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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Schenker v Commission (Judgment) (French Text) [2014] EUECJ T-534/11 (07 October 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T53411.html Cite as: EU:T:2014:854, [2014] EUECJ T-534/11, ECLI:EU:T:2014:854 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
7 octobre 2014 (*)
« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Dossier administratif et décision finale de la Commission concernant une entente, version non confidentielle de cette décision – Refus d’accès – Obligation de procéder à un examen concret et individuel – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête – Intérêt public supérieur »
Dans l’affaire T‑534/11,
Schenker AG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes C. von Hammerstein, B. Beckmann et C.‑D. Munding, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par M. M. Kellerbauer, Mmes C. ten Dam et P. Costa de Oliveira, puis par M. Kellerbauer, Mme Costa de Oliveira et M. H. Leupold, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Me M. Smeets, avocat,
par
Martinair Holland NV, établie à Haarlemmermeer (Pays-Bas), représentée par Mes R. Wesseling et M. Bredenoord-Spoek, avocats,
par
Société Air France SA, établie à Roissy-en-France (France), représentée par Mes A. Wachsmann et S. Thibault-Liger, avocats,
par
Cathay Pacific Airways Ltd, établie à Queensway, Hong-Kong (Chine), représentée initialement par Me B. Bär-Bouyssière, avocat, MM. M. Rees, solicitor, D. Vaughan, QC, et Mme R. Kreisberger, barrister, puis par MM. Rees, solicitor, Vaughan, QC, et Mme Kreisberger, barrister,
par
Air Canada, établie à Québec (Canada), représentée par M. J. Pheasant, solicitor, et Me C. Wünschmann, avocat,
et par
Lufthansa Cargo AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
et
Swiss International Air Lines AG, établies à Bâle (Suisse),
représentées initialement par Mes S. Völcker et E. Arsenidou, puis par Mes Völcker et J. Orologas, avocats,
parties intervenantes,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 3 août 2011 refusant l’accès au dossier administratif de la décision C (2010) 7694 finale (affaire COMP/39.258 – Fret aérien), à la version intégrale de cette décision et à sa version non confidentielle,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,
greffier : Mme K. Andová, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mars 2014,
rend le présent
Arrêt
Faits
1 Le 9 novembre 2010, la Commission européenne a adopté la décision C (2010) 7694 finale (affaire COMP/39.258 – Fret aérien) relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (ci-après la « décision fret aérien »). Dans cette décision, adoptée en vertu de l’article 7 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE en participant à une entente à l’échelle mondiale portant sur les services de fret aérien (ci-après l’« entente fret aérien ») au sein de l’Espace économique européen (EEE) et a infligé à ces entreprises des amendes dont le montant total s’élevait à 799 445 000 EUR.
2 Le 21 avril 2011, la requérante, à savoir l’entreprise de services logistiques Schenker AG, a présenté auprès de la Commission une demande d’accès, à titre principal, à l’intégralité du dossier de la procédure ayant donné lieu à la décision fret aérien (ci-après le « dossier fret aérien »), à titre subsidiaire, à la version intégrale de la décision fret aérien et, à titre encore plus subsidiaire, à la version non confidentielle de cette décision, en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). La requérante a fait valoir dans sa demande qu’elle avait un intérêt particulier à obtenir ces documents dans la mesure où deux des destinataires de la décision fret aérien avaient introduit un recours à son égard auprès d’une juridiction néerlandaise, visant à faire constater qu’ils n’étaient pas redevables d’une indemnisation envers elle au motif d’une infraction au droit de la concurrence.
3 Par lettre du 25 mai 2011, la Commission a rejeté cette demande.
4 Le 15 juin 2011, la requérante a présenté, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, une demande confirmative tendant à ce que la Commission révise sa position (ci‑après la « demande confirmative ».
5 Par lettre du 3 août 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande confirmative.
6 Dans la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a délimité la portée de la demande confirmative. Elle a indiqué qu’elle avait le même objet que la demande initiale (section 2, troisième alinéa, de la décision attaquée).
7 Ensuite, la Commission a examiné séparément, d’une part, les demandes d’accès au dossier fret aérien et à la version intégrale de la décision fret aérien et, d’autre part, la demande d’accès à la version non confidentielle de cette décision (voir section 2, quatrième alinéa, premier et deuxième tirets, de la décision attaquée).
8 S’agissant des demandes d’accès, respectivement, au dossier fret aérien et à la version intégrale de la décision fret aérien, la Commission, en premier lieu, a indiqué que les dispositions du règlement n° 1/2003 ainsi que celles du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 123, p. 18), lui interdisaient de divulguer les informations réunies lors d’une enquête relative à l’application de l’article 101 TFUE ou de l’article 102 TFUE (ci‑après une « enquête en matière de concurrence »). La Commission a considéré que cette interdiction ne pouvait pas être contournée sur le fondement du règlement n° 1049/2001et que son but était de protéger le système d’application des règles de concurrence ainsi que l’intérêt des entreprises concernées à ce que les informations qu’elles avaient fournies à la Commission et celles à caractère confidentiel ne soient pas divulguées. Par ailleurs, la Commission a considéré qu’une présomption générale de confidentialité s’appliquait également aux « documents que [la requérante] cherchait à obtenir » (section 3.1 de la décision attaquée).
9 En deuxième lieu, la Commission a indiqué que la décision fret aérien avait fait l’objet de plusieurs recours en annulation pendants devant le Tribunal, de sorte que l’enquête ayant abouti à l’adoption de cette décision (ci‑après l’« enquête fret aérien ») ne pouvait pas être considérée comme étant définitivement close. Selon la Commission, il ne pouvait pas être exclu que, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle relative à la légalité d’une décision de la Commission, le Tribunal demandât à celle-ci de produire des documents provenant de son dossier. La Commission a indiqué que la divulgation de ces documents pourrait perturber la procédure juridictionnelle en cause. La Commission a également considéré que, en fonction du résultat des procédures pendantes devant le Tribunal, elle pourrait se voir forcée à rouvrir l’enquête fret aérien. Dès lors, la divulgation des « documents demandés » limiterait sa capacité d’adopter une nouvelle décision à l’abri d’influences externes et porterait atteinte aux objectifs de son enquête (section 3.2, premier alinéa, de la décision attaquée).
10 Par ailleurs, la Commission a considéré que les entreprises ayant soumis des informations dans le cadre d’une enquête en matière de concurrence avaient une confiance légitime en ce qu’elles ne seraient pas divulguées, sauf en ce qui concerne la décision mettant fin à l’enquête, expurgée de secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles. La Commission a indiqué que les « documents concernés par la [demande confirmative] » étaient des « documents d’immunité et de clémence », des documents réunis lors d’inspections, des demandes de renseignements, des réponses à ces demandes, des communications de griefs, des réponses à ces communications de griefs et des documents internes de la Commission. La Commission a signalé que divulguer de tels documents en dépit des garanties de confidentialité prévues par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 viderait de substance ces garanties et inciterait les entreprises concernées par des enquêtes ultérieures à limiter au minimum leur coopération, ce qui empêcherait la Commission d’appliquer efficacement les règles de concurrence (section 3.2, deuxième à sixième alinéas, de la décision attaquée).
