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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag (Environment and consumers) French Text [2010] EUECJ C-540/08 (24 March 2010) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C54008_O.html |
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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
Mme V. Trstenjak
présentées le 24 mars 2010 (1)
Affaire C-540/08
Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG
contre
«Österreich»-Zeitungsverlag GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]
«Directive 2005/29/CE – Harmonisation – Protection des consommateurs – Pratiques commerciales déloyales des entreprises – Offres conjointes – Notion de pratique commerciale – Disposition nationale interdisant d’offrir des avantages gratuits accompagnant des périodiques – Protection du pluralisme des médias et de la concurrence»
Table des matières
I – Introduction
II – Cadre juridique
A – Le droit communautaire
B – Le droit national
III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles
IV – Procédure devant la Cour
V – Principaux arguments des parties
A – La première question préjudicielle
B – La deuxième question préjudicielle
VI – Appréciation en droit
A – Remarques liminaires
B – La première question préjudicielle
1. La notion de «pratiques commerciales» au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29
2. Le champ d’application personnel de la directive 2005/29
a) Le domaine couvert par la directive 2005/29
b) L’objectif de protection de l’interdiction prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG
i) Importances respectives différentes des droits protégés
ii) Examen des dispositions et de la jurisprudence nationales pertinentes
c) Conclusion
3. L’examen de la structure des deux textes
a) Les dispositions de la directive 2005/29
i) L’objectif d’harmonisation complète et maximale des législations nationales
ii) La structure normative de la directive 2005/29
b) Les dispositions de l’UWG
i) Présentation de la structure normative de l’interdiction prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG
4. La compatibilité de la disposition litigieuse avec la directive 2005/29
a) Le droit écrit national
i) Renversement du système normatif
ii) Insuffisance des exceptions prévues à l’article 9 bis, paragraphe 2, de l’UWG
iii) Conclusion intérimaire
b) La possibilité de donner une interprétation conforme à la directive
i) Examen à l’aune des dispositions de la directive
– L’article 5, paragraphes 4 et 5, de la directive 2005/29
– L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29
c) Conclusion
5. Conclusions
C – La deuxième question préjudicielle
VII – Conclusion
I – Introduction
1. Dans le cadre de la présente procédure préjudicielle au titre de l’article 234 CE (2), l’Oberster Gerichtshof de la République d’Autriche (ci-après la «juridiction de renvoi») saisit la Cour de deux questions préjudicielles concernant l’interprétation de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 2 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (3) (ci-après la «directive 2005/29»). Il s’agit en substance de savoir si une disposition nationale interdisant, l’annonce, l’offre ou l’octroi d’avantages gratuits accompagnant des périodiques ainsi que l’annonce d’avantages gratuits associés à d’autres produits ou services, sans obligation de vérifier au cas par cas le caractère trompeur, agressif ou déloyal d’une telle pratique commerciale, est compatible avec le droit communautaire.
2. Le demande de décision préjudicielle trouve son origine dans une action en cessation de Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co KG (ci-après la «requérante au principal») dirigée contre «Österreich»-Zeitungsverlag GmbH (ci-après la «défenderesse au principal») pour usage anticoncurrentiel d’une prime, sous forme de jeu promotionnel, en principe interdite par le droit national.
3. Après les affaires jointes C-261/07 (VTB-VAB) et C-299/07 (Galatea) (4), ainsi que l’affaire C-304/08 (Plus) (5), il s’agit de la troisième affaire d’une série de renvois préjudiciels par lesquels des juridictions nationales posent la question de la compatibilité d’interdictions d’offres conjointes imposées par des États membres avec la directive 2005/29. L’une des principales questions distinguant la présente affaire des précédentes est celle de savoir s’il est également possible de vérifier ainsi la compatibilité avec le droit communautaire de la disposition nationale en cause lorsque cette dernière est censée avoir pour objectif la protection à la fois du pluralisme des médias et des concurrents.
II – Cadre juridique
A – Le droit communautaire
4. L’article premier de la directive 2005/29 est libellé comme suit:
«L’objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs.»
5. L’article 2 de la directive 2005/29 dispose:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
…
d) ‘pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs’ (ci-après également dénommées ‘pratiques commerciales’): toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs;
…».
6. L’article 3, paragraphe 1, de la directive prévoit:
«La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.»
7. L’article 4 de la directive est libellé comme suit:
«Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.»
8. L’article 5 de la directive, intitulé «Interdiction des pratiques commerciales déloyales», dispose:
«1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
2. Une pratique commerciale est déloyale si:
a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,
et
b) elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.
3. Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un groupe clairement identifiable de consommateurs parce que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu’elle concerne en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l’on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu’il prévoie cette conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. Cette disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral.
4. En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:
a) trompeuses au sens des articles 6 et 7,
ou
b) agressives au sens des articles 8 et 9.
5. L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive.»
9. L’annonce, l’offre ou l’octroi d’avantages gratuits accompagnant des périodiques ne figure pas à l’annexe I de la directive parmi les pratiques réputées déloyales en toutes circonstances.
B – Le droit national
10. L’article 9 bis, paragraphe 1, de la loi autrichienne contre la concurrence déloyale (ci-après l’«UWG») (6) est libellé comme suit:
«Quiconque, dans l’exercice d’une activité commerciale concurrentielle,
1) annonce, dans des avis publics ou d’autres communications destinées à un nombre important de personnes, qu’il accorde aux consommateurs des avantages gratuits (primes) associés à des produits ou à des services, ou qui offre, annonce ou octroie aux consommateurs des avantages gratuits (primes) en lien avec des périodiques ou
2) propose, annonce ou octroie à des entreprises des avantages gratuits (primes) associés à des produits ou à des services,
peut faire l’objet d’une action en cessation et en dommages-intérêts. Cela s’applique également lorsque la gratuité de cet avantage est dissimulée par des prix globaux pour les produits ou services, par des prix fictifs pour une prime ou de toute autre manière.»
III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles
11. D’après les indications de la juridiction de renvoi, cette dernière doit trancher un litige entre deux concurrents sur le marché autrichien des quotidiens ayant pour origine l’annonce par la défenderesse dans son journal de l’élection du «footballeur de l’année». Dans l’introduction, imprimée en caractères gras, à un article, on pouvait lire: «Participer en vaut la peine: gagnez un dîner avec le gagnant de la grande élection du footballeur de l’année.» À gauche de l’article se trouvait un «bulletin de vote» comportant la mention «à découper et envoyer». À droite était signalée la possibilité de voter par Internet. Des articles similaires sont parus au cours des neuf jours suivants.
12. La juridiction de première instance a jugé que l’annonce constituait une prime interdite au sens de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG et a fait droit à la demande d’action en cessation de l’annonce par ordonnance de référé. En revanche, la juridiction d’appel a jugé que l’annonce n’avait pas d’effet significatif sur le marché, sur ce la requérante a saisi la juridiction de renvoi d’une demande concluant au rétablissement de l’ordonnance de référé rendue par la juridiction de première instance. Selon une appréciation provisoire de la juridiction de renvoi, en application de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, il conviendrait de faire droit à la demande de la requérante. Néanmoins, cette juridiction a des doutes quant à la compatibilité de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG avec la directive, qui dépend de l’interprétation du champ d’application de cette dernière.
13. C’est pourquoi l’Oberster Gerichtshof a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:
1. Une disposition nationale interdisant, à l’exclusion d’exceptions limitativement énumérées, l’annonce, l’offre ou l’octroi d’avantages gratuits accompagnant des périodiques ainsi que l’annonce d’avantages gratuits associés à d’autres produits ou services, sans obligation de vérifier au cas par cas la caractère trompeur, agressif ou déloyal d’une telle pratique commerciale, est-elle contraire aux articles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 5, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») ou à d’autres dispositions de cette directive, même lorsque la disposition nationale en cause poursuit non seulement un but de protection des consommateurs, mais également d’autres fins échappant au champ d’application matériel de la directive précitée, tels que, par exemple, le maintien du pluralisme de la presse ou la protection des concurrents plus faibles?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, la possibilité de participer à un jeu-concours doté d’un prix, liée à l’acquisition d’un journal, est-elle une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, du seul fait que cette possibilité de participer à un jeu représente, au moins pour une partie du public concerné, certes non pas l’unique motif, mais certainement le motif déterminant qui les a poussé à acheter le journal?
IV – Procédure devant la Cour
14. L’ordonnance du 18 novembre 2008 est parvenue au greffe de la Cour le 4 décembre 2008.
15. Les parties au principal, les gouvernements de la République d’Autriche et du Royaume de Belgique, ainsi que la Commission, ont déposé des observations dans les délais prescrits par le statut de la Cour.
16. Lors de l’audience, qui a eu lieu le 19 janvier 2010, les représentants des parties au principal, les agents des gouvernements autrichien et allemand, ainsi que de la Commission, sont intervenus.
V – Principaux arguments des parties
A – La première question préjudicielle
17. En posant sa première question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si une disposition du droit d’un État membre posant une interdiction de principe de la vente accompagnée de primes relève du champ d’application de la directive 2005/29 bien qu’elle n’ait pas exclusivement pour objectif la protection des consommateurs.
18. La requérante au principal, ainsi que les gouvernements autrichien et belge, suggèrent à la Cour de répondre à cette question par la négative.
19. À cet égard, ils font observer, d’une part, que la promotion des ventes a fait l’objet d’une proposition de règlement qui a distingué clairement le traitement juridique de telles mesures de promotion des pratiques commerciales déloyales, désormais régies par la directive 2005/29. Toutefois, la Commission aurait retiré cette proposition en 2006, un an après l’adoption de la directive. Par conséquent, on ne pourrait pas dire que la promotion relève implicitement du champ d’application de la directive. En outre, étant donné que, comme le montre son sixième considérant, la directive a pour objectif de protéger directement les intérêts économiques des consommateurs, elle ne saurait s’appliquer à des disposition de droit national, comme celle en cause en l’espèce, qui poursuivent d’autres objectifs principaux, à savoir la protection des concurrents et le maintien du pluralisme des médias et, seulement indirectement, la protection des consommateurs.
20. À toutes fins utiles, la requérante au principal et le gouvernement autrichien déclarent que, en tout état de cause, l’interdiction de la vente accompagnée de primes, prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, est compatible avec le directive.
21. En effet, l’article 5, paragraphe 2, la directive 2005/29 permettrait aux États membres de considérer comme déloyales et donc d’interdire, les pratiques commerciales contraires aux exigences de l’obligation de diligence professionnelle et susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen. Du reste, l’interdiction litigieuse formulée par l’État membre ne trouverait à s’appliquer que dans le cas où le juge national constate que le consommateur a acheté le périodique pour des raisons extérieures au produit lui-même, liées à la perspective de profiter éventuellement d’avantages supplémentaires, et dans la mesure où de tels avantages ne relèvent pas des exceptions mentionnées à l’article 9 bis, paragraphe 2, de l’UWG. En outre les juridictions nationales procèderaient à une appréciation au cas par cas.
22. Selon la requérante au principal, la disposition autrichienne se distingue nettement des dispositions qui ont fait l’objet des affaires jointes C-261/07 (VTB-VAB) et C-299/07 (Galatea), ainsi que l’affaire C-304/08 (Plus), dans la mesure où ces dernières comporteraient des interdictions générales et n’aurait donc pas tenu compte des circonstances particulières des différents cas d’espèce.
23. En revanche, la défenderesse au principal fait valoir que, conformément au sixième considérant, seraient seules soustraites au champ d’application de la directive 2005/29, les législations nationales qui portent atteinte «uniquement» aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels. Or, ce ne serait manifestement pas le cas de la disposition litigieuse, puisque l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG aurait pour objectif prioritaire et direct la protection des consommateurs.
24. Elles considère en outre que l’interdiction prévue par cette disposition n’est pas compatible avec l’approche de la directive car, bien que la promotion des ventes en octroyant des primes ne figure dans la liste des pratiques commerciales jugées déloyales en toutes circonstances de l’annexe I de la directive 2005/29, elle est soumise à l’interdiction générale prévue par le droit autrichien, comme l’a constaté l’Oberster Gericht dans son ordonnance de renvoi.
25. Lors de l’audience, le gouvernement allemand a fait référence à l’affaire C-304/08 (Plus) et fait observer que, nonobstant l’harmonisation totale visée par la directive, les marges de manœuvre dont disposent les États membres en matière de transposition restaient intactes. Cela concernerait notamment la transposition en droit national de notions nécessitant d’être précisées, comme celles contenus dans les définitions légales de la directive 2005/29. En outre le gouvernement allemand a estimé que la directive 2005/29 ne s’opposait pas à une disposition de droit national lorsque cette dernière poursuivait un autre objectif que ladite directive.
26. En revanche, la Commission défend une conception qui lui est propre, d’une part, en expliquant que la directive 2005/29 s’opposerait à une interdiction générale et abstraite, telle que celle contenue dans la disposition litigieuse mais, d’autre part, en parvenant à la conclusion que cette disposition ne relèverait pas du champ d’application de la directive, car elle poursuivrait en priorité d’autres objectifs, à savoir, la préservation du pluralisme des médias, et, seulement dans une moindre mesure, la protection des consommateurs, ainsi que la loyauté des transactions commerciales.
B – La deuxième question préjudicielle
27. Pour le cas où la Cour répondrait par l’affirmative à la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si la vente accompagnée de primes doit être considérée comme une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2055/29 du seul fait que cette possibilité de participer à un jeu représente, au moins pour une partie du public concerné, certes non pas l’unique motif, mais certainement le motif déterminant qui les a poussé à acheter le produit principal.
