Editions Odile Jacob v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ C-514/14 (28 January 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/C51414.html
Cite as: [2016] EUECJ C-514/14, EU:C:2016:55, ECLI:EU:C:2016:55

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

28 janvier 2016 (*)

«Pourvoi – Opération de concentration d’entreprises sur le marché de l’édition des livres – Décision adoptée à la suite de l’annulation d’une décision d’agrément du repreneur de certains actifs pour défaut d’indépendance d’un mandataire – Article 266 TFUE – Exécution de l’arrêt d’annulation – Objet du litige – Base légale de la décision litigieuse – Effet rétroactif de celle-ci – Indépendance du repreneur des actifs cédés vis-à-vis du cessionnaire»

Dans l’affaire C‑514/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 novembre 2014,

Éditions Odile Jacob SAS, établie à Paris (France), représentée par Mes J.-F. Bellis, O. Fréget et L. Eskenazi, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Lagardère SCA, établie à Paris, représentée par Mes A. Winckler, F. de Bure, J.-B. Pinçon et L. Bary, avocats,

Wendel, établie à Paris, représentée par Mes M. Trabucchi, F. Gordon et A. Gosset-Grainville, avocats, ainsi que par Me C. Renner, Rechtsanwältin,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, M. C. Vajda (rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Éditions Odile Jacob SAS (ci-après «Odile Jacob») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑471/11, EU:T:2014:739, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission C(2011) 3503, du 13 mai 2011 (ci-après la «décision litigieuse»), prise dans l’affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP, à la suite de l’arrêt Éditions Odile Jacob/Commission (T‑452/04, EU:T:2010:385, ci-après l’«arrêt T‑452/04»), par laquelle la Commission a agréé une nouvelle fois Wendel Investissement comme repreneur des actifs cédés par Lagardère SCA (ci-après «Lagardère») au titre des engagements attachés à la décision 2004/422/CE de la Commission, du 7 janvier 2004, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (JO L 125, p. 54).

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Le Tribunal a résumé les antécédents du litige comme suit aux points 1 à 23 de l’arrêt attaqué:

«1      Par la décision 2004/422 [...], la Commission des Communautés européennes a autorisé le projet de rachat par [...] Lagardère [...] de la division ‘Éditions’ pour l’Europe de Vivendi Universal SA, Vivendi Universal Publishing SA (ci-après ‘VUP’).

2      Cette autorisation était assortie de conditions destinées à assurer que Lagardère respectât les engagements, [figurant à l’annexe II de cette décision], qu’elle avait pris à l’égard de la Commission en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun. Au nombre de ces engagements figurait la cession d’une part significative des actifs de VUP (devenue Editis) à un ou plusieurs repreneurs indépendants de Lagardère.

3      Aux fins d’assurer la réalisation de ses engagements, Lagardère devait notamment désigner un mandataire indépendant d’elle-même et d’Editis et qui devait être rémunéré par Lagardère selon des modalités ne portant pas atteinte à la bonne exécution de son mandat ni à son indépendance.

4      Le 5 février 2004, la Commission a agréé comme mandataire le cabinet S., représenté par son président, M. B., et approuvé le projet définissant son mandat, présenté le 30 janvier 2004.

5      Le 9 février 2004, Lagardère a nommé le cabinet S. en qualité de mandataire.

6      Lagardère s’est rapprochée de plusieurs entreprises, dont [Odile Jacob], susceptibles de racheter les actifs rétrocédés. [Odile Jacob] a manifesté son intérêt pour cette opération. Par télécopie du 28 avril 2004, elle a communiqué son offre de reprise à Lagardère.

7      Le 28 mai 2004, Lagardère, après avoir annoncé qu’elle retenait les offres de rachat de cinq acquéreurs potentiels, dont celle [d’Odile Jacob], mais qu’elle accordait une exclusivité à l’un d’eux, à savoir [...] Wendel Investissement SA (devenue Wendel), est parvenue avec cette dernière à un projet d’accord de rachat des actifs d’Editis.

8      Par lettre du 4 juin 2004, Lagardère a demandé à la Commission d’agréer Wendel comme acquéreur de ces actifs.

9      Le 5 juillet 2004, le cabinet S. a présenté à la Commission son rapport de synthèse, concluant à la conformité de la candidature de Wendel aux critères d’agrément du repreneur des actifs fixés dans les engagements de Lagardère tels que définis par la décision [2004/422].

10      Le 8 juillet 2004, [Odile Jacob] a introduit un recours en annulation devant le Tribunal contre la décision [2004/422] (affaire T‑279/04).

11      Par décision (2004) D/203365, du 30 juillet 2004 (ci-après la ‘première décision d’agrément’), communiquée à [Odile Jacob] le 27 août 2004, la Commission a agréé Wendel comme acquéreur des actifs d’Editis faisant l’objet de la cession, après avoir constaté, en se fondant notamment sur le rapport du cabinet S., que Wendel remplissait les critères d’agrément du repreneur fixés dans les engagements de Lagardère.

12      Par contrat du 30 septembre 2004, Lagardère a cédé à Wendel les actifs d’Editis faisant l’objet de la cession.

13      Le 8 novembre 2004, [Odile Jacob] a formé un recours en annulation devant le Tribunal contre la première décision d’agrément (affaire T‑452/04).

14      Le 30 mai 2008, Wendel a vendu au groupe espagnol Planeta les actifs d’Editis que lui avait cédés Lagardère.

15      Le Tribunal [...] a, par arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission (T‑279/04, [EU:T:2010:384], ci-après l’‘arrêt T‑279/04’[...]), rejeté le recours en annulation [d’Odile Jacob] dirigé contre la décision [2004/422] et, par [l’arrêt T‑452/04], annulé la première décision d’agrément. Le Tribunal a considéré que cette décision d’agrément avait été adoptée au vu d’un rapport rédigé par un mandataire ne répondant pas à la condition d’indépendance posée dans les engagements de Lagardère.