11 La Commission a conclu de ce qui précède que « ces documents » étaient entièrement couverts par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001, tirée de la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit (section 3.2, septième alinéa, de la décision attaquée).
12 En troisième lieu, la Commission a indiqué que les « documents demandés » contenaient des informations à caractère commercial sensible dont la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement nº 149/2001. La Commission a considéré qu’il n’était pas possible de préciser davantage le contenu de ces informations sans le dévoiler partiellement et ainsi priver d’effet l’exception tirée de cette disposition (section 3.3 de la décision attaquée).
13 En quatrième lieu, la Commission a indiqué que certaines autorités de la concurrence de pays tiers avaient publié des décisions sur l’entente fret aérien, dont certaines avaient été annexées à la demande confirmative. Toutefois, la Commission a conclu que, contrairement à ce que la requérante avait fait valoir dans cette demande, cela ne changeait pas la nécessité de protéger le dossier fret aérien et la version intégrale de la décision fret aérien (section 3.4.1 de la décision attaquée).
14 En cinquième lieu, la Commission a considéré que, contrairement à ce que la requérante avait fait valoir dans la demande confirmative, d’une part, il n’était pas nécessaire d’effectuer une analyse individuelle de chaque document dont l’accès avait été refusé, dans la mesure où la jurisprudence permettait de présumer qu’ils étaient tous confidentiels et, d’autre part, l’adoption de la décision fret aérien ne comportait pas la clôture définitive de l’enquête fret aérien (section 3.4.2 de la décision attaquée).
15 En sixième lieu, la Commission a indiqué que les « documents concernés » étaient entièrement couverts par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement nº 1049/2001 et que, dès lors, il n’était pas possible d’accorder un accès partiel à ces documents (section 4 de la décision attaquée).
16 En septième lieu, la Commission a indiqué que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement nº 1049/2001, les exceptions visées au point précédent devaient être écartées si un intérêt public supérieur justifiait la divulgation. Toutefois, elle a considéré que la demande confirmative ne contenait pas d’arguments susceptibles de démontrer l’existence d’un tel intérêt (section 5 de la décision attaquée).
17 S’agissant de la demande d’accès à la version non confidentielle de la décision fret aérien, la Commission a indiqué que cette version était en cours de préparation. La Commission a souligné, d’une part, que la préparation d’une version non confidentielle d’une décision d’application de l’article 101 TFUE en matière d’ententes prenait un temps considérable et, d’autre part, qu’elle était en train de discuter avec les entreprises concernées sur les passages de la décision fret aérien qui devraient être exclus de la version non confidentielle de cette décision. Enfin, la Commission a indiqué que, cette version n’existant pas encore, la demande d’accès de la requérante était sans objet. Toutefois, elle s’est engagée à envoyer à la requérante une telle version dès qu’elle serait finalisée (section 2, quatrième alinéa, deuxième tiret, de la décision attaquée).
Procédure et conclusions des parties
18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2011, la requérante a introduit le présent recours.
19 Par actes déposés au greffe du Tribunal les 13 et 16 janvier 2012, la Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV, Martinair Holland NV, la Société Air France SA, Cathay Pacific Airways Ltd, Air Canada, Lufthansa Cargo AG et les Swiss International Air Lines AG ont demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions de la Commission. Ces interventions ont été admises par une ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 24 avril 2012.
20 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.
21 Le 16 janvier 2014, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues par l’article 64 de son règlement de procédure, a posé certaines questions écrites aux parties, qui ont déféré à cette demande dans le délai imparti.
22 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 mars 2014.
23 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
24 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
25 La Koninklijke Luchtvaart Maatschappij, Martinair Holland, la Société Air France, Air Canada, Lufthansa Cargo et les Swiss International Air Lines concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
26 Cathay Pacific Airways conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
En droit
Observations liminaires sur le contenu de la décision attaquée
27 Tout d’abord, il y a lieu de relever qu’il ressort des points 2 et 6 ci‑dessus que la demande confirmative contient trois demandes d’accès à des documents, la première, relative au dossier fret aérien, présentée à titre principal, la deuxième, relative à la version intégrale de la décision fret aérien, présentée à titre subsidiaire, et la troisième, relative à la version non confidentielle de cette décision, présentée à titre encore plus subsidiaire.
28 La Commission a rejeté la troisième de ces demandes pour un motif différent de ceux invoqués pour rejeter les deux premières demandes. Elle l’a fait dans une section introductive de la décision attaquée, consacrée, notamment, à la délimitation de l’objet de la demande confirmative (section 2 de la décision attaquée).
29 Dans cette même section introductive, la Commission a indiqué que les motifs de rejet des deux premières demandes d’accès visées au point 27 ci-dessus seraient exposés dans les sections ultérieures de la décision attaquée.
30 Toutefois, dans ces sections ultérieures, à savoir les sections 3 à 5 de la décision attaquée, la Commission n’a ni examiné ni mentionné séparément les deux premières demandes d’accès visées au point 27 ci-dessus. Il y a donc lieu d’interpréter, dans la mesure du possible, les motifs de rejet exposés par la Commission dans lesdites sections comme visant à la fois la demande d’accès au dossier fret aérien et la demande d’accès à la version intégrale de la décision fret aérien.
31 Ensuite, il y a lieu de signaler que, alors que la Commission a clairement rejeté ces demandes en vertu des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, tirées, respectivement, de la protection des intérêts commerciaux et de la protection des objectifs des activités d’enquête, elle a mentionné également à deux reprises la protection des procédures juridictionnelles et indiqué que ces procédures pourraient être perturbées par la divulgation de documents tels que ceux visés par les demandes d’accès de la requérante (voir section 3.1, septième alinéa, et section 3.2, premier alinéa, de la décision attaquée).
32 La requérante et certaines parties intervenantes ont donc présenté plusieurs arguments dans leurs mémoires relatifs à la question de savoir si l’accès demandé pourrait porter atteinte ou non à la protection des procédures juridictionnelles, au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001. Toutefois, la requérante n’a pas soulevé de moyen d’annulation de la décision attaquée tiré d’une violation de cette disposition et la Commission n’a pas fait valoir devant le Tribunal que la décision attaquée était fondée, en partie, sur celle-ci.
33 Sur ce point, il y a lieu de considérer que, bien qu’elle ait mentionné la protection des procédures juridictionnelles dans la décision attaquée, la Commission a fondé le rejet des demandes d’accès au dossier fret aérien et à la version intégrale de la décision fret aérien sur les seules exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, tirées respectivement de la protection des intérêts commerciaux et de la protection des objectifs des activités d’enquête, et non sur l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, de ce règlement.
