HI v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ F-133/15 (10 June 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/F13315.html
Cite as: ECLI:EU:F:2016:127, [2016] EUECJ F-133/15, EU:F:2016:127

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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (juge unique)

10 juin 2016 (*)

« Fonction publique - Fonctionnaires - Article 11 du statut - Devoir de loyauté - Article 11 bis - Conflit d’intérêts - Fonctionnaire en charge du suivi d’un projet financé par l’Union - Lien familial entre ce fonctionnaire et un employé recruté pour les besoins du projet par la société en charge dudit projet - Procédure disciplinaire - Sanction disciplinaire - Rétrogradation - Légalité de la composition du conseil de discipline - Obligation de motivation - Durée de la procédure - Délai raisonnable - Violation des droits de la défense - Principe ne bis in idem - Erreur manifeste d’appréciation - Proportionnalité de la sanction - Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire F-133/15,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

HI, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar et F. Simonetti, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique),

juge : M. J. Svenningsen,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 octobre 2015, HI demande l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission européenne (ci-après l’« AIPN »), du 10 décembre 2014, lui infligeant, à titre de sanction, une rétrogradation de deux grades dans le même groupe de fonctions ainsi que la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice moral résultant, selon lui, de la durée de la procédure.

 Cadre juridique

1.     Dispositions statutaires relatives aux obligations des fonctionnaires

2        L’article 11, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») prévoit que « [l]e fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union[ ; i]l remplit les fonctions qui lui sont confiées de manière objective et impartiale et dans le respect de son devoir de loyauté envers l’Union ».

3        L’article 11 bis du statut dispose :

« 1. Dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire ne traite aucune affaire dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel, notamment familial ou financier, de nature à compromettre son indépendance, sous réserve du paragraphe 2 [du présent article].

2. Le fonctionnaire auquel échoit, dans l’exercice de ses fonctions, le traitement d’une affaire telle que visée au paragraphe 1 en avise immédiatement l’[AIPN]. Celle-ci prend les mesures qui s’imposent et peut notamment décharger le fonctionnaire de ses responsabilités dans cette affaire.

[…] »

4        Aux termes de l’article 12 du statut, « [l]e fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction ».

5        L’article 17, paragraphe 1, du statut prévoit :

« Le fonctionnaire s’abstient de toute divulgation non autorisée d’informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions, à moins que ces informations n’aient déjà été rendues publiques ou ne soient accessibles au public. »

2.     Dispositions relatives au régime disciplinaire

6        Sous le titre VI, intitulé « D[u régime disciplinaire] », l’article 86 du statut dispose :

« 1. Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.

2. L’[AIPN] ou l’Office européen de lutte antifraude peuvent ouvrir une enquête administrative, en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à leur connaissance.

3. Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX [du statut]. »

7        Sous la section 1, intitulée « Dispositions générales », de l’annexe IX du statut, l’article 3 dispose :

« [S]ur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’[AIPN] peut :

a)      décider qu’aucune charge ne peut être retenue contre le fonctionnaire concerné, auquel cas ce dernier en est alors informé par écrit ; ou

b)      décider, même en cas de manquement ou de manquement présumé aux obligations, qu’il convient de n’adopter aucune sanction disciplinaire et, le cas échéant, adresser au fonctionnaire une mise en garde ; ou

c)      en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut,

i) décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe, ou

ii) décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. »

8        Sous la section 2, intitulée « Conseil de discipline », de l’annexe IX du statut, l’article 5, paragraphe 1, de cette annexe prévoit qu’un conseil de discipline est mis en place dans chaque institution de l’Union et qu’« [u]n membre du conseil [de discipline] au moins, qui peut être le président, est choisi en dehors de l’institution ».

9        Sous la section 3, intitulée « Sanctions disciplinaires », de l’annexe IX du statut, l’article 9 de cette annexe prévoit :

« 1. L’[AIPN] peut appliquer une des sanctions suivantes :

a)      l’avertissement par écrit ;

b)      le blâme ;

c)      la suspension de l’avancement d’échelon pendant une période comprise entre un mois et vingt-trois mois ;

d)      l’abaissement d’échelon ;

e)      la rétrogradation temporaire pendant une période comprise entre [quinze] jours et un an ;

f)      la rétrogradation dans le même groupe de fonctions ;

g)      le classement dans un groupe de fonctions inférieur, avec ou sans rétrogradation ;

h)      la révocation […] 

[…]

3. Une même faute ne peut donner lieu qu’à une seule sanction disciplinaire. »

10      L’article 10 de l’annexe IX du statut dispose :

« La sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise. Pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction disciplinaire à infliger, il est tenu compte notamment :

a)      de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise ;

b)      de l’importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise ;

c)      du degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise ;

d)      des motifs ayant amené le fonctionnaire à commettre la faute ;

e)      du grade et de l’ancienneté du fonctionnaire ;

f)      du degré de responsabilité personnelle du fonctionnaire ;

g)      du niveau des fonctions et responsabilités du fonctionnaire ;

h)      de la récidive de l’acte ou du comportement fautif ;

i)      de la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière. »

11      Aux termes de l’article 11 de l’annexe IX du statut, l’« [AIPN] peut décider de la sanction d’avertissement par écrit ou de blâme sans consultation du conseil[ de discipline ;] le fonctionnaire concerné est préalablement entendu par l’[AIPN] ».

12      L’article 12, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut prévoit que le « conseil [de discipline] est saisi d’un rapport émanant de l’[AIPN], qui doit indiquer clairement les faits reprochés et, s’il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes ».

13      L’article 18 de l’annexe IX du statut se lit comme suit :

« Au vu des pièces produites devant le conseil [de discipline] et compte tenu des déclarations écrites ou verbales éventuelles, ainsi que des résultats de l’enquête à laquelle il a pu être procédé, le conseil [de discipline] émet à la majorité un avis motivé quant à la réalité des faits incriminés et, le cas échéant, quant à la sanction que les faits reprochés devraient selon lui entraîner. Cet avis est signé par tous les membres du conseil. Chaque membre du conseil peut joindre à l’avis une opinion divergente. Le conseil transmet l’avis à l’[AIPN] et au fonctionnaire concerné dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du rapport de l’[AIPN], pour autant que ce délai soit adapté à la complexité du dossier. Lorsqu’une enquête a été effectuée à l’initiative du conseil, le délai est de quatre mois pour autant qu’il soit adapté à la complexité du dossier. »

14      L’article 7, paragraphe 2, de la décision C(2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, portant dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, dans sa version résultant de l’entrée en vigueur, le 24 novembre 2010, de la décision du même jour C(2010) 8180 final de la Commission, dispose :

« Le président du conseil [de discipline] est choisi parmi les anciens fonctionnaires ou parmi les anciens membres des institutions de l’Union européenne ou d’autres organisations internationales européennes. Il est rémunéré sur une base journalière correspondant à 1/22 du traitement de base d’un fonctionnaire de grade AD 16, échelon 1. »

 Faits à l’origine du litige

15      Entré au service des Communautés européennes le 1er septembre 2003 en qualité d’agent temporaire, le requérant a, le 16 avril 2004, été nommé fonctionnaire titulaire de grade AD 10 au sein de la Commission. À la date de la sanction disciplinaire de rétrogradation infligée par l’AIPN, il exerçait les fonctions d’administrateur de grade AD 11, grade auquel il avait été promu avec effet au 1er janvier 2009, en charge de la gestion de projets à la direction générale (DG) « Recherche ».

1.     Sur la négociation du projet « Nano-TV »

16      À la suite d’un appel à propositions publié par la Commission en vue de l’attribution de subventions dans le domaine des nanotechnologies, un consortium (ci-après le « consortium ») mené par l’entreprise italienne iCons (ci-après « iCons ») a soumis son offre pour un projet nommé « Nano-TV », consistant en la création d’une série de quatorze vidéos d’informations (« Video News Releases ») destinées au grand public dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies.

17      Au sein du panel d’experts en charge de l’appel à propositions (ci-après le « panel »), l’un des membres du panel avait, lors de l’évaluation de l’offre du consortium, relevé que, s’agissant du projet « Nano-TV », « un scénariste [« script writer »] et [un] réalisateur [« film director »] attitrés manquaient pour mettre en forme la série de vidéos et pour donner à l’ensemble une apparence commune et une ligne dramaturgique ». Il était également indiqué que la proposition du consortium prévoyait que « [l]a Commission devra[it] être impliquée, ce qui n’[était] pas approprié ».

18      Il ressort de la fiche d’évaluation de l’offre du consortium que, tout en émettant un certain nombre de recommandations en vue de l’adaptation de cette offre, le panel a recommandé à la Commission d’évaluer la possibilité d’attribuer un contrat de subvention (« grant agreement ») au consortium pour le projet « Nano-TV ». À cet égard, le panel a, dans ses « recommandations pour la négociation », indiqué que, même si le concept éditorial du projet « Nano-TV » était clair et novateur, l’offre du consortium gagnerait encore en qualité si elle pouvait inclure la participation d’un véritable scénariste ainsi que celle d’un réalisateur, en vue de donner forme aux différentes vidéos et de leur assurer une identité commune. En outre, dans la même fiche d’évaluation, le panel a souligné que la Commission ne devait pas jouer de rôle dans les décisions spécifiques concernant le contenu du projet ou son management.

19      Le requérant, affecté à l’unité « Nano ST - Science et technologies “convergentes” », de la direction G « Technologies industrielles » de la DG « Recherche », a été chargé de négocier, au nom de la Commission, les termes de l’accord final avec le consortium en mettant en œuvre les recommandations du panel. Une fois la description du travail (« Description of Work », ci-après le « DoW ») finalisée, celle-ci devait constituer l’annexe I au contrat de subvention.

20      Par une lettre du 1er juillet 2008, la Commission a invité le consortium à négocier les termes du contrat de subvention relatif au projet « Nano-TV ». Un mandat de négociation, annexé à cette lettre, précisait qu’il était demandé au consortium de modifier le DoW afin de se conformer aux recommandations du panel figurant dans la fiche d’évaluation du projet, notamment à la nécessité « d’inclure un scénariste et un réalisateur attitrés ».

21      Entre les mois de juillet et novembre 2008, le requérant a mené les discussions avec le directeur d’iCons (ci-après, également, le « coordinateur »), notamment en ce qui concerne la finalisation du DoW, lequel devait être établi par iCons au titre de l’action financée par la Commission.

22      Par courriel du 29 juillet 2008, la sœur du requérant a envoyé son curriculum vitae au directeur d’iCons en vue d’obtenir un emploi dans cette société en expliquant ce qui suit :

« J’ai obtenu vos coordonnées par la DG [« Recherche »], à laquelle j’avais téléphoné pour savoir à quelles entreprises spécialisées dans la communication en matière de recherche, de nouvelles sciences et de technologie envoyer mon [curriculum vitae]. Je m’adresse à vous, car je suis journaliste professionnelle italienne. […]

[J]e suis arrivée aujourd’hui à une période charnière de ma vie ; aussi serais-je tout à fait disposée à envisager l’idée de revenir travailler en Italie, pendant au moins un ou deux ans. Je vous demanderais donc de penser à moi le cas échéant et vous saurais gré de bien vouloir m’accorder un entretien téléphonique ou un rendez-vous à Milan [(Italie)]. […] »

23      Après une entrevue avec le directeur d’iCons à Milan, la sœur du requérant, alors résidente au Royaume-Uni, a précisé davantage ses motivations et prétentions salariales dans un courriel daté du 16 août 2008, dans lequel elle faisait état de la possibilité de travailler depuis le Royaume-Uni, de se déplacer ailleurs en Europe ou encore de déménager à Milan pour occuper un travail à temps plein.

24      Le 20 août 2008, le directeur d’iCons a envoyé au requérant une première version modifiée du DoW, en précisant ce qui suit :

« […]

Vous remarquerez que nous avons introduit dans le [DoW] un nouveau poste d’[…]editorial manager […]. Comme discuté au téléphone, l’editorial manager devra diriger toute la structure éditoriale des films, des débats, du contenu et [du site Internet] et garder le contrôle sur toutes les activités journalistiques du projet. […]

[…] Comme promis, vous trouverez ci-joint […] un court [curriculum vitae] de la personne que nous avons l’intention de recruter pour le projet en tant qu’editorial manager, pour votre examen et approbation. Nous croyons que son expérience professionnelle dans les médias et la presse peut beaucoup aider pour le développement de notre modèle de communication et générer des impacts importants au-delà de la durée de vie du projet et dans divers domaines thématiques.

[…] »

25      Par courriel du 22 septembre 2008, le requérant a envoyé ses commentaires sur la version modifiée du DoW qui lui avait été transmise par le directeur d’iCons le 20 août 2008. Dans ce courriel, le requérant a suggéré au directeur d’iCons de discuter certains aspects avec lui par téléphone. S’agissant du curriculum vitae qui lui était soumis et qui était en fait celui de sa sœur, Mme HI YY, il a écrit ce qui suit :

« Le [curriculum vitae] reçu pour le poste d’editorial manager me semble très approprié en termes de profil, tâches et responsabilités. La candidate remplit tous les critères et a 20 ans d’expérience pertinente, la mettant à même de réaliser le travail d’édition impliquant un degré élevé de responsabilités, étant donné que le poste implique le traitement de sujets hautement sensibles dans le contexte de l’U[nion européenne]. Pour cette raison, il est important que les conditions contractuelles offertes permettent de garantir la loyauté du candidat pour toute la durée de vie du projet.

Je dois en outre vérifier avec l’unité juridique/financière s’il existe des exigences spécifiques pour les contrats d’editorial manager, mais je crois que la seule exigence est que le professionnel retenu pour le poste réside dans le même pays que le coordinateur et de garantir un nombre minimal de réunions mensuelles avec ce dernier. […] »

26      Le 1er octobre 2008, iCons et la sœur du requérant ont conclu un contrat de travail à temps partiel, à raison de douze journées de travail mensuel, pour la période allant du 1er octobre 2008 au 31 juillet 2010.

27      Par courriel du 21 octobre 2008, le requérant a indiqué au directeur d’iCons, sous la rubrique « Autres problèmes à discuter » en ce qui concerne les termes du DoW, qu’il serait acceptable, pour ce qui est de l’editorial manager, d’insérer dans le DoW la phrase suivante :

« [E]n raison du nombre, de la qualité et du niveau de responsabilité des tâches assignées à ce poste, un contrat à temps plein a été établi selon les procédures mentionnées ci-dessus, afin de garantir la stabilité et la qualité du travail donné sur toute la durée de vie du projet. »

28      Dans son courriel du 21 octobre 2008, le requérant recommandait également de prévoir dans le DoW la tenue, tous les quinze jours au minimum, d’une réunion d’une journée entre l’editorial manager et le coordinateur.

29      Dans un courriel du 21 octobre 2008, le coordinateur a indiqué au requérant que « sa demande de recruter un tel profil professionnel avait été vue par [iCons] comme une excellente opportunité d’intégrer au niveau d’un manager unique tous les problèmes éditoriaux qui pourraient se poser dans les différents domaines couverts par la plate-forme médias [d’iCons] ». En revanche, le directeur d’iCons a refusé d’intégrer dans le DoW l’indication selon laquelle l’editorial manager bénéficierait d’un contrat à temps plein. En effet, le directeur d’iCons a expliqué que iCons ne pouvait pas s’engager de manière formelle en ce qui concerne le type et la durée du poste d’editorial manager avant la signature du contrat de subvention du projet « Nano-TV » avec la Commission. Tout au plus, seule une possibilité du recrutement de l’editorial manager à temps plein sous un statut de consultant pouvait être envisagée dans le DoW.