28. Comme les gouvernements autrichien et belge ont tous deux répondu par la négative à la première question préjudicielle, ils ne présentent pas d’observations concernant la deuxième, alors que la requérante au principal, ainsi que la Commission en présentent toutes deux, à toutes fins utiles.
29. La requérante au principal se contente de constater que le comportement litigieux de la défenderesse au principal constitue une pratique commerciale déloyale mais ne produit pas d’éléments en ce sens.
30. La Commission estime que si la possibilité de participer à un jeu-concours doté d’un prix est le motif déterminant incitant le consommateur à acheter le périodique, cela ne suffit pas à conclure à l’existence d’une pratique commerciale déloyale au sens de la directive 2005/29 mais ne constitue que l’un des éléments que le juge national peut prendre en compte lors de l’appréciation du cas d’espèce.
31. De son côté, la défenderesse au principal, souligne que la notion de pratique commerciale ferait référence au consommateur moyen, décrit dans la jurisprudence de la Cour comme «consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé». La consommateur ainsi décrit serait conscient de ce que, dans une économie libre de marché, la publicité et la promotion auraient pour but de gagner des clients, et ce non seulement grâce au prix et à la qualité des produits, mais aussi en leur promettant d’autres avantages. C’est pourquoi, la vente accompagnée de primes ne saurait constituer une pratique commerciale déloyale que de manière exceptionnelle, et ce, lorsque l’offre est conçue de telle façon qu’elle peut amener le consommateur à acheter le produit, non pas pour des raisons liées au produit lui-même, mais uniquement à cause de la perspective d’obtenir un avantage supplémentaire.
VI – Appréciation en droit
A – Remarques liminaires
32. La présente affaire est déjà la troisième d’une série de renvois préjudiciels, par lesquels des juridictions nationales demandent des éclaircissements à la Cour quant à la mesure dans laquelle les interdictions d’offres conjointes édictées par des États membres peuvent encore être considérées comme compatibles avec le droit communautaire dans son état de développement actuel. Cette question est d’autant plus pertinente que la directive 2005/29, adoptée par le Parlement européen et le Conseil, le 11 mai 2005, vise à créer un cadre juridique unique pour la réglementation des pratiques commerciales déloyales.
33. En raison de l’objectif d’harmonisation complète des législations en matière de pratiques commerciales déloyales entre entreprises et consommateurs (7) dans les États membres de la Communauté, cette question concerne non seulement les nouvelles dispositions que les États membres ont édictées en transposition de la directive mais aussi celles qui, comme la disposition litigieuse de l’article 9 bis, paragraphe 1, de l’UWG, étaient déjà en vigueur avant l’adoption de la directive, mais dont l’État membre concerné considère qu’elles ont néanmoins une fonction de transposition.
34. Étant donné l’étroitesse de la marge de manœuvre en matière de transposition concédée aux États membres en cas d’harmonisation complète, juridiquement, le maintien de telles dispositions antérieures ne va pas toujours sans poser de problèmes. En effet, bien que ces dispositions relèvent en fin de compte du champ d’application de la directive concernée, souvent, elles ne sont pas conformes aux prescriptions de cette directive. C’est, comme l’ont montré les affaires VTB et Galtea, ainsi que Plus, ce qui s’est produit en Belgique (8) et en Allemagne (9) lors de la transposition de la directive 2005/29.
35. D’après son article 20, la directive 2005/29 est entrée en vigueur dès le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, c’est-à-dire le 12 juin 2005. Conformément à l’article 19, premier alinéa, les États membres étaient tenus d’adopter au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires, avec toutefois un délai de supplémentaire de six ans pour certaines dispositions nationales plus sévères. Néanmoins, ces dispositions législatives, réglementaires et administratives ne devaient être appliquées qu’à partir du 12 décembre 2007.
36. La République d’Autriche s’est acquittée formellement de cette obligation de transposition en adoptant la loi modifiant le Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb 1984, l’UWG (UWG-Novelle 2007, loi de 2007 modifiant l’UWG) entrée en vigueur le 12 décembre 2007 (10). Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué, la disposition litigieuse de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG n’a pas été édictée en transposition de la directive 2005/29 mais trouve son origine dans une législation nationale antérieure (11). Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la compatibilité de cette disposition avec le droit communautaire (12).
B – La première question préjudicielle
37. Au préalable, il convient de rappeler que dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle peut toutefois fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (13).
38. La première question préjudicielle vise à faire constater si la directive 2005/29 s’oppose à une disposition de droit national comme l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG. À cet effet, il convient tout d’abord d’examiner si, de par son objet, cette disposition relève du champ d’application matériel et personnel de la directive 2005/29. Ensuite, il convient d’examiner si ladite directive doit être interprétée en ce sens que les effets juridiques de la violation de cette disposition, prévus par le droit autrichien, relèvent également de son champ d’application.
1. La notion de «pratiques commerciales» au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29
39. D’après les indications de la juridiction de renvoi, l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG interdit aux entreprises d’offrir aux consommateurs des avantages gratuits accompagnant des biens ou des services. Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’il existe une interdiction des offres conjointes.
40. En outre, cette interdiction devrait également viser les pratiques commerciales au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29. Cette disposition définit la notion de pratique commerciale en recourant à une formulation particulièrement large (14), comme «toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs».
41. Ainsi que je l’ai exposé de manière détaillée dans mes conclusions dans les affaires jointes C-261/07 (VTB-VAB) et C-299/07 (Galatea) (15) et comme l’a confirmé la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu dans ces affaires (16), les offres conjointes sont des pratiques commerciales qui s’inscrivent clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visent directement à la promotion et à l’écoulement des ventes. Il s’ensuit qu’elles constituent des pratiques commerciales au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29, de sorte que l’interdiction des offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, relève de leur champ d’application matériel (17).
2. Le champ d’application personnel de la directive 2005/29
42. Pour relever du champ d’application de la directive, la disposition de droit national litigieuse de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG doit avoir pour objectif la protection des consommateurs, tout comme la directive.
a) Le domaine couvert par la directive 2005/29
43. En principe, la directive ne couvre que le domaine du B2C (business to consumer), c’est-à-dire la relation entre commerçants et consommateurs. Cela ressort d’une part de l’article 3, paragraphe 1, prévoyant que la présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. Ce lien est particulièrement souligné au huitième considérant, selon lequel la directive ne protège expressément que les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard (18).
44. Toutefois, j’estime qu’il est faux de supposer que, par conséquent, la directive considère que les intérêts économiques de concurrents réguliers sont moins dignes de protection (19). C’est ce que j’ai fait observer en dernier lieu dans mes conclusions du 3 septembre 2009 dans l’affaire C-308/08 (Plus) concernant un argument en ce sens du gouvernement autrichien (20). En effet, comme cela ressort clairement du huitième considérant, la directive protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par la présente directive. L’expression normative en est l’article 11, paragraphe 1, de la directive, dont découle l’obligation des États membres d’accorder, même aux concurrents, des moyens d’actions contre les comportements incompatibles avec la directive, de façon à ce que ceux-ci puissent agir en justice contre des pratiques commerciales déloyales.
45. La déclaration du sixième considérant est déterminante, elle indique que la directive 2005/29 a pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. Ce faisant, la directive tient compte de ce que qu’il n’est pas toujours possible de distinguer clairement entre consommateurs et concurrents car ces deux catégories se recoupent très souvent (21). De nombreuses pratiques commerciales des entreprises affectent à la fois les intérêts des consommateurs et ceux des concurrents. Conscient de l’étroitesse de ce lien, le législateur communautaire a décidé de prendre en compte les intérêts de protection des consommateurs dans une disposition relevant en fait de la politique de la concurrence, comme celle de la directive 2005/29 (22). Il n’y a pas d’opposition méthodologique entre la préoccupation de politique de la concurrence de la directive, tournée vers le fonctionnement du marché intérieur et l’objectif normatif de protection, tourné vers les intérêts standardisés du consommateur européen (23). Ainsi, l’article 11, paragraphe 1, de la directive qui prescrit l’octroi d’un droit de recours, permettant aux concurrents concernés d’intenter une action en cessation contre d’autres concurrents agissant de manière déloyale, peut fort bien être bénéfique à la protection des consommateurs (24).
46. Toutefois, afin de mieux délimiter son champ d’application, la directive distingue clairement entre, d’une part, les pratiques commerciales qui nuisent à la fois aux consommateurs et aux concurrents, et, d’autre part, celles qui ne peuvent porter atteinte qu’aux intérêts de l’un des deux groupes. Ainsi, le huitième considérant indique qu’il va de soi qu’il existe d’autres pratiques commerciales qui, si elles ne portent pas atteinte aux consommateurs, peuvent néanmoins porter préjudice aux concurrents et aux clients des entreprises.
47. Comme l’a constaté la Cour dans l’arrêt du 14 janvier 2010 dans l’affaire Plus, ce deuxième cas de figure ne relève pas du champ d’application de la directive (25), car il ressort du sixième considérant de cette dernière ne couvre ni n’affecte les législations nationales relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels. Le mot «uniquement» signifie généralement l’exclusivité, cela ressort également d’une comparaison entre quelques versions linguistiques de la directive 2005/29 (26). C’est pourquoi le sixième considérant indique également que pour tenir pleinement compte du principe de subsidiarité, les États membres conserveront, s’ils le souhaitent, la faculté de réglementer les pratiques visées, conformément à la législation communautaire.
b) L’objectif de protection de l’interdiction prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG
i) Importances respectives différentes des droits protégés
48. Par conséquent, il convient de se demander si l’interdiction d’offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, en cause en l’espèce, est une disposition visant à interdire une pratique commerciale nuisant uniquement aux intérêts économiques de concurrents. À cet égard, la juridiction de renvoi (27) et le gouvernement autrichien (28) font observer que l’interdiction des offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, en cause en l’espèce, poursuit un autre objectif législatif qui va au delà de l’objectif de protection des consommateurs de la directive.
49. En effet, outre la protection des consommateurs, l’interdiction viserait à la fois au maintien du jeu de la concurrence et à la protection du pluralisme des médias. En évitant les surenchères entre concurrents portant sur des prestations accessoires supplémentaires, il s’agit avant tout de protéger les concurrents qui, disposant de moindres moyens financiers, ne seraient pas en mesure de promouvoir leurs ventes en offrant des avantages gratuits. Cette protection serait justifiée étant donné l’importance de la fonction de formation de l’opinion incombant aux les médias dans une société démocratique. Le gouvernement autrichien avait déjà invoqué cet argument dans l’affaire C-368/95, Familiapress (29) qui concernait la compatibilité de cette interdiction avec la liberté de circulation des marchandises et la Cour n’aurait pas contesté non plus qu’il s’agissait d’un objectif légitime du législateur, en principe de nature à justifier une limitation de cette liberté fondamentale.
50. Néanmoins, il y a lieu de constater que les appréciations de l’importance respective des différents droits protégés par l’UWG divergent.
51. La juridiction de renvoi considère que, l’article 9, paragraphe 1, point 1, de l’UWG n’a probablement pas été conçu par le législateur principalement dans un but de protection du consommateur, mais dans celui d’assurer «au moins autant» la protection du consommateur que le maintien d’une concurrence efficace (30). Cela est en revanche contesté explicitement par le gouvernement autrichien qui soutient que l’interdiction des offres conjointes était «en premier lieu» destinée à protéger le jeu de la concurrence dans le secteur des médias (31), mais qui ne présente pas d’éléments convaincants à l’appui de cette thèse, d’autant plus que, dans ses observations relatives à l’offre conjointe d’un périodique et d’un jeu-concours doté d’un prix, elle met en garde à plusieurs reprises contre le risque d’exercice d’une influence illégitime sur le consommateur en exploitant son addiction au jeu (32). Selon moi, il ne fait presque aucun doute que la crainte qu’y exprime le gouvernement autrichien soit liée avant tout à la protection des consommateurs.
52. Ces déclarations divergentes quant à l’interprétation du droit national appellent les observations suivantes.
53. D’une part, il convient de rappeler que la procédure en vertu de l’article 234 CE repose sur une coopération entre la Cour et les juridictions nationales dans le cadre de laquelle il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de dispositions du droit national et de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction de renvoi est correcte (33). En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insère la question préjudicielle, tel que défini par la décision de renvoi (34).
54. D’autre part, cette appréciation différente sur le fond s’avère en fin de compte sans importance puisque, de toute façon, nul ne conteste que la disposition de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG n’a pas pour but d’interdire les pratiques commerciales déloyales qui, au sens du sixième considérant de la directive, portent atteinte uniquement aux intérêts économiques de concurrents ou concernent une transaction entre professionnels. Au contraire, il est entendu que, de par son objectif, l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG interdit les pratiques commerciales déloyales qui produisent toujours leurs effets dans le domaine du B2B. Par conséquent, la disposition de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG entre encore dans le champ d’application de la directive et il importe peu à cet égard que cette interdiction des offres conjointes vise en premier lieu à protéger un droit particulier, les intérêts des consommateurs, des concurrents ou du public, par exemple en maintenant le pluralisme des médias. C’est pourquoi, en l’espèce, d’un point de vue juridique, il importe peu de savoir si la mesure nationale en cause poursuit en outre l’objectif de maintien du pluralisme des médias, et dans quelle mesure.
ii) Examen des dispositions et de la jurisprudence nationales pertinentes
55. Considérant qu’il est nécessaire de donner une réponse utile aux questions de la juridiction de renvoi (35) et m’acquittant de l’obligation qui incombe aux avocats généraux en vertu de l’article 222 CE, de présenter, en toute impartialité et en toute indépendance des conclusions (36), je fais observer à toutes fins utiles qu’un examen des mesures en cause, y compris des travaux préparatoires de l’UWG, montre que le législateur autrichien se souciait sans doute au moins autant de la protection des consommateurs que de la protection des concurrents. Ainsi, il ressort des explications de la proposition d’UWG-Novelle 2007 du gouvernement (37) que, pour l’essentiel, l’UWG ne régit pas le domaine du B2B différemment de celui du B2C, car, pour le législateur autrichien, «il n’est pas possible de séparer» protection des concurrents et protection des consommateurs.