34 En effet, dans la section 3.2, septième alinéa, la section 3.3, cinquième alinéa, et la section 4 de la décision attaquée, la Commission a uniquement conclu formellement que les documents demandés étaient couverts par les exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001. Par ailleurs, dans la section 5, dixième alinéa, de la décision attaquée, la Commission, en tant que conclusion de l’exercice de mise en balance qu’elle était tenue d’effectuer, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, de ce même règlement, entre l’intérêt public à la divulgation des documents demandés et les intérêts protégés par les exceptions appliquées dans la décision attaquée, a considéré que l’intérêt devant prévaloir était celui tiré de la protection des intérêts commerciaux et de la protection des objectifs des activités d’enquête. Enfin il convient de relever que, lors de l’audience, la Commission n’a pas fait valoir que la décision attaquée était fondée sur l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001.
35 C’est à la lumière des observations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner les moyens invoqués par la requérante à l’appui du recours.
Sur le fond
Observations liminaires
36 La requérante soulève, en substance, cinq moyens à l’appui du recours, pouvant être divisés en deux groupes.
37 Par le premier groupe de moyens, la requérante conteste la décision attaquée, en ce que la Commission a refusé ses demandes d’accès au dossier fret aérien et à la version intégrale de la décision fret aérien. Ce groupe de moyens comprend les quatre premiers moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la Commission aurait omis de procéder à un examen concret et individuel du dossier fret aérien. Les deuxième et troisième moyens sont tirés d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, en ce que la Commission n’aurait pas justifié que la divulgation du dossier fret aérien et la divulgation de la version intégrale de la décision fret aérien pourraient porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée (deuxième moyen) ou à la protection des objectifs de ses activités d’enquête (troisième moyen). Enfin, le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement nº 1049/2001, du fait de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ces documents.
38 Le second groupe comprend le cinquième moyen. Ce moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement nº 1049/2001, en ce que la Commission n’a pas accordé à la requérante un accès partiel au dossier fret aérien et ne lui a pas transmis une version non confidentielle de la décision fret aérien.
39 Il convient de relever qu’une institution de l’Union européenne peut prendre en compte de manière cumulative plusieurs motifs de refus visés à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 aux fins d’apprécier une demande d’accès à des documents qu’elle détient (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, non encore publié au Recueil, points 113 et 114).
40 Ainsi, comme il a été relevé aux points 27 à 35 ci‑dessus, la Commission a considéré, en l’espèce, que le dossier fret aérien et la version intégrale de la décision fret aérien étaient à la fois couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection des intérêts commerciaux, et par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du même règlement, relative à la protection des objectifs des activités d’enquête, d’inspection et d’audit des institutions de l’Union.
41 Quant à la version non confidentielle de la décision fret aérien, la Commission n’a pas considéré qu’elle était couverte par une exception au droit d’accès aux documents, mais s’est limitée à constater que cette version n’existait pas encore et qu’elle serait transmise à la requérante dès qu’elle serait prête.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de procéder à un examen concret et individuel des documents faisant partie du dossier fret aérien
42 À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre ont un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à la procédure législative ordinaire. Le règlement n° 1049/2001 vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il ressort également de ce règlement, notamment de l’article 4 de celui-ci, qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêt de la Cour du 27 février 2014, Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, C‑365/12 P, non encore publié au Recueil, point 61).
43 En vertu des exceptions invoquées par la Commission dans la décision attaquée, à savoir celles figurant à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, les institutions de l’Union, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé, refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée ou à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit de ces institutions.
44 Il en découle que le régime des exceptions prévu à cet article 4 est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 63).
45 En l’espèce, il y a lieu de considérer que le dossier fret aérien et la version intégrale de la décision fret aérien relèvent d’une activité d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. En effet, les informations contenues dans ces documents ont été soit réunies, soit élaborées, par la Commission dans le cadre d’une enquête relative à l’application de l’article 101 TFUE, dont le but était de rassembler des renseignements et des preuves suffisantes pour réprimer des pratiques concrètes contraires à cette disposition.
46 En outre, eu égard à l’objectif d’une procédure visant à l’application de l’article 101 TFUE, qui consiste à vérifier si une ou plusieurs entreprises se sont engagées dans des comportements collusoires susceptibles d’affecter de manière significative la concurrence, la Commission recueille, dans le cadre d’une telle procédure, des informations commerciales sensibles, relatives, notamment, aux stratégies commerciales des entreprises impliquées, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales, de sorte que l’accès aux documents afférents à une telle procédure peut porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux desdites entreprises. Dès lors, les exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux et à celle des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union sont, en l’espèce, étroitement liées (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 79, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑380/08, non encore publié au Recueil, point 34).
47 Certes, pour justifier le refus d’accès à un document, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité ou d’un intérêt mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, l’institution concernée devant également expliquer comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article. Toutefois, il est loisible à cette institution de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, points 64 et 65, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 35).
48 Il y a lieu d’examiner si une telle présomption générale peut résulter, en ce qui concerne les procédures d’application de l’article 101 TFUE, des dispositions des règlements nos 1/2003 et 773/2004, qui réglementent spécifiquement le droit d’accès aux documents figurant dans les dossiers de la Commission concernant ces procédures.
49 À cet égard, il importe de relever que les règlements nos 1/2003 et 773/2004 poursuivent, en la matière, des objectifs différents de ceux poursuivis par le règlement n° 1049/2001, dès lors qu’ils visent à assurer le respect des droits de la défense dont bénéficient les parties concernées et le traitement diligent des plaintes, tout en assurant le respect du secret professionnel dans les procédures d’application de l’article 101 TFUE, et non à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents ainsi qu’à promouvoir les bonnes pratiques administratives en assurant la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques ainsi que des informations qui fondent leurs décisions (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 83, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 30).
50 Contrairement à l’affirmation de la requérante selon laquelle, en cas de contradiction entre le règlement n° 1049/2001 et une autre règle du droit de l’Union, les dispositions dudit règlement prévalent, les règlements nos 1049/2001 et 1/2003 ne comportent pas de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre. Dès lors, il convient d’assurer une application de chacun de ces règlements qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette ainsi une application cohérente (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 84, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 31).
51 Certes, le droit de consulter le dossier administratif dans le cadre d’une procédure visant à l’application de l’article 101 TFUE et le droit d’accès aux documents des institutions, en vertu du règlement n° 1049/2001, se distinguent juridiquement, mais il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à une situation comparable d’un point de vue fonctionnel. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir les observations et les documents présentés à la Commission par les entreprises concernées et les tiers (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 89, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 32).
52 Or, l’article 27, paragraphe 2, et l’article 28 du règlement n° 1/2003 ainsi que les articles 6, 8, 15 et 16 du règlement n° 773/2004 régissent de manière restrictive l’usage des documents figurant dans le dossier relatif à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, en limitant l’accès au dossier aux « parties concernées » et aux « plaignants » dont la Commission a l’intention de rejeter la plainte, sous réserve de la non‑divulgation des secrets d’affaires et des autres informations confidentielles des entreprises ainsi que des documents internes de la Commission et des autorités de concurrence des États membres, et pour autant que les documents rendus accessibles ne soient utilisés qu’aux fins de procédures judiciaires ou administratives ayant pour objet l’application de l’article 101 TFUE (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 86, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 38).