30      Le 11 novembre 2008, le requérant a établi le rapport de négociation, relatif au projet « Nano-TV » soumis par le consortium, dans lequel il est notamment mentionné, s’agissant des questions qui ont été traitées durant la négociation et qui ont impliqué certains changements dans le DoW, qu’un scénariste et deux réalisateurs avaient été recrutés. En revanche, il n’a pas précisé qu’un editorial manager avait été engagé par iCons en conséquence des pourparlers portant sur le DoW qu’il avait menés.

31      Par un accord signé respectivement les 24 novembre et 19 décembre 2008 par la Commission et par iCons, celles-ci sont convenues du financement du projet « Nano-TV » pour une période de 18 mois et d’une contribution maximale de l’Union de 702 500 euros. Le DoW, annexé au contrat de subvention, contient des descriptions spécifiques du rôle de l’editorial manager, notamment le fait que « le cadre contractuel de l’editorial manager sera changé en un contrat de consultance “in-house” à temps plein à titre indicatif à partir du quatrième mois suivant la date effective de démarrage du projet [“Nano-TV”] ».

32      Il ressort du dossier que, par courriel du 12 décembre 2008, le requérant a demandé au directeur d’iCons que la liste d’adresses électroniques utilisée dans leurs correspondances relatives au projet « Nano-TV » renseigne l’editorial manager par le nom de famille de celui-ci tel qu’il figure dans le DoW, impliquant que la partie du nom de l’editorial manager, correspondant au nom de famille du requérant, n’apparaisse plus dans ladite liste et que seul le nom YY, en l’occurrence marital, de l’editorial manager y figure.

33      En avril 2009, à la suite du déménagement en Italie de la sœur du requérant, un nouveau contrat a été conclu entre cette dernière et iCons, prévoyant qu’elle travaillerait désormais à temps plein.

34      Par courriel du 17 septembre 2009 à 11 h 44, adressé en copie au requérant, la sœur de ce dernier a, en sa qualité d’editorial manager, demandé au directeur d’iCons le report d’une réunion de suivi du projet « Nano-TV » initialement prévue le 5 novembre 2009 au motif qu’elle avait encore besoin de deux mois pour finaliser son travail. La sœur du requérant évaluait au 25 novembre 2009 la date à laquelle elle pourrait fournir son travail et demandait à ce que la réunion se tienne postérieurement audit 25 novembre, évoquant à cet égard la date du 7 décembre au plus tard.

35      Par courriel daté du même 17 septembre 2009 à 14 h 42, le requérant a indiqué au directeur d’iCons que la réunion dont l’editorial manager lui avait demandé le report était indispensable et a demandé à iCons de garantir sa présence à cette réunion en soulignant que la présence d’un fonctionnaire de la Commission était contractuellement recommandée, à défaut d’être obligatoire, même si, au cas où il ne pourrait vraiment pas être présent, il pourrait se faire remplacer par un collègue. Le requérant précisait toutefois qu’il serait absent du 23 septembre au 19 novembre 2009, qu’il serait difficilement joignable du 20 au 25 novembre et qu’il serait en vacances après le 16 décembre 2009.

36      Dans un autre courriel du 17 septembre 2009 envoyé à 19 h 15 aux responsables d’iCons, le requérant a indiqué que, après avoir examiné, lors d’une réunion tenue entre le chef de l’unité « Nano ST - Science et technologies “convergentes” », de la direction G « Technologies industrielles » de la DG « Recherche » (ci-après le « chef d’unité »), le juriste de l’unité et lui-même, la demande de l’editorial manager de disposer de deux mois supplémentaires pour achever son travail, ils partageaient l’opinion de l’editorial manager sur la nécessité pour ce dernier de disposer d’un délai supplémentaire en la jugeant « très appropriée ». Le requérant invitait également les responsables d’iCons à envisager un report de la réunion de mi-parcours et indiquait que, en tant que représentants de la Commission, ils acceptaient un tel report pour autant que la qualité soit au rendez-vous.

37      Au cours de l’automne 2009, des correspondances, notamment un courriel du requérant en date du 22 septembre 2009, des notes cosignées par ce dernier et le juriste de l’unité, datées du 29 septembre et du 13 octobre 2009, ainsi qu’un courriel du directeur d’iCons du 12 octobre 2009 ont été échangés entre le requérant et iCons au sujet de leurs divergences de vues quant au rôle devant être dévolu à l’editorial manager. En effet, iCons considérait en particulier que l’editorial manager ne devait pas être en charge de la rédaction des scripts, tandis que, notamment dans la note du 13 octobre 2009, le requérant considérait, avec son collègue, qu’il ne pouvait pas être attendu de l’editorial manager qu’il se contente seulement de mettre un tampon sur une version plus ou moins achevée d’une vidéo d’actualités, sans avoir eu une réelle chance de faire préalablement toutes les suggestions pertinentes ou des changements lorsque cela était approprié. Par lettre du 11 novembre 2009 adressée au requérant, au chef d’unité et au juriste de l’unité, le directeur d’iCons a indiqué que la vision extensive du rôle de l’editorial manager défendue par le requérant et son collègue, juriste de l’unité, avait toutefois été rejetée par le consortium, lequel considérait qu’elle impliquait une déviation majeure par rapport au DoW en termes de contenu et d’échéancier.

38      Dans ce contexte, iCons a demandé l’assistance d’un avocat afin de lever les soupçons que cette société avait quant à une éventuelle relation existant entre le requérant et l’editorial manager.

2.     Sur la découverte de la situation de conflit d’intérêts potentiel

39      Après avoir obtenu de l’administration italienne un certificat établissant que le requérant et l’editorial manager étaient frère et sœur, le directeur d’iCons a, par lettre du 12 février 2010, informé le chef d’unité de l’existence d’une situation de conflit d’intérêts, et ce dans les termes suivants :

« [iCons] coordonne le projet “Nano-TV” et a nommé Mme [HI YY] en tant qu’editorial manager du projet “Nano-TV” après avoir reçu sa candidature spontanée pour l’emploi durant la période de négociation du projet en août 2008. Il se trouve que le poste d’editorial manager n’était pas prévu dans la proposition originale concernant [le projet “Nano-TV”], mais a été introduit uniquement durant la phase de négociation. Son [curriculum vitae] a été validé et approuvé par [le requérant], lequel était l’agent [de la Commission] responsable pour les négociations du projet.

Tout récemment, le 27 janvier 2010, nous avons obtenu la preuve que Mme [HI YY] et [le requérant] sont frère et sœur. Cette relation nous a été cachée pendant toute la phase de négociation du projet, la procédure de recrutement de Mme [HI YY] et la durée de vie du projet jusqu’à maintenant. Les suspicions relatives à l’existence de cette relation familiale directe sont apparues il y a plusieurs mois. Mais, comme cela avait été nié et que nous nous sentions obligés de croire les paroles et actes d’un agent public, nous avons dû chercher et attendre d’obtenir une preuve avant d’entreprendre les actions nécessaires pour préserver la réputation de notre entreprise.

Selon le droit italien, l’existence d’une telle relation doit être déclarée à l’employeur par le collaborateur au moment de la conclusion du contrat de travail. Le fait de ne pas l’avoir fait et d’avoir nié l’existence de celle-ci implique une violation de la confiance et du contrat. Par conséquent, il a été immédiatement mis un terme à la collaboration entre [iCons] et Mme [HI YY].

Dans ces circonstances, […] vous comprendrez qu’il n’y a plus [pour nous] de base pour une collaboration de confiance avec [le requérant]. Par conséquent, je vous demande au nom du consortium […] de mettre en œuvre les procédures les plus appropriées pour garantir un management équitable du projet pour les cinq mois du projet restant à courir.

[…] »

40      Le 16 février 2010, le chef d’unité a informé le requérant de la situation relative à la lettre du directeur d’iCons.

41      Le 19 février 2010, une réunion a été tenue entre le directeur de la direction « Technologies industrielles » de la DG « Recherche », le chef d’unité, le requérant et un autre membre de l’unité. À l’issue de cette réunion, une note au dossier a été établie et signée par le requérant. Dans cette note, le requérant a notamment reconnu avoir omis, contrairement à ce qu’exigeait l’article 11 bis du statut, de communiquer à sa hiérarchie un « potentiel conflit d’intérêts » en lien avec le projet « Nano-TV » et a demandé à ne plus être en charge de ce projet. Dans ladite note, le requérant a notamment expliqué qu’il reconnaissait totalement son erreur, que la raison de cette omission tenait au fait qu’il ignorait cette disposition statutaire, qu’il s’excusait sincèrement de la situation de conflit d’intérêts « potentiel » et qu’il aurait besoin d’une formation spécifique en éthique professionnelle pour corriger son manque de connaissance en la matière. Par ailleurs, le requérant a indiqué avoir verbalement informé son chef d’unité de la présence de sa sœur parmi un groupe de neuf journalistes invités à une session de travail (« workshop ») sur le thème « Materials Research Marketing » le 21 janvier 2009, mais ne pas avoir fait, à cette époque, de déclaration de conflit d’intérêts, car cela ne lui apparaissait pas nécessaire. En revanche, tout en indiquant ne pas avoir rempli de déclaration de conflit d’intérêts à l’égard de ces projets, il a demandé à ne plus être en charge de trois autres projets pour lesquels la société porteur de projets de la Commission employait également sa sœur. Ultérieurement, le requérant a procédé à une déclaration de conflit d’intérêts datée du 24 février 2010.

42      Par lettre du 24 février 2010, le chef d’unité a répondu au directeur d’iCons que, pour donner suite à son information relative à une situation de conflit d’intérêts en lien avec le projet « Nano-TV », il avait été décidé de remplacer le requérant par M. HP, également administrateur au sein de la même unité, lequel serait, dorénavant, en charge du projet « Nano-TV ». Par un courriel envoyé le même jour (ci-après le « courriel du 24 février 2010 »), le requérant a fait savoir à son chef d’unité qu’il avait déjà eu l’occasion d’avoir une réunion de travail et de suivi fructueuse avec M. HP. Par ailleurs, dans ce même courriel, il a écrit ce qui suit :

« Maintenant, je vais voir le marchand d’herbes africain pour traiter mon ignorance, renforcer ma prudence et libérer mon esprit […] P.S. : Pas de pitié pour les mortels : Tyché tout puissant. » (« Now I go to my African herbsman to cure my ignorance, boost my prudence and make my spirit flying free […] P.S.: No pity for mortals : Thyche almighty. »)

43      Le 26 février 2010, le directeur de la direction « Technologies industrielles » de la DG « Recherche » a établi une note au dossier relative au conflit d’intérêts impliquant le requérant.

44      Le 21 avril 2010, le requérant a adressé un courriel à son chef d’unité et à un autre membre de l’unité afin de les informer de son implication dans un conflit d’intérêts potentiel en lien avec un autre projet, à savoir le projet « N[anochannels] ».

3.     Sur la procédure d’enquête et le rapport final de l’OLAF

45      Le 11 mars 2010, le directeur général de la DG « Recherche » a transmis à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) et à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) la note au dossier, du 26 février 2010, du directeur de la direction « Technologies industrielles ».

46      Le 27 mai 2010, deux membres de l’IDOC ont, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, auditionné le requérant pour le compte de l’AIPN, lequel a reconnu avoir omis d’informer sa hiérarchie du fait que, dans le cadre du projet « Nano-TV » pour lequel il assurait les fonctions de responsable de projet (« Project Officer »), sa sœur avait été engagée en tant qu’editorial manager. Le même jour, il a été décidé entre l’IDOC et l’OLAF que l’OLAF traiterait initialement le cas du requérant.

47      Le 29 juillet 2010, l’OLAF a ouvert une enquête portant sur l’éventuelle violation par le requérant des articles 11, 11 bis, 12 et 17 du statut, ce dont l’intéressé a été informé le 12 octobre 2010.

48      Le 13 octobre 2010, l’OLAF a fait procéder à une enquête sur place consistant en une inspection du bureau du requérant au cours de laquelle les agents de l’OLAF en charge de l’enquête ont saisi certains documents, dont un courriel du 22 septembre 2010, envoyé depuis la boîte de messagerie électronique du requérant, dans lequel celui-ci écrivait à sa sœur, notamment, ce qui suit :

« Depuis septembre 2008, je t’ai trouvé cinq emplois :

-        des contrats d’octobre 2008 à mars 2009 [à] Londres [(Royaume-Uni)],

-        un emploi à temps plein d’avril 2009 à décembre 2009 en Italie,

-        des commissions pour deux livres,

-        un (possible) contrat avec Israël pour septembre 2010. »

49      Le 1er décembre 2010, le directeur d’iCons a été auditionné par des agents de l’OLAF. À cette occasion, le directeur d’iCons aurait notamment révélé que, durant la phase de négociation du projet « Nano-TV », il avait demandé au requérant s’il avait un lien de parenté avec Mme [HI YY]. Celui-ci aurait nié l’existence d’un lien de parenté et aurait dit qu’il s’agissait d’un simple cas d’homonymie.

50      Par une note datée du 31 mai 2012, le requérant a fourni à l’OLAF des explications sur certains des faits qui lui étaient reprochés et sur des éléments portés à la connaissance de l’OLAF par les personnes que les agents de cet office avait auditionnées.

51      Dans la note susmentionnée, le requérant a notamment expliqué, au sujet de son omission de déclarer un conflit d’intérêts, qu’il avait toujours cherché à s’informer et à actualiser ses connaissances des règles en matière d’éthique professionnelle, car celles-ci n’étaient pas nécessairement compréhensibles pour un fonctionnaire ayant une formation scientifique. Ainsi, depuis 2008, il aurait, à sa demande, participé à plusieurs séminaires couvrant ces questions. Toutefois, dans certains cas, ses supérieurs hiérarchiques auraient, pour des raisons de service, refusé qu’il participe à de telles formations. Ainsi, ce n’est que le 9 juillet 2010 qu’il aurait pu participer à un séminaire sur l’éthique professionnelle et, à cette occasion, le formateur n’aurait pas non plus été en mesure de fournir des instructions claires sur les situations de conflit d’intérêts et se serait seulement référé de manière générale à des situations susceptibles d’influencer la conduite des fonctionnaires, là où l’OLAF se réfère, s’agissant de conflits d’intérêts, à des types de situations spécifiquement identifiées.

52      Par ailleurs, dans sa note du 31 mai 2012, le requérant a souligné que sa sœur avait été engagée par iCons bien avant que le projet « Nano-TV » ne soit au stade de projet et, en tout état de cause, avant qu’iCons n’obtienne l’approbation et, partant, le financement du projet de la part de la Commission.

53      Le 12 octobre 2012, un témoin a été auditionné à Paris (France) par les deux agents de l’OLAF en charge de l’enquête.

54      Le 12 mars 2013, un autre témoin a été auditionné à Tel Aviv (Israël) par les deux agents de l’OLAF en charge de l’enquête. À la suite de cette audition, le requérant a été invité à s’expliquer sur certains faits révélés au cours de cette audition, ce qu’il a fait dans une note datée du 14 juin 2013.

55      Le 11 juillet 2013, une réunion a été tenue entre les agents de l’OLAF en charge de l’enquête et le chef d’unité, notamment pour analyser des informations provenant de la boîte de messagerie électronique du requérant.

56      Dans le rapport final du 23 août 2013 rédigé par les deux agents en charge de l’enquête, l’OLAF a conclu son enquête en constatant que le requérant avait agi en situation de conflit d’intérêts dans trois projets dont il avait la charge, à savoir le projet « Nano-TV », le projet « Nanochannels » et le projet « Communication Roadmap on Nanotechnology ». L’OLAF considérait que, par conséquent, une violation de l’article 11 bis du statut pouvait être envisagée dans les trois cas. En outre, dans son rapport, l’OLAF n’excluait pas la possibilité que le requérant ait pu révéler des informations confidentielles à sa sœur, en méconnaissance des articles 11, 12 et 17 du statut.

57      Le 6 septembre 2013, l’OLAF a transmis son rapport final au secrétaire général de la Commission qui l’a transmis au directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité » (ci-après la « DG “Ressources humaines” ») le 26 septembre suivant.