56. Cela correspond à l’opinion dominante dans la doctrine qui considère, notamment à cause de cela, que l’UWG protège autant les intérêts des consommateurs que ceux des concurrents et du public et parle d’un «triple objectif de protection» (38). Il en va de même de la disposition de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, en cause en l’espèce, dont la doctrine juridique ne conteste pas le caractère protecteur des consommateurs (39).
57. En outre, force est de constater que, même d’après la jurisprudence de l’Oberster Gerichtshof (40), qui renvoie parfois aux opinions défendues par la doctrine, l’objectif de l’interdiction des primes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, de l’UWG, réside surtout dans la protection des consommateurs. Celle-ci considère que le jugement des consommateurs ne doit pas être troublé par l’addiction au jeu et l’appât du gain (par exemple en lui donnant la possibilité de participer à un jeu-concours doté d’un prix).
58. Par conséquent, même après un examen des dispositions et de la jurisprudence autrichiennes pertinente, il faut considérer que l’interdiction des primes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG vise au moins autant à protéger les consommateurs.
c) Conclusion
59. Au vu des considérations qui précèdent, je parviens à la conclusion que la disposition de droit national de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG entre dans le champ d’application de la directive 2005/29. Par conséquent, il convient de l’apprécier à l’aune des prescriptions de la directive (41).
3. L’examen des structures des deux textes
a) Les dispositions de la directive 2005/29
60. Pour constater si la directive 2005/29 s’oppose à une disposition de droit national comme l’article 9 bis, paragraphe 1, de l’UWG, il est nécessaire d’examiner les deux textes du point de vue de leur structure et de leur objectif normatifs puis de les comparer.
i) L’objectif d’harmonisation complète et maximale des législations nationales
61. Comme je l’ai indiqué au début (42), la directive vise une harmonisation complète des législations des États membres en matière de pratiques commerciales déloyales. De plus, à la différence des instruments juridiques sectoriels d’harmonisation du droit de la consommation adoptés jusqu’alors, elle ne vise pas une harmonisation minimale mais une harmonisation maximale des législations nationales qui, hormis certaines exceptions, interdit aux États membres de conserver ou d’adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs (43). Cela ressort dans les deux cas à la fois du préambule et des dispositions générales de la directive.
62. D’une part, cela découle du onzième considérant de la directive indiquant que le rapprochement des dispositions nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection des consommateurs. D’autre part, son douzième considérant indique que les consommateurs et les professionnels pourront ainsi s’appuyer sur un cadre réglementaire unique basé sur des concepts juridiques clairement définis réglementant tous les aspects des pratiques commerciales déloyales au sein de l’Union européenne. Il est fait encore une fois référence à la méthode du rapprochement des législations à l’article premier de la directive dont il ressort que l’objectif de cette dernière est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs.
63. L’objectif de réglementation complète et maximale au niveau communautaire dans le domaine relevant du champ d’application de la directive, quant à lui, ressort clairement de ses quatorzième et quinzième considérants qui évoquent explicitement une harmonisation complète. En outre, cela découle de la clause relative au marché intérieur de l’article 4 prévoyant que les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.
64. À titre d’exception, l’article 3, paragraphe 5 de la directive prévoit que pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la faculté de continuer à appliquer des dispositions nationales dont la présente directive opère le rapprochement, plus restrictives ou plus rigoureuses que la présente directive. Toutefois, cette exception est limitée aux dispositions nationales adoptées pour mettre en œuvre des directives incluant des clauses d’harmonisation minimale (44). Enfin, une autre exception à l’harmonisation complète se trouve à l’article 3, paragraphe 9, elle concerne les services financiers au sens de la directive 2002/65/CE et des biens immobiliers.
ii) La structure normative de la directive 2005/29
65. La pièce maîtresse de la directive 2005/29 est la clause générale de l’article 5, paragraphe 1, interdisant les pratiques commerciales déloyales. Ce qu’il faut entendre par «déloyal» est précisé à l’article 5, paragraphe 2. D’après cette disposition, une pratique commerciale est déloyale lorsque, d’une part, elle est contraire aux exigences de la «diligence professionnelle», et, d’autre part, elle est susceptible d’«altérer de manière substantielle» le comportement économique du consommateur. D’après le paragraphe 4, en particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont trompeuses (articles 6 et 7) ou agressives (articles 8 et 9). Le paragraphe 5 renvoie à l’annexe I qui énumère les pratiques commerciales «réputées déloyales en toutes circonstances». Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’en modifiant la directive.
66. Il en découle que, lorsqu’elles appliquent le droit, les juridictions et les autorités administratives nationales doivent tout d’abord se référer à la liste des 31 pratiques commerciales déloyales de l’annexe I. Dès lors qu’une pratique commerciale peut être rattachée à l’une d’entre elles, il n’est plus nécessaire de procéder à un examen plus approfondi, par exemple des conséquences. Lorsque les faits du cas d’espèce ne correspondent pas à l’une des pratiques de la liste, il convient d’examiner s’ils correspondent à l’un des exemples généraux régis par la clause générale, les pratiques trompeuses ou agressives. Si, et seulement si, cela n’est pas le cas, la clause générale de l’article 5, paragraphe 1, de la directive trouve à s’appliquer (45).
b) Les dispositions de l’UWG
67. Selon une jurisprudence constante, chacun des États membres destinataires d’une directive a l’obligation de prendre, dans son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de la directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit (46). L’obligation du législateur national de transposer comme il se doit la directive en cause en droit national en découle (47). Toutefois, le libellé de l’article 249, troisième alinéa, laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Le législateur national, en particulier, dispose de cette liberté de choix.
68. C’est pourquoi la jurisprudence reconnaît que la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale expresse et spécifique (48). En effet, l’important est que les textes de transposition répondent aux exigences de clarté et de sécurité juridique afin que le programme poursuivi par la directive soit intégralement réalisé lors de l’application du droit national par les tribunaux et les autorités de l’État membre en question (49).
i) Présentation de la structure normative de l’interdiction prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG
69. D’après les indications de la juridiction de renvoi, l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG interdit aux entreprises d’annoncer aux consommateurs des avantages gratuits associés à des produits ou à des services. Si le produit principal est un périodique (journal, magazine), l’interdiction s’étend également au seul fait de proposer et d’accorder des primes. D’après la jurisprudence de l’Obergerichtshof (50), on entend par prime, notamment, la possibilité, liée à l’achat du produit principal, de participer à un jeu-concours doté d’un prix.
70. Néanmoins, comme cela ressort de l’ordonnance de renvoi (51), la jurisprudence donne une interprétation restrictive à cette disposition, si bien que toutes les ventes avec primes ne sont pas illicites. Ainsi, selon une jurisprudence constante de l’Oberster Gerichtshof, l’application de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG suppose que les agissements reprochés soient, dans les circonstances de l’espèce, (a) objectivement de nature à influencer le consommateur dans sa décision le produit principal (service principal) (52) et qu’ils soient donc (b) susceptibles d’entraîner un déplacement significatif que la demande (53). C’est pourquoi, il manque dans une certaine mesure déjà l’élément constitutif prévu par cette disposition, car la «prime» illicite au sens du paragraphe 1, fait défaut puisque les conditions élaborées par la jurisprudence ne sont pas réunies (54).
71. En dépit de cette interprétation restrictive donnée par la jurisprudence autrichienne, force est de constater que la disposition litigieuse de l’article 9 bis de l’UWG repose sur un principe règle-exception en ce que le paragraphe 1 interdit d’associer deux produits ou services différents dans un but de promotion des ventes, sauf lorsque les exceptions indiquées au paragraphe 2 trouvent à s’appliquer. En d’autres termes, cette disposition interdit de lier de produits ou services différents dans un but de promotion des ventes et s’entend donc comme une interdiction de principe des offres conjointes qui permet toutefois des exceptions dans certains cas (55).
4. La compatibilité de la disposition litigieuse avec la directive 2005/29
72. En outre, il convient d’étudier la compatibilité de la disposition nationale litigieuse avec la directive 2005/29 en examinant, en premier lieu la structure de ladite disposition. Si cela amène à constater une incompatibilité du droit national, tel qu’il ressort du libellé de la loi, il convient ensuite d’examiner si cette disposition peut malgré tout être considérée comme conforme à la directive en se basant sur l’interprétation restrictive de l’Oberster Gerichtshof.
a) Le droit écrit national
i) Renversement du système normatif
73. Quant à savoir si la disposition litigieuse est compatible avec la directive 2005/29, force est de constater que l’interdiction des offres conjointes, en cause en l’espèce, prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG constitue une disposition particulière à l’intérieur de l’UWG qui, pour le moment, n’a pas de pendant dans la directive 2005/29. L’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG prévoit une interdiction de principe des offres conjointes qui n’est pas prévue par la directive elle-même.
74. En outre, la disposition nationale présente une autre structure normative que la directive 2005/29, en raison du principe règle-exception sur lequel elle repose. C’est surtout ce renversement du système normatif qui suscite des doutes quand à la compatibilité avec ladite directive, même si c’est moins la conception formelle de la disposition qui en est en cause, en effet le législateur national dispose d’une certaine marge de manœuvre lorsqu’il transpose une directive, que son contenu normatif. Ce dernier ne correspond pas à celui de la directive 2005/29. En effet, comme je l’ai déjà exposé dans mes conclusions dans les affaires jointes C-261/07 (VTB-VAB) et C-299/07 (Galatea), la directive 2005/29 suit une conception favorisant la liberté d’entreprendre des opérateurs qui, pour l’essentiel, correspond au principe de droit «in dubio pro libertate» (56). C’est pourquoi la directive considère, au contraire de la disposition de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, que des pratiques commerciales sont licites, tant que les conditions, bien définies, d’une interdiction ne sont pas réunies (57).
75. Cette conception libérale correspond à une préoccupation réglementaire précise qui est de veiller à atteindre l’objectif du législateur communautaire consacré aux quatrième et cinquième considérants, ainsi qu’à l’article premier, de la directive, à savoir, grâce à des règles communes au niveau communautaire, de supprimer les entraves à la libre circulation des services et des marchandises ou la liberté d’établissement qui résultant du grand nombre de dispositions nationales en matière de pratiques commerciales déloyales, et ce, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur et pour assurer un niveau élevé de protection des consommateurs (58).
ii) Insuffisance des exceptions prévues à l’article 9 bis, paragraphe 2, de l’UWG
76. En outre, des exceptions à des interdictions de principe, comme celle prévue à l’article 9 bis, paragraphe 2, de l’UWG, ne sont pas de nature à couvrir tous les cas de figure dans lesquels une pratique doit être considérée comme licite en vertu des dispositions de la directive 2005/29, car elles ne permettent pas aux juridictions et aux autorités nationales de procéder à une appréciation au cas par cas (59). C’est ce qu’a également confirmé la Cour dans l’arrêt VTB-VAB et Galatea (60).
77. Comme les offres conjointes ne font pas partie des pratiques commerciales visées à l’annexe I qui sont considérées comme déloyales en toutes circonstances, elles ne peuvent en principe être interdites que si elles constituent des pratiques déloyales, par exemple parce qu’elles sont trompeuses ou agressives au sens de la directive. Par ailleurs, d’après la directive, une interdiction est envisageable uniquement lorsqu’une pratique commerciale doit être considérée comme déloyale parce qu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle ou parce qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer, de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen.
78. Il est impossible de constater une fois pour toutes s’il en va ainsi des offres conjointes, en effet, il faut pour cela procéder à une appréciation au cas par cas des pratiques commerciales. Cela ressort clairement du septième considérant de la directive, selon lequel, lors de l’application de la directive, notamment des clauses générales, il convient de tenir largement compte des circonstances de chaque espèce. Le terme «notamment» montre aussi que l’appréciation au cas par cas ne se limite pas à l’application de la clause générale de l’article 5, paragraphe 1, mais s’étend à l’application des dispositions des articles 5 à 9 de la directive, qui la précisent. Le dix-septième considérant montre que le législateur communautaire estime aussi qu’il est nécessaire de procéder à une appréciation au cas par cas à l’aune des dispositions des articles 5 à 9 de la directive lorsqu’une pratique commerciale ne fait pas parties des pratiques visées à l’annexe I. Cela résulte d’une interprétation a contrario de la troisième phrase du dix-septième considérant qui indique en effet que les pratiques commerciales visées à l’annexe I sont les seules qui peuvent être considérées comme déloyales «sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9».
iii) Conclusion intérimaire
79. Telle qu’elle ressort du libellé de la loi, la disposition litigieuse n’est pas compatible avec la directive 2005/29.
b) La possibilité de donner une interprétation conforme à la directive
80. Comme je l’ai exposé dans mes conclusions dans l’affaire Plus (61), pour dire si une disposition nationale est contraire au droit communautaire, il ne faut pas seulement s’appuyer sur son libellé, mais également tenir compte de la façon dont elle est interprétée par les juridictions nationales (62). Du fait qu’elle reflète l’interprétation de la loi telle qu’elle s’impose à tous les sujets de droit, la jurisprudence d’un État membre constitue un critère indispensable pour apprécier le caractère conforme au droit communautaire de la transposition en droit national et de l’interprétation de celui-ci (63).