53 Il en résulte que, non seulement les parties à une procédure d’application de l’article 101 TFUE ne disposent pas d’un droit d’accès illimité aux documents figurant dans le dossier de la Commission, mais que, en outre, les tiers, à l’exception des plaignants, ne disposent pas, dans le cadre d’une telle procédure, du droit d’accès aux documents du dossier de la Commission (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 87).
54 Ces considérations doivent être prises en compte aux fins de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001. En effet, si des personnes autres que celles disposant du droit d’accès au dossier au titre des règlements nos 1/2003 et 773/2004 ou celles qui, disposant en principe d’un tel droit, ne l’ont pas utilisé ou se sont vu opposer un refus étaient en mesure d’obtenir l’accès aux documents sur le fondement du règlement n° 1049/2001, le régime d’accès au dossier institué par les règlements nos 1/2003 et 773/2004 serait mis en cause (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 88, et Pays-Bas/Commission, point 46 supra, point 40).
55 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’un accès généralisé, sur la base du règlement n° 1049/2001, aux documents échangés, dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE, entre la Commission et les parties concernées par cette procédure ou les tiers serait de nature à mettre en péril l’équilibre que le législateur de l’Union a voulu assurer, dans les règlements nos 1/2003 et 773/2004, entre l’obligation pour les entreprises concernées de communiquer à la Commission des informations commerciales éventuellement sensibles et la garantie de protection renforcée s’attachant, au titre du secret professionnel et du secret des affaires, aux informations ainsi transmises à la Commission (arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 90, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 39).
56 Par ailleurs, il y a lieu de considérer, en ce qui concerne les informations réunies par la Commission dans le cadre des procédures d’application de l’article 101 TFUE, en vertu de ses communications sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (respectivement, JO 2002, C 45, p. 3, et JO 2006, C 298, p. 11), que la divulgation de ces informations pourrait dissuader les demandeurs de clémence potentiels de faire des déclarations en vertu de ces communications. En effet, ils pourraient se retrouver dans une position moins favorable que celle d’autres entreprises ayant participé à l’entente et n’ayant pas collaboré à l’enquête ou ayant collaboré moins intensément (arrêt Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 41).
57 Par conséquent, aux fins de l’interprétation des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, il y a lieu de reconnaître, contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents recueillis par la Commission dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE porterait, en principe, atteinte tant à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union qu’à celle des intérêts commerciaux des entreprises impliquées dans une telle procédure (voir, en ce sens, arrêts Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 92, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 42 ; voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 39 supra, point 123).
58 Compte tenu de la nature des intérêts protégés dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE, la conclusion tirée au point précédent s’impose indépendamment de la question de savoir si la demande d’accès concerne une procédure déjà clôturée ou une procédure pendante. En effet, la publication des informations sensibles concernant les activités économiques des entreprises impliquées est susceptible de porter atteinte à leurs intérêts commerciaux, indépendamment de l’existence d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE en cours. En outre, la perspective d’une telle publication après la clôture de cette procédure risquerait de nuire à la disponibilité des entreprises à collaborer lorsqu’une telle procédure est pendante (arrêt Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 43 ; voir, par analogie, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 39 supra, point 124).
59 Il importe d’ailleurs de souligner que, aux termes de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001, les exceptions concernant les intérêts commerciaux ou les documents sensibles peuvent s’appliquer pendant une période de 30 ans, voire au-delà de cette période si nécessaire (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 39 supra, point 125).
60 Enfin, la présomption générale susvisée n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (arrêts Commission/Éditions Odile Jacob, point 39 supra, point 126 ; Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 100, et Pays‑Bas/Commission, point 46 supra, point 45).
61 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que la requérante fait valoir en substance, la Commission n’était pas tenue de procéder à un examen concret et individuel des documents qui font partie du dossier fret aérien.
62 Le premier moyen doit, partant, être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, en ce que la Commission a considéré que le dossier fret aérien et la version intégrale de la décision fret aérien étaient couverts par l’exception au droit d’accès aux documents tirée de la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée
63 La requérante fait valoir que la Commission n’a pas justifié que l’accès au dossier fret aérien et à la version intégrale de la décision fret aérien porterait atteinte aux intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée. Elle rappelle que la décision fret aérien se rapporte à la période comprise entre décembre 1999 et février 2006. Selon la requérante, toute information commerciale ne serait plus ni actuelle ni protégeable. La Commission elle-même, dans sa communication relative aux règles d’accès au dossier dans les affaires relevant des articles [101 TFUE] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7), aurait indiqué que, en règle générale, les informations datant de plus de cinq ans ne sont plus confidentielles.
64 La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conteste les arguments de la requérante.
65 Il convient de relever, tout d’abord, que, eu égard à ce qui a été indiqué au point 57 ci‑dessus, la Commission pouvait présumer que l’accès au dossier fret aérien et à la version confidentielle de la décision fret aérien était susceptible de porter atteinte aux intérêts commerciaux des entreprises concernées par l’enquête fret aérien. Dès lors, contrairement à ce que la requérante fait valoir en substance, la Commission n’avait pas à indiquer de raisons spécifiques à cet égard.
66 Ensuite, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001 et ainsi qu’il a été souligné par la jurisprudence (voir point 59 ci-dessus), les exceptions visées par cette disposition peuvent s’appliquer pendant une période de trente ans, voire au-delà de cette période si nécessaire, en ce qui concerne notamment l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux.
67 En l’espèce, la requérante admet elle-même que la décision fret aérien se rapporte à la période comprise entre décembre 1999 et février 2006, qui date de moins de trente ans avant l’adoption de la décision attaquée.
68 Le présent moyen doit partant être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, en ce que la Commission a considéré que le dossier fret aérien et la version intégrale de la décision fret aérien étaient couverts par l’exception au droit d’accès aux documents tirée de la protection des objectifs des activités d’enquête
69 La requérante fait valoir que l’enquête fret aérien était terminée lors de l’adoption de la décision attaquée, en dépit de l’existence de certaines procédures pendantes devant le Tribunal, concernant des recours en annulation à l’encontre de la décision fret aérien. Ce serait donc à tort que la Commission a présumé que la divulgation du dossier fret aérien et de la version intégrale de la décision fret aérien pourrait porter préjudice à la protection des objectifs de ses activités d’enquête.
70 Les arguments de la requérante doivent être rejetés, comme la Commission et les intervenantes le relèvent à juste titre. En effet, comme indiqué au point 57 ci‑dessus, la Commission pouvait présumer que l’accès au dossier fret aérien et à la décision fret aérien était susceptible de porter atteinte à la protection des objectifs de ses activités d’enquête.