4.     Sur le rapport de l’AIPN établi en vue de la saisine du conseil de discipline

58      Le 21 février 2014, le directeur général de la DG « Ressources humaines » a décidé d’entendre le requérant au titre l’article 3 de l’annexe IX du statut, ce dont le requérant a été informé le 25 février suivant. L’AIPN a alors confié à l’IDOC la conduite de la procédure qualifiée de pré-disciplinaire.

59      Le 11 mars 2014, le requérant a soumis des observations sur le document d’analyse de l’IDOC qui lui avait été préalablement communiqué.

60      Le 20 mars 2014, le chef d’unité a été entendu en qualité de témoin par des agents de l’IDOC, tandis que, le 27 mars suivant, un juriste de la DG « Recherche » a fourni un témoignage écrit à l’IDOC.

61      Le 11 avril 2014, le requérant a soumis ses commentaires sur les comptes rendus d’audition des témoignages additionnels que lui avait soumis l’IDOC le 2 avril 2014.

5.     Sur le rapport de l’AIPN au conseil de discipline

62      Le 15 mai 2014, le directeur général de la DG « Ressources humaines » a, en sa qualité d’AIPN, établi un rapport au conseil de discipline en application de l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut (ci-après le « rapport de l’AIPN au conseil de discipline »).

63      À cet égard, même si, selon le rapport final de l’OLAF, le requérant s’était trouvé dans une situation de conflit d’intérêts en lien avec trois projets, l’AIPN a estimé, pour sa part, que seule la situation de conflit d’intérêts en lien avec le projet « Nano-TV » était suffisamment prouvée. Elle a ainsi décidé d’initier une procédure disciplinaire visant le rôle du requérant dans le projet « Nano-TV » sur la période allant de juillet 2008 à février 2010.

64      Ainsi, l’AIPN considérait que, par son omission de déclarer sa situation de conflit d’intérêts en raison du rôle de sa sœur dans le projet « Nano-TV » et par une série d’actes ayant mis ses intérêts personnels en conflit avec les intérêts de son institution, le requérant avait méconnu l’article 11 bis du statut et l’article 52, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié, en ce qui concerne cet article, par le règlement (CE, Euratom) n° 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1). En outre, de telles violations des dispositions précitées constituaient également, selon l’AIPN, une violation de l’obligation de loyauté visée à l’article 11 du statut, mettant gravement en péril la relation de confiance entre l’intéressé et son institution.

65      Par lettre du 2 juin 2014, le directeur général de la DG « Ressources humaines » a transmis au requérant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline et l’a informé de sa décision d’ouvrir à son égard une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous c), ii), de l’annexe IX du statut.

 6. Sur la procédure devant le conseil de discipline et l’avis du conseil de discipline

66      Par lettre du 12 juin 2014, le requérant a été informé de la composition du conseil de discipline et a été convoqué à une audition devant celui-ci fixée au 1er juillet suivant. Le requérant était également invité à présenter d’éventuelles observations écrites avant cette même date du 1er juillet 2014 et à indiquer s’il estimait utile que le conseil de discipline procède à l’audition de personnes en qualité de témoins.

67      Par lettre du 17 juin 2014, le requérant a invité le conseil de discipline à entendre M. MGC, ancien conseiller technique (« Project Technical Adviser ») pour le projet « Nano-TV », en qualité de témoin, afin de l’interroger, d’une part, sur le rôle du chef d’unité et, d’autre part, sur des motifs spécifiques figurant dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline.

68      Le 26 juin 2014 à 10 h 27, M. MGC a envoyé son témoignage écrit au secrétariat du conseil de discipline, lequel l’a transmis à l’avocat du requérant le même jour à 12 h 02. Dans sa déclaration, M. MGC indiquait que, dans ses activités de conseiller technique pour le projet « Nano-TV », il n’avait pas eu la preuve que le requérant ait laissé sa sœur jouer un rôle prééminent dans le projet, qu’il était donc légitime pour lui de conclure que les recommandations qui avaient été faites en leur temps par le requérant n’avaient pas eu pour but d’insister sur le rôle de sa sœur dans le projet, mais visaient plutôt à une bonne mise en œuvre du projet en conformité avec le DoW et qu’il pouvait donc attester que le requérant n’avait en aucune manière agi en vue de promouvoir ou de soutenir l’editorial manager du projet « Nano-TV ».

69      Le 26 juin 2014, le requérant a présenté des observations écrites sur le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, en concluant, à titre principal, qu’aucune sanction ne devrait lui être infligée et en soulignant, notamment, que son comportement n’avait pas porté préjudice aux intérêts financiers de l’Union et qu’aucune faute grave n’avait été détectée dans son cas.

70      Après avoir procédé à l’audition du requérant, le 1er juillet 2014, le conseil de discipline a, le 16 juillet, émis son avis motivé (ci-après l’« avis du conseil de discipline »).

71      À cet égard, le conseil de discipline a en substance considéré que, s’il avait été établi que le requérant avait donné des informations sur le projet « Nano-TV » à sa sœur et avait usé de ses prérogatives pour faire créer le poste d’editorial manager puis lui en obtenir l’attribution, un tel comportement aurait vraisemblablement justifié le licenciement disciplinaire de l’intéressé. Cependant, d’une part, même si, en réponse à la question posée par le conseil de discipline, le requérant n’avait pas fermement nié avoir donné des informations sur le projet « Nano-TV » à sa sœur et que ce n’était finalement que son avocat qui avait nié cette éventualité, le conseil de discipline a estimé qu’il ne disposait pas de preuves concluantes dans le dossier permettant de soutenir que le requérant avait informé sa sœur afin qu’elle présente une candidature spontanée auprès d’iCons. D’autre part, le conseil de discipline a estimé qu’il n’était pas nécessairement possible de déterminer si c’était le requérant qui avait imposé de prévoir, en plus des deux postes de scénariste et de réalisateur attitrés recommandés par le panel, le poste d’editorial manager dans le projet « Nano-TV ».

72      En revanche, le conseil de discipline a considéré comme établies l’intention du requérant d’assurer l’engagement de sa sœur sur le poste d’editorial manager et l’omission délibérée de faire état du lien de parenté les unissant. À cet égard, le conseil de discipline n’a toutefois pas jugé décisive la circonstance que le requérant ait demandé que, dans la liste d’adresses électroniques utilisée par iCons pour ses correspondances concernant le projet « Nano-TV », le nom de sa sœur soit renseigné comme dans le DoW, c’est-à-dire sous son seul nom d’épouse, sans mention de son nom de famille personnel, le même que celui du requérant.

73      En vue de la définition de la sanction à proposer, le conseil de discipline a notamment pris en compte, premièrement, le fait que le conflit d’intérêts créé par la participation d’un membre de la famille d’un fonctionnaire à un projet financé par l’Union devrait, sans nécessiter de formation particulière sur ce point, être évident pour n’importe quel fonctionnaire ; deuxièmement, le fait qu’une société extérieure a dû déclarer un tel conflit d’intérêts à la Commission et demander à cette dernière d’agir, ce qui a nui à la réputation de l’institution ; troisièmement, le fait que l’omission par le requérant de signaler son lien de parenté avec l’editorial manager du projet « Nano-TV » a été intentionnel ou, en tout état de cause, a constitué un comportement d’une négligence grossière ; quatrièmement, le grade élevé du requérant et le fait qu’il disposait de dix ans d’ancienneté à la Commission ; cinquièmement, le fait que l’omission de signaler le conflit d’intérêts relevait exclusivement de la responsabilité personnelle du requérant, et, sixièmement, le fait que les obligations et responsabilités du requérant, en l’occurrence dans la gestion de projets dans le domaine de la recherche impliquant des centaines de milliers d’euros, étaient d’un niveau élevé.

74      Le conseil de discipline a également souligné qu’il était d’avis que le requérant n’avait pas aidé à clarifier les circonstances factuelles du cas d’espèce et avait au contraire « créé un écran de fumée » rendant plus difficile encore l’examen des allégations portées contre lui. Le conseil de discipline a en outre indiqué ne pas détecter chez l’intéressé un réel remords ni avoir eu l’impression que le requérant avait réellement pris la mesure de la gravité de son comportement.

75      Dans son avis, le conseil de discipline a mis en avant d’autres circonstances devant être prises en compte, telles que la longueur de la procédure, le fait que, après la révélation du conflit d’intérêts, la hiérarchie a continué d’accorder sa confiance au requérant puisqu’elle a continué de lui confier la responsabilité de projets dans le domaine de la recherche impliquant des fonds européens substantiels et a évalué positivement son travail, même si le conseil de discipline a relevé à cet égard que l’intéressé n’avait pas été promu au cours des cinq dernières années.

76      Par conséquent, statuant à l’unanimité, le conseil de discipline recommandait à l’AIPN de sanctionner le requérant par une rétrogradation d’un grade dans le même groupe de fonctions et « exprim[ait] le vœu qu’une telle mesure disciplinaire éveillerait la conscience [du requérant] sur ses obligations statutaires ainsi que le caractère sérieux de ses actions et le dissuaderait d’avoir à l’avenir des comportements similaires, de même que cela devrait conduire à une meilleure supervision [de l’intéressé] par sa hiérarchie ».

6.     Sur la décision de sanction disciplinaire adoptée par l’AIPN tripartite

77      Par lettre du 2 août 2014, le requérant a soumis au directeur général de la DG « Ressources humaines » ses observations sur l’avis du conseil de discipline. À cet égard, il a notamment mis en cause la régularité de la composition du conseil de discipline en ce que son président s’avérait être, selon lui, un conseiller spécial du commissaire européen Šefčovič, mais qui n’aurait jamais été fonctionnaire de l’institution. Par ailleurs, il faisait valoir que tous les membres du conseil de discipline émanaient de l’institution de sorte que, contrairement à ce qu’exigerait l’article 5 de l’annexe IX du statut, aucune personnalité extérieure n’aurait siégé dans le conseil de discipline.

78      Le 19 septembre 2014, l’AIPN tripartite, composée du directeur général de la DG « Ressources humaines », du directeur général adjoint de la DG « Recherche » et du directeur général de la DG « Élargissement », a organisé une audition au titre de l’article 22 de l’annexe IX du statut, à laquelle le requérant était représenté par son avocat. Au cours de cette audition, un membre de l’AIPN tripartite a interrogé l’avocat du requérant sur les absences de ce dernier entre le 23 septembre et le 19 novembre 2009, telles que le requérant les avait annoncées dans son courriel du 17 septembre 2009 au directeur d’iCons au sujet du report de réunion demandé par sa sœur et comme cela avait été mentionné dans l’avis du conseil de discipline. Par courriel du 23 septembre 2014, l’avocat du requérant a indiqué à l’AIPN tripartite qu’il n’était pas possible d’identifier, dans le système informatique de gestion du personnel de la Commission, dénommé « SysPer 2 », les absences antérieures à l’année 2012. Par courriel en réponse du même jour, un agent de l’IDOC, chargé par le directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité » de répondre au nom de l’AIPN, a indiqué à l’avocat du requérant que ce dernier, sur la période en cause de 45 jours ouvrables, avait été en congé uniquement 12 jours, à savoir du 23 octobre au 10 novembre 2009 (ci-après le « relevé des absences »). Par courriel du 26 septembre 2014, l’avocat du requérant a indiqué à l’AIPN tripartite qu’il ne pouvait pas contacter son client, mais que, si l’administration considérait ces faits comme étant très importants, il aurait besoin pour répondre à cette question d’entreprendre des recherches plus approfondies et précises, étant donné que les faits remontaient à 2009. Il évoquait à cet égard la nécessité à l’époque pour le requérant de subir des examens médicaux et demandait de disposer d’un délai de réponse supplémentaire jusqu’au 20 novembre 2014 ou, alternativement, il indiquait qu’il attendrait la décision finale de l’AIPN tripartite attendue pour le 19 octobre 2014.

79      Par décision du 10 décembre 2014, l’AIPN tripartite a décidé d’infliger au requérant la sanction de la rétrogradation de deux grades dans le même groupe de fonctions, le rétrogradant ainsi du grade AD 11 au grade AD 9 (ci-après la « décision attaquée »), en retenant, d’une part, que le requérant avait permis à une situation de conflit d’intérêts, claire et qui aurait dû apparaitre évidente à tout fonctionnaire, de se développer et de persister, violant de manière sérieuse ses obligations statutaires au titre de l’article 11 bis du statut, et, d’autre part, qu’il avait, en méconnaissance de l’article 11 du statut, intentionnellement entrepris plusieurs actions en vue de favoriser sa sœur, ce qui aurait pu exposer la réputation de l’institution si son comportement, en tant que gestionnaire de fonds publics, avait été connu d’un plus large public.

80      À cet égard, l’AIPN tripartite a indiqué partager certaines appréciations portées par le conseil de discipline dans son avis. Cependant, elle a notamment considéré, à la différence de ce dernier, que la stratégie de défense du requérant, qui n’a pas nié avoir révélé des informations sur le projet « Nano-TV » à sa sœur mais s’est contenté de soutenir qu’il n’y avait pas de preuve permettant de l’accuser d’avoir procédé de la sorte, relevait de l’exercice légitime des droits de la défense. L’AIPN tripartite a également considéré que la durée de la procédure était raisonnable au regard de la complexité du dossier qui, en outre, au niveau de l’OLAF, concernait initialement plusieurs projets sous la responsabilité du requérant. En tout état de cause, cette durée n’aurait pas eu, selon l’AIPN tripartite, d’impact négatif sur les éléments de preuve du cas d’espèce.

81      Quant à la carrière du requérant, l’AIPN tripartite a relevé que la procédure disciplinaire n’avait pas eu d’impact sur celle-ci puisque le requérant continuait d’être en charge de la gestion de fonds européens et, s’agissant de l’absence de promotion de l’intéressé au cours des cinq dernières années, elle a estimé que, outre le fait que le requérant n’avait pas, à cette époque, contesté l’absence de promotion en cause, devenue définitive, aucun élément de preuve ne tendait à indiquer que celle-ci était due à l’existence de la procédure disciplinaire.

7.     Sur la procédure précontentieuse

82      Par note du 9 mars 2015, le requérant a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation à l’encontre de la décision attaquée. À l’appui de sa réclamation, il invoquait une série de moyens, tirés, successivement, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation des règles de procédure, d’une violation du principe de bonne administration, d’une violation des droits de la défense et d’autres erreurs et irrégularités commises lors de la procédure disciplinaire et d’une violation du principe de proportionnalité ainsi que, enfin, d’une violation du devoir de sollicitude.

83      Par décision du 1er juillet 2015, transmise au requérant le jour suivant, l’AIPN chargée de statuer sur les réclamations, en l’occurrence le commissaire européen en charge du budget et des ressources humaines et vice-président de la Commission, a rejeté la réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

84      En application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de procédure, la première chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire avait été attribuée, a décidé à l’unanimité, les parties entendues, que l’affaire serait jugée par le juge rapporteur statuant en tant que juge unique.

85      Le requérant demande au Tribunal :

-        d’annuler la décision attaquée ;

-        de condamner la Commission à la réparation du préjudice moral résultant, selon lui, de la durée de la procédure et qu’il fixe à 100 000 euros ;

-        de condamner la Commission aux dépens.

86      La Commission demande au Tribunal :

-        de rejeter le recours comme étant non fondé ;

-        de condamner le requérant aux dépens.

 En droit

1.     Sur l’objet du recours

87      Même si le requérant n’a pas formellement présenté de conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation, il convient de constater que, par la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a été amenée à compléter la motivation de la décision attaquée, notamment en répondant aux griefs que le requérant avait avancés dans sa réclamation. Ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, à savoir la décision attaquée, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (arrêts du 13 juin 2012, Mocová/Commission, F-41/11, EU:F:2012:82, point 21, et du 5 février 2016, GV/SEAE, F-137/14, EU:F:2016:14, point 59).