16      À la suite du prononcé de l’arrêt T‑452/04 [...], Lagardère a présenté à la Commission, le 22 novembre 2010, une nouvelle demande d’agrément de Wendel en qualité de repreneur des actifs d’Editis faisant l’objet de la cession et lui a à cet effet soumis, le 20 décembre 2010, la candidature d’un nouveau mandataire. Le 11 janvier 2011, la Commission a agréé le nouveau mandataire.

17      Le 24 novembre 2010, [Odile Jacob] a formé un pourvoi devant la Cour contre l’arrêt T‑279/04 [...] (affaire C‑551/10 P). Le même jour, la Commission et Lagardère ont introduit un pourvoi contre l’arrêt T‑452/04 [...] (affaires C‑553/10 P et C‑554/10 P).

18      [Odile Jacob] a adressé des courriers à la Commission les 17 décembre 2010 et 11 mars 2011, relatifs aux suites à donner à l’arrêt T‑452/04 [...], auxquels la Commission a répondu par lettres des 24 février et 18 avril 2011.

19      Les 14 février et 16 mars 2011, des réunions se sont tenues entre [Odile Jacob] et la Commission.

20      En réponse à un courrier [d’Odile Jacob] en date du 25 mars 2011, la Commission a invité [celle-ci] le 6 avril 2011 à soumettre son point de vue au nouveau mandataire dans un délai de deux semaines et à lui transmettre ses éventuelles remarques additionnelles dans un délai de trois semaines. [Odile Jacob] a soumis ses observations sur la nouvelle procédure d’agrément au nouveau mandataire par courrier du 20 avril 2011 et à la Commission par courrier du 27 avril 2011.

21      Dans son rapport, le nouveau mandataire a conclu que Wendel était un acquéreur approprié au moment de l’opération en 2004.

22      Par [la décision litigieuse], communiquée à [Odile Jacob] le 27 juin 2011, la Commission a, en application de la décision [2004/422], adopté une nouvelle décision agréant Wendel, rétroactivement au 30 juillet 2004, en qualité de repreneur des actifs d’Editis faisant l’objet de la cession.

23      La Cour a, par arrêt du 6 novembre 2012, Commission et Lagardère/Éditions Odile Jacob (C‑553/10 P et C‑554/10 P, [...] EU:C:2012:682), rejeté les pourvois introduits par la Commission et Lagardère contre l’arrêt T‑452/04 [...]. Par arrêt de la même date, Éditions Odile Jacob/Commission (C‑551/10 P, [...] EU:C:2012:681), elle a rejeté le pourvoi introduit par [Odile Jacob] contre l’arrêt T‑279/04 [...]»

3        Les paragraphes 3, 10 et 14 des engagements pris par Lagardère à l’égard de la Commission en vue de rendre la concentration en cause compatible avec le marché commun (ci-après les «engagements de Lagardère»), figurant à l’annexe II de la décision 2004/422, étaient rédigés ainsi:

«3.      La partie notifiante s’engage à conclure des accords irrévocables de cession des Actifs Cédés dans un délai de [...] à compter de la date de réception de la décision autorisant la concentration au titre de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89 (ci-après le ‘Premier Délai’). La cession des Actifs Cédés interviendra dans un délai de [...] après la conclusion de l’accord de cession (ci-après le ‘Second Délai’).

[...]

10.      Afin de préserver une concurrence effective sur les marchés concernés, la partie notifiante s’engage à procéder à la cession des Actifs Cédés à un ou plusieurs cessionnaires indépendants de la partie notifiante et répondant aux conditions suivantes:

(a)      Lagardère ne pourra pas avoir d’intérêts significatifs directs ou indirects dans le ou les cessionnaires.

[...]

14.      Le choix du ou des cessionnaires sera soumis à l’agrément de la Commission. La demande d’agrément du ou des cessionnaires comportera les informations nécessaires pour permettre à la Commission de vérifier que le ou les candidats cessionnaires satisfont les conditions mentionnées au paragraphe 10 ci-dessus. La Commission informera la partie notifiante de son approbation ou de son rejet du ou des candidats cessionnaires proposés dans un délai de [...] à compter de la réception de la totalité des informations visées ci-dessus. Si la Commission ne se prononce pas dans le délai précité, le Premier Délai ou le Second Délai, le cas échéant, sera suspendu jusqu’à ce que la Commission se prononce sur la demande d’agrément.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2011, Odile Jacob a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Par actes séparés, déposés le même jour, elle a introduit une demande en référé et une demande de procédure accélérée, lesquelles ont été rejetées par le Tribunal.

5        Lagardère et Wendel, admises en tant que parties intervenantes au soutien des conclusions de la Commission, ont excipé de l’irrecevabilité de ce recours en alléguant qu’Odile Jacob n’avait pas d’intérêt à agir, ce que le Tribunal a écarté.

6        À l’appui de son recours, Odile Jacob a soulevé six moyens, tirés, en premier lieu, d’une violation de l’article 266 TFUE ainsi que du principe de non-rétroactivité, en deuxième lieu, de l’absence de base légale de la décision litigieuse, en troisième lieu, des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation en ce que la Commission a tenu compte de données postérieures au 30 juillet 2004 et les a utilisées de manière sélective, en quatrième lieu, des erreurs de droit et des erreurs manifestes dans l’appréciation de la candidature de Wendel, en cinquième lieu, du détournement de pouvoir et, en sixième lieu, d’un défaut de motivation.

7        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens et, par suite, le recours dans son ensemble.

8        À la suite d’une demande de Lagardère, le Tribunal a, par ordonnance Éditions Odile Jacob/Commission (T‑471/11 REC, EU:T:2014:925), procédé à la rectification du point 156 de l’arrêt attaqué.