71 Par ailleurs, il importe de souligner que, comme la requérante elle-même le signale, plusieurs procédures judiciaires devant le Tribunal portant sur la légalité de la décision fret aérien étaient en cours lorsque la Commission a adopté la décision attaquée, à savoir les affaires Air Canada/Commission, T‑9/11, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission, T‑28/11, Japan Airlines/Commission, T‑36/11, Cathay Pacific Airways/Commission, T‑38/11, Cargolux Airlines/Commission, T‑39/11, Lan Airlines and Lan Cargo/Commission, T‑40/11, Singapore Airlines and Singapore Airlines Cargo PTE/Commission, T‑43/11, Deutsche Lufthansa e.a./Commission, T‑46/11, British Airways/Commission, T‑48/11, SAS Cargo Group e.a./Commission, T‑56/11, Air France KLM/Commission, T‑62/11, Air France/Commission, T‑63/11 et Martinair Holland/Commission, T‑67/11, actuellement pendantes devant le Tribunal.
72 Il y a donc lieu de constater que la Commission pourrait, en fonction de l’issue de différentes procédures juridictionnelles visées au point précédent, être amenée à reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision (voir, en ce sens, arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 39 supra, point 130). Dès lors, contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’enquête fret aérien ne pouvait pas être considérée comme étant définitivement clôturée lors de l’adoption de la décision attaquée.
73 Il découle de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement nº 1049/2001, en ce qu’un intérêt public supérieur justifierait la divulgation du dossier fret aérien et la divulgation de la version intégrale de la décision fret aérien
– Observations liminaires
74 Il ressort de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, que les institutions de l’Union ne refusent pas l’accès à un document lorsque sa divulgation est justifiée par un intérêt public supérieur, même si celle-ci pourrait porter atteinte, comme en l’espèce, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée ou à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union.
75 Dans ce contexte, il y a lieu de mettre en balance, d’une part, l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, d’autre part, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi qu’il est précisé au considérant 2 du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration des citoyens dans un système démocratique (arrêt du Tribunal du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié au Recueil, point 136).
76 Comme il a été indiqué au point 16 ci-dessus, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la demande confirmative ne contenait pas d’arguments susceptibles de démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant d’accorder l’accès à la requérante au dossier fret aérien ou à la version confidentielle de la décision fret aérien.
77 La requérante fait valoir que cette conclusion est erronée. À cet égard, elle présente, en substance, quatre branches. Ces branches sont tirées, premièrement, de l’existence d’un intérêt public inhérent à la divulgation des documents relatifs à une enquête en matière de concurrence, deuxièmement, de la nécessité de divulguer les documents facilitant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence (ci-après les « actions indemnitaires »), troisièmement, du caractère fondamental du droit d’accès aux documents et, quatrièmement, de la prise en considération de l’ensemble des arguments précédents.
– Sur la première branche, tirée de l’existence d’un intérêt public supérieur inhérent à la divulgation des documents relatifs à une enquête en matière de concurrence
78 La requérante fait valoir que l’intérêt public afférent à la divulgation des documents relatifs à une entente est, par nature, important, les citoyens ayant intérêt à ce que le jeu de la concurrence ne soit pas faussé. La requérante souligne que l’entente fret aérien concerne la quasi-totalité d’un secteur économique majeur et a eu un grand impact sur le fonctionnement du marché intérieur ainsi que des conséquences graves pour un grand nombre d’acteurs du marché et pour le grand public. Selon la requérante, l’existence de cet intérêt public justifie la divulgation du dossier fret aérien et la divulgation de la décision fret aérien.
79 Par cet argument, que la Commission conteste, la requérante invoque en substance l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, à connaître les raisons ayant amené la Commission à adopter ses décisions en matière de concurrence, ou, au moins, les décisions « importantes », qui l’emporterait systématiquement, d’une part, sur les intérêts commerciaux des entreprises concernées et, d’autre part, sur l’intérêt tiré de la protection des activités d’enquête de la Commission.
80 À cet égard, il y a lieu de considérer que le public doit être en mesure de connaître l’action de la Commission dans le domaine de la concurrence afin d’assurer, d’une part, une identification suffisamment précise des comportements susceptibles d’exposer les opérateurs économiques à des sanctions et, d’autre part, la compréhension de la pratique décisionnelle de la Commission, celle-ci ayant une importance essentielle sur le fonctionnement du marché intérieur, qui concerne tous les citoyens de l’Union en qualité soit d’opérateur économique, soit de consommateur.
81 Il existe donc un intérêt public supérieur à ce que le public puisse connaître certains éléments essentiels de l’action de la Commission dans le domaine de la concurrence.
82 Toutefois, contrairement à ce que la requérante fait valoir en substance, l’existence de cet intérêt public n’oblige pas la Commission à accorder un accès généralisé, sur la base du règlement n° 1049/2001, à toute information réunie dans le cadre d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE.
83 En effet, il convient de rappeler qu’un tel accès généralisé serait susceptible de mettre en péril l’équilibre que le législateur de l’Union a voulu assurer, dans le règlement n° 1/2003, entre l’obligation pour les entreprises concernées de communiquer à la Commission des informations commerciales éventuellement sensibles et la garantie de protection renforcée s’attachant, au titre du secret professionnel et du secret des affaires, aux informations ainsi transmises à la Commission (voir point 55 ci‑dessus).
84 Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il découle du considérant 6 du règlement n° 1049/2001 que l’intérêt du public à obtenir la communication d’un document au titre du principe de transparence n’a pas le même poids selon qu’il s’agit d’un document relevant d’une procédure administrative ou d’un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution de l’Union intervient en qualité de législateur (arrêt Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, point 75 supra, point 139 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 91).
85 Eu égard à ce qui précède, l’intérêt public à connaître l’activité de la Commission en matière de concurrence ne justifie, en tant que tel, ni la divulgation du dossier d’enquête ni la divulgation de la version intégrale de la décision adoptée, dans la mesure où ces documents ne sont pas nécessaires pour comprendre les éléments essentiels de l’activité de la Commission, tels le résultat de la procédure et les raisons ayant orienté son action. En effet, la Commission peut assurer une compréhension suffisante de ce résultat et de ces raisons au moyen, notamment, de la publication d’une version non confidentielle de la décision en cause.
86 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel, en publiant une version non confidentielle d’une décision d’entente, la Commission ne fait que s’acquitter d’une obligation particulière, différente de celle résultant de l’application du règlement nº 1049/2001. En effet, le caractère obligatoire ou non de cette publication n’a aucune incidence sur la question de savoir si elle satisfait l’intérêt public.
87 La conclusion visée au point 85 ci‑dessus n’est pas non plus infirmée par l’argument de la requérante selon lequel la publication de la version non confidentielle de la décision fret aérien n’avait pas encore eu lieu, un an après son adoption, et pourrait être toujours différée en raison de l’opposition entre les entreprises concernées et la Commission quant aux informations devant être considérées comme étant confidentielles.
88 À cet égard, il suffit de relever que la question de savoir si la Commission était tenue de communiquer, sur demande, une version non confidentielle de la décision fret aérien sera examinée dans le cadre du cinquième moyen.