2.     Sur les conclusions en annulation

88      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque sept moyens, tirés respectivement :

-        premièrement, d’une violation de l’obligation de motivation ;

-        deuxièmement, du non-respect du délai raisonnable et d’une violation subséquente des droits de la défense ;

-        troisièmement, d’une violation des droits de la défense pour défaut de discussion de la sanction devant le conseil de discipline ;

-        quatrièmement, d’une violation du principe ne bis in idem ;

-        cinquièmement, d’une violation de l’article 18 de l’annexe IX du statut ;

-        sixièmement, d’une violation des formes substantielles fondée sur le statut contractuel du président du conseil de discipline ;

-        septièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

89      À l’appui de son premier moyen, le requérant fait valoir que, lorsque des fait n’ont pas été examinés au cours de la procédure disciplinaire, l’AIPN ne serait pas habilitée à porter ces faits à la connaissance du requérant au stade de la réponse à la réclamation. Ceci vaudrait d’autant plus dans un cas, tel celui de l’espèce, où elle décide l’infliction d’une sanction plus lourde que celle préconisée par le conseil de discipline.

90      Or, en l’espèce, dans la réponse à la réclamation, l’AIPN aurait fait référence au courriel du 24 février 2010 pour étayer une prétendue absence de remords du requérant évoquée dans l’avis du conseil de discipline et la décision attaquée, alors même que ce courriel n’avait pas été abordé dans la décision attaquée et dans l’avis du conseil de discipline. Partant, le requérant n’aurait pas eu la possibilité de fournir des explications sur la portée de ce courriel, au demeurant en soi « si court[…] et […] non univoque », alors même qu’il aurait souhaité s’expliquer davantage sur l’absence de remords qui lui a été imputée, notamment parce qu’un tel aspect ne figure pas, en tant que circonstance aggravante, parmi les éléments pouvant être pris en compte par l’AIPN tripartite au titre de l’article 10 de l’annexe IX du statut.

91      Par ailleurs, dans la décision attaquée, l’AIPN tripartite n’aurait fourni de motivation ni suffisante ni convaincante en réponse aux arguments relatifs à la durée excessive de la procédure disciplinaire ainsi qu’à l’absence de promotion du requérant durant les années d’instruction de cette procédure. Or, les exigences relatives à l’obligation de motivation revêtiraient une importance particulière dans une situation, telle que celle de l’espèce, dans laquelle l’AIPN tripartite s’est écartée de la position du conseil de discipline sur ce point, puisque ce dernier a, pour sa part, lié l’absence de promotion à l’existence de la procédure disciplinaire en cours.

92      La Commission conclut au rejet du premier moyen, en estimant qu’elle a répondu aux exigences jurisprudentielles relatives à l’obligation de motivation en matière disciplinaire, y compris dans le cas, tel que celui de l’espèce, où l’AIPN tripartite a infligé une sanction plus lourde que celle préconisée par le conseil de discipline.

93      Par ailleurs, la Commission conteste l’affirmation du requérant selon laquelle le courriel du 24 février 2010 ne ferait pas partie du dossier de la procédure disciplinaire, étant donné que ce dernier aurait été transmis à l’IDOC par le requérant lui-même lors de sa première audition du 27 mai 2010. La Commission souligne que tant la décision attaquée que l’avis du conseil de discipline ont constaté l’absence de remords du requérant, l’AIPN tripartite ayant notamment déduit cette absence de remords de la succession d’agissements du requérant démontrant qu’il avait contribué à aggraver le conflit d’intérêts en facilitant l’obtention par sa sœur d’un contrat d’editorial manager à temps plein et de la prolongation du délai initialement imparti à celle-ci pour rendre son travail. En outre, dans la note du 19 février 2010 visée au point 41 du présent arrêt, le requérant ne présentait ses excuses qu’en lien avec un conflit d’intérêts potentiel et non avéré.

94      En tout état de cause, la Commission soutient que, selon une jurisprudence constante également applicable en matière disciplinaire, l’AIPN a la possibilité de compléter la motivation de la décision contestée au stade de la réponse à la réclamation. Or, dans sa réclamation, le requérant avait indiqué ne pas comprendre les raisons pour lesquelles l’AIPN tripartite et le conseil de discipline avaient pu estimer qu’il n’éprouvait pas de remords. Selon la Commission, la référence dans la décision de rejet de la réclamation au courriel du 24 février 2010 constituait un élément de réponse approprié à cet argument figurant dans la réclamation.

 Appréciation du Tribunal

95      L’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE, rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et reprise à l’article 25, deuxième alinéa, du statut est un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel (voir arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22 ; du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, EU:C:1984:225, point 16, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 130).

96      En matière disciplinaire, la question de savoir si la motivation de la décision de l’AIPN imposant une sanction satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. À cet égard, si le conseil de discipline et l’AIPN sont tenus de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de leurs décisions, de même que les considérations qui les ont amenés à les prendre, il n’est pas pour autant exigé d’eux qu’ils discutent tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par l’intéressé au cours de la procédure (arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T-277/01, EU:T:2002:302, point 71). En tout état de cause, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 1er avril 2004, N/Commission, T-198/02, EU:T:2004:101, point 70, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 131).

97      Si la sanction infligée à l’intéressé est finalement plus sévère que celle suggérée par le conseil de discipline, la décision de l’AIPN doit toutefois préciser de façon circonstanciée les motifs qui ont conduit ladite autorité à s’écarter de l’avis émis par ce conseil (arrêts du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 35 ; du 1er avril 2004, N/Commission, T-198/02, EU:T:2004:101, point 95, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 132).

98      S’agissant de la possibilité pour l’institution de préciser ou de modifier sa motivation au stade de la réponse à la réclamation, il résulte d’une jurisprudence constante, également applicable en matière disciplinaire, d’autant plus qu’il s’agit d’un domaine dans lequel le conseil de discipline et/ou l’AIPN n’ont pas l’obligation de discuter tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par l’intéressé au cours de la procédure disciplinaire, que le complément de motivation, au stade de la décision de rejet de la réclamation, est conforme à la finalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut, aux termes duquel la décision sur la réclamation est elle-même motivée et implique nécessairement que l’AIPN, amenée à statuer sur les arguments de fait et de droit présentés au soutien de la réclamation, ne soit pas liée par la seule motivation, le cas échéant insuffisante, voire inexistante, de la décision faisant l’objet de la réclamation (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T-347/12 P, EU:T:2014:268, point 35 et jurisprudence citée).

99      En l’espèce, outre le fait que le contexte de l’espèce était largement connu du requérant, comme en témoignent les observations écrites fournies qu’il a produites au cours de l’enquête de l’OLAF et de celle de l’IDOC puis dans le cadre de la procédure disciplinaire, le Tribunal constate que l’AIPN a fourni une motivation circonstanciée et étoffée tant dans la décision attaquée que dans la décision de rejet de la réclamation, et ce à l’égard des différents arguments que le requérant avait soulevés au cours de la procédure disciplinaire, y compris sur la question, évoquée par lui dans sa réclamation, de savoir s’il avait éprouvé des remords vis-à-vis des faits qui lui étaient reprochés. L’AIPN s’est également expliquée de manière circonstanciée sur les raisons pour lesquelles elle retenait ou non certaines circonstances comme étant atténuantes ou aggravantes et estimait nécessaire d’infliger une sanction plus sévère que celle recommandée par le conseil de discipline.

100    À cet égard, la circonstance que cette motivation ne convainc pas le requérant, qui la conteste au fond, n’implique aucunement que l’AIPN aurait méconnu l’obligation qui pesait sur elle de motiver la décision attaquée, le cas échéant, au plus tard, au stade de la réclamation.

101    Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré du non-respect du délai raisonnable et d’une violation subséquente des droits de la défense

 Arguments des parties

102    Selon le requérant, l’ouverture, le 29 juillet 2010, de l’enquête de l’OLAF ne serait pas intervenue dans un délai raisonnable dans la mesure où les faits reprochés remontaient au mois de septembre 2008. Même en tenant compte de la circonstance que l’enquête de l’OLAF n’avait été ouverte qu’à la suite de la plainte formulée le 12 février 2010 par le directeur d’iCons, un délai de près de six ans s’était écoulé entre la commission des faits les plus anciens et la conduite de l’enquête pré-disciplinaire par l’IDOC au printemps 2014. À ceci s’ajouterait le fait que l’AIPN tripartite aurait, en méconnaissance de l’article 22 de l’annexe IX du statut, mis neuf mois après la transmission de l’avis du conseil de discipline pour adopter la décision attaquée portant sur des faits remontant à plus de six ans.

103    Le requérant critique également le fait que l’enquête de l’OLAF a duré près de trois ans, alors même qu’il était maintenu dans ses fonctions en tant que responsable de projets. Dans sa globalité, la procédure aurait été excessivement longue, ce qui serait d’autant moins justifié que les faits objets des enquêtes n’étaient aucunement complexes et que le requérant avait pleinement coopéré aux procédures d’enquête de l’OLAF et de l’IDOC. Dans ces conditions, la méconnaissance du principe du délai raisonnable aurait constitué une violation de ses droits de la défense.

104    La Commission conclut au rejet du deuxième moyen comme non fondé, en soulignant que l’administration a réagi immédiatement après la révélation, par le directeur d’iCons, le 12 février 2010, des faits reprochés au requérant. À cet égard, le fait que certains de ces faits remontaient à l’année 2008 serait sans pertinence puisque, à cette époque, ils n’étaient pas connus des services de la Commission. L’OLAF aurait pour sa part ouvert son enquête avec célérité et, s’agissant de la durée de celle-ci, à savoir trois ans, la Commission estime qu’une telle durée, certes longue, s’expliquait par les différentes mesures d’instruction que l’OLAF avait dû adopter au fur et à mesure qu’il progressait dans son analyse et sa compréhension du cas, caractérisé par la technicité des documents contractuels en cause, ce qui l’avait notamment amené à décider et à organiser des auditions de témoins, dont l’une s’était tenue en France et une autre en Israël.

105    S’agissant de l’AIPN, la Commission souligne le fait que, malgré le volume et la technicité du rapport de l’OLAF et de ses annexes, elle a adopté la décision d’entendre le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut dans les cinq mois suivant la transmission par l’OLAF, le 6 septembre 2013, dudit rapport et qu’elle a pris le soin de solliciter à plusieurs reprises les observations écrites du requérant et de répondre à celles-ci. Quant au conseil de discipline, celui-ci a adopté son avis en un mois, après avoir entendu le requérant en ses observations écrites et orales et avoir accepté le témoignage de M. MGC sollicité par le requérant.

106    Par ailleurs, la durée de la procédure n’aurait nullement affecté la capacité du requérant à se défendre de sorte que le grief devrait être rejeté comme non fondé. En tout état de cause, d’une part, étant donné que le requérant n’a pas invoqué dans sa réclamation une violation des droits de la défense et qu’il n’a pas non plus étayé cette prétendue violation dans sa requête, ce dernier grief devrait être rejeté comme irrecevable pour ce double motif. D’autre part, l’AIPN aurait, d’elle-même, examiné la procédure et conclu que la durée de celle-ci n’avait pas affecté l’exercice par le requérant de ses droits de la défense, notamment parce qu’il n’avait pas prétendu ne plus être en mesure, en raison de la durée de la procédure, de produire certaines preuves ou de se souvenir des faits.

 Appréciation du Tribunal

107    À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, que le statut, dans son article 86 et dans son annexe IX, relatifs au régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires de l’Union, ne prévoit aucun délai de prescription pour des faits pouvant donner lieu à l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire accusé d’avoir manqué à l’une de ses obligations statutaires (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F-12/10, EU:F:2012:29, point 122 et jurisprudence citée).

108    Cependant, selon une jurisprudence constante relative à la matière disciplinaire, l’institution ou, selon les cas, l’OLAF, ont l’obligation d’agir avec diligence, dès le moment où ils prennent connaissance de faits et conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations incombant aux fonctionnaires et agents afin d’apprécier s’il convient d’ouvrir une enquête, puis, dans l’affirmative, dans la conduite de cette enquête et, le cas échéant, dans la conduite de la procédure disciplinaire (voir arrêts du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F-12/10, EU:F:2012:29, point 125, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 173).

109    Ainsi, en matière d’engagement d’une procédure d’enquête, le respect du délai raisonnable s’apprécie dans le cas et à partir du moment où l’administration a pris connaissance des faits et conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations statutaires d’un fonctionnaire (voir arrêts du 10 juin 2004, François/Commission, T-307/01, EU:T:2004:180, point 48, et du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F-28/13, EU:F:2014:55, point 90).

110    En l’espèce, force est de constater que, dès qu’elle a pris connaissance de la situation de conflit d’intérêts du requérant en lien avec le projet « Nano-TV », à savoir le 12 février 2010, date de la lettre du directeur d’iCons au chef d’unité, l’AIPN a confié à l’IDOC l’enquête concernant le cas du requérant et, dans les semaines suivantes, l’AIPN et l’OLAF se sont entendus sur le fait que l’OLAF procèderait en premier lieu à une enquête relevant de sa compétence.

111    Partant, le grief du requérant relatif au caractère tardif de l’ouverture de l’enquête sur les faits reprochés doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

112    S’agissant du fait que plus de quatre années se sont écoulées entre la date de prise de connaissance de la situation de conflit d’intérêts, à savoir le 12 février 2010, et la date de la décision attaquée, il convient de rappeler que l’institution ou organe de l’Union doit, dans l’application de sa procédure disciplinaire, veiller à ce que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent (voir arrêts du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F-12/10, EU:F:2012:29, point 124 ; du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F-89/11, EU:F:2013:83, point 126, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 175).

113    À cet égard, s’agissant de la circonstance que l’OLAF n’a rendu son rapport final que trois ans après l’ouverture de son enquête, il convient de constater que la durée des enquêtes diligentées par l’OLAF ne fait pas l’objet de disposition spécifique du droit de l’Union. Partant, c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier si cet office a agi dans un délai raisonnable et, aux fins de cet examen, le Tribunal doit prendre en compte l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire et le comportement des parties en présence (voir arrêt du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F-28/13, EU:F:2014:55, point 88).

114    Certes, ainsi que l’a concédé la Commission, le délai de trois ans mis par l’OLAF pour conduire son enquête et adopter son rapport final pourrait, prima facie, apparaître long au regard de l’objet, plus réduit, sur lequel a porté la procédure disciplinaire ultérieurement engagée par l’AIPN.

115    Cependant, le Tribunal constate que l’enquête de l’OLAF a, contrairement à la procédure disciplinaire qui n’a concerné que le projet « Nano-TV », porté sur plusieurs projets financés par la Commission auxquels le requérant a été associé et dans lesquels intervenait, directement ou indirectement, sa sœur au niveau des entreprises en charge desdits projets. Il s’agissait ainsi, comme l’a souligné la Commission lors de l’audience, d’une série de comportements du requérant étroitement liés qu’il était difficile de scinder et qu’il convenait, au contraire, d’enquêter de manière globale au niveau de l’OLAF. Par ailleurs, le domaine dans lequel devait être menée l’enquête de l’OLAF était d’une technicité certaine, comme en attestent les rapports et documents soumis par le requérant et la Commission au Tribunal ainsi que la nécessité de procéder à l’audition de témoins dans plusieurs États membres de l’Union et dans un État tiers.