81. C’est pourquoi, l’interprétation restrictive que l’Oberster Gerichtshof donne, en règle générale, à l’interdiction de principe des offres conjointes pourrait plaider en faveur de la compatibilité de la disposition avec la directive. On ne saurait exclure qu’en donnant une interprétation restrictive à une telle interdiction, le juge national l’affaiblisse de façon à la rendre en fin de compte compatible avec la directive. Par ailleurs, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, une juridiction nationale est tenue d’interpréter le droit national, qu’il s’agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la directive, à la lumière du texte et de la finalité de la directive (64) pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 249, troisième alinéa, CE, ce faisant, il appartient à la juridiction nationale de donner cette interprétation, dans toute la mesure où une marge de manœuvre lui est accordée par son droit national, en conformité avec les exigences du droit communautaire (65). Cela inclut la possibilité d’une interprétation réductrice, conforme au droit communautaire, de la disposition nationale en cause ou même d’une jurisprudence prétorienne, dans le mesure où les juridictions nationales en ont le pouvoir (66).
82. Toutefois, l’interprétation restrictive défendue par l’Oberster Gerichtshof devrait conduire à une concordance étroite entre le contenu normatif de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1 et celui des dispositions de la directive.
i) Examen à l’aune des dispositions de la directive
83. Il convient d’examiner ci-après si l’interdiction des offres conjointes en cause en l’espèce, telle qu’interprétée restrictivement par la jurisprudence autrichienne, peut être considérée comme compatible avec la directive. À cet effet, il convient de suivre le schéma d’examen décrit au point 66 des présentes conclusions.
– L’article 5, paragraphes 4 et 5, de la directive 2005/29
La liste des pratiques déloyales de l’annexe I de la directive
84. Tout d’abord, force est de constater que la pratique commerciale interdite par l’article 9 bis, paragraphe 1, de l’UWG, ne correspond à aucun des cas de pratiques commerciales déloyales visés à l’annexe I de la directive. N’est notamment pas applicable, le cas de figure décrit au point 16 consistant à affirmer d’un produit qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard. Il concerne une forme particulière de publicité (67), mais pas le recours à des offres conjointes en soi (68). Par ailleurs, la défenderesse ne prétend nullement que l’achat d’une marchandise suffirait à garantir une chance de gain. Elle offre simplement la possibilité de participer à un jeu-concours doté d’un prix qui est de toute manière accessible à tous sur Internet, sans pour autant promettre à l’acheteur que ses chances de gain seront plus élevées. Ainsi, le consommateur qui veut participer à l’élection d’un «footballeur de l’année» ne doit pas nécessairement acheter le journal en cause, il peut au contraire choisir entre plusieurs modes de participation. On ne lui suggère pas que ses chances de gagner seraient moindres que celles d’autres participants avec un mode de participation autre que l’achat du journal en cause et cela ne ressort pas non plus d’un examen objectif.
– Pratiques commerciales trompeuses et agressives au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la directive
85. Il convient de se demander si la pratique commerciale interdite par l’article 9 bis, paragraphe 1, de l’UWG peut être qualifiée de trompeuse ou d’agressive au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la directive. C’est ce qu’affirme le gouvernement autrichien qui voit également dans la disposition litigieuse une transposition de l’article 6, paragraphe 1, sous d), ou des articles 8 et 9 de la directive (69).
– Pratiques commerciales trompeuses au sens des articles 6 et 7 de la directive
86. Comme le montre une interprétation des articles 6 et 7 de la directive, les pratiques commerciales trompeuses se caractérisent avant tout par l’élément de tromperie concernant des caractéristiques essentielles d’un produit. D’après l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive. Le prix fait également partie des caractéristiques essentielles d’un produit.
87. Dans l’arrêt Oosthoek’s Uitgeversmaatschappij (70), que le gouvernement autrichien invoque dans ses observations, la Cour a constaté, concernant la compatibilité avec la libre circulation des marchandises d’une interdiction de primes aux Pays-Bas, que «l’offre de primes comme moyen de promotion des ventes peut induire en erreur les consommateurs sur les prix réels des produits et fausser les conditions d’une concurrence basée sur la compétitivité». La Cour en a déduit qu’«une législation qui, pour cette raison, restreint ou même interdit de telles pratiques commerciales est donc de nature à contribuer à la protection des consommateurs et à la loyauté des transactions commerciales».
88. Ces constats, établis longtemps avant l’adoption de la directive 2005/29, restent d’actualité car, si l’on comprend correctement le passage cité de l’arrêt, ils font référence au risque abstrait que représentent les offres conjointes, susceptibles d’empêcher de discerner suffisamment la valeur des différents produits. C’est ce qu’indique l’emploi du verbe «peut» dans la première phrase. C’est pourquoi la Cour a considéré implicitement qu’il était nécessaire de procéder à une interprétation au cas par cas, comme le requiert le législateur communautaire dans la directive 2005/29.
89. Par ailleurs, il ressort clairement dudit arrêt que la Cour s’est prononcée exclusivement sur la question de la compatibilité avec la libre circulation des marchandises de l’interdiction en cause des primes aux Pays-Bas en tenant compte de l’organisation légale particulière de celle-ci. Par conséquent, on ne saurait transposer telles quelles les conclusions de la Cour à l’espèce. Dans ces conditions, l’argument selon lequel tout recours à des primes, quel que soit la façon dont il est conçu, serait potentiellement trompeur, est dépourvu de fondement.
90. Par conséquent, la disposition litigieuse, telle qu’interprétée restrictivement par la jurisprudence autrichienne, ne saurait être considérée comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive.
– Pratiques commerciales agressives au sens de l’article 8 de la directive
91. Il est tout aussi inenvisageable de classer de manière générale les offres conjointes dans la catégorie des pratiques commerciales agressives car l’article 8 de la directive requiert à cet effet une altération, notamment du fait du harcèlement, de la contrainte, ou du recours à la force physique, de la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit.
92. Or, cet élément n’est pas caractéristique des offres conjointes et n’existe pas en l’espèce. Par conséquent, malgré une interprétation restrictive, la disposition n’est pas compatible avec l’article 8 de la directive.
– L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29
93. En outre, d’après la directive, une interdiction est envisageable uniquement lorsqu’une pratique commerciale doit être considérée comme déloyale parce qu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen. Il faut pour cela que les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), soient réunies (71).
94. L’examen de la compatibilité de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG avec l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29 se déroule quant à lui en deux étapes. Tout d’abord, il convient d’examiner si, en tenant compte de l’interprétation restrictive déjà évoquée, la disposition de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG subordonne une interdiction aux mêmes conditions que la directive. S’il en va ainsi, il convient d’examiner si seules les pratiques devant être considérés comme déloyales au sens de l’article 5, paragraphe 2, tombent sous le coup de cette disposition nationale.
Capacité à altérer de manière substantielle le comportement du consommateur moyen
– Concordance des conditions posées
95. Il existe en tous cas une concordance de fond étroite entre la disposition litigieuse et la directive quant à la condition posée à l’article 5, paragraphe 2, sous b), puisque, d’après l’interprétation restrictive des juridictions autrichiennes, pour qu’une prime soit illicite au sens de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, son annonce, son offre ou son octroi doit «objectivement être susceptible d’influencer les comportement des consommateurs ciblés». D’ailleurs, la juridiction de renvoi évoque elle-même la possibilité d’interpréter cette exigence développée par la jurisprudence autrichienne dans le sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b) (72). Cela n’appelle pas d’objections si l’on donne à cette exigence du droit national, dont le libellé est en substance identique, la même signification qu’en droit communautaire.
– Concordance du champ d’application
96. En effet, d’après la définition légale que comporte l’article 2, sous e), il convient d’entendre par «altération substantielle du comportement économique du consommateur» au sens de ladite disposition «l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement». Le droit protégé par cette disposition est la liberté de décision du consommateur (73).
97. Même si la question préjudicielle de la juridiction de renvoi concerne de manière générale la compatibilité de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, avec la directive, celle-ci est déterminante pour trancher dans l’affaire au principal en ce qui concerne non pas tous les cas de figure couverts (périodiques et primes) mais seulement les offres conjointes de périodiques et de jeux dotés d’un prix. Dans leurs observations, les parties, elles aussi, font surtout référence à cette forme très particulière d’offres conjointes, qui n’est pas sans poser des problèmes du point de la protection des consommateurs. C’est pourquoi, je me contenterai d’examiner plus avant les effets de cette pratique commerciale sur le comportement du consommateur.
98. Le gouvernement autrichien considère que la condition évoquée précédemment est remplie en ce qui concerne les offres conjointes de produits et de jeux dotés d’un prix (74). Il explique que, dans le cas de périodique dont le prix unitaire est relativement bas, comme en l’espèce, le consommateur se déciderait à acheter le produit principal pour des raisons étrangères à celui-ci, en raison des chances de gagner. Dans ce cas, la perspective d’une participation gratuite à un jeu-concours donnant une chance de gagner un prix d’une valeur disproportionnée pourrait justement altérer de manière substantielle le comportement du consommateur dans le secteur des médias.
99. Le gouvernement autrichien a raison d’affirmer que le recours à des jeux-concours dotés de prix à des fins publicitaires est bien de nature à éveiller l’envie de jouer qui est dans la nature humaine. Comme je l’ai déjà exposé dans mes conclusions dans l’affaire Plus (75), c’est notamment en raison de la perspective de gains, qui peuvent être très élevés, que ces jeux exercent un certain pouvoir d’attraction. Ils peuvent attirer l’attention de clients potentiels et l’orienter vers certains objectifs, dans le cadre de la stratégie publicitaire retenue. Il paraît donc difficile de dénier toute valeur à l’argument selon lequel une telle pratique commerciale peut, dans certaines circonstances, altérer de manière substantielle le comportement du consommateur.
100. Toutefois, il est douteux qu’une telle généralisation soit facilement compatible avec les prescriptions du droit communautaire, en effet, d’une part, la directive requiert que les juridictions et les autorités nationales procèdent à un examen approfondi des circonstances de l’espèce avant de pouvoir conclure au caractère déloyal d’une pratique donnée (76), d’autre part, aux fins de l’analyse des effets de l’action publicitaire en cause, elle se base sur la perception d’un consommateur moyen ou d’un membre moyen d’un groupe de consommateurs.
101. Comme il ressort du dix-huitième considérant, la notion de consommateur moyen employée dans la directive 2005/29 correspond exactement au modèle du consommateur de référence élaboré par la jurisprudence de la Cour (77), qui «est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé», tout en prenant en compte des facteurs sociaux, culturels et linguistiques». La notion de consommateur moyen est expliquée plus avant à la dernière phrase du dix-huitième considérant en soulignant qu’elle «n’est pas une notion statistique». En outre, il est indiqué que «les juridictions et les autorités nationales devront s’en remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné».
102. La méthode élaborée par la Cour pour examiner les effets d’une action publicitaire sur un consommateur moyen est fondée sur le principe de proportionnalité. Elle vise à établir un équilibre raisonnable entre, d’une part, l’objectif de protection des consommateurs et, d’autre part, la nécessité de promouvoir la circulation des marchandises dans un marché intérieur caractérisé par la libre concurrence. En adoptant la directive 20005/29, le législateur communautaire codifie désormais cette méthode et, conformément à la jurisprudence de la Cour, confie cette mission d’examen aux juridictions et aux autorités nationales. Cela doit permettre d’éviter le risque que des pratiques commerciales identiques ne fassent l’objet d’appréciations différentes d’un État membre à l’autre et d’assurer un niveau plus élevé de protection des consommateurs (78).
103. Juridiquement, la référence à un «consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé» signifie que la condition de fait prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous b), doit être interprétée de manière suffisamment stricte pour maintenir un équilibre raisonnable entre les deux objectifs. Elle ne permet pas de considérer que toute pratique commerciale remplit cette condition dès lors qu’elle est simplement susceptible d’influencer la décision d’achat. En effet, le droit communautaire considère que la consommateur est en mesure de discerner le danger que représentent certaines pratiques commerciales et d’agir rationnellement en conséquence (79). Cela est également cohérent du point de vue législatif si l’on ne veut pas considérer que toute forme de publicité, pourtant généralement reconnue comme inoffensive bien que parfois provocante, est déloyale et mérite par conséquent d’être interdite (80).
104. Comme l’explique, à mon avis justement, la défenderesse (81), un consommateur moyen est conscient de ce que la publicité et les promotions des ventes dans une économie libre de marché visent à conquérir des clients non pas uniquement par le prix et la qualité d’un produit, mais en promettant une multitude d’avantages supplémentaires. Ceux-ci peuvent être d’ordre émotionnel, comme par exemple lors d’une publicité véhiculant le sentiment de liberté et d’indépendance ou d’appartenance à un groupe social déterminé, ou encore comporter un avantage d’une grande valeur économique, comme dans le cas des primes. C’est pourquoi il est logique, dans le cadre législatif fixé par le droit communautaire, de laisser à un tel consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé le soin de décider s’il achète un produit en raison des avantages vantés par la publicité, de sa qualité ou même de son bas prix (82).
105. Or, la présomption, inhérente à toute législation posant une interdiction de principe, selon laquelle toute offre conjointe d’un produit et d’un jeu-concours doté d’un prix serait dangereuse indépendamment du risque réel qu’elle représente, ainsi que des spécificités du public auquel elle est destiné, et devrait donc être prohibée, serait incompatible avec le modèle du consommateur de référence du droit communautaire. En fin de compte, elle devrait être perçue comme une mise sous tutelle du consommateur (83). Elle restreindrait également de manière disproportionnée la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services. En effet, une telle interdiction irait au-delà de ce qui est nécessaire pour prendre en compte tant les intérêts des consommateurs que la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services.
– Conclusion intérimaire
106. En résumé, force est de constater que l’interdiction des offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, telle qu’interprétée restrictivement par la jurisprudence autrichienne, est fondée sur une pondération des intérêts en présence qui ne correspond pas aux prescriptions de la directive 2005/29.