89 Il y a donc lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen.
– Sur la deuxième branche, tirée de la nécessité de divulguer les documents facilitant les actions indemnitaires
90 La requérante souligne qu’elle a besoin du dossier fret aérien et de la version intégrale de la décision fret aérien afin de préserver ses chances d’obtenir réparation des dommages qu’elle a subis. Elle rappelle que la Commission, dans son livre blanc, du 2 avril 2008, sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante [COM (2008) 165] a reconnu que les actions indemnitaires étaient un moyen de rétablir et de promouvoir une concurrence non faussée et de dissuader la constitution de nouvelles ententes. La requérante estime que l’efficacité desdites actions n’a donc pas pour seul effet de protéger des intérêts individuels, mais a une fonction de prévention générale d’intérêt public, comme cela aurait été reconnu par la jurisprudence. Selon la requérante, l’intérêt public s’attachant au maintien d’une concurrence effective, compte tenu du fait que l’accès aux documents est un droit fondamental, l’emporterait en l’espèce sur l’intérêt des membres de l’entente fret aérien à voir leurs informations commerciales protégées. En tout état de cause, les intérêts des membres de l’entente ne seraient pas légitimes, compte tenu de l’illégalité de leurs actes.
91 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste l’argumentation de la requérante.
92 Il y a lieu de relever que toute personne est en droit de demander réparation du dommage que lui aurait causé une violation de l’article 101 TFUE. Un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles de l’Union relatives à la concurrence, en contribuant ainsi au maintien d’une concurrence effective dans l’Union (voir arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 104, et la jurisprudence citée).
93 Toutefois, des considérations aussi générales ne sauraient, en tant que telles, être de nature à primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 105).
94 En effet, aux fins d’assurer une protection effective du droit à réparation dont bénéficie un demandeur, il n’est pas nécessaire que tout document relevant d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE soit communiqué à un tel demandeur au motif que ce dernier envisage d’introduire une action en réparation, étant donné qu’il est peu probable que l’action en réparation doive se fonder sur l’intégralité des éléments figurant dans le dossier afférent à cette procédure (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 106).
95 Il incombe, dès lors, à toute personne qui veut obtenir la réparation du dommage subi en raison d’une violation de l’article 101 TFUE d’établir la nécessité qu’il y a, pour elle, d’accéder à l’un ou à l’autre document figurant dans le dossier de la Commission, afin que cette dernière puisse, au cas par cas, mettre en balance les intérêts justifiant la communication de tels documents et la protection de ceux-ci, en prenant en compte tous les éléments pertinents de l’affaire (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 107).
96 À défaut d’une telle nécessité, l’intérêt qu’il y a à obtenir la réparation du préjudice subi en raison d’une violation de l’article 101 TFUE ne saurait constituer un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 108).
97 En l’espèce, la requérante n’a nullement établi en quoi l’accès aux documents figurant dans le dossier fret aérien ou à la version intégrale de la décision fret aérien était nécessaire de sorte qu’un intérêt public supérieur justifiait la divulgation de ceux‑ci en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001.
98 Il résulte des considérations qui précèdent que la présente branche doit être rejetée.
– Sur la troisième branche, tirée du caractère fondamental du droit d’accès aux documents
99 La requérante fait valoir que le droit d’accès aux documents est un droit fondamental dont la protection ne sert pas uniquement l’intérêt individuel de son détenteur. Le droit de l’Union se caractériserait par sa volonté objective de faire respecter les droits fondamentaux, exigence qui relèverait de l’intérêt public général et devrait être prise en compte lors de l’application du règlement n° 1049/2001.
100 Par cet argument, la requérante fait valoir, en réalité, que toute demande d’accès aux documents, en tant qu’expression d’un droit fondamental à la transparence, présente un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement nº 1049/2001. Cela aurait pour conséquence l’impossibilité d’appliquer les exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001, qui seraient vidées de leur contenu.
101 Il y a donc lieu de rejeter la présente branche comme étant non fondée.
– Sur la quatrième branche, tirée de la prise en considération de l’ensemble des branches précédentes
102 La requérante fait valoir que, alors que les trois branches précédentes montrent qu’il existe plusieurs intérêts publics qui, pris isolément, justifient l’accès au dossier fret aérien et à la version intégrale de la décision fret aérien, la justification serait encore plus claire lorsque l’on considère ces intérêts dans leur ensemble.
103 Compte tenu de la réponse qui a été donnée aux trois branches précédentes, la présente branche doit être également rejetée.
104 Eu égard à l’ensemble de considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement nº 1049/2001, en ce que la Commission aurait dû accorder à la requérante un accès partiel au dossier fret aérien ainsi que lui transmettre une version non confidentielle de la décision fret aérien
105 Le présent moyen peut être divisé en deux branches, tirées respectivement de l’obligation de la Commission, d’une part, d’accorder à la requérante un accès partiel au dossier fret aérien et, d’autre part, de lui transmettre une version non confidentielle de la décision fret aérien.
106 La Commission, soutenue par Air Canada et par la Société Air France, fait valoir que ces deux branches sont non fondées.
– Sur la première branche, tirée de l’obligation de la Commission d’accorder à la requérante un accès partiel au dossier fret aérien
107 La requérante fait valoir que, même dans l’hypothèse où le refus d’accès à la totalité du dossier fret aérien aurait été justifié, la Commission aurait violé l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 en ne lui accordant pas un accès partiel audit dossier.
108 À cet égard, il suffit de rappeler que les documents faisant partie du dossier fret aérien étaient couverts par la présomption générale visée au point 57 ci‑dessus et qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait leur divulgation. Dans ces circonstances, ces documents échappent à l’obligation d’une divulgation, intégrale ou partielle, de leur contenu, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt Commission/Enbw Energie Baden-Württemberg, point 42 supra, point 134).
109 Dès lors, la présente branche doit être rejetée.
– Sur la seconde branche, tirée de l’obligation de la Commission de transmettre à la requérante une version non confidentielle de la décision fret aérien
110 La requérante fait valoir que, à supposer même que la Commission ait pu rejeter sa demande d’accès à la version intégrale de la décision fret aérien, elle aurait dû faire droit à sa demande d’accès à une version non confidentielle de cette décision, ce que la Commission conteste.
111 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions visées audit article, les autres parties du document sont divulguées. Selon la jurisprudence de la Cour, l’examen de l’accès partiel à un document des institutions de l’Union doit être réalisé au regard du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, Rec. p. I‑9565, points 27 et 28).
112 Il résulte des termes mêmes de la disposition visée au point précédent qu’une institution est tenue d’examiner s’il convient d’accorder un accès partiel aux documents visés par une demande d’accès en limitant un refus éventuel aux seules données couvertes par les exceptions visées par l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. L’institution doit accorder un tel accès partiel si le but poursuivi par celle-ci, lorsqu’elle refuse l’accès au document, peut être atteint dans l’hypothèse où elle se limiterait à occulter les passages qui peuvent porter atteinte à l’intérêt public protégé (arrêt du Tribunal du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, Rec. p. II‑911, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt Conseil/Hautala, point 111 supra, point 29).