 Les conclusions des parties devant la Cour

9        Par son pourvoi, Odile Jacob demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        de faire droit aux conclusions présentées par Odile Jacob en première instance et, dès lors, d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission et les parties intervenantes en première instance au paiement des dépens des deux instances, y compris ceux afférents à la procédure en référé et à la procédure en rectification.

10      La Commission demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi comme étant en partie irrecevable et non fondé pour le surplus, et

–        de condamner Odile Jacob aux entiers dépens de l’instance y compris ceux afférents à la demande de rectification.

11      Lagardère et Wendel concluent également au rejet du pourvoi ainsi qu’à la condamnation d’Odile Jacob aux dépens.

 Sur le pourvoi

12      Au soutien de son pourvoi, Odile Jacob soulève trois moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a omis de constater une violation de l’article 266 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans la décision litigieuse

 Argumentation des parties

13      Par son premier moyen, Odile Jacob fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, dans l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse comportait l’exécution de l’arrêt T‑452/04 que l’article 266 TFUE imposait à la Commission. Elle soutient que cette décision n’a pas neutralisé l’ensemble des effets de l’illégalité constatée dans cet arrêt, à savoir le manque d’indépendance du premier mandataire, qui a affecté toute la mission de celui-ci.

14      À cet égard, Odile Jacob critique, en particulier, le point 63 de l’arrêt attaqué, qui est rédigé dans les termes suivants:

«S’il est vrai, ainsi que le souligne [Odile Jacob], que le Tribunal a également indiqué, au point 100 de l’arrêt T‑452/04 [...], que ‘l’exercice par B. [représentant du premier mandataire] des fonctions de membre du directoire de la société détentrice de l’ensemble des actifs d’Editis était de nature à affecter l’indépendance dont l’intéressé devait faire preuve dans l’élaboration des recommandations de mesures de restructuration nécessaires et du rapport informant la Commission de ces recommandations’, cette affirmation ne constitue pas le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt et n’est pas revêtue, par conséquent, de l’autorité absolue de la chose jugée [...]. En effet, force est de constater que la légalité des recommandations de mesures de restructuration nécessaires formulées par ledit mandataire ne faisait pas l’objet du litige ayant donné lieu à l’arrêt en cause, et pas davantage l’ensemble des actes adoptés par le mandataire autres que le rapport d’évaluation de la candidature de Wendel. Eu égard aux arguments présentés par [Odile Jacob] dans cette affaire, le Tribunal devait se limiter à apprécier l’indépendance du premier mandataire et les effets d’un éventuel manque d’indépendance de ce dernier sur la première décision d’agrément, seule contestée par le recours.»

15      Selon Odile Jacob, c’est à tort que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a regardé le point 100 de l’arrêt T‑452/04 comme un simple obiter dictum, dès lors que ce point constituait le cœur du raisonnement du Tribunal, raisonnement destiné à démontrer que l’exercice simultané par B. des fonctions de mandataire de la Commission et de membre de l’organe de direction d’Editis n’était pas compatible avec la condition d’indépendance visée dans les engagements de Lagardère. Du reste, la place dudit point dans le raisonnement du Tribunal aurait été soulignée aux points 104 et 107 de l’arrêt T‑452/04, lesquels commencent, respectivement, par les termes «Il s’en déduit que» et «En conséquence». Partant, loin d’affecter spécifiquement ou intrinsèquement le seul rapport d’évaluation du premier mandataire, le manque d’indépendance de celui-ci aurait vicié l’ensemble de sa mission.

16      Odile Jacob considère également que la Cour, dans l’arrêt Commission et Lagardère/Éditions Odile Jacob (C‑553/10 P et C‑554/10 P, EU:C:2012:682), a confirmé que l’absence d’indépendance du premier mandataire avait affecté l’ensemble des actes posés par celui-ci tout au long de sa mission, de sorte que la constatation du Tribunal, au point 64 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Cour ne s’est prononcée à aucun moment sur la portée des actes adoptés par ce mandataire autres que son rapport d’évaluation de la candidature de Wendel serait erronée et sans pertinence.

17      Dans une partie du premier moyen intitulée «La décision [litigieuse] souffre du même vice que la [première décision d’agrément]», Odile Jacob soutient que le Tribunal a erronément conclu que la décision litigieuse était conforme à l’article 266 TFUE. Elle considère, d’une part, que c’est à tort que la Commission a entendu reprendre, au cours de l’année 2010, la procédure faisant application de la décision 2004/422, dès lors que les actifs en question avaient déjà été cédés à Wendel et ensuite revendus, ce qui rendait impossible la surveillance ex ante du processus de détourage prescrit dans les engagements de Lagardère. D’autre part, la Commission aurait également commis une erreur en reprenant cette procédure au 4 juin 2004, date de la demande de Lagardère tendant à ce que Wendel soit agréée comme cessionnaire, et non au 9 février 2004, date de la nomination du premier mandataire.

18      Odile Jacob fait valoir, enfin, que la validation, par le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, d’une décision violant l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt T‑452/04 porte atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective et à un procès équitable au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

19      La Commission excipe de l’irrecevabilité de la partie du premier moyen intitulée «La décision [litigieuse] souffre du même vice que la [première décision d’agrément]», au motif que cette partie est dirigée contre la décision litigieuse et ne précise pas les points de l’arrêt attaqué qui seraient critiqués.

20      En outre, la Commission, Lagardère et Wendel contestent le bien-fondé de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

21      Conformément à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les moyens et les arguments de droit invoqués dans le cadre d’un pourvoi doivent identifier avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés.

22      À cet égard, la partie du premier moyen, intitulée «La décision [litigieuse] souffre du même vice que la [première décision d’agrément]», est essentiellement dirigée non contre l’arrêt attaqué mais contre la décision litigieuse. S’il est vrai que, en conclusion de cette partie, Odile Jacob reproche également au Tribunal d’avoir jugé que cette dernière décision était conforme aux exigences de l’article 266 TFUE, force est de constater que cette conclusion n’identifie pas avec précision les points de l’arrêt attaqué qui seraient contestés.

