitations à l’application de la libre circulation. Le travail de la jurisprudence consiste à délimiter les restrictions qui, dans ce domaine non harmonisé, respectent les dispositions du traité.

102. La directive services démontre que, si l’on veut que les autorités de l’État où le service sera offert valident les contrôles réalisés dans le pays d’établissement du prestataire de services, il faut leur fournir les instruments pour qu’elles le fassent avec les meilleures garanties possibles. À cette fin, tout le chapitre VI (articles 28 à 36) de la directive est dédié à la régulation de la coopération administrative entre États membres, ce qui inclut l’obligation d’échange d’informations sur les prestataires de services, une claire répartition des compétences entre les États concernés ainsi qu’un mécanisme d’alerte.

103. Ce degré de collaboration n’existe pas à l’heure actuelle dans le secteur du jeu, dans lequel au contraire ont proliféré certaines pratiques qui sont contraires à la confiance mutuelle.

3.      Les pratiques contraires à la confiance mutuelle

104. En troisième lieu, les affaires présentées actuellement à la Cour mettent en relief l’existence de pratiques nationales qui sont susceptibles de détruire elles-mêmes la confiance réciproque (article 10 CE) sur laquelle devrait être fondée une éventuelle harmonisation du secteur ou, au moins, le système de reconnaissance mutuelle des autorisations en matière de jeu (61). Je me réfère à la technique qui consiste à octroyer des autorisations extraterritoriales ou «off-shore», qui est utilisée par les autorités de Malte ou de Gibraltar, par exemple. La question se pose, tout particulièrement, dans l’affaire Carmen Media Group, précitée, et je l’y examine plus en détail. Néanmoins, cette réalité constitue en l’espèce un argument supplémentaire quant à la nécessité d’exclure une reconnaissance mutuelle, laquelle ne peut résulter d’une situation de violation de la confiance mutuelle entre les États membres.

4.      Corollaire

105. Pour conclure, l’absence d’une harmonisation, la généralisation des licences «off-shore» et l’acceptation jurisprudentielle des monopoles et autres restrictions dans ce domaine m’incitent, en l’état actuel du droit de l’Union et de la jurisprudence, à nier la viabilité d’un système de reconnaissance mutuelle dans le secteur des jeux de hasard.

VII – Conclusion

106. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles du Verwaltungsgericht Gießen et du Verwaltungsgericht Stuttgart en disant que:

«1)      L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’existence d’un monopole d’État à l’égard de certains jeux de hasard (comme les paris sportifs),

–        même si les organisateurs disposant de concessions nationales encouragent à participer à ces jeux, si l’activité promotionnelle est mesurée et réellement destinée à lutter contre la criminalité ou à concentrer le jeu autour d’une offre réglementée et contrôlée, et non pas à augmenter les recettes du Trésor public;

–        et même si des prestataires de services privés sont autorisés à offrir des jeux dont il est présumé qu’ils présentent un risque de dépendance équivalent ou supérieur (comme les paris sur les courses hippiques ou les machines à sous), du moment que les autorités publiques garantissent un certain contrôle sur ces opérateurs privés et que l’offre de jeux soumis au monopole est inférieure à celle qui pourrait exister avec un prestataire privé.

Si ces conditions sont réunies, les circonstances avancées n’interdisent pas ne politique de jeu cohérente et systématique au sens de la jurisprudence. Son contrôle incombe au juge national.

2)      Les articles 43 CE et 49 CE doivent être interprétés en ce sens que les autorisations accordées par les organismes compétents d’un État membre pour l’organisation de paris sportifs, qui ne sont pas restreintes à son territoire national, n’autorisent pas le titulaire de l’autorisation ni les tiers mandatés par lui à offrir et à conclure des contrats sur le territoire d’autres États membres.»

1 – Langue originale: le français.


2 – Voir affaires pendantes devant la Cour Carmen Media Group (C-46/08), Engelmann (C-64/08), Zeturf (C-212/08) et Sjöberg et Gerdin (C-447/08 et C-448/08).


3 – JO L 376, p. 36, ci-après la «directive services».


4 – BVerfG, 1 BvR 1054/01.


5 – BVerfG, I BvR 1054/01, points 148 et suiv., où le Bundesverfassungsgericht précise les conditions nécessaires pour adapter – réglementairement et administrativement – le monopole des paris à la loi fondamentale.


6 – L’affaire Carmen Media Group, précitée, traite de la compatibilité avec le droit communautaire de ce nouveau cadre juridique, qui n’était pas en vigueur au moment des faits qui sont visés dans le cas d’espèce.


