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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Promarc Technics v OHMI - PIS (Piece de porte) (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-251/14 (15 October 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T25114.html Cite as: ECLI:EU:T:2015:780, [2015] EUECJ T-251/14, EU:T:2015:780 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
15 octobre 2015 (*)
« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une pièce de porte – Dessin ou modèle international antérieur constitué par un brevet américain – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Absence d’impression globale différente – Preuve de la divulgation au public du dessin ou modèle antérieur – Milieux spécialisés du secteur concerné – Utilisateur averti – Degré de liberté du créateur – Article 6, article 7, paragraphe 1, et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 »
Dans l’affaire T‑251/14,
Promarc Technics s.c. Tomasz Pokrywa, Rafał Natorski, établie à Zabierzów (Pologne), représentée par Me J. Radłowski, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant
« PIS » Petrycki i Sorys sp.j. (PIS), établie à Jasło (Pologne), représentée par Me D. Kulig, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 29 janvier 2014 (affaire R 1464/2012‑3), relative à une procédure de nullité entre Petrycki i Sorys sp.j. (PIS) et Promarc Technics s.c. Tomasz Pokrywa, Rafał Natorski,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2014,
vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 1er aout 2014,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2014,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 7 septembre 2009, la requérante, Promarc Technics s.c. Tomasz Pokrywa, Rafał Natorski, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).
2 Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé est représenté comme suit :
3 Le produit auquel le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé relève de la classe 25.02 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspond à la description suivante : « pièce de portes ».
4 Le dessin ou modèle contesté a été enregistré en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 1608365-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 188/2009, du 21 septembre 2009.
5 Le 29 juillet 2011, l’intervenante, « PIS » Petrycki i Sorys spółka jawna, a introduit devant l’OHMI, en vertu de l’article 52 du règlement n° 6/2002, une demande de nullité du dessin ou modèle contesté, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du même règlement, au motif qu’il était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), et de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement.
6 À l’appui de sa demande de nullité, l’intervenante a présenté un extrait de la base de données du United States patent and trademark office (USPTO, Office des brevets et des marques des États-Unis), concernant le brevet n° 4247237, intitulé « élément d’espacement autonome en nid d’abeilles », délivré le 27 janvier 1981. Le dessin ou modèle antérieur comporte un élément d’espacement en nid d’abeilles représenté comme suit :
7 Par décision du 11 juin 2012, la division d’annulation de l’OHMI a accueilli la demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, au motif qu’il était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du même règlement.
8 Le 3 août 2012, la requérante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.
9 Par décision du 29 janvier 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En substance, la chambre de recours a considéré que, même si le dessin ou modèle contesté répondait au critère strict de nouveauté, au sens de l’article 5 du règlement n° 6/2002, il était dépourvu de caractère individuel, en vertu de l’article 6 du même règlement, au motif qu’il produisait la même impression globale que le dessin ou modèle antérieur sur l’utilisateur averti. Tout d’abord, la chambre de recours a relevé que l’extrait du brevet américain n° 4247237, intitulé « élément d’espacement autonome en nid d’abeilles », était une preuve de divulgation avant la date du dépôt du dessin ou modèle contesté. Ensuite, elle a indiqué que le dessin ou modèle enregistré comme une « pièce de portes » revêtait un caractère visible et qu’il s’inscrivait sur des portes battantes. En outre, elle a considéré que l’utilisateur averti d’une « pièce de portes » serait toute personne qui achète habituellement cet article et qui a acquis des informations à ce sujet, en parcourant des catalogues, en visitant les magasins pertinents et en téléchargeant des informations à partir d’Internet. Elle a remarqué, par ailleurs, que le degré de liberté du créateur était presque illimité, étant donné que ces produits pouvaient revêtir toute combinaison de couleurs, de modèles, de formes et de matériaux. À cet égard, la seule limitation pour le créateur était que le produit devait être fonctionnel en ce qu’il devait séparer des espaces et servir de matériau de garnissage entre les cadres d’une porte. Finalement, la chambre de recours a estimé que les différences entre les dessins ou modèles ne seraient pas de nature à attirer l’attention de l’utilisateur averti car elles n’avaient pas d’impact sur l’impression globale. Partant, la chambre de recours a conclu à la nullité du dessin ou modèle contesté, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– renvoyer l’affaire à l’OHMI pour réexamen ;
– condamner l’OHMI aux dépens supportés au titre de la procédure devant le Tribunal.