116    Dans de telles circonstances, même si, au bénéfice du requérant, l’AIPN a, pour sa part, décidé d’abandonner les poursuites s’agissant des projets autres que le projet « Nano-TV » dans lesquels le requérant était en situation de conflit d’intérêts, réduisant en cela la portée de la procédure disciplinaire et l’ampleur des investigations de l’IDOC postérieures à l’enquête de l’OLAF, le Tribunal considère que l’intervention du rapport de l’OLAF trois années après l’ouverture de l’enquête par cet office n’apparaît pas déraisonnable, même si, sans motif légitime apparent, l’OLAF semble être resté inerte au cours d’une partie de l’année 2012. En tout état de cause, à cet égard, il convient de souligner que, d’une part, il ne saurait être reproché à l’AIPN d’avoir attendu les résultats de l’enquête de l’OLAF avant de décider d’envisager d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre du requérant et que, d’autre part, une fois que le rapport de cette enquête, contenant des données techniques, y compris contractuelles, et des annexes conséquentes, a été finalisé et lui a été communiqué, à savoir le 6 septembre 2013, elle a décidé dans les mois suivants, en l’occurrence le 21 février 2014, d’entendre le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut (voir arrêt du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F-28/13, EU:F:2014:55, point 97).

117    À cet égard, le Tribunal note que le délai d’un peu plus de cinq mois pendant lequel l’AIPN a analysé le contenu du rapport d’enquête de l’OLAF ne saurait être considéré comme déraisonnable, surtout dans un contexte dans lequel, précisément à l’issue d’une analyse approfondie dudit rapport, l’AIPN a décidé, pour des raisons tenant à la charge de la preuve, de ne pas poursuivre le requérant pour trois autres projets dont il était responsable et pour lesquels l’OLAF considérait, pour sa part et sur la base des éléments qu’il avait collectés, que le requérant avait été en situation de conflit d’intérêts.

118    S’agissant de la durée de la procédure disciplinaire statutaire à proprement parler, il convient de rappeler que les délais prévus pour encadrer le déroulement, du point de vue temporel, d’une procédure disciplinaire ne sont pas péremptoires, mais constituent avant tout une règle de bonne administration qui impose à l’institution de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent (arrêt du 26 janvier 1995, D/Commission, T-549/93, EU:T:1995:15, point 25). Ainsi, pour apprécier le délai raisonnable dans lequel une procédure disciplinaire doit être menée, le juge de l’Union ne doit prendre en considération que le temps écoulé entre un acte de poursuite et l’acte suivant et cette appréciation est indépendante de la durée totale de la procédure disciplinaire (arrêt du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 174 et jurisprudence citée).

119    À cet égard, le Tribunal considère que, tout en ayant pris le soin d’entendre le requérant à plusieurs reprises en ses observations écrites, notamment sur les pièces et témoignages complémentaires collectés par l’IDOC au titre de son enquête pré-disciplinaire, l’AIPN a mis quatre mois, après avoir décidé, le 21 février 2014, d’entendre le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, pour ouvrir, le 15 mai 2014, la procédure disciplinaire par l’adoption de son rapport au conseil de discipline prévu à l’article 12 de l’annexe IX du statut, ce qui répond aux exigences du délai raisonnable.

120    Quant au conseil de discipline, celui-ci a convoqué le requérant deux semaines après avoir reçu communication du rapport de l’AIPN à son adresse et a rendu son avis, après avoir entendu le requérant en ses observations écrites et orales, dans le délai de deux mois suivant la réception dudit rapport, et, par conséquent, dans le plein respect du délai prévu à l’article 18 de l’annexe IX du statut.

121    S’agissant du fait que, en méconnaissance du délai de deux mois prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, l’AIPN tripartite n’a adopté la décision attaquée que cinq mois après l’avis du conseil de discipline, et non neuf mois comme le soutient le requérant, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence rappelée au point 118 du présent arrêt, les délais prévus par le statut pour encadrer le déroulement, du point de vue temporel, d’une procédure disciplinaire ne sont pas péremptoires. Or, à cet égard, le Tribunal considère que le délai dans lequel est finalement intervenue la décision attaquée postérieurement à la notification de l’avis du conseil de discipline n’est pas déraisonnable. En tout état de cause, au regard de la demande de l’avocat du requérant de disposer d’un délai supplémentaire jusqu’au 20 novembre 2014 pour s’expliquer sur la question des absences du requérant au cours du dernier trimestre de l’année 2009, c’est à bon droit que l’AIPN a pris le soin d’attendre, dans l’éventualité d’une décision de l’avocat du requérant de soumettre des observations supplémentaires, l’expiration du délai sollicité par l’avocat du requérant pour adopter la décision attaquée.

122    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il apparaît que les différentes étapes des procédures pré-disciplinaire et disciplinaire ont été menées dans un délai raisonnable. Par ailleurs, le requérant, qui a été entendu à plusieurs reprises en ses observations écrites et orales, n’a nullement démontré que ses droits de la défense auraient été affectés par la durée de chacune de ces étapes ou encore par la durée totale de la procédure et, à ce dernier égard et en tout état de cause, il ne ressort pas du dossier ni de la teneur desdites observations que des éléments de preuve seraient devenus indisponibles en raison du temps écoulé, ni que le requérant aurait perdu le souvenir des faits litigieux qu’il n’aurait pas été en mesure de restituer en vue de se défendre utilement.

123    Dans ces conditions, le deuxième moyen, tiré du prétendu caractère excessivement long de la durée de la procédure, doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense pour défaut de discussion de la sanction devant le conseil de discipline

 Arguments des parties

124    À l’appui de son troisième moyen, le requérant reproche à l’AIPN de ne pas l’avoir suffisamment informé ou averti, au stade de son rapport à l’adresse du conseil de discipline, sur le niveau de sanction auquel il serait exposé dans le cas où elle déciderait subséquemment d’engager une procédure disciplinaire avec saisine du conseil de discipline. Il lui reproche également de ne pas avoir identifié et distingué, dans ledit rapport, les circonstances atténuantes et aggravantes susceptibles d’être retenues dans son cas. Ces aspects n’auraient pas non plus été discutés devant le conseil de discipline. Ainsi, les éléments essentiels caractérisant la sanction n’auraient été discutés ni devant le conseil de discipline ni devant l’AIPN tripartite. Selon le requérant, cette omission serait partiellement contraire à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, en particulier au principe de bonne administration.

125    La Commission conclut au rejet du troisième moyen comme étant non fondé. À cet égard, tout en estimant que la référence à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux est formulée de manière trop imprécise pour être retenue comme un argument recevable, elle fait valoir que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’AIPN n’est pas tenue, en vertu de l’article 12 de l’annexe IX du statut qui, d’ailleurs, recourt à la locution « s’il y a lieu », d’annoncer dans son rapport au conseil de discipline la sanction qu’elle envisage de prendre, puisque ledit article 12 exigerait uniquement un exposé des « circonstances dans lesquelles [les faits reprochés] ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes et atténuantes ». En tout état de cause, l’exhaustivité du rapport de l’AIPN au conseil de discipline dans la présentation des faits reprochés en l’espèce et du caractère sérieux de la violation de l’article 11 du statut, pour laquelle elle a insisté sur le fait que cette violation des dispositions du statut mettait sérieusement en question la relation de confiance entre le requérant et l’institution, permettait à celui-ci de comprendre l’étendue et la gravité des faits qui lui étaient reprochés et le fait qu’ils l’exposaient à une sanction d’une certaine sévérité.

126    Par ailleurs, toujours selon la Commission, la circonstance que le requérant était convoqué devant le conseil de discipline impliquait, au regard du libellé de l’article 11 de l’annexe IX du statut, que l’AIPN envisageait l’infliction d’une sanction plus lourde que le blâme et que, dans la suite de la procédure, le choix de la sanction serait un point central de discussion à l’égard duquel le fonctionnaire poursuivi aurait l’occasion de présenter ses arguments devant le conseil de discipline puis, après l’adoption par ce dernier de son avis, devant l’AIPN tripartite.

127    À titre subsidiaire, la Commission considère que le moyen manque en fait puisque le requérant a précisément développé sa défense, devant le conseil de discipline, en vue de démontrer que le manquement reproché n’était pas sérieux et qu’il n’avait pas entraîné une perte de confiance de la hiérarchie à son égard. Il aurait en outre abondamment commenté les circonstances qui, selon lui, devaient être reconnues comme atténuantes dans le choix de la sanction, y compris en se référant au cas d’un autre fonctionnaire qui n’avait écopé que d’un blâme pour des faits similaires impliquant l’un de ses amis.

 Appréciation du Tribunal

128    S’agissant de la circonstance que le requérant n’aurait pas été en mesure d’appréhender, sur la base du rapport de l’AIPN au conseil de discipline, le risque de se voir infliger, à l’issue de la procédure disciplinaire, une sanction aussi sévère que celle finalement retenue en l’espèce, il convient de rappeler que, en vue de l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, le fonctionnaire doit certes être clairement informé de tous les faits qui, dans la convocation, lui sont reprochés et des dispositions du statut invoquées à son encontre (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T-259/97, EU:T:2000:208, point 67).

129    À cet égard, le but de l’ouverture de la procédure disciplinaire, assortie de l’audition de l’intéressé, est de permettre à l’AIPN d’examiner la véracité et la gravité des faits reprochés au fonctionnaire concerné et d’entendre celui-ci à ce sujet, conformément à l’article 86 et à l’annexe IX du statut, en vue de se forger une opinion, d’une part, quant à l’opportunité soit de clore sans suite la procédure disciplinaire, soit d’adopter une sanction disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire et, d’autre part, le cas échéant, quant à la nécessité de le renvoyer ou non, avant l’adoption de cette sanction, devant le conseil de discipline, selon la procédure prévue à l’annexe IX du statut (arrêt du 13 mars 2003, Pessoa e Costa/Commission, T-166/02, EU:T:2003:73, point 36).

130    Si, à l’issue de l’audition de l’intéressé, l’AIPN décide de saisir le conseil de discipline, et ce en lui communiquant le rapport visé à l’article 12 de l’annexe IX du statut, d’une part, le fonctionnaire visé peut en déduire, au regard du libellé de l’article 11 de la même annexe, que l’AIPN n’a pas estimé opportun de le sanctionner, sans consultation du conseil de discipline, par un simple avertissement écrit ou un blâme, mais qu’elle a contraire estimé que la gravité des faits reprochés rendait nécessaire la saisine du conseil de discipline en vue de l’infliction éventuelle de l’une des sanctions visées à l’article 9 de l’annexe IX du statut.

131    D’autre part, s’agissant du contenu que doit revêtir le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, force est de constater que l’article 12 de l’annexe IX du statut exige qu’il « indique[…] clairement les faits reprochés et, s’il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes ». Ainsi, le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, adopté à la suite de l’audition du fonctionnaire concerné, ne vise qu’à établir les faits, au regard notamment des résultats de l’audition, et à les mettre en corrélation avec les obligations ou dispositions statutaires qu’il est reproché à ce fonctionnaire d’avoir méconnues.

132    L’article 12 de l’annexe IX n’exige toutefois pas et ne saurait être interprété en ce sens que l’AIPN serait tenue, à ce stade initial de la procédure, de préciser dans son acte de saisine du conseil de discipline laquelle des sanctions visées à l’article 9 de l’annexe IX du statut elle estimerait approprié d’infliger dans le cas d’espèce. Au contraire, le rapport de l’AIPN au conseil de discipline n’a pas vocation à anticiper le débat contradictoire devant être tenu entre l’intéressé et l’AIPN devant le conseil de discipline. Or, imposer à l’AIPN, comme le suggère le requérant, une telle obligation conduirait à préjuger le cas du fonctionnaire concerné, portant par là-même atteinte tant à la neutralité du débat contradictoire susmentionné qu’à l’indépendance du conseil de discipline dans la formulation de sa recommandation de la sanction qu’il jugera appropriée.

133    Il résulte de ce qui précède que le requérant, d’ailleurs assisté d’un avocat tout au long de la procédure disciplinaire, ne saurait faire grief à l’AIPN de ne pas avoir suffisamment attiré son attention, dès le stade de son rapport au conseil de discipline, sur la nature et le degré de la sanction qu’elle envisageait de lui infliger.

134    Quant aux circonstances potentiellement atténuantes et aggravantes du cas d’espèce, l’AIPN les a exposées dans son rapport au conseil de discipline de manière exhaustive au regard de sa connaissance des faits à la date dudit rapport et, à cet égard, le requérant reste en défaut d’identifier clairement et individuellement laquelle ou lesquelles de ces circonstances n’auraient pas été exposées dans ce rapport.

135    En tout état de cause, dans la mesure où le juge de l’Union a déjà estimé qu’il ne saurait être exclu que l’AIPN reconnaisse le caractère critiquable de certains faits seulement après avoir saisi le conseil de discipline (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T-74/96, EU:T:1998:58, point 58), il doit être considéré comme inhérent à la procédure contradictoire tenue devant le conseil de discipline, puis devant l’AIPN tripartite, que certaines circonstances peuvent se révéler aggravantes ou atténuantes tout au long de la procédure disciplinaire et ne sauraient être définitivement et exhaustivement arrêtées par la seule AIPN dans son rapport au conseil de discipline.

136    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe ne bis in idem

 Arguments des parties

137    Dans le cadre de son quatrième moyen, le requérant souligne que, dans la décision attaquée, l’AIPN tripartite s’est référée aux articles 11 et 11 bis du statut comme fondement légal des manquements reprochés, alors même qu’elle n’avait pas été en mesure, au cours de la procédure disciplinaire, de prouver le prétendu favoritisme ayant bénéficié à sa sœur. L’AIPN tripartite n’aurait pas non plus vérifié si les absences du requérant au cours de l’automne 2009 étaient justifiées par son état de santé de l’époque. En tout état de cause, en l’espèce, l’AIPN tripartite n’aurait été habilitée qu’à le sanctionner pour les manquements les plus graves. Or, dans la décision attaquée, elle aurait également inclus des manquements mineurs, méconnaissant de ce fait le principe ne bis in idem.

138    La Commission conclut, à titre principal, au rejet du quatrième moyen comme irrecevable pour non-respect de la règle de concordance au motif que la violation du principe ne bis in idem n’a pas été soulevée par le requérant dans sa réclamation. À titre subsidiaire, elle estime que le quatrième moyen manque de clarté puisque le requérant n’identifie pas dans sa requête quel serait le fait le plus grave qui aurait dû être exclusivement sanctionné en l’espèce. Ainsi, la Commission ne serait pas en mesure d’exercer ses droits de la défense à l’égard d’un moyen ainsi formulé. En tout état de cause, le requérant resterait en défaut d’expliquer et de démontrer quels seraient les mêmes faits qui auraient donné lieu à la prétendue infliction de deux sanctions distinctes.

 Appréciation du Tribunal

139    D’emblée, le Tribunal constate que, ainsi que l’a fait valoir la partie défenderesse, le requérant n’a nullement évoqué dans sa réclamation, pas même implicitement, une méconnaissance par l’AIPN tripartite du principe ne bis in idem.

140    Or, selon une jurisprudence constante ayant dégagé l’existence de cette règle, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Ainsi, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T-476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 73 et jurisprudence citée).

141    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable, étant souligné que, en tout état de cause, premièrement, il est constant que le requérant ne s’est pas vu infliger deux sanctions distinctes pour des mêmes faits ; deuxièmement, le requérant reste en défaut d’expliquer d’où il tire son interprétation du principe ne bis in idem, repris à l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut selon lequel « [u]ne même faute ne peut donner lieu qu’à une seule sanction disciplinaire », interprétation qui impliquerait l’obligation pour l’AIPN de renoncer, dans la définition de la sanction qu’elle décide d’infliger pour sanctionner des manquements importants, à prendre en compte des manquements mineurs résultant des mêmes faits, et, troisièmement, il est inhérent à la procédure disciplinaire qu’un manquement à plusieurs obligations ou dispositions statutaires puisse donner lieu à l’infliction par l’AIPN d’une sanction unique tenant compte de la gravité cumulée desdits manquements.