113 Or, il résulte d’une lecture combinée de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001 et de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, de ce même règlement que, lorsque l’intérêt public supérieur visé par cette dernière disposition justifie la divulgation d’une partie d’un document, l’institution de l’Union saisie de la demande d’accès est tenue d’accorder l’accès à cette partie.
114 Il ressort des points 80 et 81 ci‑dessus qu’il y a lieu de reconnaître l’existence d’un intérêt public supérieur à ce que le public puisse connaître certains éléments essentiels de l’action de la Commission dans le domaine de la concurrence, ce qui exige la divulgation des informations permettant de comprendre, notamment, le résultat de la procédure et les raisons ayant guidé l’activité de la Commission.
115 Afin d’identifier les informations nécessaires à cet égard, il importe de considérer que, aux termes de l’article 30, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1/2003, la Commission, tout en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, est tenue de publier les décisions qu’elle adopte en vertu de l’article 7 de ce même règlement, mentionnant le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées. En effet, compte tenu de la nécessité d’effectuer une application cohérente des règlements nos 1049/2001 et 1/2003 (voir point 50 ci‑dessus), la Commission ne saurait refuser, en vertu du règlement n° 1049/2001, la communication d’un document qu’elle était, en tout état de cause, tenue de publier en application du règlement n° 1/2003.
116 Dès lors, l’intérêt public supérieur à la divulgation visé au point 114 ci‑dessus ne saurait être satisfait par la simple publication d’un communiqué de presse informant de l’adoption de la décision en cause, même dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, ce communiqué décrit succinctement l’infraction constatée, identifie les entreprises ayant été considérées comme responsables de cette infraction et indique le montant de l’amende imposée à chacune d’elles, dans la mesure où un tel communiqué ne reproduit pas l’essentiel des décisions adoptées en vertu de l’article 7 du règlement nº 1/2003. Cet intérêt public supérieur exige la publication d’une version non confidentielle de ces décisions.
117 La Commission était donc tenue de transmettre une version non confidentielle de la décision fret aérien à la requérante à la suite de la demande formulée par celle-ci, ce qui constitue un accès partiel à cette décision, au sens de l’article 4, paragraphe 6, du règlement nº 1049/2001.
118 Comme indiqué au point 17 ci‑dessus, la Commission a examiné la demande d’accès à la version non confidentielle de la décision fret aérien dans la section 2, deuxième tiret, de la décision attaquée. La Commission a indiqué ce qui suit :
« En ce qui concerne votre demande alternative, je dois vous informer qu’une version non confidentielle de la [décision fret aérien] n’a pas encore été établie. Les services de la Commission sont occupés actuellement à préparer cette version non confidentielle et des discussions sont en cours avec les parties pour déterminer quels passages doivent être exclus de la publication. Comme vous le savez, le processus de création d’une version non confidentielle d’une décision en matière d’entente prend beaucoup de temps. Étant donné qu’aucune version non confidentielle n’existe actuellement, votre demande au titre du règlement n 1049/2001 est sans objet. Nous vous enverrons toutefois une copie de la version non confidentielle dès que celle-ci sera finalisée. »
119 La requérante fait valoir que ce passage de la décision attaquée doit être interprété littéralement et que, donc, il signifie que la Commission a rejeté sa demande d’accès à la version non confidentielle de la décision fret aérien au seul motif que cette version n’existait pas.
120 Comme la requérante l’indique, si un tel motif de rejet était admis, la Commission pourrait refuser systématiquement l’accès partiel à tout document qui contient des informations confidentielles. En effet, accorder un accès partiel exige, en pratique, la préparation d’une version non confidentielle du document demandé et, dès lors, la Commission pourrait se contenter de constater à chaque fois l’inexistence de cette version.
121 Certes, la Commission s’est engagée à communiquer une copie de la version non confidentielle de la décision fret aérien à la requérante dès qu’elle serait finalisée. Dès lors, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas véritablement rejeté la demande d’accès de la requérante à une version non confidentielle au motif que cette version n’existait pas, mais au motif que l’accès à celle-ci ne pouvait être accordé qu’à un moment ultérieur et non défini.
122 La Commission fait valoir qu’elle n’était pas à même de communiquer à la requérante une version non confidentielle de la décision fret aérien à la date d’adoption de la décision attaquée, dans la mesure où il était nécessaire de discuter, d’abord, avec les entreprises concernées par la décision fret aérien, sur les informations devant être supprimées de la version confidentielle de cette décision.
123 À cet égard, l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1049/2001, dispose :
« Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles [263 TFUE] et [228 TFUE]. »
124 L’article 8, paragraphe 2, du même règlement prévoit :
« À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, le délai prévu au paragraphe 1 peut, moyennant information préalable du demandeur et motivation circonstanciée, être prolongé de quinze jours ouvrables. »
125 Le délai prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1049/2001 a un caractère impératif et ne saurait être prolongé en dehors des circonstances prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, sauf à priver cet article de tout effet utile, puisque le demandeur ne saurait plus exactement à partir de quelle date il pourrait introduire le recours ou la plainte prévus à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement (voir arrêt du Tribunal du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, Rec. p. II‑5723, point 39, et la jurisprudence citée).
126 Il y a donc lieu d’observer que les dispositions du règlement nº 1049/2001, telles qu’elles ont été interprétées par la jurisprudence, ne prévoient pas la possibilité pour la Commission de répondre à une demande confirmative que l’accès à un document sollicité sera accordé à un moment ultérieur et non identifié.
127 Toutefois, le juge de l’Union a considéré que certaines dispositions en matière de concurrence qui prévoyaient soit l’accès des entreprises concernées par une enquête au dossier de la Commission, soit la transmission sans délai par la Commission d’informations en sa possession aux autorités de la concurrence des États membres, devaient être interprétées à la lumière du principe général du droit des entreprises à la protection de leurs secrets d’affaires, dont l’article 339 TFUE constitue l’expression (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 28, et du 19 mai 1994, SEP/Commission, C‑36/92 P, Rec. p. I‑1911, point 36).
128 Ainsi, comme la Commission et certains intervenants le relèvent, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une entreprise fait valoir qu’un document la concernant contient des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles, la Commission ne doit pas le communiquer sans avoir préalablement respecté plusieurs étapes. Tout d’abord, la Commission doit mettre l’entreprise en cause en mesure de faire valoir son point de vue. Ensuite, elle doit prendre à ce sujet une décision dûment motivée qui doit être portée à la connaissance de l’entreprise. Enfin, eu égard au préjudice extrêmement grave qui pourrait résulter de la communication irrégulière de ce document, la Commission doit, avant d’exécuter sa décision, donner à l’entreprise la possibilité de saisir le juge de l’Union en vue de faire contrôler les appréciations portées et d’empêcher qu’il soit procédé à la communication (arrêts AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, point 127 supra, point 29, et SEP/Commission, point 127 supra, points 38 et 39 ; voir également arrêt de la Cour du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, Rec. p. I‑581, point 54).