11 L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité ;
– condamner la requérante aux dépens.
12 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité ;
– confirmer la décision attaquée ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité du recours
13 L’OHMI considère, en substance, que l’exposé des moyens dans la requête ne satisfait pas aux dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, en ce que, notamment, la requérante n’indique pas la disposition juridique dont la violation serait invoquée.
14 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours [arrêt du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, Rec, EU:T:2004:110, point 17].
15 Il convient également de rappeler qu’un requérant n’est pas tenu d’indiquer explicitement la règle de droit spécifique sur laquelle il fonde son grief, à condition que son argumentation soit suffisamment claire pour que la partie adverse et le juge de l’Union européenne puissent identifier sans difficultés cette règle (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec, EU:T:2006:121, point 41).
16 En l’espèce, il ressort de la requête que, d’une part, la requérante reproche à la chambre de recours qu’elle n’a pas examiné si le dessin ou modèle international antérieur était suffisamment connu des milieux spécialisés du secteur concerné opérant sur le territoire de l’Union, contrairement à ce qui est requis par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. D’autre part, il est également claire que en contestant l’interprétation faite par la chambre de recours de la notion d’utilisateur averti et du degré de liberté du créateur lors de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle, la requérante invoque la violation de l’article 6 du règlement n° 6/2002.
17 Dès lors, il convient de déclarer le recours recevable.
Sur le fond
18 À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 et, le second, de la violation de l’article 6 du même règlement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002
19 La requérante fait valoir que, contrairement à ce qui est requis par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la chambre de recours n’a pas examiné si le dessin ou modèle international antérieur était suffisamment connu des milieux spécialisés du secteur concerné opérant sur le territoire de l’Union. Elle relève que l’intervenante s’est bornée à présenter, en tant qu’éléments de preuves à cet égard, des fascicules de brevet américains, lesquels ne seraient pas habituellement connus des opérateurs du secteur. La conclusion de la chambre de recours serait dès lors erronée. Enfin, la requérante allègue que l’appréciation des solutions techniques en conflit faite par la chambre de recours était insuffisante étant donné que celle-ci s’est limitée à l’analyse des brevets américains.
20 L’OHMI et l’intervenante réfutent les allégations de la requérante.
21 L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 précise qu’un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union.
22 S’agissant, premièrement, du grief de la requérante relatif à l’absence d’examen par la chambre de recours de l’efficacité de la divulgation du dessin ou modèle international dans les milieux spécialisés du secteur concerné opérant sur le territoire de l’Union, il convient de relever, à titre liminaire, que l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 mentionne expressément la publication comme l’un des modes de divulgation au public d’un dessin ou modèle. En l’espèce, il ressort de l’extrait de la base de données de l’USPTO, présenté par l’intervenante devant la division d’annulation, que le brevet américain n° 4247237, intitulé « élément d’espacement autonome en nid d’abeilles », a été publié le 27 janvier 1981. Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a reconnu que cette publication constituait la preuve de l’existence et de l’antériorité de la divulgation au public du dessin ou modèle représenté au point 6 ci-dessus, c’est-à-dire, avant le 7 septembre 2009, date de dépôt du dessin ou modèle contesté, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.
23 Dans ces circonstances, la publication des fascicules de brevet américains du dessin ou modèle antérieur, intitulé « élément d’espacement autonome en nid d’abeilles », dans une base de données en matière de brevets qui peut être consultée en libre accès sur le site Internet de l’USPTO, devient complétement accessible aux milieux spécialisés du secteur concerné de tous les pays, y compris ceux de l’Union, et non seulement aux États-Unis.
24 En outre, il ressort du dossier de l’affaire que l’intervenante a présenté, au cours de la procédure d’annulation du dessin ou modèle contesté ainsi que devant le Tribunal, des éléments de preuve qui démontrent que la technologie de remplissage de portes à « structure en nid d’abeilles » était connue des milieux spécialisés du secteur concerné sur le territoire de l’Union avant la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté. En effet, l’intervenante a présenté des extraits de magazines de décoration, des offres de produits commercialisés dans l’Union et des demandes de brevets européens comportant le remplissage de portes à « structure en nid d’abeilles » avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.