23      Il s’ensuit que cette partie du premier moyen est irrecevable.

24      En ce qui concerne les autres arguments avancés par Odile Jacob à l’appui de ce premier moyen, celle-ci fait en substance valoir que le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, erronément jugé que la décision litigieuse comportait la pleine exécution de l’arrêt T‑452/04. En particulier, ce serait à tort que le Tribunal a considéré que l’indication, figurant au point 100 de ce dernier arrêt, selon laquelle le manque d’indépendance du premier mandataire était de nature à affecter toutes les tâches confiées à celui-ci, ne constituait qu’un obiter dictum non revêtu de l’autorité de la chose jugée.

25      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal s’est référé, à bon droit, au point 56 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence de la Cour selon laquelle, pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution auteur de l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, C‑417/06 P, EU:C:2007:733, point 50 et jurisprudence citée).

26      Il résulte également de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une question de fait ou de droit ne fait pas l’objet du litige dont le Tribunal est saisi, il n’appartient pas à ce dernier de se prononcer sur cette question, sous peine de statuer ultra petita. Par conséquent, tout constat à cet égard par le Tribunal constitue un obiter dictum prononcé au-delà des limites dudit litige et ne tranche ni effectivement ni nécessairement un point de droit. Il est, dès lors, insusceptible d’être revêtu de l’autorité de la chose jugée (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 129 à 132).

27      Or, comme le Tribunal l’a indiqué à la fin du point 63 de l’arrêt attaqué, il ressort de l’arrêt T‑452/04 ainsi que de la requête introductive du recours ayant donné lieu à celui-ci que ce recours tendait à l’annulation de la première décision d’agrément, en raison du fait notamment que cette décision avait été adoptée sur le fondement d’un rapport d’évaluation de la candidature de Wendel rédigé par un mandataire non indépendant d’Editis.

28      La légalité des actes et des recommandations autres que ce rapport n’ayant pas été mise en question par Odile Jacob devant le Tribunal, il s’ensuit que l’affirmation, figurant au point 100 de l’arrêt T‑452/04, selon laquelle l’exercice par ledit mandataire des fonctions de membre de l’organe de direction d’Editis était de nature à affecter l’indépendance dont il devait faire preuve dans l’élaboration de ces actes et de ces recommandations, constitue un obiter dictum prononcé au-delà des limites du litige dont le Tribunal avait été saisi. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 63 de l’arrêt attaqué, que cette affirmation ne constituait pas le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt T‑452/04 et n’était pas revêtue, par conséquent, de l’autorité absolue de la chose jugée.

29      Dès lors, c’est également à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 65 de l’arrêt attaqué, qu’il appartenait à la Commission, afin d’exécuter l’arrêt T‑452/04, de procéder à l’agrément d’un nouveau mandataire chargé d’élaborer un nouveau rapport d’évaluation de la candidature de Wendel, puis d’adopter une décision d’autorisation ou de refus d’agrément de cette société sur le fondement, notamment, de ce nouveau rapport.

30      Le point 64 de l’arrêt attaqué, relatif à l’arrêt Commission et Lagardère/Éditions Odile Jacob (C‑553/10 P et C‑554/10 P, EU:C:2012:682), n’est pas non plus entaché d’une erreur de droit. En effet, nonobstant les passages de ce dernier arrêt cités par le Tribunal à ce point 64, il n’en demeure pas moins que la Cour s’est bornée, dans ledit arrêt, à rappeler les éléments pertinents de la décision 2004/422 et de l’arrêt T‑452/04, puis à examiner, pour les rejeter, les arguments des requérantes aux pourvois, selon lesquels, d’une part, le Tribunal avait, dans l’arrêt T‑452/04, commis des erreurs de droit en omettant d’analyser les conséquences du manque d’indépendance du premier mandataire sur l’évaluation de la candidature de Wendel et, d’autre part, le rapport d’évaluation de ce mandataire n’était pas susceptible d’induire la Commission en erreur dans sa mission d’appréciation de cette candidature afin d’agréer Wendel comme acquéreur des actifs rétrocédés. La Cour n’a donc pas examiné les actes adoptés par ledit mandataire autres que ce rapport d’évaluation.

31      Enfin, les arguments d’Odile Jacob relatifs à une erreur de droit commise par le Tribunal en ce qui concerne l’exécution, par la Commission, de l’arrêt T‑452/04 ayant été rejetés, l’allégation d’une violation de l’article 47 de la charte des droit fondamentaux de l’Union européenne en raison du prétendu défaut d’exécution de cet arrêt doit également être écartée.

32      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a considéré que la décision 2004/422 pouvait constituer la base légale de la décision litigieuse

 Argumentation des parties

33      Dans la partie introductive de son deuxième moyen, Odile Jacob affirme que le Tribunal a retenu comme base légale de la décision litigieuse le paragraphe 14 des engagements de Lagardère, qui stipulait que le choix du cessionnaire des actifs devait être soumis à la Commission, chargée de vérifier s’il satisfaisait aux conditions mentionnées au paragraphe 10 de ces engagements et que cette institution devait informer Lagardère de sa décision d’approbation ou de rejet de ce cessionnaire dans un certain délai. Elle reproche au Tribunal de s’être abstenu, dans l’arrêt attaqué, de vérifier si ledit paragraphe 14 pouvait validement servir de fondement à la décision litigieuse.

34      Par la première branche de ce moyen, Odile Jacob se réfère au point 69 de l’arrêt attaqué, dont la première phrase se lit ainsi:

«[...] il y a lieu de relever que l’annulation de la première décision d’agrément était, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision [2004/422], cette annulation rendant seulement ladite décision temporairement inapplicable, aussi longtemps que la Commission n’avait pas pris position sur les conséquences de cette annulation, en particulier sur l’éventuel agrément d’un nouveau repreneur.»