107. Bien que cette conclusion suffise pour répondre par l’affirmative à la première question préjudicielle, à titre subsidiaire, j’examinerai ci-après, en réponse aux explications de la juridiction de renvoi et du gouvernement autrichien, la compatibilité de la disposition litigieuse avec les autres conditions imposées par l’article 5, paragraphe 2, de la directive.
Violation de la diligence professionnelle
– Concordance des prescriptions légales
108. Le fait que la disposition litigieuse, même interprétée restrictivement, renonce totalement à la condition essentielle que constitue la violation de la diligence professionnelle telle que l’impose l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive, apparaît comme une différence manifeste par rapport aux prescriptions de cette dernière.
109. À cet égard, le gouvernement autrichien soutient que l’exigence de diligence professionnelle serait en réalité inhérente à la disposition litigieuse puisque cette dernière visait à protéger la concurrence contre les risques d’exploitation de l’addiction au jeu des consommateurs. Le respect de la diligence professionnelle devrait être examiné par les juridictions au cas par cas, en fonction des exigences spécifiques à chaque profession (84). Il faut comprendre cette affirmation en ce sens que la disposition nationale litigieuse doit mettre en pratique cette exigence, ne serait-ce que par le biais d’une interprétation correctrice donnée par la juridiction compétente.
110. Toutefois, ces explications concernant le droit national ne sont pas convaincantes, en effet, la juridiction de renvoi observe explicitement que, à la différence de l’exigence d’altération substantielle du comportement du consommateur (85), déjà mentionnée, les juridictions autrichiennes ne peuvent pas vérifier si l’annonce, l’offre ou l’octroi d’une prime est également déloyal en tant que tel parce que contraire aux exigences de la diligence professionnelle (86). C’est pourquoi la juridiction de renvoi doute que, telle que formulée actuellement, une interdiction générale des primes soit compatible avec la directive 2005/29.
– Conclusion intérimaire
111. Ainsi, les explications de la juridiction de renvoi confirment mon opinion selon que l’interdiction des offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG n’est pas non plus conforme aux prescriptions de la directive en ce qui concerne la condition imposée par l’article 5, paragraphe 2, sous a). Par conséquent on ne peut constater dans la disposition litigieuse aucune concordance avec les prescriptions légales de l’article 5, paragraphe 2, sous a). Nul n’a non plus invoqué l’existence d’une autre prescription du droit autrichien de la concurrence déloyale qui correspondrait approximativement aux prescriptions légales de l’article 5, paragraphe 2, sous a).
112. Étant donné que cela suffit pour conclure que la disposition litigieuse n’est pas compatible avec l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, je ne vois pas de raison de poursuivre l’examen à l’aune de cette disposition de la directive.
c) Conclusion
113. Par conséquent, une disposition de droit national comme l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, telle qu’elle est interprétée, qui impose une interdiction de principe des offres conjointes sans prévoir la possibilité de prendre suffisamment en compte toutes les circonstances du cas d’espèce, est, par nature, plus restrictive et plus stricte que les dispositions de la directive 2005/29.
114. À cet égard, il convient de noter que l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG concerne un domaine soumis à l’harmonisation complète et auquel les dispositions transitoires de l’article 3, paragraphe 5, de la directive ne s’appliquent pas. D’ailleurs, aucun des participants à la procédure n’a soutenu que la disposition nationale litigieuse relevait de l’un des domaines indiqués au neuvième considérant de la directive (87). L’exception prévue à l’article 3, paragraphe 9, de la directive est tout aussi inapplicable.
115. L’interdiction de principe des offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, soumise à l’interprétation restrictive exposée précédemment, aboutit en fin de compte à compléter la liste limitative des pratiques commerciales interdites de l’annexe I de la directive, ce que les États membres n’on justement pas le droit de faire puisque la directive a réalisé une harmonisation complète et maximale (88). Il est interdit aux États membres de compléter unilatéralement cette liste étant donné que, d’après l’article 5, paragraphe 5, celle-ci ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la directive elle-même, c’est-à-dire selon la procédure de codécision prescrite par l’article 251 CE.
116. Au vu des considérations qui précèdent, je parviens à la conclusion que, malgré une interprétation restrictive, une disposition nationale comme celle de l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG est incompatible avec les prescriptions de la directive 2005/29.
Le retrait de la proposition de règlement sur la promotion des ventes dans le marché intérieur de la Commission
117. Une partie de l’argumentation du gouvernement autrichien repose sur différentes dispositions de la proposition de la Commission, finalement retirée, de règlement sur la promotion des ventes dans le marché intérieur (89). Ces dispositions concernaient notamment l’offre d’avantages gratuits, de primes ou de la possibilité de participer à des concours promotionnels et à des jeux-concours dotés d’un prix. Le gouvernement autrichien croit pouvoir déduire du retrait de ce projet de règlement sur la promotion des ventes que le domaine que celui-ci aurait couvert n’est toujours régi par aucune législation et ne relève, par exemple pas du champ d’application de la directive 2005/29.
118. Dans mes conclusions dans les affaires VTB-VAB et Galatea (90) et dans l’affaire Plus (91), j’ai déjà présenté des observations détaillées concernant les conséquences du retrait de cette proposition de la Commission sur le traitement juridique des offres conjointes. L’argumentation, identique en substance, des gouvernements belge et allemand m’en avait donné l’occasion. J’y ai expliqué pourquoi, selon moi, ni la proposition de un règlement sur la promotion des ventes dans le marché intérieur de la Commission ni les propositions d’amendement soumises dans le cadre de la procédure législative ne permettaient de tirer des conclusions concernant une interprétation de la directive 2005/29.
119. La proposition mentionnée ci-avant, concerne une norme communautaire qui n’est finalement jamais entrée en vigueur et, par conséquent, n’est jamais devenue partie intégrante de l’ordre juridique communautaire. Il est donc difficile de s’en servir comme objet d’interprétation. Et ce, à plus forte raison, lorsque la Commission retire cette proposition de sa propre initiative, comme dans le cas du projet de règlement en cause. Il faut rappeler que la Commission dispose uniquement d’un droit d’initiative et qu’elle a, dès lors, la possibilité de retirer ses propositions. Celles-ci peuvent d’ailleurs faire l’objet de nombreuses modifications par le Conseil et le Parlement au cours de la procédure législative, de sorte qu’elles ne peuvent être utilisées comme moyens auxiliaires d’interprétation que dans une mesure limitée (92). Par conséquent, la forme définitive d’un tel règlement peut seulement faire l’objet de conjectures. C’est pourquoi une telle proposition ne saurait établir une confiance légitime.
120. En tout état de cause, un État membre ne saurait faire valoir son point de vue en invoquant la confiance légitime lorsque sa participation aux deux procédures législatives a été importante. Les procédures législatives du règlement et de la directive 2005/29 se sont déroulées, pour partie, en même temps. Le gouvernement autrichien, en tant que représentant constitutionnel d’un État membre au Conseil, a eu une participation importante dans les deux procédures législatives, c’est pourquoi il était constamment informé de l’évolution de ces dernières. Il ne saurait donc valablement invoquer une ignorance de ce qui s’est produit au cours des deux procédures législatives.
121. La Cour a souligné la responsabilité particulière des gouvernements des États membres représentés au Conseil lors de la mise en œuvre de directives. Elle a déduit du fait qu’ils participent aux travaux préparatoires des directives qu’ils devaient être en mesure d’élaborer les dispositions législatives nécessaires à leur mise en œuvre dans le délai fixé (93).
122. Par conséquent, au plus tard au moment du retrait de la proposition de la Commission (94), le gouvernement autrichien aurait dû, le cas échéant, vérifier dans quelle mesure la champ d’application matériel de la directive 2005/29 s’étendrait à des domaines jusqu’alors couverts par le règlement en projet. Il était évident qu’il fallait procéder ainsi, d’autant plus que, selon sa conception initiale, la directive était destinée, d’une part, à introduire des dispositions subsidiaires dans le droit communautaire en matière de protection des consommateurs et, d’autre part, à harmoniser complètement des législations des États membres en matière de pratiques commerciales déloyales (95). Dans la mesure où le retrait est intervenu à un moment où le délai de transposition de la directive courait encore, il appartenait au législateur autrichien d’en tenir compte lors de l’adaptation du droit national.
123. Enfin, il faut remarquer que, dans l’arrêt VTB-VAB et Galatea, la Cour n’a pas accepté l’argumentation, identique en substance, du gouvernement belge, indiquant ainsi implicitement qu’elle ne suivait pas cette ligne de raisonnement. Cela a finalement été confirmé par l’arrêt Plus Warenhandelsgesellschaft (96).
124. Par conséquent, il convient de rejeter cet argument.
5. Conclusions
125. En résumé, il y lieu de constater que, de prime abord, le fait que la structure de la disposition nationale, conçue comme une interdiction de principe, ne permette pas, dans la même mesure que la directive 2005/29, une appréciation au cas par cas du caractère déloyal de la pratique commerciale en cause, plaide en faveur de l’incompatibilité de cette disposition avec les prescriptions de la directive (97).
126. En outre, force est de constater que l’on ne saurait voir dans la disposition nationale litigieuse une transposition correcte des dispositions de l’article 5, paragraphes 2, 4 et 5, de la directive, même en la soumettant à une interprétation restrictive comme celle de la jurisprudence autrichienne. Cela résulte de ce que les conditions d’application légales de la disposition nationale ne correspondent pas aux conditions posées par la directive pour qualifier une pratique commerciale de déloyale ou bien de ce qu’il est impossible de leur donner une interprétation conforme à la directive.
127. Comme la directive 2005/29 s’oppose à une interdiction des offres conjointes telle que celle prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, il n’est pas nécessaire de s’interroger sur une violation éventuelle des libertés fondamentales (98).
128. Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question préjudicielle que les dispositions de la directive 2005/29 s’opposent à une disposition nationale interdisant, à l’exclusion d’exceptions limitativement énumérées, l’annonce, l’offre ou l’octroi d’avantages gratuits accompagnant des périodiques ainsi que l’annonce d’avantages gratuits associés à d’autres produits ou services, sans obligation de vérifier au cas par cas la caractère trompeur, agressif ou déloyal d’une telle pratique commerciale, même lorsque la disposition nationale en cause poursuit non seulement un but de protection des consommateurs, mais également d’autres fins échappant au champ d’application matériel de la directive précitée, tels que, par exemple, le maintien du pluralisme de la presse ou la protection des concurrents plus faibles.
129. Enfin, rappelons à cet égard que, à la différence de ce que semble supposer la juridiction de renvoi (99), d’après la jurisprudence de la Cour (100), le droit communautaire ne requiert en tout cas pas que, dans un litige entre particuliers, les juridictions nationales laissent inappliqué le droit national incompatible avec une directive.
C – La deuxième question préjudicielle
130. Interprétée raisonnablement, la deuxième question préjudicielle vise en substance à faire constater par la Cour si une pratique commerciale déterminée peut être considérée comme «déloyale» au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, à certaines conditions, que la juridiction de renvoi considère manifestement comme réunies. En clair, dans ses explications, la juridiction de renvoi part de l’hypothèse que «la possibilité de participer à un jeu» liée à l’achat d’un journal «représente, au moins pour une partie du public concerné, certes non pas l’unique motif, mais certainement le motif déterminant qui les a poussé à acheter le journal». Cette caractéristique est pertinente en premier lieu pour savoir si, en l’espèce, il y a altération substantielle du comportement économique du consommateur moyen, au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive.
131. L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive indique clairement que ce qui importe en premier lieu c’est l’effet d’une pratique commerciale déterminée sur le comportement du consommateur moyen qu’elle ou à qui elle s’adresse. Par conséquent, cette disposition de la directive reprend la méthode d’analyse élaborée par la Cour et l’affine en l’adaptant pour les situations où les intérêts de groupes particuliers sont concernés (101). Dès lors qu’une pratique commerciale déterminée s’adresse à un groupe déterminé, il importe de savoir si cette pratique commerciale altère ou est susceptible d’altérer, de manière substantielle le comportement d’un membre moyen de ce groupe. Lors de cette analyse, il convient de se placer du point de vue de ce consommateur moyen en prenant en compte notamment ses attentes et ses réactions probables (102).
132. Dès lors que l’invitation, publiée par la défenderesse au principal dans son journal, à participer à un jeu-concours doté d’un prix, est manifestement parue dans un journal généraliste et non, par exemple, dans un journal sportif, il incombe à la juridiction nationale d’examiner dans quelle mesure cette offre s’adresse éventuellement à un groupe de lecteurs particulier et il conviendrait donc d’appliquer ce deuxième critère d’appréciation.
133. Quoi qu’il en soit, il faut rappeler qu’une pratique commerciale ne peut être jugée déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, que si elle réunit toutes les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b) (103). C’est pourquoi, en l’espèce, il faudrait qu’il y ait en plus une violation des exigences de la diligence professionnelle. L’expression «diligence professionnelle» est défini à l’article 2, sous h), de la directive comme «le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité». Il incombe au juge nationale de vérifier s’il y a une telle violation en l’espèce.
134. Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question préjudicielle que la possibilité de participer à un jeu, liée à l’achat d’un journal ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29 du seul fait qu’elle représente, au moins pour une partie du public concerné, certes non pas l’unique motif, mais certainement le motif déterminant qui les a poussé à acheter le journal.