25 Par ailleurs, selon la jurisprudence, les milieux spécialisés du secteur opérant dans l’Union, dans la pratique normale des affaires, participent aux foires et consultent les revues spécialisées de ce secteur [arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, Rec, EU:T:2010:248, point 21]. Il convient de relever à cet égard que, dans la mesure où les milieux spécialisés du secteur opérant dans l’Union consultent, dans la pratique normale des affaires, les revues spécialisées de ce secteur, il est d’autant plus plausible que les milieux spécialisés du secteur consultent les bases de données mondiales en matière de brevets. Il ne saurait dès lors être exigé des milieux spécialisés du secteur concerné d’entreprendre des démarches particulières et approfondies pour prendre connaissance d’un modèle ou d’un dessin antérieur (conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire H. Gautzsch Großhandel, C‑479/12, Rec, EU:C:2013:537, point 53).
26 En tout état de cause, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption, il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires. En effet, il convient de souligner qu’il appartenait à la requérante d’étayer sa thèse selon laquelle les milieux spécialisés du secteur ne procèdent pas à des consultations du registre de l’USPTO et qu’elle n’a cependant présenté aucun élément factuel ou argument qui ne soit pas simplement une allégation qui permettrait de parvenir à une telle conclusion.
27 Partant, il convient de conclure que la publication des fascicules de brevet américains était, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement connue des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant sur le territoire de l’Union, avant la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.
28 Le premier grief doit donc être écarté.
29 S’agissant, deuxièmement, du grief de la requérante par lequel elle fait valoir que tous les documents invoqués par la partie adverse sont des fascicules de brevet américains et non des documents publiés dans l’Union, il y a lieu de relever qu’il ressort de la formulation de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 6/2002, qu’il n’est pas exigé, pour qu’un dessin ou modèle soit réputé avoir été divulgué au public, aux fins de l’application des articles 5 et 6 de ce règlement, que les faits constitutifs de la divulgation aient eu lieu sur le territoire de l’Union (arrêt du 13 février 2014, H. Gautzsch Großhandel, C‑479/12, Rec, EU:C:2014:75, point 33).
30 En effet, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 6/2002 vise une notion large de divulgation du dessin ou modèle \/, comme l’attestent les termes « rendu public de toute autre manière ».
31 Par ailleurs, il convient de rappeler que ni le règlement n° 6/2002 ni le règlement (CE) nº 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 (JO L 341, p. 28), ne spécifient la forme obligatoire des éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation de son dessin ou modèle avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée. Il s’ensuit que le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’OHMI pour appuyer sa demande en nullité [arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, EU:T:2012:117, points 22 et 23].
32 Le deuxième grief doit donc être écarté.
33 S’agissant, troisièmement, du grief de la requérante selon lequel, d’une part, l’appréciation de la chambre de recours concernant les solutions techniques en conflit a été prise sur la base des brevets américains et, d’autre part, l’autre partie devant la chambre de recours n’a pas présenté des preuves suffisantes de ce que l’utilisateur averti en avait eu connaissance sur le territoire de l’Union avant la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 27 du présent arrêt que l’autre partie a démontré à suffisance de droit que le dessin ou modèle antérieur était connu des milieux spécialisés du secteur concerné sur le territoire de l’Union avant ladite demande.
34 Par conséquent, il convient de rejeter le troisième grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 6 du règlement n° 6/2002
35 La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 6 du règlement n° 6/2002 en considérant que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel compte tenu de l’impression globale qu’il produirait sur l’utilisateur averti. La requérante conteste, en substance, l’interprétation faite par la chambre de recours de la notion d’utilisateur averti et du degré de liberté du créateur lors de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
36 L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
37 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection communautaire d’un dessin ou modèle n’est assurée que dans la mesure où celui-ci est nouveau et présente un caractère individuel.
38 En vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du même règlement ajoute que, pour apprécier ce caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.
39 Le considérant 14 dudit règlement précise que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport au patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.