142    Ainsi, il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant manifestement irrecevable et, à titre surabondant, comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles et de l’article 18 de l’annexe IX du statut

 Arguments des parties

143    À l’appui de son cinquième moyen, le requérant reproche à l’AIPN tripartite de ne pas avoir respecté, dans la décision attaquée, le caractère contraignant du constat des faits auquel a procédé le conseil de discipline dans son avis. Outre le fait que l’AIPN tripartite se serait écartée des faits retenus par le conseil de discipline, elle aurait également, au stade final de la procédure disciplinaire, à savoir celui de l’adoption de la décision attaquée et de la sanction retenue, procédé à de nouvelles vérifications des faits, en l’occurrence à celles des absences de l’automne 2009 que le requérant avait annoncées dans son courriel au directeur d’iCons du 17 septembre 2009 à 14 h 42. Cette manière de procéder l’aurait privé de la possibilité de commenter les nouveaux éléments de preuve ainsi ajoutés au dossier disciplinaire. Or, dans une telle situation, l’AIPN tripartite aurait dû, en application de l’article 18 de l’annexe IX du statut, saisir à nouveau le conseil de discipline puisqu’il s’agissait d’une mesure d’instruction complémentaire au sens de la jurisprudence résultant des points 48 et 49 de l’arrêt du 26 janvier 1995, D/Commission (T-549/93, EU:T:1995:15).

144    La Commission conclut au rejet du cinquième moyen, tout en soulignant que l’argument du requérant relatif au prétendu caractère contraignant des constatations factuelles du conseil de discipline figurant dans son avis est irrecevable, car il n’avait pas été soulevé dans la réclamation. En tout état de cause, en l’espèce, il n’y aurait eu aucune divergence sur la matérialité des faits retenue, respectivement, par le conseil de discipline et par l’AIPN tripartite. Quant à l’analyse de ces faits, notamment la détermination des circonstances aggravantes et atténuantes, la jurisprudence reconnaîtrait à l’AIPN la faculté de s’écarter de celle retenue par le conseil de discipline, ce qui serait en outre conforté par le fait que les membres du conseil de discipline peuvent exprimer des opinions dissidentes à l’avis motivé rendu collégialement par le conseil de discipline.

145    S’agissant de la question des absences que le requérant avait évoquées dans son courriel au directeur d’iCons du 17 septembre 2009, la Commission relève que le requérant a eu l’opportunité de commenter les relevés de ses absences tels que figurant dans le relevé des absences extrait de « SysPer 2 », mais qu’il n’est pas revenu sur cette question dans le délai qu’il avait sollicité, soit avant le 20 novembre 2014, si bien que l’intervention de la décision attaquée, volontairement adoptée après cette date, en l’occurrence le 10 décembre 2014, ne l’a pas privé de ses droits de la défense sur cette question. En tout état de cause, devant l’AIPN tripartite et, même au stade de sa requête, le requérant est resté en défaut de s’expliquer sur la discordance entre ses absences déclarées à l’administration et celles qu’il avait annoncées dans le courriel du 17 septembre 2009 susmentionné pour convaincre le directeur d’iCons d’accéder à la demande de sa sœur de bénéficier d’un report de son échéancier de travail.

146    Tout en soulignant que le requérant n’a pas demandé une réouverture de la procédure devant le conseil de discipline au titre de l’article 28 de l’annexe IX du statut, la Commission estime que, en tout état de cause, une telle demande aurait été refusée, car les absences figurant dans le relevé extrait de « SysPer 2 » ne constituaient pas des faits nouveaux ni substantiels, puisque ces faits avaient déjà été exposés dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline.

 Appréciation du Tribunal

147    D’emblée, indépendamment de la question de savoir si le requérant avait implicitement évoqué cet aspect dans sa réclamation, le Tribunal rappelle que le conseil de discipline a une fonction consultative et que, partant, l’AIPN n’est pas liée par l’avis du conseil de discipline, notamment quant à la matérialité des faits devant être retenue, de sorte qu’elle peut, dans la décision qu’elle adopte à l’issue de la procédure disciplinaire, s’écarter des constatations factuelles retenues par le conseil de discipline dans son avis motivé, à la condition toutefois qu’elle expose de manière circonstanciée les motifs justifiant son appréciation différente finalement retenue dans cette décision (voir arrêt du 3 juin 2015, Bedin/Commission, F-128/14, EU:F:2015:51, points 29 et 30).

148    En effet, si l’appréciation des faits effectuée par le conseil de discipline dans son avis motivé devait lier l’AIPN, d’une part, pareille interprétation de la procédure disciplinaire statutaire conduirait à ériger le conseil de discipline en organe décisionnel, lui faisant perdre sa nature d’organe consultatif et empêchant éventuellement l’AIPN d’adopter une sanction différente de celle proposée par cet organe auquel le statut ne confère qu’une fonction consultative (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 244). D’autre part, une telle interprétation priverait d’effet utile la faculté, prévue à l’article 18 de l’annexe IX du statut, pour tout membre du conseil de discipline de joindre une opinion divergente à l’avis adopté à la majorité des membres dudit conseil.

149    Quant à la question de savoir si l’AIPN aurait été tenue en l’espèce de rouvrir la procédure disciplinaire en vertu de l’article 28 de l’annexe IX du statut, il convient de rappeler que, si une mesure d’instruction complémentaire révèle un nouveau fait reproché ou une nouvelle circonstance dans laquelle les faits reprochés ont été commis ou tout autre élément susceptible de modifier de manière substantielle l’appréciation de la réalité, de la portée ou de la gravité des faits reprochés, modifiant ainsi le contenu du rapport de l’AIPN dont le conseil de discipline a été saisi, l’AIPN est effectivement obligée, en vertu de l’article 28 de l’annexe IX du statut lu à la lumière du principe supérieur de droit que constitue le respect des droits de la défense, de rouvrir la procédure disciplinaire par le dépôt d’un nouveau rapport devant le conseil de discipline (voir arrêt du 26 janvier 1995, D/Commission, T-549/93, EU:T:1995:15, point 49).

150    Cependant, en l’espèce, le Tribunal considère que c’est tout d’abord l’avocat du requérant qui, n’ayant pas été en mesure de répondre à une question posée à cet égard lors de l’audition du 19 septembre 2014, a ultérieurement soumis à l’AIPN tripartite un complément d’explications sur les absences que son client avait annoncées dans son courriel du 17 septembre 2009 à 14 h 42 au directeur d’iCons. Or, un tel complément d’explications ne revêt pas la nature de réponse à une mesure d’instruction complémentaire. Par ailleurs, les échanges écrits intervenus ultérieurement entre l’AIPN et l’avocat du requérant au sujet desdites absences du requérant n’ont pas mis en lumière un fait nouveau modifiant de manière substantielle le contenu ou la teneur des faits reprochés ou les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, étant souligné que, tant devant le conseil de discipline que devant l’AIPN tripartite, la question, dans le contexte du report de l’échéancier sollicité par la sœur du requérant, de la discordance entre les absences annoncées à l’époque par le requérant et celles avérées dans les faits n’a pas trouvé de réponse ou d’explication pertinente.

151    Compte tenu de ce qui précède, le cinquième moyen doit être écarté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles fondée sur le statut contractuel du président du conseil de discipline

 Arguments des parties

152    Selon le requérant, le président du conseil de discipline était, dans les faits, conseiller spécial en fonction au sein de la Commission, information qui serait d’ailleurs disponible sur Internet, ce qui indiquerait qu’il exerçait des fonctions de conseiller auprès d’un commissaire et, par conséquent, qu’il serait placé sous l’autorité de ce dernier. Le requérant relève que, d’ailleurs, dans sa déclaration d’absence de conflit d’intérêts, le président du conseil de discipline n’aurait pris l’engagement de refuser toute instruction qu’en ce qui concerne les instructions émanant d’entités ou de personnes extérieures à la Commission et non en ce qui concerne celles émanant de personnes internes à cette institution. Ainsi, même si la Commission prétend que le président du conseil de discipline n’était pas fonctionnaire de cette institution et que son statut de conseiller spécial auprès d’un commissaire ne lui avait été octroyé qu’aux fins de le rémunérer, en tant que président du conseil de discipline, sur les crédits de ladite institution, le requérant estime que, en l’espèce, tous les membres du conseil de discipline étaient liés à la Commission par le devoir de loyauté visé à l’article 11 du statut, de sorte qu’ils ne pouvaient pas se prononcer de manière impartiale sur le cas d’espèce, et ce en méconnaissance également de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux. Le requérant soutient que ces violations seraient aggravées par la circonstance que, en l’absence de toute base légale, c’est le commissaire européen en charge du budget et des ressources humaines et vice-président de la Commission, à savoir l’organe politique de cette institution, qui a statué sur sa réclamation. Or, l’article 90, paragraphe 2, du statut exclurait la possibilité que le traitement du réexamen de la décision contestée qu’il prévoit par la procédure de réclamation soit confié, non pas aux organes administratifs de la Commission, mais à son organe politique.

153    La Commission conclut au rejet du sixième moyen comme non fondé, en soulignant que l’indépendance du président du conseil de discipline tient à son origine extérieure à l’institution et non à la forme contractuelle de son lien de travail avec l’institution pour l’exercice des fonctions de président du conseil de discipline. Partant, le fait que, en l’espèce, la personnalité qui a été nommée président du conseil de discipline, à savoir un ancien membre de la Cour européenne des droits de l’homme, a conclu un contrat d’engagement avec la Commission en qualité de conseiller spécial afin de pouvoir être rémunérée en sa qualité de président du conseil de discipline est sans pertinence, étant souligné que cette personne n’exerce aucune autre fonction au sein de l’institution. En tout état de cause, la Commission fait valoir que, nonobstant son statut contractuel de conseiller spécial lui permettant de percevoir une rémunération de la Commission, le président du conseil de discipline ne reçoit aucune instruction de l’AIPN dans l’exercice de sa mission consultative, pas plus d’ailleurs que les autres membres du conseil de discipline.

154    Quant au grief relatif à une prétendue incompétence ratione personae de l’auteur de la décision de rejet de la réclamation, il serait également non fondé puisque, précisément, l’annexe I de la décision de la Commission C(2013) 3288 du 4 juin 2013, dans sa version applicable au cas d’espèce, prévoit spécifiquement que la compétence pour traiter des réclamations introduites contre des décisions de l’AIPN tripartite est confiée au commissaire européen en charge des ressources humaines.

 Appréciation du Tribunal

155    Selon l’article 5 de l’annexe IX du statut, un membre du conseil de discipline au moins doit être choisi en dehors de l’institution. À cet égard, la Commission a prévu, dans la décision C(2004) 1588, telle que modifiée par le décision C(2010) 8180 final, d’une part, que le président du conseil de discipline est, pour ce qui est de cette institution, choisi parmi les anciens fonctionnaires ou parmi les anciens membres des institutions de l’Union ou d’autres organisations internationales européennes, et, d’autre part, que celui-ci est rémunéré.

156    À cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, le président du conseil de discipline était une personnalité extérieure à la Commission, et, s’agissant de la circonstance que celle-ci était engagée par cette institution en qualité de conseiller spécial, ceci s’explique clairement par le fait que, pour les besoins de la rémunération de cette personnalité extérieure dans l’exercice de ses fonctions de président du conseil de discipline, la Commission devait nécessairement, en l’absence de disposition du droit de l’Union directement applicable et prévoyant pareille rémunération, prévoir un instrument contractuel permettant de rémunérer ladite personnalité, en l’occurrence un ancien membre de la Cour européenne des droits de l’homme.

157    Au demeurant, le Tribunal rappelle que les articles 123 et 124 du RAA, relatifs aux conseillers spéciaux, ne prévoient pas, contrairement à ce qu’évoque le requérant, une application par analogie aux conseillers spéciaux de l’article 21 du statut. En tout état de cause, le requérant n’a nullement démontré ni même cherché à démontrer que le président du conseil de discipline aurait exercé des fonctions au sein de la Commission, autres que celle de présider cette instance consultative, circonstance qui aurait prétendument permis à l’AIPN, comme l’affirme péremptoirement le requérant, d’exercer sur celui-ci une autorité hiérarchique de nature à lui faire perdre la neutralité voulue par l’obligation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut tenant à ce qu’un membre au moins du conseil de discipline soit choisi en dehors de l’institution.

158    Par conséquent, l’argumentation du requérant selon laquelle le président du conseil de discipline, en raison de son engagement par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Commission en qualité de conseiller spécial affecté auprès d’un commissaire européen, n’était pas, en réalité, une personne extérieure à l’institution doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

159    Quant à la prétendue incompétence ratione personae du commissaire européen en charge du budget et des ressources humaines et vice-président de la Commission pour répondre à la réclamation du requérant, force est également de constater que la compétence de celui-ci, lorsque la décision faisant l’objet de la réclamation a été prise par l’AIPN tripartite, ce qui est le cas en l’espèce, est expressément prévue par la décision C(2013) 3288.

160    Par conséquent, le sixième moyen ne peut qu’être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

161    À l’appui de son septième moyen, le requérant fait valoir que l’IDOC n’a pas établi la réalité des faits qui lui sont reprochés, lesquels consisteraient dans le fait d’avoir omis de déclarer un conflit d’intérêts, d’avoir procuré un avantage à sa sœur en suscitant la création de l’emploi d’editorial manager au sein du projet « Nano-TV » et d’avoir fait en sorte qu’elle obtienne le délai supplémentaire qu’elle avait demandé pour réaliser le travail qui lui avait été confié.

162    À cet égard, le requérant souligne qu’il ne siégeait pas dans le panel et qu’il n’avait pas non plus été le modérateur du panel en charge d’évaluer le projet « Nano-TV ». Ainsi, il n’aurait pas pu, par les fonctions qu’il avait réellement exercées en lien avec ce projet, influencer le choix du consortium, bénéficiaire du contrat de subvention en cause. Il n’aurait pas non plus influencé les trois experts siégeant dans le panel, ce qui ressortirait des déclarations faites par ceux-ci. La déclaration de M. MGC confirmerait l’absence de l’abus de pouvoir qui lui est reproché en l’espèce par l’AIPN.

163    S’agissant de l’octroi en faveur de sa sœur du poste d’editorial manager, il ressortirait de la lettre du 24 février 2010, adressée par le chef d’unité à iCons, que la création de l’emploi d’editorial manager résultait de l’exigence, figurant dans le DoW, de disposer pour les besoins du projet « Nano-TV » d’un scénariste et d’un réalisateur attitrés, de sorte que la nécessité de créer le poste d’editorial manager n’avait pas résulté d’une action du requérant. En tout état de cause, il n’aurait été à aucun moment affirmé par l’AIPN que le profil de sa sœur n’était pas approprié pour les besoins de l’emploi en question ni que le salaire proposé n’était pas non plus approprié. De même, aucun autre candidat n’avait soumis sa candidature pour ledit emploi si bien qu’il ne pourrait être affirmé que sa sœur avait été favorisée en raison de l’intervention du requérant auprès d’iCons. Quant au report de l’échéancier de sa sœur, le requérant estime que l’AIPN n’a pas réussi à établir que, sans son intervention, ce report n’aurait pas été octroyé.

164    Le requérant soutient également que, en méconnaissance des dispositions statutaires, l’AIPN n’aurait pas dûment pris en compte les circonstances atténuantes du cas d’espèce. Il estime, en particulier, que la durée de la procédure aurait dû être prise en compte à ce titre.

165    S’agissant de la prétendue gravité des faits qui lui étaient reprochés, le requérant est d’avis que ce constat de l’AIPN, qui s’est référée à une violation sérieuse des obligations statutaires, notamment celles résultant de l’article 11 bis du statut, était contredit par la circonstance que sa hiérarchie a continué de lui confier des responsabilités identiques dans l’accompagnement de projets dans le domaine scientifique financés par la Commission.