7 – Markus Stoß, Kulpa Automatenservice Asperg GmbH, SOBO Sport & Entertainment GmbH, Andreas Kunert, Avalon Service-Online-Dienste GmbH et Olaf Amadeus Wilhelm Happel.


8 – Néanmoins, dans l’affaire C-358/07, la requérante, Kulpa Automatenservice Asperg GmbH est propriétaire du local qu’elle loue à l’entreprise Allegro GmbH, qui exploite le commerce du jeu.


9 – Affaires C-316/07 et C-409/07.


10 – Affaire C-359/07.


11 – Affaire C-360/07.


12 – Affaire C-358/07.


13 – Affaire C-410/07.


14 – Aux fins de simplification, nous avons unifié la rédaction des deux questions posées par les juridictions de renvoi.


15 – Arrêt du 24 mars 1994 (C-275/92, Rec. p. I-1039).


16 – Arrêts Schindler, précité, points 59 et 60; du 21 septembre 1999, Läärä e.a. (C-124/97, Rec. p. I-6067, point 13); du 21 octobre 1999, Zenatti (C-67/98, Rec. p. I-7289, point 14); du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C-243/01, Rec. p. I-13031, point 63); du 6 mars 2007, Placanica e.a. (C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891, point 47), et du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (C-42/07, non encore publié au Recueil, point 57).


17 – Arrêts précités Schindler, points 32 et 61; Zenatti, point 15; Gambelli e.a., point 63; Läärä e.a., point 14; Placanica e.a., point 47, et Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, point 57.


18 – Par exemple, les loteries, comme dans l’arrêt Schindler, précité.


19 – Ou même à un seul organisme public, comme dans les arrêts Läärä e.a., précité; du 11 septembre 2003, Anomar e.a. (C-6/01, Rec. p. I-8621), et Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité, ou même dans le cas d’espèce.


20 – Arrêts du 17 décembre 1981, Webb (279/80, Rec. p. 3305, point 17), ainsi que du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 15) et Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/89, Rec. p. I-4007, point 13).


21 – Arrêt Placanica e.a., précité, point 52.


22 – Ibidem, point 48.


23 – Arrêts Gambelli e.a., précité, point 65; du 13 novembre 2003, Lindman (C-42/02, Rec. p. I-13519, point 29); Placanica e.a., précité, point 49, et Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité, point 60. En général, sur le test classique de compatibilité avec le traité, voir arrêts du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32), et du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37).


24 – Arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité, point 61.


25 –      Les deux juridictions administratives utilisent dans cette question l’expression «autres jeux» pour ensuite présenter en exemple les paris sportifs et les loteries (dans le cas du Verwaltungsgericht Stuttgart) et les loteries nationales et les casinos (pour le Verwaltungsgericht Gießen). Je pense que cette référence aux casinos, tout comme l’utilisation de l’adjectif «autres», est erronée, car l’argumentation des juridictions de renvoi est centrée sur l’existence d’une large publicité des jeux qui font l’objet du monopole de la part des organisateurs disposant de concessions nationales, et non sur l’éventuelle incitation à participer à des jeux ouverts à des opérateurs privés (comme les casinos).


26 – Arrêt Collectieve Antennevoorziening Gouda, précité, point 10.


27 – Arrêt Läärä e.a., précité, point 28.


28 – Arrêt Placanica e.a., précité, point 52.


29 – Arrêts précités Schindler, point 60; Zenatti, point 36, et Gambelli e.a., point 62.


30 – Spapens, T., Littler, A., et Fijnaut, C., Crime, Addiction and the Regulation of Gambling, Martinus Nijhoff Publishers, 2008, p. 86, et Straetmans, G., Common Market Law Review, n° 41 (2004), issue 5, p. 1424.


31 – Le Verwaltungsgericht Stuttgart, par exemple, fait référence à la diffusion intense du «jackpot» créé pour certains tirages, laquelle, selon lui, «éveille auprès du public l’impression – peu réaliste – qu’il peut remporter le jackpot» (ordonnance de renvoi de la question préjudicielle dans l’affaire C-358/07, p. 9).


32 – Arrêt précité, point 69.


33 – Arrêt précité, point 54.


34 – Dans le même sens, voir ‘arrêt Läärä e.a., précité, point 37.


35 – Arrêt Placanica e.a., précité, point 55.


36 – Arrêt Gambelli e.a., précité, point 69: «Or, dans la mesure où les autorités d’un État membre incitent et encouragent les consommateurs à participer aux loteries, aux jeux de hasard ou aux jeux de paris afin que le Trésor public en retire des bénéfices sur le plan financier, les autorités de cet État ne sauraient invoquer l’ordre public social tenant à la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier des mesures telles que celles en cause au principal». Dans le même sens, l’arrêt Placanica e.a., précité, point 54, indique que le «législateur italien poursuit une politique expansive dans le secteur des jeux de hasard dans le but d’augmenter les recettes fiscales».