VII – Conclusion
135. Au vu des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles de l’Oberster Gerichtshof:
1. Les dispositions de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une disposition nationale interdisant, à l’exclusion d’exceptions limitativement énumérées, l’annonce, l’offre ou l’octroi d’avantages gratuits accompagnant des périodiques ainsi que l’annonce d’avantages gratuits associés à d’autres produits ou services, sans obligation de vérifier au cas par cas la caractère trompeur, agressif ou déloyal d’une telle pratique commerciale, même lorsque la disposition nationale en cause poursuit non seulement un but de protection des consommateurs, mais également d’autres fins échappant au champ d’application matériel de la directive précitée, tels que, par exemple, le maintien du pluralisme de la presse ou la protection des concurrents plus faibles.
2. La possibilité de participer à un jeu-concours doté d’un prix, liée à l’acquisition d’un journal, n’est pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, du seul fait que cette possibilité de participer à un jeu représente, au moins pour une partie du public concerné, certes non pas l’unique motif, mais certainement le motif déterminant qui les a poussé à acheter le journal.
1 – Langue originale: l’allemand.
2 – Conformément au Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (JO C 306, p. 1), la procédure de renvoi préjudiciel est désormais régie par l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
3 – Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 2 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (directive sur les pratiques commerciales déloyales) (JO L 149, p. 22).
4 – Arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB (C-261/07 et C-299/07, non encore publié au Recueil).
5 – Arrêt du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft (C-304/08, non encore publié au Recueil).
6 – Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb 1984 – UWG, BGBl. N° 448, loi modifiée par la loi du 13 novembre 2007, BGBl. N° 79/2007.
7 – Voir arrêts du 23 avril 2009, VTB-VAB (précité note 4, point 52) et du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft (précité note 5, point 41).
En cas d’harmonisation plus poussée du droit des pratiques commerciales déloyales et du droit des contrats dans l’Union européenne, il conviendrait également de prendre en compte comme il se doit les prescriptions du «Draft Common Frame of Reference» (DCFR), car la protection des consommateurs constitue l’un des aspects essentiels de ce dernier qui impose, par exemple, au commerçant à l’égard du consommateur des obligations d’informations particulières concernant les caractéristiques principales des biens et services achetés (voir par exemple II.-3:102 DCFR). Ces «bonnes pratiques commerciales» s’opposent dans une certaine mesure aux «pratiques commerciales interdites» visées à l’annexe I de la directive 2005/29.
8 – Il s’agit des articles 54 et suivants de la loi belge du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur.
9 – Il s’agissait des articles 3 et 4, point 6, de la loi allemande contre la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbwerb, UWG, BGBl. I p. 1414), modifiée en dernier lieu par l’article 1 de la première loi modificative (erster Änderungsgesetz) du 22 décembre 2008 BGBl. I, p. 2949).
10 – BGBl. I n° 79/2007.
11 – L’interdiction des primes prévue à l’article 9 bis de l’UWG, régie à l’origine par le Prämiengesetz du 20 juillet 1929 (BGBl. 227) et ensuite par le Zugabengesetz 1934, a été intégrée dans l’UWG par le Wettbewerbs-Deregulierungsgesetz 1992 (BGBl. 1992/147). Voir, concernant la genèse de cette disposition, Duursma D., in: UWG – Kommentar (édité par Maximilian Gumpoldsberger/Peter Baumann), Vienne 2006, article 9 bis, point 1, p. 276 et Wiltschek, L., UWG – Kommentar, 2e édition, Vienne 2007, l’article 9 bis, p. 44.
12 – Voir notamment p. 9 et 10 de l’ordonnance de renvoi.
13 – Voir arrêts du 15 juillet 1964, Costa (6/64, Rec. p. 1141); du 29 novembre 2001, De Coster (C-17/00, Rec. p. I-9445, point 23); et du 16 janvier 2003, Pansard e.a. (C-265/01, Rec. p. I-683, point 18).
14 – Voir arrêts du 23 avril 2009, VTB-VAB (précité note 4, point 49) et du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft (précité note 5, point 36 et 39). Voir Keirsbilck, B., «Towards a single regulatory framework of unfair commercial practices?», European business law review, 4/2009, p. 505, qui estime que la directive 2005/29 se caractérise par son champ d’application très large.
15 – Voir mes conclusions du 21 octobre 2008 dans les affaires VTB-VAB et Galatea (arrêt précité note 4, points 68 à 70).
16 – Arrêt VTB-VAB (précité note 4, points 48 et 50). Voir, concernant une campagne publicitaire subordonnant la participation gratuite à une loterie à l’achat ou à l’utilisation d’une certaine quantité de biens ou services, arrêt Plus Warenhandelsgesellschaft (précité note 5, point 37).
17 – En ce sens également, Heidinger, R. «Zugabenverbot, quo vadis?», Medien und Recht, 1/2009, p. 45, qui considère que la disposition de l’article 9 bis de la UWG relève du champ d’application de la directive 2005/29 puisque l’interdiction qu’elle formule doit être qualifiée de réglementation des pratiques déloyales à l’égard des consommateurs.
18 – En ce sens également Hoeren, T., «Das neue UWG – Der Regierungsentwurf im Überblick», Betriebs-Berater, 2008, p. 1183; Stuyck, J., «The Unfair Commercial Practices Directive and its Consequences for the Regulation of Sales Promotion and the Law of Unfair Competition», The regulation of unfair commercial practices under EC Directive 2005/29 – New rules and new techniques, Norfolk 2007, p. 166.
19 – En ce sens également Koppensteiner, H.-G., «Grundfragen des UWG im Lichte der Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken», Wirtschaftsrechtliche Blätter, 2006, Heft 12, p. 558, qui considère qu’on aurait tort de dénier à la directive toute pertinence quant aux relations entre entreprises. L’auteur appuie son argumentation tant sur le sixième considérant que sur le huitième, dont il ressortirait que les intérêts économiques des concurrents légitimes seraient indirectement protégés, ainsi sur l’article 11, paragraphe 1, de la directive, prévoyant que les États membres doivent accorder, même aux concurrents, des moyens d’actions contre les comportements incompatibles avec la directive. Du même auteur, «Das UWG nach der Novelle 2007», Die Europäisierung des Kartell- und Lauterbarkeitsrechts, Tübingen 2009, p. 86, note 8, fait observer que les concurrents seraient aussi protégés indirectement par la directive.
20 – Voir points 35 et 64 des mes conclusions du 3 septembre 2009 dans l’affaire C-304/08 (Plus).
21 – Marsland, V., «Unfair Commercial Parctices: Stamping out Misleading Packaging», The regulation of unfair commercial practices under EC Directive 2005/29 – New rules and new techniques, Norfolk 2007, p. 194, fait observer à juste titre que, bien que tournée vers la protection des consommateurs, la directive 2005/29 reconnaîtrait que les intérêts des consommateurs et des concurrents concorderaient en matière de pratiques commerciales déloyales et qu’il irait de leur intérêt commun que tous les commerçants respectent les règles. Büllesbach, E., Auslegung der irreführenden Geschäftspraktiken des Anhangs I der Richtlinie 2005/207EG über unlautere Geschäftspraktiken, Munich 2008, p. 16, fait observer qu’un grand nombre de pratiques commerciales des entreprises concernent à la fois les intérêts des consommateurs et ceux des concurrents. C’est pourquoi, pour parvenir à des résultats justes lors de l’appréciation du caractère déloyal de pratiques commerciales, il conviendrait d’adopter une approche pluridimensionnelle prenant en compte de la même manière les intérêts de toutes les personnes concernées. Ainsi, l’exemple de la publicité trompeuse montrerait bien que, en règle générale, la protection des concurrents et celle des consommateurs constituent les «deux faces d’une même médaille» puisque cette publicité n’affecte pas seulement les intérêts du consommateur, mais aussi ceux des concurrents, en compromettant leurs opportunités commerciales. Il en irait de même du dénigrement, qui, d’une part, nuit à ceux qui sont critiqués à tort, et, d’autre part, fausse la base de décision du consommateur mal informé. Bargelli, E., «L’àmbito di applizione della direttiva 2005/29/CE: La nozione di pratica commerciale», Le pratiche commerciali sleali tra imprese e consumatori, Turin 2007, p. 80, signale la difficulté à délimiter les intérêts des consommateurs et ceux des concurrents. Selon Schuhmacher, W., «The Unfair Commercial Practices Directive», Law Against Unfaire Competition – Towards a New Paradigm in Europe (publié par Reto M. Hilty/Frauke Henning-Bodewig), Berlin/Heidelberg 2007, p. 132, la directive montre clairement qu’en matière de droit de la concurrence il existe des cas de figure dans lesquels il est impossible de séparer la protection des concurrents de celle des consommateurs.
22 – Gamerith, H., «Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken: bisherige rechtspolitische Überlegungen zu einer Neugestaltung des österreichischen UWG», Lauterkeitsrecht im Umbruch, 2005, p. 157, considère même que la directive 2005/29 n’établissait pas vraiment de délimitation entre les intérêts des consommateurs et ceux des concurrents dans son champ d’application et qu’elle constituait plutôt un système «B2B + B2C incomplet», ce qui plaiderait en faveur d’une transposition par le biais de l’UWG autrichien.
23 – En ce sens également, Kessler. J., «Lauterkeitsschutz und Wettbewerbsordnung – Zur Umsetzung der Richtlinie 2005/29/EG über unlautere Geschaäftspraktiken in Deutschland und Österreich», Wettbewerb in Recht und Praxis, 2007, numéro 7, p. 116. Voir également Falce, V./Ghidini, G., «The new regime on unfair commmercial practices at the intersection of consumer protection», Antitrust between EC law and national law, 2009, p. 374, qui expliquent que, dans la directive 2005/29, le législateur communautaire considère que seule une libre concurrence dans le marché intérieur permet de garantir la liberté de décision des consommateurs.
24 – En ce sens également, Gamerith, H., précité (note 22), p. 157, qui considère que les actions en cessation de concurrents concernés contre d’autres concurrents agissant de manière déloyale renforcent la protection des consommateurs pour autant qu’il s’agit d’interdictions dirigées contre toute influence déloyale sur la liberté de décision du consommateur en trompant ce dernier, en le prenant au dépourvu, en le séduisant, en faisant pression sur lui, etc.
25 – Voir arrêt Plus Warenhandlesgesellschaft (précité note 5, point 39). Voir Micklitz, H.-W. «Full Harmonization of Unfair Commercial Practices under Directive 2005/29», International Review of Intellectual Property and Competition Law, 2009, numéro 4, p. 373, qui considère que la directive 2009/25 est applicable à des rapports de B2B dès lors que deux conditions sont remplies: la politique commerciale en cause affecte directement les intérêts des consommateurs et indirectement les intérêts des concurrents. L’auteur craint que cette limitation du champ d’application de la directive n’ouvre la voie à de nouvelles stratégies de défense. Ainsi, des entreprises pourraient être tentées dé prétendre que leurs pratiques commerciales affectent uniquement des rapports de B2B.
26 – Allemand: «lediglich»; danois: «udeluklkende»; anglais: «only»; français; «uniquement»; italien: «unicamente»; néerlandais. «alleen»; portugais: «apenas»; slovène: «samo»; espagnol: «solo».
27 – Voir p. 10 à 12 de l’ordonnance de renvoi.
28 – Voir p. 4 et 5 des observations du gouvernement autrichien.
29 – Arrêt de la Cour du 26 juin 1997, Familiapress (C-368/95, Rec. p. I-3689).
30 – Voir p. 10 à 12 de l’ordonnance de renvoi.
31 – Voir point 11, p. 4, des observations du gouvernement autrichien.
32 – À cet égard, il existe une similitude avec l’argumentation du gouvernement allemand dans l’affaire C-304/08 (Plus) qui concernait la compatibilité d’une disposition nationale (article 4, point 6, de l’UWG allemand) interdisant les offres conjointes avec des concours ou des jeux dotés de prix. Cette interdiction reposait surtout sur des considérations de protection des consommateurs. Concernant l’argumentation du gouvernement allemand dans cette affaire, voir mes conclusions du 3 septembre 2009 dans cette affaire, notamment les points 93, 107.
33 – Voir en ce sens arrêts du 3 octobre 2000, Corsten (C-58/98, Rec. p. I-7919, point 24); et du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C-482/01 et C-493/01, Rec. p. I-5257, point 42).
34 – Voir arrêts du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner (C-475/99, Rec. p. I-8089, point 10); du 13 novembre 2003, Neri (C-153/02, Rec. p. I-13555, points 34 et 35); Orfanopoulos et Oliveri (précité note 33, point 42); et du 21 avril 2005, Lindberg (C-267/03, Rec. p. I-3247, points 41 et 42).
35 – Dans l’arrêt du 12 juillet 1979, Union laitière normande (244/78, Rec. p. 2663, point 5), la Cour a expliqué que si l’article 234 CE ne permettait pas d’apprécier les motifs de la demande de renvoi, la nécessité toutefois de parvenir à une interprétation utile du droit communautaire exige que soit défini le cadre juridique dans lequel doit se placer l’interprétation demandée. Selon Lenaerts, K./Arts, A./Maselis, I., Procedural Law of the European Union, 2e édition, p. 188, point 6-021, rien n’empêche la Cour d’indiquer la façon dont elle comprend les faits au principal et certains aspects du droit national comme point de départ d’une interprétation utile des dispositions et des principes applicables du droit communautaire.
36 – L’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, «La función del Anogado del Tribunal de Justicia de las Comunidades Europeas”, Problèmes d’interprétation, Bruxelles 2004, p. 334 et suivante, considère que les conclusions des avocats généraux devrait servir de base aux délibérations. Elles doivent en général donner une réponse à toutes les questions de droit qui se posent dans le cadre d’une affaire en procédant à un examen approfondi de la jurisprudence antérieure de la Cour. L’avocat général souligne également l’importance croissante de la doctrine dans l’examen de ces questions.