35      À cet égard, elle soutient que, dans la mesure où l’annulation de la première décision d’agrément rendait la décision 2004/422 temporairement inapplicable, celle-ci ne pouvait constituer la base légale de la décision litigieuse.

36      Par la deuxième branche dudit moyen, Odile Jacob fait valoir que, dès lors que la décision 2004/422 n’a cessé d’être applicable jusqu’à l’annulation de la première décision d’agrément, les délais visés au paragraphe 14 des engagements de Lagardère avaient expiré bien avant la demande d’agrément du cessionnaire formulée par Lagardère au cours de l’année 2010, de sorte que ce paragraphe ne pouvait constituer une base juridique valable pour la décision litigieuse.

37      Par la troisième branche du deuxième moyen, Odile Jacob se réfère à la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447/98 de la Commission (JO 2001, C 68, p. 3, ci-après la «communication sur les mesures correctives») ainsi que sur les paragraphes 10 et 14 des engagements de Lagardère pour soutenir que le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, méconnu la différence juridique qui existe entre une décision d’agrément et une décision de validation ex post. Elle considère que, en admettant même que la décision litigieuse fût dotée d’un effet rétroactif, celle-ci est nécessairement intervenue après la cession en cause et ne pouvait donc être fondée sur le paragraphe 14 de ces engagements.

38      Par la quatrième et dernière branche de ce moyen, Odile Jacob prétend que le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en validant, au prétexte d’éviter un vide juridique, l’application rétroactive de la décision litigieuse à compter d’une date choisie arbitrairement, à savoir le 30 juillet 2004. Or, la réalisation, en raison du non-respect de plusieurs engagements, de la condition résolutoire attachée à l’autorisation de l’opération aurait fait disparaître la première décision d’agrément sans pour autant créer un vide juridique. Toutefois, le Tribunal aurait admis qu’une nouvelle décision d’agrément ait pu être adoptée alors même que Lagardère n’aurait pu obtenir pareil agrément au cours de l’année 2004 et qu’elle ne l’aurait obtenu qu’en raison de la violation de ses engagements. En adoptant cette décision sans tenir compte des exigences découlant des engagements de Lagardère, la Commission se serait livrée à un détournement de pouvoir.

39      Les autres parties au pourvoi estiment que les arguments avancés par Odile Jacob à l’appui de son deuxième moyen sont infondés. En outre, Wendel considère que la quatrième branche de ce moyen est irrecevable en raison du caractère obscur du raisonnement qui y figure ainsi que de l’absence de mention des points de l’arrêt attaqué relatifs à la question de la licéité de la rétroactivité de la décision litigieuse.

 Appréciation de la Cour

40      Aux points 117 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu au deuxième moyen du recours d’Odile Jacob, tiré du défaut de base légale de la décision litigieuse. Il a constaté en substance que, dès lors que le recours introduit devant le Tribunal contre la décision 2004/422 avait fait l’objet d’un rejet par le Tribunal dans l’arrêt T‑452/04 et que ce rejet avait été confirmé par la Cour, cette décision continuait de bénéficier d’une présomption de légalité impliquant l’obligation, pour tous les sujets du droit de l’Union, de reconnaître sa pleine efficacité tant que son illégalité ne serait pas établie (voir, en ce sens, arrêt Granaria, 101/78, EU:C:1979:38, point 5). Après avoir procédé à une telle constatation, dont le bien-fondé n’est pas contesté par Odile Jacob et qui n’est entachée d’aucune erreur de droit, le Tribunal a conclu que les paragraphes 10 et 14 des engagements de Lagardère constituaient la base légale de la décision litigieuse.

41      Par la première branche de son deuxième moyen, Odile Jacob fait valoir, en s’appuyant sur la constatation figurant au point 69 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’annulation de la première décision d’agrément a rendu la décision 2004/422 temporairement inapplicable, que celle-ci ne pouvait constituer la base légale de la décision litigieuse.

42      Force est toutefois de relever qu’Odile Jacob fait abstraction, à un double titre, du contexte dans lequel le Tribunal a procédé à cette constatation.

43      En effet, d’une part, le Tribunal s’est livré à une telle constatation en réponse au moyen tiré, notamment, de la violation de l’article 266 TFUE et non à celui tiré de l’absence de base légale de la décision litigieuse.

44      D’autre part, et en tout état de cause, si Odile Jacob se prévaut du fait que, dans la première phrase du point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a effectivement indiqué que l’annulation de la première décision d’agrément avait eu pour effet de rendre «temporairement inapplicable» la décision 2004/422, la requérante fait abstraction de ce que, dans cette même phrase, le Tribunal a également souligné, en concordance avec les appréciations énoncées aux points 117 et 118 de cet arrêt, qu’une telle annulation «était, par elle-même, sans incidence sur la légalité» de cette dernière décision. En outre, dans ladite phrase, le Tribunal a en substance souligné que la Commission avait été dans l’obligation, à la suite de cette annulation, d’adopter une nouvelle décision d’agrément, ce qui implique que, selon le Tribunal, cette institution disposait d’une base légale à cet effet.

45      Il découle de ce qui précède que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que l’annulation de la première décision d’agrément n’avait eu aucune incidence sur la légalité de la décision 2004/422, laquelle pouvait donc servir de base légale à la décision litigieuse. Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

46      S’agissant de la deuxième branche de ce moyen, par laquelle Odile Jacob considère que le paragraphe 14 des engagements de Lagardère ne pouvait constituer la base légale de la décision litigieuse, celle-ci ayant été adoptée postérieurement à l’expiration du délai indiqué dans ce paragraphe, il suffit de constater, ainsi que le fait valoir la Commission, que, en tout état de cause, le délai d’approbation ou de rejet du ou des candidats cessionnaires par la Commission, mentionné dans ce même paragraphe, est dépourvu de caractère impératif, contrairement à ce que soutient Odile Jacob. En effet, il résulte du texte même dudit paragraphe que le dépassement de ce délai par la Commission a pour seul effet la suspension des délais prescrits pour la conclusion des accords irrévocables de cession des actifs ou, le cas échéant, la cession effective de ces actifs, et ce jusqu’à ce que la Commission se prononce sur la demande d’agrément.