37 – Arrêt du 30 mai 2007, E-3/06, point 54, traduction libre.


38 – La décision avait trait à la réglementation du Land Bayern, mais il y a lieu de l’étendre à d’autres Länder présentant des monopoles semblables sur les paris sportifs.


39 – BVerfG, I BvR 1054/01, points 132 et 133.


40 – Ibidem, point 134, traduction libre.


41 – Ibidem, point 136.


42 – Selon le gouvernement allemand, la publicité des paris sportifs «ODDSET» a été notamment réduite tant quantitativement que qualitativement après l’arrêt. À compter de cette date, elle se serait limitée à des contenus purement informatifs et elle aurait disparu des stades, par exemple.


43 – Arrêt précité, point 49.


44 – C-262/02, Rec. p. I-6569.


45 – Sur ce point, je suis d’accord avec l’avis exprimé par la Commission au point 35 de ses observations.


46 – Arrêts précités Schindler, point 61; Zenatti, point 15; Gambelli e.a., point 63; Läärä e.a., point 14; Placanica e.a., point 47, et Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, point 57.


47 – En ce sens, il y a lieu de citer l’arrêt du 5 juin 2007 (Rosengren e.a., C-170/04, Rec. p. I-4071, point 47), relatif au monopole de distribution de boissons alcooliques en Suède, dans lequel la Cour a déclaré qu’un monopole étatique qui ne limite pas la quantité offerte d’un produit dangereux n’est pas apte à réaliser l’objectif de lutte contre la dépendance. Néanmoins, le gouvernement allemand estime que cette condition est remplie dans le cas d’espèce, dans la mesure où la Staatliche Toto-Lotto-GmbH permet uniquement de parier sur le résultat final des rencontres ou des événements sportifs programmés et que la possibilité, généralement offerte par les entreprises privées, de parier sur des circonstances de leur développement, telles que le nombre de buts, de corners, ou de cartons par exemple (points 28 et 61 des observations du gouvernement allemand), n’existe pas en l’espèce.


48 – Arrêt précité.


49 – Points 25 et 26 de l’arrêt.


50 – En particulier Markus Stoß.


51 – Les requérantes ont aussi manifesté à l’audience que le Land de Schleswig-Holstein lui-même a envisagé, dans le passé, la possibilité de se retirer du traité entre les Länder, pour libéraliser ainsi totalement le secteur des jeux de hasard.


52 – Le fait qu’il s’agisse de réglementations mises en œuvre dans d’autres Länder ne rend pas ces allégations sans objet. Ainsi que je l’expose amplement dans mes conclusions dans l’affaire Carmen Media Group, précitée, la réglementation et l’organisation de chaque jeu doivent être examinées de manière indépendante, mais toujours dans une perspective nationale; dans le cas d’espèce, au regard de tout l’État fédéral allemand.


53 – Arrêt précité, point 15.


54 – Voir, dans ce sens, Korte, S., «Das Gambelli-Urteil des EuGH: Meilenstein oder Rückschritt in der Glücksspierechtsprechung? », Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht. 23. Jahrg., 2004, Heft 12, p. 1452. Même sans monopole, la différence entre les niveaux d’exigence concernant les opérateurs privés générerait une indésirable «concurrence à la baisse» («race to the bottom»), une réduction progressive de la réglementation du secteur dans certains États dans le but d’attirer des entreprises sur leur sol (Littler, A. «Regulatory perspectives on the future of interactive gambling in the internal market», European Law Review, volume 33, 2008, n° 2, p. 226).


55 – Du nom du commissaire qui l’a présenté.


56 – Article 2, paragraphe 2, sous h), de la directive services.


57 – Vingt-cinquième considérant de la directive services.


58 – Les jeux de hasard conservent leur qualité de services aux fins du traité (arrêt Schindler, précité, point 25).


59 – Voir, dans ce sens, Barnard, C., The substantive Law of the EU. The four freedoms, Oxford University Press, deuxième édition, 2007, p. 591.


60 – Voir, également, Hotzopoulos, V., Le principe communautaire d’équivalence et de reconnaissance mutuelle et de libre prestation de services, Thèse pour le doctorat en droit, présentée et soutenue publiquement le 6 décembre 1997, Université Robert Schuman de Strasbourg, p. 158.


61 – Voir point 128 des conclusions dans l’affaire Placanica e.a., précitée.


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