129 Sur le fondement de ces observations, il y a lieu d’admettre que l’établissement d’une version non confidentielle d’une décision de la Commission en matière de concurrence peut prendre un certain délai, inconciliable avec les délais prévus aux paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du règlement nº 1049/2001 pour répondre aux demandes confirmatives, afin que puissent être dûment pris en compte les intérêts des entreprises concernées ayant invoqué spécifiquement la confidentialité de certaines informations.
130 Toutefois, eu égard à l’importance du principe de transparence dans le système constitutionnel de l’Union et à l’obligation qui pèse en principe sur la Commission, en vertu de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1049/2001, ainsi qu’en vertu de son obligation générale de diligence, de traiter les demandes confirmatives avec promptitude, elle doit s’efforcer d’accomplir les étapes visées au point 128 ci‑dessus dans les délais les plus brefs possibles et, en tout état de cause, dans un délai raisonnable devant être déterminé en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire. À cet égard, il y a lieu de prendre en considération le nombre plus ou moins important des demandes de traitement confidentiel soulevées par les entreprises concernées et leurs complexités technique et juridique.
131 En l’espèce, la Commission a fourni, en réponse aux questions écrites du Tribunal, des informations détaillées concernant, d’une part, le nombre de demandes de traitement confidentiel relatives à la décision fret aérien dont elle était saisie lors de l’adoption de la décision attaquée et, d’autre part, la charge de travail engendrée par le traitement de ces demandes.
132 Il ressort de ces informations, tout d’abord, que, le 10 décembre 2010, la Commission a demandé aux entreprises visées par la décision fret aérien de lui communiquer les parties de cette décision qui, selon elles, devraient être considérées comme constituant des secrets d’affaires ou des informations confidentielles. Entre le 30 décembre 2010 et le 12 avril 2011, la Commission a reçu des demandes de traitement confidentiel, parfois volumineuses, de la part de quatorze de ces entreprises.
133 Ensuite, le 20 juillet 2011, la Commission a envoyé aux entreprises mentionnées au point précédent un projet de version non confidentielle de la décision fret aérien, qui ne contenait plus certaines des informations dont la confidentialité avait été invoquée. Or, à la date de l’adoption de la décision attaquée, six de ces entreprises continuaient à revendiquer la confidentialité d’une partie substantielle de ce projet et quatre autres n’avaient pas encore marqué leur accord pour sa publication. En fait, seules quatre des entreprises concernées avaient marqué leur accord sur ce point.
134 Eu égard au nombre et à l’importance des demandes de confidentialité auxquelles la Commission était confrontée, le délai de huit mois et vingt-cinq jours écoulés entre l’adoption de la décision fret aérien (9 novembre 2010) et celle de la décision attaquée (3 août 2011) ne peut pas être considéré comme étant déraisonnable.
135 Dès lors, la Commission n’a pas fait preuve de négligence dans le traitement de la demande confirmative en ce qui concerne les parties de la décision fret aérien dont la confidentialité, à la date de l’adoption de la décision attaquée, continuait à être invoquée par les entreprises concernées par cette décision. S’agissant de ces parties de la décision fret aérien, il y a donc lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 6, du règlement nº 1049/2001 n’a pas été violé et, par conséquent, de rejeter la présente branche.
136 Toutefois, il ne ressort ni des informations fournies par la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, ni des informations fournies lors de l’audience, que la confidentialité de la totalité de la décision fret aérien ait été invoquée par les entreprises visées par cette décision. Par ailleurs, les seules informations figurant dans la réponse de la Commission aux questions du Tribunal pertinentes pour la solution du présent litige, à savoir celles concernant la période antérieure à l’adoption de la décision attaquée, ne permettent pas de considérer que, lors de l’adoption de cette décision, les demandes de confidentialité existantes portaient sur des éléments d’une telle importance qu’une version de ladite décision expurgée de ces éléments aurait été incompréhensible.
137 Rien n’empêchait donc la Commission de communiquer à la requérante la partie de la version non confidentielle de la décision fret aérien qui ne faisait l’objet d’aucune demande de confidentialité.
138 Par suite, la Commission était tenue de fournir à la requérante, à la demande de celle-ci, une telle version non confidentielle de la décision attaquée sans attendre que toutes les demandes de traitement confidentiel, présentées par les entreprises concernées, aient été définitivement réglées.
139 En effet, d’une part, une telle approche est conforme à l’esprit du règlement nº 1049/2001, dont l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphes 1 et 2, exigent un traitement rapide des demandes d’accès aux documents et dont l’article 4, paragraphe 6, impose aux institutions de l’Union l’obligation d’accorder un accès aux parties des documents non concernées par une exception visée au même article.
140 D’autre part, si la Commission était autorisée à ne pas communiquer les parties des décisions d’application de l’article 101 TFUE dont la confidentialité ne fait pas de doute jusqu’à la date à laquelle soit toutes les entreprises visées par ces décisions marquent leur accord pour la publication, soit toutes les étapes visées au point 128 ci‑dessus sont accomplies, ces entreprises seraient incitées à soulever des objections et à les maintenir afin non seulement de protéger leurs demandes légitimes de confidentialité, mais également de retarder la publication en vue d’entraver les possibilités des entreprises ou des consommateurs s’estimant lésés par leur comportement dans leur action en indemnité devant les juridictions nationales.
141 Dès lors, il y a lieu de conclure que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 6, du règlement nº 1049/2001 en ne communiquant pas à la requérante une version non confidentielle de la décision fret aérien expurgée des informations dont la confidentialité continuait à être invoquée par les entreprises concernées.
142 Il y a donc lieu d’accueillir la présente branche en ce qui concerne ces informations et, en conséquence, d’annuler partiellement la décision attaquée.
143 Le présent moyen, ainsi que le recours, doivent être rejetés pour le surplus.
Sur les dépens
144 Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
145 En l’espèce, alors que la requérante et la Commission ont succombé respectivement sur un ou plusieurs chefs, l’essentiel du recours a été rejeté. Il y a donc lieu d’ordonner que la requérante supporte, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la Commission.
146 En vertu de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige, les États parties à l’accord EEE autres que les États membres, ainsi que l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE), supportent leurs propres dépens.
147 En l’espèce, il convient d’ordonner aux parties intervenantes de supporter leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission du 3 août 2011 refusant l’accès au dossier administratif de la décision C (2010) 7694 finale (affaire COMP/39.258 – Fret aérien), à la version intégrale de cette décision et à sa version non confidentielle est annulée, en ce que la Commission a refusé l’accès à la partie de la version non confidentielle de la décision en cause dont les entreprises concernées par celle-ci n’avaient pas invoqué, ou ne continuaient pas à invoquer, la confidentialité.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Schenker AG est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission européenne.
4) La Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV, Martinair Holland NV, la Société Air France SA, Cathay Pacific Airways Ltd, Air Canada, Lufthansa Cargo AG et les Swiss International Air Lines AG supporteront leurs propres dépens.
Kanninen | Pelikánová | Buttigieg |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 octobre 2014.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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