40 Il ressort des dispositions qui précèdent que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, Rec, EU:T:2010:96, points 54 à 84]. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, EU:T:2010:96, points 55 et 56), deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention dans la comparaison, directe si possible, des dessins ou modèles (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, Rec, EU:C:2011:679, points 53, 55 et 59, et Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, EU:T:2010:96, point 62), troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, EU:T:2010:96, point 67) et, quatrièmement, le résultat de la comparaison des dessins ou modèles en cause, en tenant compte du secteur concerné, du degré de liberté du créateur et des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, EU:T:2010:96, point 72). Préalablement à l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle, ainsi qu’à l’examen de sa nouveauté au titre de l’article 5 du règlement n° 6/2002, l’existence et l’antériorité de la divulgation au public de tout dessin ou modèle invoqué au soutien de la nullité du dessin ou modèle contesté sont à établir [voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, EU:T:2013:584, point 21].
41 Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner si, du point de vue de l’utilisateur averti et compte tenu du degré de liberté du créateur d’une pièce de portes en forme de nid d’abeilles, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté diffère de celle produite par le dessin ou modèle antérieur.
– Sur l’utilisateur averti
42 En ce qui concerne l’interprétation de la notion d’utilisateur averti, il y a lieu de considérer que la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (arrêts Équipement de communication, point 25 supra, EU:T:2010:248, points 46 et 47, et PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 40 supra, EU:C:2011:679, point 59).
43 La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 42 supra, EU:C:2011:679, point 53).
44 La requérante considère que la chambre de recours aurait dû retenir une interprétation plus large de la notion d’utilisateur averti, qui comprendrait les fabricants et les vendeurs, étant donné que l’utilisateur averti défini par la chambre de recours, c’est-à-dire l’acheteur de portes, ne connaîtra pas a priori le processus de production des portes. À cet égard, la requérante fait valoir que le processus de production est important, dans la mesure où le remplissage de portes constitue la partie intérieure d’une porte. En outre, la requérante soutient qu’il n’a pas été démontré que les portes ou les éléments contenant le remplissage couvert par les fascicules de brevet américains étaient commercialisés sur le territoire de l’Union.
45 En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 32 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté comprenait des pièces de portes visibles utilisées sur des portes battantes et que, par voie de conséquence, l’utilisateur averti était « toute personne qui achète habituellement cet article, le soumet à l’usage qui lui est destiné et qui a acquis des informations à ce sujet, en parcourant des catalogues, en visitant les magasins pertinents, en téléchargeant des informations à partir de l’internet, etc. ».
46 Force est de constater que cette définition correspond à l’interprétation de la notion d’utilisateur averti exposée au point 42 ci-dessus. En effet, la chambre de recours a correctement défini l’utilisateur d’une « pièce de portes », c’est-à-dire une personne qui, d’une part, achète une porte dans laquelle est incorporée la structure en nid d’abeilles en conformité avec sa finalité et, d’autre part, une personne qui, sans être un concepteur ou un expert technique de portes, a acquis des informations en parcourant des catalogues, en faisant des recherches sur Internet et en visitant des magasins vendant des portes et qui fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise. Partant, cette définition de l’utilisateur averti correspond à l’acheteur de portes décrit par la chambre de recours.
47 Or, il y a lieu de relever que les « pièces de portes » sont des articles qui peuvent être également destinés aux vendeurs et distributeurs ainsi qu’aux utilisateurs qui les achètent pour leurs propres besoins. À cet égard, la notion d’utilisateur averti, telle que définie au point 42 ci‑dessus, inclut, d’une part, le professionnel qui les acquiert afin de les distribuer aux utilisateurs finaux et, d’autre part, ces derniers utilisateurs eux-mêmes. Par conséquent, en l’espèce, il convient de considérer que l’utilisateur averti est tant le consommateur, évoqué dans la décision attaquée, que le vendeur professionnel, mentionné par la requérante.
48 Par ailleurs, et en tout état de cause, le fait que l’un des deux groupes d’utilisateurs avertis susmentionnés perçoive les dessins ou modèles concernés comme produisant la même impression globale est suffisant pour constater que le dessin ou modèle contesté est dépourvu de caractère individuel [arrêt du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑10/08, EU:T:2011:446, point 23]. Dans ces circonstances, le fait que la décision attaquée ne mentionne pas les professionnels parmi les utilisateurs avertis des « pièces de portes » n’affecte pas la légalité de ladite décision [arrêt du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T‑68/10, Rec, EU:T:2011:269, points 68 et 69].