47      Par conséquent, la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

48      La troisième branche du deuxième moyen doit, quant à elle, être rejetée comme irrecevable. En effet, si Odile Jacob reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en considération le fait que la décision d’agrément devait intervenir avant la cession des actifs, elle n’identifie aucun point de l’arrêt attaqué ni aucun élément du raisonnement du Tribunal qui serait entaché d’une erreur de droit à cet égard. Partant, cette branche ne répond pas aux exigences de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure, telles que rappelées au point 21 du présent arrêt.

49      S’agissant de la quatrième branche de ce moyen, par laquelle Odile Jacob critique la validation, par le Tribunal, de l’effet rétroactif conféré à la décision litigieuse, il ressort du pourvoi que cette branche vise la réponse apportée par le Tribunal à la seconde branche du premier moyen du recours en première instance et, plus particulièrement, ainsi qu’Odile Jacob l’a confirmé dans son mémoire en réplique, le point 106 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a notamment considéré que la décision litigieuse visait à combler le vide juridique laissé par l’annulation de la première décision d’agrément. Il convient donc d’écarter l’argument de Wendel tiré de l’irrecevabilité de la quatrième branche du deuxième moyen du pourvoi.

50      Quant au bien-fondé de cette quatrième branche, il importe de relever que, après avoir rappelé en substance, au point 102 de l’arrêt attaqué, qu’un acte peut se voir reconnaître, à titre exceptionnel, un effet rétroactif, lorsque le but à atteindre l’exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêts Amylum/Conseil, 108/81, EU:C:1982:322, point 4, ainsi que Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 45), le Tribunal a examiné, aux points 104 à 109 de l’arrêt attaqué, si ces deux critères étaient réunis en ce qui concerne la décision litigieuse. Plus particulièrement, il a rappelé, au point 105 de cet arrêt, en conformité avec la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt Amylum/Conseil, 108/81, EU:C:1982:322, point 8), que le critère relatif au but à atteindre impliquait, dans le cas d’espèce, la nécessité d’examiner si ladite décision visait à satisfaire à au moins un but d’intérêt général. À cet égard, le point 106 dudit arrêt est rédigé ainsi:

«En l’espèce, l’adoption d’une nouvelle décision d’agrément rétroactive visait à satisfaire plusieurs objectifs d’intérêt général. En effet, la nouvelle décision avait pour objet de remédier à l’illégalité censurée par l’arrêt T‑452/04 [...]. Le respect par l’administration de la légalité et de l’autorité de la chose jugée constitue, à l’évidence, un but d’intérêt général. Par ailleurs, la nouvelle décision visait à combler le vide juridique provoqué par l’annulation de la première décision d’agrément par le juge de l’Union et, partant, à protéger la sécurité juridique des entreprises soumises à l’application du règlement no 4064/89 et ayant pris part aux opérations de concentration de 2004 ainsi qu’à la transaction intervenue en 2008. Il ressort, en effet, des considérants 7 et 17 dudit règlement que son objectif principal est d’assurer l’efficacité du contrôle des opérations de concentration et la sécurité juridique des entreprises soumises à son application [...]»

51      Il ressort ainsi du point 106 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que le premier critère exigé par la jurisprudence de la Cour pour justifier le caractère rétroactif de la décision litigieuse était rempli dans le cas d’espèce, puisque cette décision visait à satisfaire plusieurs objectifs d’intérêt général, à savoir le respect par l’administration de la légalité et de l’autorité de la chose jugée ainsi que la nécessité de combler le vide juridique provoqué par l’annulation de la première décision d’agrément.

52      Or, si, dans le cadre du pourvoi, Odile Jacob a contesté l’appréciation du Tribunal relative à ce dernier objectif, elle n’a pas mis en cause le fait que la décision litigieuse était, eu égard à son effet rétroactif, apte à atteindre les autres objectifs d’intérêt général mentionnés au point 106 de l’arrêt attaqué.

53      Il s’ensuit que la circonstance, même à la supposer établie, que le Tribunal aurait commis une erreur en considérant que ladite décision «visait à combler le vide juridique provoqué par l’annulation de la première décision d’agrément» est inopérante.

54      Il convient donc de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen.

55      Par conséquent, il y a lieu d’écarter ce moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance par le Tribunal des critères juridiques d’appréciation de l’indépendance du cessionnaire des actifs cédés vis-à-vis du cédant

 Argumentation des parties

56      Par son troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, Odile Jacob prétend que le Tribunal a commis des erreurs de droit en validant, nonobstant la présence d’une même personne, M. P., dans des organes de direction et de surveillance à la fois de Lagardère et de Wendel, l’analyse de la Commission sur le caractère indépendant de Wendel vis-à-vis de Lagardère.

57      À titre liminaire, Odile Jacob fait valoir que la condition figurant au paragraphe 10 des engagements de Lagardère, relative à la nécessaire indépendance du cessionnaire par rapport à Lagardère, se réfère à la période du processus de cession et vise une indépendance absolue, conformément au point 49 de la communication sur les mesures correctives, lequel mentionne un repreneur «sans aucun lien» avec cette partie. En revanche, toujours selon Odile Jacob, la condition distincte, figurant au paragraphe 10, sous a), de ces engagements, selon laquelle «Lagardère ne pourra pas avoir d’intérêts significatifs directs ou indirects dans le ou les cessionnaires», concerne la situation postérieure à la cession des actifs et vise une indépendance relative.