37 – Dans les «Erläuterungen zur Regierungsvorlage für ein Bundesgesetz, mit dem das Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb 1984 – UWG geändert wird (UWG-Novelle 2007)» publiées dans la revue Recht und Wettbewerb, 53e année, n° 170, décembre 2007, p. 13, il est indiqué: «Tout comme dans l’UWG actuellement en vigueur, pour l’essentiel, le projet de loi ne régit pas le domaine du B2B différemment de celui du B2C, car il n’est pas possible de séparer protection des concurrents et protection des consommateurs.»
38 – Selon Prunbauer, M., «Kommentar zum Vorschlag für eine EU-Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken im binnenmarkt-internen Geschäftsverkehr zwischen Unternehmen und Verbrauchern – ein missglückter Ansatz der Harmonisierung des Lauterkeitsrecht in der EU» Recht und Wettbewerb, 49e année, n° 161, septembre 2003, p. 3, l’UWG ne concerne en principe pas seulement les aspects de protection des consommateurs du droit de la concurrence, mais tout autant ceux de protection des concurrents et du public. Il serait impossible de considérer ou de juger une action publicitaire uniquement du point de vue du consommateur. La protection des concurrents et des intérêts du public au bon fonctionnement de la concurrence servirait également, ne serait-ce qu’indirectement, à protéger les consommateurs, car elle assurerait l’efficacité de la concurrence dans l’intérêt des consommateurs. L’auteur en déduit qu’il n’est possible de procéder à une distinction judicieuse entre une «concurrence concernant les consommateurs et une «concurrence concernant les entreprises», ni dans la vie économique réelle ni du point de vue de la doctrine. Selon Wiebe, A., «Umsetzung der Geschäftspraktikenrichtlinie und Perspektiven für eine UWG-Reform», Juristische Blätter, 129e année, numéro 2, février 2007, p. 71, en Autriche et en Allemagne, nul ne conteste plus depuis longtemps que l’UWG sert à protéger les concurrents, les consommateurs et les intérêts du public, comme l’indique explicitement à l’article 1 du nouvel UWG allemand. L’imbrication immanente des objectifs de protection rendrait impossible par nature une séparation des dispositions régissant les opérations de B2B et de B2C. Dans le même sens, Büllesbach, E., précité (note 21), p. 15, qui fait référence au triple objectif de protection (des consommateurs, des concurrents, du public) sur lequel sont fondés les droits allemand et autrichien de la concurrence déloyale. Lettner, H., «Die Umsetzung der EU-Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken – Eine bilanz des UWG-Neu in österreich und Deutschland», European Law Reporter, 2009, n° 9, p. 313, fait également observer que l’UWG autrichien avait un objectif général de protection des intérêts des entreprises, du public et des consommateurs.
39 – Ainsi, Duursma-Kepplinger, D., précité (note 11), fait observer que l’article 9 bis de l’UWG sert également à protéger les consommateurs (paragraphe 16, point 24, p. 808). L’objectif de limitation législative des primes serait notamment de protéger les acheteurs contre la publicité subjective et trompeuse et d’éviter les surenchères entre concurrents portant sur des prestations annexes (supplémentaires) (article 9 bis, point 2, p. 276). L’auteur considère que le véritable objectif de l’UWG serait d’offrir une protection préventive des intérêts généraux des consommateurs à ce que la concurrence reste exempte de pratiques déloyales (article 16, point 26, p. 810). D’après les indication de Horak, M., «Naht das Ende des Zugabenverbots?», Ecolex, 2008, p. 1138, l’objectif de l’interdiction des primes prévue par l’article 9 bis de l’UWG réside essentiellement dans la protection des consommateurs. L’auteur renvoie à cet égard à l’arrêt de l’Oberster Gerichtshof cité au point 40 des présentes conclusions. Voir également Kucsko, G., «Zur rechtspolitischen Begründung des Zugabenverbots», Ecolex, 1992, p. 709, qui retrace la genèse de l’interdiction des primes en Autriche depuis le début du 20e siècle. L’auteur fait observer que, depuis l’origine, l’objectif premier de l’«interdiction des primes» en Autriche était d’empêcher que la décision d’achat des consommateurs ne soit influencée de manière subjective par des primes et que ces dernières ne masquent le véritable prix du produit principal et n’induisent ainsi le client en erreur. En outre elle visait à empêcher les surenchères entre entreprises concurrentes.
40 – Voir arrêt de l’Oberster Gerichtshof du 9 mars 1999, Fini’s Feinstes (référence 4 Ob 28/99t). Il y est indiqué: «L’objectif de l’interdiction des primes réside surtout dans la protection des consommateurs: le jugement du consommateur ne doit pas être troublé par l’addiction au jeu et l’appât du gain (par exemple en lui donnant la possibilité de participer à un jeu concours). La décision d’achat doit intervenir en fonction de qualité et du prix et sur la base d’une comparaison objective, et non, sans vraiment réfléchir, pour gagner la prime mise en jeu comme appât».
41 – Voir Horak, M., «Zugabenverbot gemeinschaftsrechtswidrig?», Ecolex, 2009/123, p. 341, qui estime que la première question préjudicielle a pour but de savoir si une interdiction «per se» des primes destinée à protéger aussi bien les consommateurs que les entreprises est compatible avec la directive 2005/29. Selon l’auteur, une telle interdiction per se est contraire au droit communautaire dès lors que son champ d’application ne peut pas être délimité précisément et limité à des offres destinées exclusivement à des entreprises et n’affectant pas les intérêts des consommateurs. L’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG ne remplirait pas ces conditions. D’après Lettner, H., précité (point 35), n° 9, p. 317, le fait que l’interdiction des offres conjointes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG ne vise pas seulement à protéger les consommateurs mais poursuive également d’autres objectifs qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive, comme le maintien du pluralisme des médias et la protection de concurrents plus faibles, ne justifierait pas le maintien de l’interdiction per se pour le secteur du B2C, en plus des listes noires. Ainsi, les deux auteurs considèrent que la disposition nationale litigieuse entre dans le champ d’application de la directive 2005/29.
42 – Voir point 33 des présentes conclusions.
43 – Voir arrêt VTB-VAB (précité note 4, point 52).
44 – Les directives au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la directive qui comportent une clause d’harmonisation minimale sont, notamment, les suivantes: directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31); directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO L 158, p. 59); directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers (JO L 280, p. 83); directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144, p. 19); directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs (JO L 80, p. 27); directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle JO L 298, p. 23).
45 – En ce sens également, le schéma d’examen de De Critofaro, G., «La direttiva 2005/29/CE – Contenuti, rationes, caratteristiche», Le pratiche commerciali sleali tra imprese e consumatori, Turin 2007, p. 12, et Henning-Bodewig, F., « Die Richtlinie 2005/29/EG über unlautere Geschäftspraktiken », Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht Internationaler Teil, 2005, numéro 8/9, p. 631.
46 – Voir notamment arrêts du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen (51/76, Rec. p. 113, point 22); du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48); du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C-72/95, Rec. p. I-5403, point 55); du 17 juin 1999, Commission/Italie (C-336/97, Rec. p. I-3771, point 19); du 8 mars 2001, Commission/France (C-97/00, Rec. p. I-2053, point 9); du 7 mai 2002, Commission/Suède (C-478/99, Rec. p. I-4147, point 15); et du 26 juin 2003, Commission/France (C-233/00, Rec. p. I-6625, point 75).
47 – La transposition de la directive fait partie intégrante d’une procédure législative en deux étapes, dans laquelle la seconde étape doit intervenir au niveau du droit national. La mise en œuvre matérielle au niveau du droit national concrétise le droit de la directive [voir à cet égard Vcelouch, P., Kommentar zu EU- und Eg-Vertrag (publié par Hainz Mayer), Vienne 2004, article 249, points 48 et 50, p. 17 et 18].
48 – Voir arrêts du 28 février 1991, Commission/Allemagne (C-131/88, Rec. p. I-825, point 6); du 15 novembre 2001, Commission/Italie (C-49/00, Rec. p. I-8575, points 21 et 22); du 28 avril 2005, Commission/Italie (C-410/03, Rec. p. I-3507, point 60). C’est ce que fait observer à juste titre Seichert, D., «DerUmsetzungsbedarf der Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken», Wettbewerb in Recht und Praxis, 2005, p. 1088, au sujet de la nécessité de transposer la directive 2005/29 en droit allemand.
49 – En ce sens Ruffert, M., in Calliess/Ruffert (éditeurs), Kommentar zu EUV/EGV, 3e édition, 2007, article 249, point 49, p. 2135. Selon une jurisprudence constante, la transposition d’une directive doit assurer effectivement sa pleine application. Voir, notamment, arrêts du 9 septembre 1999, Commission/Allemagne (C-217/97, Rec. p. I-5087, point 31); du 16 novembre 2000, Commission/Grèce (C-214/98, Rec. p. I-9601, point 49); du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C-62/00, Rec. p. I-6325, point 26).
50 – Voir page 10 de l’ordonnance de renvoi.
51 – À la page 8 de l’ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi mentionne les arrêts de l’Oberster Gerichtshof du 20 octobre 1992, Welt des Wohnens (référence Ob 273/07d); du 30 janvier 2008, ORF Teletext (référence 3 Ob 273/07d); et du 14 février 2008 (référence 4 Ob 17/08s).
52 – À la page 8 de l’ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi mentionne l’arrêt Welt des Wohnens, précité note 48.
53 – À la page 8 de l’ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi mentionne l’arrêt de l’Oberster Gerichtshof, du 14 décembre 1999, Tipp des Tages III (référence 4 Ob 290/99x).
54 – Voir également page 4 des observations de la requérante au principal.
55 – Voir Horak, M., précité (note 39), p. 1137, qui compare la disposition de l’article 9 bis de l’UWG avec les «interdictions per se». Les interdictions per se constitueraient des interdictions de principe de pratiques commerciales décrites de manière abstraite, sans qu’un tribunal puisse vérifier au cas par cas les effets sur les consommateurs ou les concurrents. Le plus souvent, de telles interdictions seraient assorties d’une liste d’exceptions, afin d’assurer un équilibre praticable. D’après l’auteur, l’article 9 bis de l’UWG, qui comporte une interdiction de principe, au paragraphe 1, et une liste d’exceptions, au paragraphe 2, suit ce modèle. Heidinger, R., précité (note 17), p. 45, estime que la disposition de l’article 9 bis de l’UWG est conçue comme une interdiction per se de certaines pratiques commerciales sans qu’il soit nécessaire de vérifier au cas par cas les effets sur les consommateurs.
56 – Voir mes conclusions dans les affaires VTB-VAB et Galatea (précitées note 12, point 81). Manifestement d’accord, Micklitz, H.-W., précité (note 25), p. 374.
57 – C’est pourquoi Abbamonte, G., «The unfair commercial practices Directive an its general prohibition», The regulation of unfair commercial practices under EC Directive 2005/29 – New rules and new techniques, Norfolk 2007, p. 15, qualifie de libérale la conception suivie par la directive. D’après cette dernière, tout ce qui n’est pas interdit expressément serait permis. De Cristofaro, G., précité (note 45), p. 11, fait remarquer à juste titre que la directive poursuit une conception ponctuelle en fixant les critères d’appréciation du caractère déloyal d’une pratique commerciale sans donner aucune indication sur les caractéristiques d’une pratique commerciale loyale.
58 – Voir Bakardjieva Engelbrekt, A., «An end to Fragmentation? The Unfair Commercial Practices Directive from the Perspective of the New Member States from Central and Eastern Europe», The regulation of unfair commercial practivces under EC Directive 20005/29 – New rules and new techniques, Norfolk 2007, p. 47 et suivante, qui souligne l’effet harmonisateur de la directive 2005/29 dont l’objectif est de surmonter les différences importantes qui existaient entre les législations des États en matière de concurrence déloyale jusqu’à son entrée en vigueur. En ce sens également, Bargelli, E., précité (note 21), p. 79. Weatherill, S., «Who is the ‘average Consumer’», The regulation of unfair commercial practices under EC Directive 2005/29 – New rules and new techniques, Norfolk 2007, p. 137, qualifie l’approche de la directive 2005/29 de déréglementation régulatrice. L’harmonisation des législations nationales déréglementerait le marché en supprimant la variété des droits nationaux des États membres au profit d’une législtation commune. D’après Falce, V./Ghidini, G., précité (note 23), p. 372, vise à rétablir l’équilibre entre, d’une part, la concurrence dans le marché intérieur sans frontières, et, d’autre part, la protection des consommateurs.
59 – Voir en ce sens également Heidinger, R., précité (note 17), p. 46.
60 – Précité note 4, points 64 et 65.
61 – Précitées note 20, point 82.
62 – Lenaerts, K., Arts, D., et Maselis, I., précités (note 14), point 5-056, p. 162, observent que la portée de dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit être examinée à la lumière de l’interprétation qui leur est donnée par les juridictions nationales. L’interprétation conforme au droit communautaire du droit national a fait l’objet d’une demande de décision préjudicielle du Bundesgerichtshof dans l’affaire Siemens (arrêt du 19 novembre1996, C-42/95, Rec. p. I-6017) ainsi que d’une demande du Hof van beroep te Gent (Belgique) dans l’affaire Gysbrechts et Santurel Inter (arrêt du 16 décembre 2008, C-205/07,Rec. p. I-9947).
63 – Voir à cet égard mes conclusions du 18 décembre 2008, Commission/Espagne (C-338/06, Rec. p. I-10139, point 39).