49 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’utilisateur averti devrait connaître le processus de production de portes étant donné que le remplissage de portes constitue la partie intérieure d’une porte, il y a lieu de considérer, premièrement, que la chambre de recours a relevé, au point 32 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté comprenait des pièces de portes visibles utilisées sur des portes battantes. Deuxièmement, selon la jurisprudence, le degré d’attention relativement élevé de l’utilisateur averti n’implique pas qu’il soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulé du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires (arrêts Équipement de communication, point 25 supra, EU:T:2010:248, points 46 à 48, et Moteur à combustion interne, point 48 supra, EU:T:2011:446, points 24 à 26). Partant, contrairement à ce que prétend la requérante, l’utilisateur averti ne doit pas connaître le processus de production des portes pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle.
50 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief du deuxième moyen.
– Sur le degré de liberté du créateur
51 Il ressort de la jurisprudence que le degré de liberté du créateur est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêts Moteur à combustion interne, point 48 supra, EU:T:2011:446, point 32, et du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, EU:T:2013:214, point 112].
52 Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (arrêts Moteur à combustion interne, point 51 supra, EU:T:2011:446, point 33, et Boîtier de montre-bracelet, point 51 supra, EU:T:2013:214, point 113).
53 En l’espèce, la chambre de recours a estimé, au point 35 de la décision attaquée, que le degré de liberté du créateur était presque illimité, étant donné que ces produits de garnissage et d’espacement pouvaient revêtir toute combinaison de couleurs, de modèles, de formes et de matériaux. À cet égard, la chambre de recours a relevé que la seule limitation pour le créateur consistait dans le fait que le produit devait être fonctionnel, à savoir qu’il devait séparer des espaces et servir de matériau de garnissage entre les cadres d’une porte.
54 Pour contester le bien-fondé de cette conclusion, la requérante fait valoir que le caractère individuel du dessin ou modèle établi par la chambre de recours se limitait aux proportions de la structure alvéolaire ainsi qu’à sa configuration telles qu’elles sont décrites et qu’il ne concernait pas la conception technique de ce type de remplissage en tant que telle. En outre, la requérante soutient que l’argumentation relative à l’existence possible de différentes formes de remplissage ne revêt pas une importance essentielle étant donné qu’elle revendique le procédé et non la forme visible de l’extérieur.
55 Or, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, le degré de liberté du créateur n’est pas limité par le processus de production du dessin ou modèle. En effet, ainsi que cela ressort du point 3 ci-dessus, les produits pour lesquels le dessin ou modèle contesté a été enregistré correspondent à la description suivante : « pièce de portes ». À cet égard, il y a lieu de constater que cette description s’avère très large, ne comportant aucune précision sur le type de pièce de portes ou la fonctionnalité de celle-ci. Dès lors, la requérante ne peut prétendre que la liberté de créateur soit limitée par des raisons techniques \/.
56 Dans ces circonstances, ladite allégation ne saurait être accueillie.
57 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’utilisateur averti des portes contenant le dessin ou modèle peut être aussi bien un professionnel qu’un consommateur et que le degré de liberté du créateur de ces produits est très élevé, ayant comme seule limitation de séparer des espaces et de se servir d’un matériau de garnissage entre les cadres d’une porte. En outre, il convient de considérer que, bien que la configuration des « pièces de portes » du dessin ou modèle contesté et celle des « pièces de portes » du dessin ou modèle antérieur présentent quelques différences, l’impression finale que les dessins ou modèles produisent sur un utilisateur averti est la même, c’est-à-dire celle d’un modèle de porte doté d’une structure de garnissage en nid d’abeilles.
58 Partant, la chambre de recours a estimé à juste titre que le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisaient la même impression globale du point de vue de l’utilisateur averti et compte tenu du degré de liberté du créateur du dessin ou modèle.
59 Il convient donc de rejeter le second moyen et, de ce fait, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
60 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Promarc Technics s.c. Tomasz Pokrywa, Rafał Natorski est condamnée aux dépens.
Van der Woude | Wiszniewska-Białecka | Ulloa Rubio |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2015.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.
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