166    Le requérant affirme par ailleurs que, au regard du libellé de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut qui ne se réfère qu’à un « préjudice porté […] à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise », l’AIPN ne pouvait pas se baser en l’espèce sur l’existence d’un « préjudice potentiel » lié au risque d’atteinte à la réputation de la Commission auquel celle-ci aurait été exposée du fait des agissements du requérant. Ceci vaudrait tout particulièrement dans le cas d’espèce où les agissements incriminés n’ont pas été connus des citoyens de l’Union. En effet, à l’exception du cas du directeur d’iCons, la Commission n’aurait pas établi que d’autres personnes extérieures à l’institution avaient eu connaissance desdits agissements. La circonstance que le requérant continue d’exercer les mêmes responsabilités à l’égard de projets financés par le contribuable européen démontrerait qu’aucun préjudice n’a été porté à la réputation ou aux intérêts de la Commission ou, plus généralement, de l’Union.

167    Le requérant reproche également à l’AIPN, en méconnaissance de la jurisprudence résultant des points 115 et 116 de l’arrêt du 4 mai 1999, Z/Parlement (T-242/97, EU:T:1999:92), de ne pas avoir retenu comme circonstance atténuante le fait que le conseil de discipline avait, dans son avis, clairement critiqué la hiérarchie du requérant qui ne l’avait pas suffisamment encadré. Selon le requérant, le comble serait, à cet égard, que cette hiérarchie, en l’occurrence le nouveau directeur général de la DG « Recherche », aurait eu la possibilité, en siégeant dans l’AIPN tripartite, de contribuer à la définition de la sanction imposée au requérant, alors même que les insuffisances du service en matière d’encadrement ont été pointées par le conseil de discipline comme ayant contribué à la commission par le requérant des irrégularités reprochées.

168    Enfin, toujours pour démontrer une erreur manifeste d’appréciation mais aussi le caractère disproportionné de la sanction qui lui a été infligée, le requérant invoque le cas d’un autre responsable de projets, en fonctions à la Commission, qui n’aurait fait l’objet que d’un reproche verbal, alors même que l’intéressé avait impliqué un ami dans un projet financé par cette institution. Il se réfère également à la circonstance que, en lien avec ce même cas, la Commission s’est bornée à adresser un reproche écrit au président du comité d’évaluation des offres en lien avec le projet en cause. Ce cas aurait été rendu public puisque les informations dont il fait état auraient été publiées par la Commission.

169    La Commission conclut au rejet du septième moyen comme non fondé, en considérant ne pas avoir commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant, à l’issue de son analyse des faits, que le requérant avait, notamment, cherché à favoriser sa sœur par une série d’actions.

170    À cet égard, la Commission relève que, alors même que le panel s’était limité à mentionner la nécessité de créer un poste de scénariste et un autre de réalisateur, sans préciser aucunement davantage leurs rôles et poids respectifs dans la réalisation du projet, les négociations du DoW menées par le requérant ont abouti à la création du poste d’editorial manager censé coordonner le travail du scénariste et du réalisateur et, de surcroît, à temps plein à partir du quatrième mois de la réalisation du projet, renforçant le rôle de l’editorial manager, sœur du requérant, dans l’exécution du projet. Le requérant aurait également clairement soutenu la demande de sa sœur de report de la réunion de mi-parcours prévue le 5 novembre 2009, en annonçant au directeur d’iCons, et avant même que ce dernier n’ait eu le temps de répondre, une absence prolongée, sans justification objective, coïncidant avec les échéances proposées par sa sœur.

171    S’agissant de l’influence du requérant sur le processus d’évaluation de l’offre du consortium, l’argument du requérant à cet égard serait inopérant, puisque l’AIPN n’a jamais reproché au requérant d’avoir influencé le processus d’évaluation, la procédure disciplinaire visant uniquement les négociations du DoW. Selon la Commission, le témoignage de M. MGC serait d’une pertinence limitée puisque ce dernier n’a commencé à travailler sur le projet « Nano-TV » qu’en décembre 2009, soit postérieurement à la finalisation du DoW et aux controverses relatives à la création du poste d’editorial manager.

172    La Commission rappelle qu’elle n’a pas reproché au requérant d’avoir nui au projet « Nano-TV », mais uniquement de ne pas avoir nécessairement agi dans l’intérêt du projet, tant par rapport au report de l’échéancier de travail de sa sœur que par rapport à son insistance à vouloir détailler et influer sur la forme contractuelle de l’emploi fourni à sa sœur par iCons et sur les attributions de celle-ci dans l’exécution du projet financé par l’Union. De la même manière, s’agissant des déclarations du chef d’unité dans sa lettre au directeur d’iCons du 24 février 2010, l’AIPN n’aurait pas prétendu que le rôle de l’editorial manager n’était pas décrit dans le DoW ; elle aurait en revanche affirmé que le requérant avait influencé la définition du rôle de l’editorial manager et la forme contractuelle de sa relation d’emploi.

173    S’agissant de la prise en compte de la durée de la procédure à titre de circonstance atténuante, la Commission relève que, dans sa réclamation, le requérant avait invoqué ladite durée uniquement en lien avec une prétendue violation de ses droits de la défense. En tout état de cause, cet élément, non mentionné à l’article 10 de l’annexe IX du statut, ne serait pas pertinent, au risque, le cas échéant, de favoriser les fonctionnaires et agents faisant l’objet d’enquêtes mettant en cause des faits plus complexes et souvent les plus graves ou des faits dissimulés par les intéressés.

174    S’agissant des rapports de notation satisfaisants du requérant, la Commission souligne que les notateurs n’ont pas une connaissance complète du dossier disciplinaire lorsqu’ils les établissent et que, par ailleurs, de tels rapports ne constituent pas, en tant que tel, des circonstances atténuantes.

175    S’agissant de l’atteinte à la réputation de l’institution, celle-ci aurait été expressément constatée au point 15 de la décision attaquée et, en tout état de cause, la Commission estime être fondée à prendre en compte l’existence d’un risque financier ou d’atteinte à sa réputation même lorsqu’il ne s’est pas encore ou nécessairement réalisé. Ceci serait corroboré par le fait que la récupération d’un indu auprès du fonctionnaire ayant induit son administration en erreur n’est pas une circonstance prise en compte au titre de circonstance atténuante. En outre, la jurisprudence se réfèrerait à tout comportement susceptible d’affecter objectivement l’image des institutions et non aux seuls comportements qui ont effectivement affecté cette image.

176    Quant à la responsabilité de sa hiérarchie, le requérant n’aurait développé aucun argument concret à l’appui de son grief de sorte que ce grief serait irrecevable. En tout état de cause, le conseil de discipline n’aurait pas constaté un manque de vigilance par le passé dans le chef de cette hiérarchie, mais avait appelé celle-ci à plus de vigilance pour l’avenir. Par ailleurs, la Commission souligne que ladite hiérarchie ignorait précisément, par le passé, le fait que l’editorial manager était la sœur du requérant. Enfin, quant à la participation du directeur général de la DG « Recherche » à l’AIPN tripartite, celle-ci serait prévue par l’annexe I de la décision C(2013) 3288.

 Appréciation du Tribunal

177    Par son argumentation au soutien du septième moyen et eu égard aux arguments qu’il a présentés dans le cadre de ses autres moyens, le requérant, premièrement, conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; deuxièmement, affirme que l’AIPN tripartite n’a pas démontré à suffisance de droit la violation des obligations statutaires lui incombant au titre des articles 11 et 11 bis du statut ; troisièmement, affirme que l’AIPN tripartite a erronément pris en compte les circonstances atténuantes et aggravantes du cas d’espèce, et, quatrièmement, conclut que la sanction qui lui a été infligée était disproportionnée.

-       Considérations liminaires

178    À titre liminaire, il convient de rappeler que la légalité de toute sanction disciplinaire présuppose que la réalité des faits reprochés à l’intéressé soit établie (arrêts du 18 décembre 1997, Daffix/Commission, T-12/94, EU:T:1997:208, points 63 et 64 ; du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T-203/98, EU:T:2000:130, point 51, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 90).

179    S’agissant de l’évaluation de la gravité des manquements constatés par le conseil de discipline à la charge du fonctionnaire et du choix de la sanction qui apparaît, au vu de ces manquements, comme étant la plus appropriée, ceux-ci relèvent en principe du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits révélés (voir arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission, T-24/98 et T-241/99, EU:T:2001:175, points 85 et 86). Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à une appréciation de la responsabilité du fonctionnaire, différente de celle portée par le conseil de discipline, ainsi que de choisir, par suite, la sanction disciplinaire qu’elle estime adéquate pour sanctionner les fautes disciplinaires retenues (arrêts du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T-500/93, EU:T:1996:94, point 56 ; du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T-203/98, EU:T:2000:130, point 48, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 91).

180    Une fois la matérialité des faits établie, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN en matière disciplinaire, le contrôle juridictionnel doit se limiter à une vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T-203/98, EU:T:2000:130, point 50, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 92).

-       Sur la matérialité des faits

181    Au regard des éléments du dossier, le Tribunal considère que l’AIPN n’a commis aucune erreur d’appréciation, encore moins manifeste, en constatant que, dans le cadre de la négociation du DoW, le requérant a fait en sorte, en s’appuyant sur les recommandations du panel préconisant uniquement d’inclure la participation d’un scénariste et d’un réalisateur, que iCons, bénéficiaire du financement de l’Union au titre du projet « Nano-TV » dont le suivi était assuré par le requérant, accepte le principe de créer un autre poste, en l’occurrence celui d’editorial manager. De la même manière, c’est à juste titre que l’AIPN a considéré que le requérant avait agi en faveur de sa sœur, compte tenu de la démarche de cette dernière, laquelle, tout en indiquant avoir été orientée vers iCons par une personne de la DG « Recherche », a présenté sa candidature spontanée à un emploi analogue à celui dont le requérant recommandait peu de temps après la création.

182    À ceci s’ajoute le fait que le requérant a indubitablement interféré dans les conditions d’emploi ainsi que dans les rôles et prérogatives de l’editorial manager, poste occupé par sa sœur dans le cadre du projet « Nano-TV ». En effet, premièrement, il a recommandé, essentiellement de sa propre initiative - ce dont il s’est en substance prévalu auprès de sa sœur dans son courriel du 22 septembre 2010 découvert par l’OLAF et mentionné au point 48 du présent arrêt -, l’engagement à temps plein de l’editorial manager, tout en suggérant la tenue de réunions selon une certaine fréquence impliquant la présence en Italie de celui-ci. Or, ces précisions correspondaient et/ou rejoignaient précisément les souhaits exprimés par sa sœur, dans ses courriel et lettre au directeur d’iCons respectivement des 29 juillet et 16 août 2008, de se réinstaller dans cet État membre.

183    Deuxièmement, le requérant a pris position, à plusieurs reprises et de manière singulière, sur l’étendue des fonctions de l’editorial manager, notamment dans les courriels mentionnés au point 37 du présent arrêt, alors même que, dans ses recommandations, le panel avait expressément indiqué que la Commission ne devait pas jouer de rôle dans les décisions spécifiques concernant le contenu du projet ou son management.

184    Troisièmement, en évoquant dans son courriel au directeur d’iCons du 17 septembre 2009, des absences à venir qui n’étaient pas planifiées à l’époque et qui ne se sont pas ultérieurement avérées effectives, le requérant a en réalité intercédé auprès du directeur d’iCons en faveur de sa sœur qui sollicitait auprès dudit directeur le report d’une réunion pour pouvoir disposer de davantage de temps pour terminer son travail. À cet égard, le Tribunal considère que, même à supposer que le requérant ait eu quelques rendez-vous médicaux sur la période en cause, lesquels n’ont d’ailleurs visiblement pas donné lieu à des demandes de remboursement ni à des certificats d’arrêts de travail pour cause de maladie, ceux-ci ne permettaient pas de justifier de manière plausible l’annonce par le requérant d’une absence prolongée dont le caractère effectif n’a été ni prouvé ni même seulement étayé par des éléments de preuve.

185    Les constatations qui précèdent ne sont nullement remises en cause par la déclaration de M. MGC qui, outre le fait souligné par la Commission qu’il n’a pris ses fonctions au sein d’iCons qu’en décembre 2009, soit postérieurement aux comportements litigieux du requérant, n’est pas de nature à infléchir la force probante tant des différents courriels éloquents, notamment ceux sous la plume du requérant envoyés aux différents protagonistes ayant travaillé sur le projet « Nano-TV », que de la lettre du 12 février 2010 du directeur d’iCons, lequel était le supérieur hiérarchique de M. MGC.

186    Dès lors que la matérialité des faits a été prouvée à suffisance de droit par l’AIPN, il convient de déterminer si ces faits étaient de nature à fonder valablement le constat par l’AIPN d’une méconnaissance par le requérant de ses obligations statutaires au titre des articles 11 et 11 bis du statut.

-       Sur la méconnaissance par le requérant de ses obligations statutaires au titre des articles 11 et 11 bis du statut

187    Selon une jurisprudence constante, les dispositions des articles 11, 12, 12 ter et 17 bis du statut constituent des expressions spécifiques de l’obligation fondamentale de loyauté et de coopération du fonctionnaire vis-à-vis de l’Union et de ses supérieurs. Ce devoir comporte, au premier chef, l’obligation pour le fonctionnaire de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’Union. Ainsi, il doit notamment faire preuve, d’autant plus s’il a un grade élevé, comme en l’espèce, d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’Union et lui-même soient toujours préservés (voir arrêts du 8 novembre 2007, Andreasen/Commission, F-40/05, EU:F:2007:189, point 233 et jurisprudence citée, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 123). Ces dispositions constituent en définitive les piliers de la déontologie de la fonction publique européenne (arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F-80/11, EU:F:2013:159, point 61).

188    Ces règles, qui expriment les devoirs et responsabilités qui pèsent sur la fonction publique européenne, trouvent leur justification dans les missions d’intérêt général dont l’Union est chargée, impliquant que les citoyens de l’Union et les États membres doivent pouvoir avoir confiance dans le fait que les institutions, par l’entremise de leurs fonctionnaires et agents, veillent au bon accomplissement desdites missions. Ainsi, de telles obligations sont destinées principalement à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l’Union et ses fonctionnaires ou agents (voir arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, EU:C:2001:127, points 44 et 46, et du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F-80/11, EU:F:2013:159, point 62).

189    Compte tenu de l’importance de la relation de confiance existant entre l’Union et le fonctionnaire en ce qui concerne tant le fonctionnement intérieur de l’Union que son image à l’extérieur, et au vu de la généralité des termes des dispositions des articles 11, 12, 12 ter et 17 bis du statut, celles-ci couvrent toute circonstance ou tout comportement dont le fonctionnaire doit raisonnablement comprendre, au vu de son grade et des fonctions qu’il exerce ainsi que des circonstances propres de l’affaire, qu’il est de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme étant susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il est censé servir (arrêts du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F-80/11, EU:F:2013:159, point 63, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 232).

190    Ainsi, par leur comportement, les fonctionnaires et agents de l’Union doivent présenter une image de dignité conforme à la conduite particulièrement correcte et respectueuse qu’il est légitime d’attendre des membres du personnel d’une organisation publique internationale (voir arrêts du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T-146/94, EU:T:1996:34, point 65, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 210).

191    À cet égard, les faits de l’espèce font clairement apparaître, en ce qui concerne l’article 11 du statut, que le comportement du requérant était de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme étant susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il était censé servir, puisque ces faits tendent à indiquer que, dans sa conduite vis-à-vis d’iCons, le requérant cherchait, en usant des prérogatives que lui offraient les fonctions de responsable de projet qui lui avaient été assignées par la Commission en lien avec le projet « Nano-TV », à permettre à un membre de sa famille d’obtenir des conditions d’emploi et de travail avantageuses, lesquelles, si elles n’allaient pas nécessairement à l’encontre des intérêts de l’institution, se heurtaient toutefois aux prérogatives et aux décisions managériales arrêtées par le bénéficiaire du financement de l’Union, en l’occurrence le consortium représenté par iCons.