64 – Arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891, point 26) et Harz (79/83, Rec. p. 1921, point 26); du 15 mai 1986, Johnston (222/84, Rec. p. 1651, point 53); du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen (80/86, Rec. p. 3969, point 12); du 20 septembre 1988, Beentjes (31/87, Rec. 1988 p. 4635, point 39); du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C-91/92, Rec. p. I-3325, point 24); du 25 février 1999, Carbonari e.a. (C-131/97, Rec. p. I-1103, point 48); du 15 juin 2000, Brinkmann (C-365/98, Rec. p. I-4619, point 40); du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, point 30); du 13 juillet 2000, Centrosteel (C-456/98, Rec. p. I-6007, point 16); du 3 octobre 2000, Gozza e.a. (C-371/97, Rec. p. I-7881, point 37). En ce sens également arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing (C-106/89, Rec. p. I-4135, point 89; du 15 mai 2003, Mau (C-160/01, Rec. p. I-4791, point 36); du 22 mai 2003, Connect Austria (C-462/99, Rec. p. I-5197, point 38); du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux (C-408/01, Rec. p. I-12537, point 21); et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, point 113). Voir à cet égard Schweitzer, M./Hummer, W./Obwexer, W., Europarecht, Vienne 2007, p. 82 et suivante.
65 – Arrêts von Colson et Kamann (précité note 64), point 28; et Harz (précité note 64), point 28.
66 – Selon Streinz, R., Europarecht, 8e édition, Heidelberg 2008, p. 161, point 456, l’obligation d’interprétation conforme à la directive trouve ses limites dans la capacité du droit national à être interprété. Lorsque les juridictions nationales ont également un pouvoir prétorien, elles devraient en user le cas échéant de façon à mettre le droit national en conformité avec le droit communautaire.
67 – Quant à l’objectif normatif de cette interdiction, voir Büllesbach, E., précité (note 21), p. 114. Si un professionnel prétend qu’un produit peut augmenter les chances de gagner à des jeux de hasard, cela suggère au consommateur que l’achat du produit permet d’influer en sa faveur sur le résultat. Or, ce qui caractérise les jeux de hasard c’est que le résultat est déterminé par le hasard. En raison de cet élément aléatoire, il est a priori inconcevable d’influencer le résultat. Il y aurait donc tromperie sur le caractère approprié du produit. Comme l’affirmation joue indirectement sur l’envie de jouer, elle mettrait particulièrement en danger le consommateur, car l’espoir d’un gain plus facile pourrait fortement affecter la rationalité de sa décision.
68 – Voir point 85 de mes conclusions dans l’affaire Plus, précitées note 20.
69 – Voir point 55, p. 21, des observations du gouvernement autrichien.
70 – Arrêt du 15 décembre 1982, Oosthoek’s Uitgeversmaatschappij (286/81, Rec. p. 4575, point 18).
71 – En ce sens Abbamonte, G., précité (note 57), p. 21; Massaguer, J., El nuevo derecho contra la competencia desleal – La Directiva 2005/29/CE sobre las Prácticas Comerciales Desleales, Cizur Menor 20006, p. 58; Maione, N., «Le Pratiche commerciali sleali nella direttiva 2005/29/CE», Lezioni di diritto privato europeo, 2007, p. 1068.
72 – Voir page 10 de l’ordonnance de renvoi.
73 – Mais par l’intérêt économique du consommateur. Selon Abbamonte, G., précité (note 57), p. 23, cette disposition part du principe qu’en règle générale les pratiques commerciales déloyales faussent les préférences des consommateurs en portant atteinte à leur liberté ou à leur capacité de décision. À cause d’elles, les consommateurs achèteraient des produits dont ils n’ont pas besoin ou que, autrement, sans cette atteinte, ils auraient considéré comme de moindre qualité. Toutefois, l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 20005/29 ne requiert pas que le consommateur subisse un préjudice économique. L’auteur considère qu’une telle condition irait au-delà de ce qui est nécessaire car elle ferait baisser sensiblement le niveau de protection des consommateurs dans l’Union européenne.
74 – Voir point 51, p. 20, des observations du gouvernement autrichien.
75 – Précitées note 17, point 93.
76 – Voir points 76 à 78 des présentes conclusions.
77 – Voir, concernant le consommateur de référence dans la jurisprudence de la Cour, arrêts du 16 janvier 1992, X (C-373/90, Rec. p. I-131, points 15 et 16); du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky (C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31); du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C-108/97 et C-109/97, Rec. p. I-2779, point 29), du 13 janvier 2000, Estée Lauder (C-220/98, Rec. p. I-117, point 27); du 21 juin 2001, Commission/Irlande (C-30/99, Rec. p. I-4619, point 32); du 24 octobre 2002, Linhart et Biffl (C-99/01, Rec. p. I-9375, point 31); du 8 avril 2003, Pippig Augenoptik (C-44/01, Rec. p. I-3095, point 55); du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland (C-363/99, Rec. p. I-1619, point 77); et du 12 février 2004, Henkel (C-218/01, Rec. p. I-1725, point 50); du 9 mars 2006, Matratzen Concord (C-421/04, Rec. p. I-2303, point 24); du 19 septembre 2006, Lidl Belgium (C-356/04, Rec. p. I-8501, point 78).
78 – Abbamonte, G., précité (note 57), observe qu’en adoptant la directive 2005/29, le législateur communautaire codifie désormais cette méthode que les juridictions de certains États membres n’appliquaient pas. L’auteur considère que cela réduit le risque que des pratiques commerciales identiques ne fassent l’objet d’appréciations différentes d’un État membre à l’autre et renforce la sécurité juridique. En ce sens également, Wiebe, A., précité (note 38), p. 75, et Micklitz, H. W., «Das Konzept der Lauterkeit in der Richtlinie 2005/29/CE», Droit de la consommation/Konsumentenrecht/ Consunmer law, Liber amicorum Bernd Stauder, Basel 2006, p. 311. Weatherill, S., p. 135, explique que, si le fait de se baser sur un consommateur moyen peut paraître artificiel étant donné les différences de comportement des consommateurs, il est indispensable au bon fonctionnement d’un système d’harmonisation des législations.
79 – Lecheler, H., «Verbraucherschutz», in: Handbuch des EU-Wirtschaftsrechts (éditeur: Manfred Dauses). tome 2, Munich 2004, H. V, point 27, p. 11, interprète la jurisprudence de la Cour (mentionnée en note 77 des présentes conclusions) en ce sens qu’elle se réfère à un consommateur en principe raisonnable et attentif, capable de s’orienter et d’agir avec discernement.
80 – Ainsi, Maione, N., précité (note 71), p. 1068, indique que le législateur communautaire n’a pas voulu interdire toute pratique commerciale qui influence la comportement du consommateur mais seulement les pratiques qui sont contraires à la diligence professionnelle en ce qu’elles portent atteinte à la liberté de décision du consommateur.
81 – Voir page 10 des observations de la défenderesse au principal.
82 – Voir en ce sens également Kucsko, G., précité (point 39), p. 709, qui doute que l’argumentation sur laquelle était basés les travaux préparatoires du Prämiengesetz de 1929 (dans lequel l’interdiction des primes prévue à l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG, trouve en fin de compte son origine) reste déterminante aujourd’hui. Le consommateur d’aujourd’hui serait bien plus critique et informé. Au cours des dernières décennies, le monde de la publicité aurait lui aussi totalement changé. Le consommateur serait soumis à une action publicitaire (d’ailleurs pas toujours objective) beaucoup plus intense et y serait habitué. L’«image» de certaines marques appellerait des associations qui n’auraient rien à voir avec les caractéristiques réelles du produit. Par ailleurs, toutefois, la publication régulière de tests comparatifs, les labels et les magazines de consommateurs critiques, etc., auraient renforcé la capacité de jugement du consommateur, non seulement à l’égard des produits testés, mais aussi de manière tout à fait générale. C’est pourquoi, le consommateur d’aujourd’hui serait bien plus apte à juger lui-même s’il veut se laisser «appâter par une offre étrangère au produit» ou s’il trouve le prix du produit principal trop élevé. En outre la prime lui apporterait plus qu’une «image» immatérielle, elle lui donnerait un vrai produit ou service. Aujourd’hui, l’argument déresponsabilisant de la protection des consommateurs ne serait plus convaincant.
83 – Heidinger, R., précité (note 17), p. 46, et Wittmann, H., «EUGH: Zugabenverbot vor dem Fall?», Medien und Recht, 6/2008, p. 284, s’emparent des réserves exprimées par la juridiction de renvoi dans l’ordonnance de renvoi. Ils observent que, en l’espèce, le modèle du consommateur de référence responsable, sur lequel est basé l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, s’oppose à une présomption de déloyauté.
84 – Voir point 47, p. 19, des observations du gouvernement autrichien.
85 – Voir point 95 des présentes conclusions.
86 – Voir p. 10 de l’ordonnance de renvoi.
87 – Comme le remarque à juste titre Schuhmacher, W., précité (note 21), p. 131, certaines limites à l’harmonisation complète sont énumérées au neuvième considérant. Néanmoins, en l’espèce aucun des participants à la présente procédure préjudicielle n’a pas soutenu explicitement que ces limites seraient applicables cas d’espèce. D’ailleurs, après un examen objectif, il ne semble pas que ce soit le cas.
88 – Abbamonte, G., précité (note 57), p. 21, fait observer que les États membres en peuvent pas compléter eux-mêmes la liste limitative des pratiques commerciales interdites de l’annexe I de la directive 2005/29. S’ils avaient le droit de la faire, cela reviendrait à contourner l’harmonisation complète visée par la directive, ce qui empêcherait d’atteindre l’objectif de sécurité juridique. Keirsbilck, B., précité (note 11), p. 522, qualifie de limitative la liste des pratiques commerciales interdites de l’annexe I.
89 – Proposition de la Commission pour un règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur (COM(2001) 546 final
90 – Précitées note 12, points 90 à 94.
91 – Précitées note 20, points 106 à 111.
92 – Voir point 83 de mes conclusions du 29 octobre 2009 dans l’affaire C-484/08, encore pendante, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid/Ausbanc. En ce sens, Riesenhuber, K., «Die Auslegung», in: Europäische Methodenlehre, Berlin 2006, p. 257, point 31. L’auteur explique que l’interprétation historique, qui se concentre sur les antécédents et la genèse, aurait une place centrale en droit communautaire. Si l’interprétation a pour objectif de rechercher la volonté du législateur, il convient tout d’abord de savoir quelle volonté est déterminante. Le législateur légitimé démocratiquement n’est autre que les organes législatifs qui ont approuvé l’acte en cause. Différents organes sont seulement entendus et la Commission elle-même n’a qu’un droit d’initiative et la possibilité de retirer des propositions; ces propositions peuvent être amendées à volonté dans le cadre de la procédure législative. Les propositions ou les souhaits de la Commission qui n’ont pas été repris pourraient, tout au plus (mais pas nécessairement), fournir un argument a contrario.
93 – Arrêts du 1er mars 1983, Commission/Belgique (301/81, Rec. p. 467, point 11); et du 23 novembre 2000, Commission/France (C-319/99, Rec. p. I-10439, point 10).
94 – La décision de la Commission de retirer son projet de règlement a été publiée au JO 2006, C 64, p. 3. Toutefois, la Commission avait déjà annoncé cette décision dans sa communication «Résultat de l’examen des propositions législatives en instance devant le législateur», COM(2005) 462 final, du 27 septembre 2005, p. 10.
95 – En ce sens également, Stuyck, J., précité (note 18), présume que certains États membres ne se sont manifestement pas rendu compte que les dispositions du projet de règlement retiré qui concernaient les rapports entre le professionnel et le consommateur ont en fin de compte été reprises par la directive 2005/29 (étant donné son objectif d’harmonisation complète).
96 – Arrêt Plus Warenhandelsgesellschaft (précité note 5, point 33).
97 – Voir points 76 à 79 des présentes conclusions.
98 – Voir arrêt VTB-VAB und Galatea (précité note 4, point 67).
99 – Voir point paragraphe 2.2, à la page 13 de l’ordonnance de renvoi. La juridiction de renvoi y indique elle-même qu’elle considère que l’article 9 bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG deviendrait «caduc» si la Cour répondait par l’affirmative à la première question préjudicielle.
100 – Voir, concernant l’effet horizontal immédiat de directives, les arrêts Marleasing (précité note 64), point 6; Faccini Dori (précité note 64), points 24 et suivants; du 26 septembre 2000, Unilever (C-443/98, Rec. p. I-7535, point 50). Voir, concernant la possibilité d’intenter une action en responsabilité de l’État au titre du droit communautaire lorsque des dispositions du droit national sont susceptibles d’être interprétées d’une manière incompatible avec la directive, les arrêts du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a. (C-178/94, C-179/94 et C-188/94 à C-190/94, Rec. p. I-4845); du 24 septembre 1998, EvoBus Austria (C-111/97, Rec. p. I-5411, points 27 et 28); et du 28 octobre 1999, Alcatel Austria e.a. (C-81/98, Rec. p. I-7671, points 49 et 50).
101 – En ce sens également Abbamonte, G., précité (note 57), p. 25, qui parle d’amélioration de cette méthode d’analyse en la modulant lorsque les intérêts de groupes particuliers sont concernés.
102 – Abbamonte, G., précité (note 57), p. 25, donne des exemples d’application de cette règle. Lorsqu’une pratique commerciale s’adresse à un groupe déterminé de consommateurs, par exemple à des enfants ou à des techniciens de fusées, il convient de se baser sur un membre moyen de ce groupe. Dans le cas d’une publicité pour un jouet dans le cadre d’une émission pour enfants, d’après l’auteur, on se basera sur les attentes et les réactions probables d’un enfant moyen du groupe cible, sans prendre en considération les attentes et les réactions d’un enfant exceptionnellement immature.
103 – Voir point 93 des présentes conclusions.