58      Cette distinction faite, Odile Jacob soutient, en premier lieu, que le Tribunal s’est abstenu d’analyser certains des critères concernant la condition d’indépendance «relative», pourtant mentionnés au point 152 de l’arrêt attaqué, et qu’il a méconnu la portée de ceux qu’il a pris en compte. D’une part, en confirmant, au point 153 de cet arrêt, le constat de la Commission selon lequel il n’existait aucun lien capitalistique ni aucun autre lien économique entre Wendel et Lagardère, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, puisque les participations croisées ou réciproques de membres des organes de direction ou des organes de surveillance des deux sociétés constituent bien des liens personnels et financiers significatifs. D’autre part, en affirmant, toujours au point 153 dudit arrêt, que le constat de la Commission n’avait pas été contesté par Odile Jacob, le Tribunal aurait dénaturé les faits, puisqu’Odile Jacob aurait bien mis en cause l’existence de liens tant personnels que matériels et financiers entre Lagardère et Wendel, tel le fait que M. P., membre du conseil de surveillance et du comité d’audit de Lagardère, siégeait également au comité de nomination et de rémunération de Wendel, qu’il possédait des participations dans ces deux sociétés et qu’il percevait une rémunération à la fois de l’une et de l’autre.

59      En deuxième lieu, Odile Jacob prétend que, en considérant, aux points 158 et 159 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait veillé à ce que la présence de M. P. au sein de Wendel ne pût nuire à l’indépendance de cette société, compte tenu notamment de l’engagement de celle-ci de mettre un terme aux mandats de M. P. dans un délai d’un an à compter de l’agrément de ladite société, le Tribunal a enfreint les engagements de Lagardère à un double titre. D’une part, il aurait admis que l’indépendance de Wendel vis-à-vis de Lagardère pût être, avant la cession des actifs, seulement relative, alors que le paragraphe 10 de ceux-ci imposait qu’elle fût absolue. D’autre part, il aurait reporté, à une date postérieure d’une année à la cession, la mise en œuvre de la condition d’indépendance «relative», telle qu’indiquée par les termes «intérêts significatifs» figurant au paragraphe 10, sous a), desdits engagements.

60      En troisième lieu, Odile Jacob rappelle que, pour rejeter, au point 160 de l’arrêt attaqué, son argument relatif au caractère problématique de la présence de M. P. au sein des organes de direction et de surveillance à la fois de Lagardère et de Wendel pendant le processus de désinvestissement, le Tribunal s’est fondé sur le constat selon lequel ce processus était sous étroite surveillance de la Commission. Or, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit, dès lors que la condition d’indépendance du cessionnaire devait être appréciée de manière autonome et ne dépendait pas de la question de savoir si ce processus était ou non sous la surveillance de la Commission. En outre, en procédant à ce constat, le Tribunal aurait entaché l’arrêt attaqué d’une dénaturation des faits, puisqu’une telle surveillance n’aurait pu être exercée juridiquement ou pratiquement par la Commission, celle-ci ayant délégué ses missions de surveillance à un mandataire que le Tribunal lui-même, dans l’arrêt T‑452/04, avait considéré comme ne répondant pas à la condition d’indépendance.

61      La Commission conteste la recevabilité de ceux des arguments du troisième moyen par lesquels, selon elle, Odile Jacob cherche en réalité à remettre en cause les appréciations factuelles du Tribunal. De même, Wendel considère que la requérante demande à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits. Sur le fond, les autres parties au pourvoi contestent les arguments d’Odile Jacob.

 Appréciation de la Cour

62      Au point 152 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté ce qui suit:

«En l’espèce, il convient d’examiner si la Commission, en évaluant la candidature de Wendel, a bien respecté la condition d’indépendance de cette dernière à l’égard de Lagardère, prévue par le paragraphe 10 et le paragraphe 10, sous a), des engagements [de Lagardère], lus à la lumière du point 49 de la communication sur les mesures correctives. La condition d’indépendance du repreneur vise, notamment, à garantir la capacité du repreneur à se comporter sur le marché comme un concurrent effectif et autonome, sans que sa stratégie et ses choix puissent être influencés par le cédant. Cette indépendance peut être appréciée en examinant les liens capitalistiques, financiers, commerciaux, personnels et matériels entre les deux sociétés.»

63      Après avoir apprécié la situation litigieuse, le Tribunal a jugé, au point 159 de l’arrêt attaqué, ce qui suit:

«L’ensemble de ces éléments permet de conclure que la Commission a veillé à ce que la présence de M. P. au sein de Wendel ne pût pas nuire à l’indépendance de cette société et, par conséquent, à la préservation et au développement d’une concurrence effective sur le marché en cause. Dès lors, la seule présence de M. P. dans les organes des deux sociétés ne pouvait, en l’absence de tout autre élément, permettre de penser que le comportement de Wendel sur le marché serait influencé par Lagardère et que la condition d’indépendance du repreneur était méconnue.»

64      Pour autant que la distinction qu’Odile Jacob entend établir entre, d’une part, l’exigence d’une indépendance «absolue», que le paragraphe 10 des engagements de Lagardère imposerait pendant la procédure de cession des actifs, et, d’autre part, l’exigence d’une indépendance «relative», que le paragraphe 10, sous a), de ces engagements prévoirait après la cession des actifs, puisse être comprise comme mettant en cause l’interprétation de ces dispositions à laquelle le Tribunal s’est livré au point 152 de l’arrêt attaqué, consistant essentiellement à apprécier ces exigences dans leur ensemble, il y a lieu de rejeter une telle distinction comme étant dénuée de fondement.