192    Ceci est d’autant plus patent qu’un tiers à la relation d’emploi entre le requérant et la Commission, iCons, a dû se plaindre directement auprès de cette dernière du comportement de l’intéressé.

193    Quant à l’article 11 bis du statut, dont le requérant ne pouvait ignorer les dispositions, puisque, selon la jurisprudence, tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître le statut (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T-34/96 et T-163/96, EU:T:1999:102, point 168, et du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F-28/13, EU:F:2014:55, point 62), il ressort expressément de son libellé que, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire ne traite aucune affaire dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel, « notamment familial ou financier, de nature à compromettre son indépendance » et que, si une telle affaire devait lui être confiée, il doit en aviser « immédiatement » l’AIPN qui prend les mesures qui s’imposent, y compris, le cas échéant, en le déchargeant de ses responsabilités dans cette affaire. Enfin, l’article 11 bis, paragraphe 3, du statut prévoit notamment que le fonctionnaire ne peut conserver, dans les entreprises soumises au contrôle de l’institution à laquelle il appartient, des intérêts de nature et d’importance telles qu’ils seraient susceptibles de compromettre son indépendance dans l’exercice de ses fonctions.

194    À cet égard, lors de l’appréciation de l’existence d’un conflit d’intérêts, l’existence de relations professionnelles ou familiales entre un fonctionnaire et un tiers ne saurait, en principe, impliquer automatiquement que l’indépendance de ce fonctionnaire est compromise ou apparaît comme telle lorsque ledit fonctionnaire est appelé à se prononcer sur une affaire dans laquelle ce tiers intervient (arrêts du 3 février 2005, Mancini/Commission, T-137/03, EU:T:2005:33, point 33 ; du 12 juillet 2005, De Bry/Commission, T-157/04, EU:T:2005:281, point 35, et ordonnance du 25 février 2014, García Dominguez/Commission, F-155/12, EU:F:2014:24, point 34).

195    Cependant, dans la mesure où l’appréciation de la réalité du conflit d’intérêts incombe à l’AIPN, l’article 11 bis du statut ne permet pas aux fonctionnaires et agents de procéder eux-mêmes à une telle appréciation et leur impose, au contraire, de déclarer à leur hiérarchie la présence d’un membre de leur famille, d’autant plus s’il s’agit d’un ascendant, d’un descendant ou d’un collatéral direct, au sein d’une entité extérieure à l’institution entretenant des relations directes avec ladite institution et qui entrent dans le cadre des fonctions desdits fonctionnaires et agents.

196    À cet égard, il doit être souligné que, si l’article 11 bis du statut impose une obligation déclarative au fonctionnaire concerné, la présence au sein de l’institution concernée de ce membre de la famille d’une personne extérieure à l’institution ne prive pas cette personne extérieure à l’institution de la possibilité d’exercer une activité professionnelle au sein d’une société soumise à un contrôle de l’institution en cause. De la même manière, comme dans les circonstances ayant donné lieu à l’arrêt du 22 septembre 2015, Gioria/Commission (F-82/14, EU:F:2015:108), cette circonstance ne prive pas le membre de la famille d’un fonctionnaire ou agent de l’Union de la possibilité de se porter candidat à un concours ou à un emploi pour la sélection duquel intervient un jury de concours ou un panel de sélection, sous réserve toutefois, lorsque le fonctionnaire concerné siège dans ledit jury ou panel, de l’obligation déclarative pesant sur ce fonctionnaire au titre de l’article 11 bis du statut et de l’obligation déclarative spécifique pesant sur le candidat, aspirant à servir l’Union, au titre de l’article 27 du statut (voir arrêt du 22 septembre 2015, Gioria/Commission, F-82/14, EU:F:2015:108, point 36).

197    Ainsi, en l’espèce, même s’il n’apparaît nullement que les compétences de la sœur du requérant n’étaient pas appropriées pour les besoins du projet « Nano-TV » et que ses conditions de travail, y compris salariales, apparaissent correspondre à celles du marché, le Tribunal constate que seul le comportement du requérant est en cause en l’espèce et que, à cet égard, en omettant de déclarer le lien de parenté qui l’unissait à l’editorial manager du projet « Nano-TV », le requérant, qui aurait dû être normalement diligent et avisé sur cette question, d’autant plus au regard de son grade élevé, a clairement méconnu les obligations lui incombant au titre de l’article 11 bis du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2015, Gioria/Commission, F-82/14, EU:F:2015:108, point 36).

198    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que l’AIPN n’a commis aucune erreur manifeste en constatant, d’une part, que le requérant avait permis qu’une situation claire de conflit d’intérêts se développe et perdure, méconnaissant ainsi de manière sérieuse ses obligations au titre de l’article 11 bis du statut, et, d’autre part, que le requérant avait, par ailleurs, méconnu ses obligations au titre de l’article 11 du statut en ne s’étant pas acquitté de ses fonctions et en n’ayant pas réglé sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’institution.

-       Sur la prise en compte des circonstances atténuantes et aggravantes du cas d’espèce et la proportionnalité de la sanction infligée

199    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vue d’apprécier la proportionnalité d’une sanction disciplinaire par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et circonstances propres à chaque cas d’espèce, étant rappelé que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes catégories de manquements commis par les fonctionnaires et qu’il ne précise pas davantage dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L’examen du juge de première instance est, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le juge ne saurait se substituer à l’AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (arrêts du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T-406/12 P, EU:T:2014:273, point 64, et du 19 novembre 2014, EH/Commission, F-42/14, EU:F:2014:250, point 93).

200    S’agissant de la durée de la procédure disciplinaire, force est de constater, d’une part, que cet aspect ne figure pas parmi les éléments mentionnés à l’article 10 de l’annexe IX du statut et qu’il n’est pas pertinent pour déterminer la sanction disciplinaire qui, aux termes de cet article, doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise. D’autre part, ainsi qu’il a été constaté précédemment, la procédure disciplinaire menée en l’espèce ne l’a pas été dans un délai déraisonnable et n’a pas non plus affecté l’exercice par le requérant de ses droits de la défense. C’est donc à juste titre que l’AIPN tripartite n’a pas considéré cet aspect comme constituant une circonstance atténuante.

201    S’agissant de la circonstance que, dans son avis et après avoir formulé sa recommandation de rétrograder le requérant « en prenant en compte tous les facteurs [précédemment] mentionnés », le conseil de discipline a ensuite, dans le même paragraphe mais dans une phrase distincte, « exprim[é] le vœu qu’une telle mesure disciplinaire éveillerait la conscience [du requérant] sur ses obligations statutaires ainsi que le caractère sérieux de ses actions et le dissuaderait d’avoir à l’avenir des comportements similaires, de même que cela devrait conduire à une meilleure supervision [de l’intéressé] par sa hiérarchie », force est de constater que la manière dont cet organe consultatif a formulé ce commentaire ne permet pas de conclure, comme le fait le requérant, qu’il aurait pris en compte, en tant que circonstance aggravante, la nécessité d’attirer l’attention de sa hiérarchie en infligeant, pour ce faire, une sanction exemplaire au requérant.

202    En tout état de cause, le Tribunal constate, d’une part, que la hiérarchie du requérant ignorait précisément le lien de parenté unissant le requérant à l’editorial manager du projet « Nano-TV », et que, au demeurant, en demandant à iCons, dès le 12 décembre 2008, de faire figurer sa sœur sous son seul nom d’épouse dans la liste des adresses électroniques utilisées pour les correspondances relatives au projet « Nano-TV », l’intéressé a ainsi empêché que sa hiérarchie puisse avoir des doutes à cet égard et découvrir l’existence de ce lien de parenté. D’autre part, les éventuelles carences de ses supérieurs hiérarchiques ne sauraient justifier les manquements reprochés au requérant, lequel, en sa qualité de responsable de projets, demeure responsable de ses actes (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, R./Commission, 255/83 et 256/83, EU:C:1985:324, point 44 ; du 4 mai 1999, Z/Parlement, T-242/97, EU:T:1999:92, point 115, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 222).

203    Quant au point de savoir si l’AIPN pouvait retenir comme circonstance aggravante le risque auquel le comportement du requérant a exposé la réputation de l’institution, le Tribunal constate que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, des personnes extérieures à la Commission ont été informées de son comportement, en l’occurrence celles qui étaient impliquées dans le projet « Nano-TV » au sein du consortium, y compris le directeur d’iCons et la sœur du requérant.

204    À cet égard, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, l’indépendance des fonctionnaires vis-à-vis des tiers que, notamment, les articles 11 et 11 bis du statut tendent à préserver, ne doit pas seulement être appréciée d’un point de vue subjectif, puisqu’elle suppose aussi d’éviter, particulièrement dans la gestion des deniers publics, tout comportement susceptible d’affecter objectivement l’image des institutions et de saper la confiance que celles-ci doivent inspirer au public. Ainsi, au titre de l’article 10, sous b), de l’annexe IX du statut, l’institution peut, comme en l’espèce, prendre en compte à titre de circonstance aggravante le risque auquel le comportement du fonctionnaire a exposé l’intégrité, la réputation ou les intérêts de l’institution, sans être tenue de démontrer si et combien de personnes extérieures à l’institution ont été au courant des comportements en cause du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2012, BD/Commission, F-36/11, EU:F:2012:49, point 80).

205    Quant à la circonstance que la Commission aurait, dans un cas analogue, fait preuve d’une plus grande clémence, le Tribunal rappelle que la responsabilité du requérant doit faire l’objet d’un examen individuel et autonome, c’est-à-dire indépendamment de l’éventuelle légalité ou illégalité de décisions, ou de l’absence de décision, prises à l’encontre d’autres membres du personnel. Ainsi, le requérant ne saurait utilement invoquer le fait qu’aucune procédure disciplinaire avec saisine du conseil de discipline n’ait été diligentée à l’égard d’un autre fonctionnaire ou qu’une sanction moins sévère ait été infligée à cet autre fonctionnaire, pour des faits analogues à ceux retenus à sa charge, pour contester la sanction dont lui-même a fait l’objet (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, EU:C:1985:297, point 14, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F-73/13, EU:F:2015:9, point 123 et jurisprudence citée).

206    S’agissant de la circonstance que le requérant n’a été dernièrement promu que le 1er janvier 2009, le Tribunal constate, dans la mesure où la procédure de notation et la procédure disciplinaire sont des procédures distinctes n’ayant pas le même objet, que cet aspect n’est nullement pertinent aux fins de la définition de la sanction devant être imposée à l’issue de la procédure disciplinaire, d’autant plus dans un cas tel que celui de l’espèce dans lequel, d’une part, le requérant reste en défaut de démontrer que sa non-promotion, en 2013 et en 2014, serait liée à l’existence de la procédure disciplinaire, et, d’autre part, il n’a nullement invoqué pareil argument lorsqu’il a contesté la décision de l’AIPN de ne pas le promouvoir au titre de l’exercice de promotion 2014.

207    Partant, c’est à juste titre que l’AIPN tripartite n’a pas considéré que cet aspect était pertinent aux fins de la définition de la sanction. De la même manière, la circonstance que la confiance de la hiérarchie du requérant n’aurait pas été ébranlée puisque ses supérieurs hiérarchiques ont continué de lui confier des fonctions analogues, l’AIPN tripartite a mentionné cet aspect uniquement pour constater que la procédure disciplinaire n’avait pas eu d’impact sur la carrière du requérant. Pour autant, le comportement de l’administration vis-à-vis de l’intéressé postérieurement à la commission des faits qui lui sont reprochés ne constitue pas, en soi, une circonstance atténuante.

208    Enfin, quant à la question de l’absence de remords du requérant, laquelle a été constatée par le conseil de discipline dans son avis, l’AIPN tripartite ayant indiqué partager elle aussi ladite constatation, il ressort du dossier que ce commentaire tendait essentiellement à manifester la surprise de ces deux instances quant à l’absence de prise de conscience par le requérant de la gravité des manquements qui lui étaient reprochés, attitude corroborée par la teneur du courriel plutôt désinvolte mentionné au point 42 du présent arrêt, en l’occurrence le courriel du 24 février 2010. Cependant, il n’apparaît pas que cet élément ait été pris en compte pour aggraver la sanction disciplinaire à infliger. En tout état de cause, à supposer qu’il l’ait été, cet élément peut, dans certains cas, être pris en compte au titre de l’article 10 de l’annexe IX du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T-406/12 P, EU:T:2014:273, point 70).

209    Au regard de ces considérations et de la gravité des comportements reprochés, le Tribunal considère, d’une part, que l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans la prise en considération et la pondération des circonstances atténuantes et aggravantes du cas d’espèce. D’autre part, la sanction finalement infligée n’apparaît pas disproportionnée, étant souligné qu’elle ne constitue pas, pour de tels manquements, la sanction disciplinaire la plus lourde eu égard à l’existence notamment de la révocation, sanction explicitement envisagée dans son avis motivé par le conseil de discipline dans le cas du requérant (voir arrêts du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T-197/00, EU:T:2002:135, point 20, et du 1er avril 2004, N/Commission, T-198/02, EU:T:2004:101, point 59).

210    Ce constat du Tribunal vaut, même à supposer que l’AIPN tripartite ait entendu, à tort, prendre en compte l’absence de remords du requérant à titre de circonstance aggravante. En effet, au regard de la gravité des faits reprochés et de l’ensemble des autres circonstances atténuantes et aggravantes qu’elle a pu prendre en compte et pondérer dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, la sanction infligée demeure, en tout état de cause, proportionnée.

211    Il s’ensuit que le septième moyen doit être rejeté, de même, partant, que les conclusions en annulation dans leur intégralité.

3.     Sur les conclusions indemnitaires

212    En lien avec la durée excessive de la procédure, le requérant a revendiqué un montant de 100 000 euros devant lui être octroyé pro bono et æquo pour le préjudice prétendument subi en raison de cette durée excessive.

213    La Commission conclut, à titre principal, au rejet des conclusions indemnitaires en raison de leur lien étroit avec les conclusions en annulation devant être elles-mêmes être rejetées. À titre subsidiaire, elle considère que, même au regard de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 29 septembre 2011, Heath/BCE (F-121/10, EU:F:2011:174), les conclusions indemnitaires devraient être rejetées puisque, en l’espèce, aucune faute de service n’a été commise par la Commission et que la décision attaquée, adoptée en application des règles statutaires relatives au régime disciplinaire, ne saurait être considérée, en soi, comme portant atteinte à la dignité du requérant. Enfin, la Commission souligne, à titre encore plus subsidiaire, que le requérant n’apporte aucun début de preuve s’agissant des préjudices allégués ou de l’existence d’un lien de causalité entre ces prétendus préjudices et les illégalités évoquées par lui. Lors de l’audience, la Commission a ajouté que, par ailleurs, la demande indemnitaire en lien avec un préjudice subi du fait de la prétendue durée excessive de la procédure aurait dû faire l’objet d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, de sorte qu’elle serait irrecevable pour méconnaissance des exigences afférentes à la procédure précontentieuse.

214    À cet égard, le Tribunal considère que, en tout état de cause, les conclusions en annulation ayant été rejetées, il doit en être de même des conclusions indemnitaires, étant donné qu’elles leur sont étroitement liées (voir arrêt du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F-28/13, EU:F:2014:55, point 105 et jurisprudence citée), que, au demeurant, la démarche de la partie défenderesse en l’espèce n’est entachée d’aucune illégalité, et que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’enquête diligentée par l’OLAF n’a pas été conduite dans un délai déraisonnable au regard des spécificités du cas d’espèce, pas plus que la procédure disciplinaire statutaire qui l’a suivie.

215    Partant, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

216    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

217    Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

218    Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et être condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      HI supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2016.

Le greffier

 

       Le juge

W. Hakenberg

 

       J. Svenningsen


* Langue de procédure : le français.

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