65      En effet, Odile Jacob tire argument de ce que le verbe employé au paragraphe 10, sous a), des engagements de Lagardère est conjugué au futur simple pour étayer la thèse selon laquelle l’exigence qui y est mentionnée concerne nécessairement la situation postérieure à la cession des actifs. Or, une telle thèse ne saurait valablement être accueillie. En particulier, il importe de relever que les verbes employés aux points b) à d) de ce paragraphe sont également conjugués au futur simple, alors même que les exigences qui y sont énoncées, telles que la viabilité du cessionnaire, l’obligation pour Lagardère d’être en mesure de démontrer que l’acquéreur remplit les conditions des engagements de Lagardère ainsi que l’obtention par le cessionnaire des autorisations nécessaires à l’acquisition et à l’exploitation des actifs cédés, devaient, de toute évidence, être satisfaites avant la cession définitive de ces actifs.

66      En ce qui concerne les critiques dirigées par Odile Jacob contre le point 153 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que la constatation du Tribunal relative à l’absence de lien capitalistique ou d’autre lien économique entre Lagardère et Wendel, nonobstant le fait, souligné par Odile Jacob, qu’une personne physique, M. P., détenait des participations capitalistiques dans ces deux sociétés, relève de l’appréciation factuelle du Tribunal, qui, à défaut de dénaturation, échappe au contrôle de la Cour.

67      Or, le Tribunal n’a pas dénaturé les faits en constatant qu’Odile Jacob n’avait pas allégué l’existence de liens matériels et financiers entre Lagardère et Wendel. En effet, si la requérante a fait observer devant le Tribunal que M. P., qui siégeait au comité de surveillance ainsi qu’au comité d’audit de Lagardère, était dans le même temps membre, notamment, du comité de nomination et de rémunération de Wendel, et qu’il percevait des rémunérations de l’une et de l’autre de ces sociétés, aucune de ces circonstances n’était de nature à établir l’existence, entre ces dernières, de liens matériels ou financiers.

68      S’agissant de l’allégation selon laquelle le Tribunal, aux points 158 et 159 de l’arrêt attaqué, aurait méconnu les exigences du paragraphe 10 des engagements de Lagardère, puisqu’il aurait tenu compte, pour rejeter les critiques d’Odile Jacob mettant en cause l’indépendance de Wendel, de l’engagement de cette société de mettre un terme aux mandats de M. P. en son sein dans un délai d’un an à compter de l’agrément de sa candidature, il convient de souligner, ainsi que cela découle des points 64 et 65 du présent arrêt, qu’une telle allégation repose partiellement sur une interprétation erronée des dispositions de ce paragraphe, interprétation selon laquelle l’indépendance du repreneur des actifs cédés devait être absolue avant la cession et relative après celle-ci.

69      En tout état de cause, par ladite allégation, Odile Jacob cherche, en réalité, à mettre en cause une des appréciations factuelles auxquelles le Tribunal, aux points 156 à 158 de l’arrêt attaqué, s’est livré afin de justifier sa constatation, figurant au point 155 de cet arrêt, selon laquelle la présence de M. P. dans les instances des deux sociétés n’était, dans les circonstances de l’espèce, pas de nature à établir que Wendel aurait été un repreneur dépendant de Lagardère.

70      Or, aucune dénaturation des faits n’ayant été alléguée par Odile Jacob dans le contexte de son argumentation relative aux points 158 et 159 de l’arrêt attaqué, il y a lieu d’écarter celle-ci comme étant irrecevable.

71      Quant à l’argument d’Odile Jacob selon lequel, en substance, le Tribunal a, au point 160 de l’arrêt attaqué, considéré à tort que le caractère indépendant du cessionnaire dépendait du degré de surveillance, par la Commission, du processus de cession des actifs, cet argument résulte d’une lecture erronée de ce point.

72      En effet, après avoir conclu, au point 159 de l’arrêt attaqué, que la seule présence de M. P. dans les organes de Lagardère et de Wendel ne pouvait, en l’absence de tout autre élément, permettre de penser que la condition d’indépendance du repreneur était méconnue, le Tribunal a, au point 160 de cet arrêt, répondu, non pas à l’allégation tirée de l’absence d’indépendance de Wendel en tant que telle, mais à l’argument selon lequel cette présence de M. P. aurait été «particulièrement problématique» pendant certaines étapes de la procédure de cession. Il n’a donc pas, dans ce point, considéré que l’indépendance du cessionnaire, qu’il avait déjà établie dans les points précédents de l’arrêt attaqué, dépendait du degré de surveillance de la cession des actifs, exercée par la Commission.

73      Pour ce qui est, enfin, de l’allégation d’Odile Jacob selon laquelle le Tribunal, en indiquant, au point 160 de l’arrêt attaqué, que le «processus de désinvestissement était sous étroite surveillance de la Commission», aurait dénaturé les faits, puisque les missions de surveillance auraient été déléguées à un mandataire, conformément aux engagements de Lagardère, il convient de rappeler qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt Commission/ANKO, C‑78/14 P, EU:C:2015:732, point 54 et jurisprudence citée).

74      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Bien au contraire, il convient de relever à cet égard que, conformément au paragraphe 22 des engagements de Lagardère, il appartenait au mandataire de faire régulièrement rapport à la Commission sur l’état de réalisation de ces engagements et, plus généralement, sur l’exécution de sa mission. De tels rapports étaient donc manifestement de nature à permettre à la Commission d’assurer la surveillance de la procédure de cession des actifs.

75      Dès lors, le troisième moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

76      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, aucun des moyens invoqués par Odile Jacob à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, celui-ci doit, en conséquence, être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

77      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Odile Jacob ayant succombé en ses moyens et la Commission, Lagardère ainsi que Wendel ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner Odile Jacob à supporter les dépens exposés par la Commission, Lagardère et Wendel.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Éditions Odile Jacob SAS supporte les dépens exposés par la Commission européenne, Lagardère SCA et Wendel.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

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