Klein v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-309/10 (28 September 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T30910.html
Cite as: [2016] EUECJ T-309/10, ECLI:EU:T:2016:570, EU:T:2016:570

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

28 septembre 2016(*)

« Responsabilité non contractuelle – Directive 93/42/CEE – Régime harmonisé assurant la sécurité et la protection de la santé des patients, des utilisateurs et des tiers en vue de l’utilisation des dispositifs médicaux – Article 8 – Notification d’une décision d’interdiction de mise sur le marché – Absence de prise de position de la Commission – Article 18 – Marquage CE indu ‑ Préjudice – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑309/10 RENV,

Christoph Klein, demeurant à Groβgmain (Autriche), représenté initialement par Mes H.-J. Ahlt et M. Ahlt, puis par Me H.-J. Ahlt, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Sipos et G. von Rintelen, en qualité d’agents, assistés de Me C. Winkler, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi à la suite de la violation par la Commission des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8 de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO 1993, L 169, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

Composé, lors des délibérations, de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Christoph Klein, est le directeur d’atmed AG, une société anonyme de droit allemand actuellement en situation d’insolvabilité. Il est également l’inventeur d’un dispositif d’aide à l’inhalation pour personnes asthmatiques qu’il a breveté au début des années 90.

 Décision d’interdiction du dispositif Inhaler

2        De 1996 à 2001, la fabrication du dispositif d’aide à l’inhalation du requérant a été confiée à Primed Halberstadt GmbH pour le compte de Broncho-Air Medizintechnik AG. Cette dernière société était également le distributeur de ce dispositif, sous le nom d’Inhaler Broncho Air® (ci-après le « dispositif Inhaler »). Lors de sa mise en circulation sur le marché allemand, ce dispositif portait le marquage CE, en vue de désigner sa conformité aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO 1993, L 169, p. 1).

3        En 1996, les autorités allemandes ont transmis à Broncho-Air Medizintechnik un projet de décision visant à l’interdiction de la distribution du dispositif Inhaler. Dans ce projet, lesdites autorités ont expliqué que, en raison de l’absence d’une évaluation clinique exhaustive, elles entretenaient des doutes quant à la conformité de ce dispositif aux exigences essentielles prévues par la directive 93/42. Elles ont également exprimé leur volonté de procéder au rappel des exemplaires de ce dispositif déjà mis en circulation.

4        Le 22 mai 1997, Broncho-Air Medizintechnik a adressé aux autorités allemandes une lettre les informant que le dispositif Inhaler n’avait plus été mis sur le marché depuis le 1er janvier 1997 et que sa distribution serait suspendue jusqu’à ce que des études et des essais supplémentaires sur la conformité de ce produit à la directive 93/42 soient disponibles. Elle a également fait savoir aux autorités allemandes que le dispositif concerné n’avait pas été distribué à l’étranger.

5        Le 23 septembre 1997, les autorités allemandes ont adopté une décision interdisant à Primed Halberstadt Medizintechnik GmbH la mise sur le marché du dispositif Inhaler. Dans cette décision, les autorités allemandes ont relevé, en substance, que, conformément à l’avis du Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux), le dispositif médical concerné ne satisfaisait pas aux exigences essentielles posées à l’annexe I de la directive 93/42 dans la mesure où son innocuité n’avait pas été suffisamment établie de manière scientifique à la lumière des éléments mis à disposition par le fabricant.

6        Le 7 janvier 1998, les autorités allemandes ont transmis à la Commission des Communautés européennes une lettre, intitulée « Procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8 de la directive 93/42 relative à l’appareil d’inhalation […] “Inhaler Broncho Air®” », dans laquelle elles faisaient part à celle-ci de leur décision d’interdiction.

7        La Commission n’a pas, à la suite de la notification des autorités allemandes, adopté de décision.

 Décision d’interdiction du dispositif effecto

8        Le 16 juin 2000, les droits d’exploitation exclusive du dispositif médical du requérant ont été cédés à atmed. À la suite de cette cession, le dispositif d’aide à l’inhalation du requérant a été, à partir de 2002, distribué de façon exclusive par atmed sous le nom « effecto® » (ci-après le « dispositif effecto »). En 2003, cette société a également pris en charge sa fabrication. Lors de sa mise sur le marché allemand, ce dispositif portait le marquage CE désignant sa conformité aux exigences essentielles prévues par la directive 93/42.

9        Le 18 mai 2005, les autorités allemandes ont adopté une décision interdisant à atmed de mettre sur le marché le dispositif effecto. En substance, elles ont estimé que la procédure d’évaluation de conformité, notamment l’évaluation clinique, n’avait pas été effectuée de manière appropriée et que, pour cette raison, ledit dispositif ne pouvait pas être considéré comme satisfaisant aux exigences essentielles prévues par la directive 93/42. Cette décision n’a pas été notifiée à la Commission par les autorités allemandes au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42.

10      Les 16 janvier et 17 août 2006, atmed a contacté les services de la Commission en dénonçant le fait que les autorités allemandes n’avaient pas notifié à la Commission la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif effecto. Selon elle, une procédure de clause de sauvegarde devait être déclenchée au titre de l’article 8 de la directive 93/42.

11      Le 6 octobre 2006, au vu des informations reçues de la part d’atmed, la Commission a demandé aux autorités allemandes si les conditions d’une procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42 étaient, à leur avis, remplies.

12      Le 12 décembre 2006, la République fédérale d’Allemagne a expliqué à la Commission que, selon elle, la procédure engagée en 1998 concernant le dispositif Inhaler constituait une procédure de clause de sauvegarde au sens de ladite disposition et qu’une nouvelle procédure, pour un même dispositif portant un autre nom, n’était pas justifiée. En outre, les autorités allemandes ont informé la Commission de leurs doutes persistants quant à la conformité du dispositif effecto aux exigences essentielles visées par la directive 93/42 et ont, dès lors, demandé à la Commission de confirmer leur décision d’interdiction.

13      Le 13 décembre 2006, la Commission a informé atmed de la réponse des autorités allemandes.

14      Le 18 décembre 2006, atmed a demandé à la Commission d’ouvrir une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE contre la République fédérale d’Allemagne ainsi que de poursuivre la procédure de clause de sauvegarde qui, selon elle, avait été activée en 1998.

15      Le 22 février 2007, la Commission a proposé aux autorités allemandes d’évaluer la décision du 18 mai 2005 dans le contexte de la procédure de clause de sauvegarde de 1998 et de la traiter sur la base des nouvelles informations. Selon elle, cette voie permettait d’éviter une nouvelle notification et assurait une plus grande efficacité.

16      Le 18 juillet 2007, la Commission a fait part aux autorités allemandes de sa conclusion selon laquelle la présente espèce répondait, en réalité, à un cas de marquage CE indu et, pour cette raison, devait être traitée à la lumière de l’article 18 de la directive 93/42. À cet égard, la Commission a mis en doute le fait que le dispositif effecto ne pouvait pas satisfaire aux exigences essentielles prévues dans cette directive 93/42. En revanche, elle a estimé que des données cliniques supplémentaires étaient nécessaires pour prouver que le dispositif effecto était conforme auxdites exigences et a invité les autorités allemandes à coopérer étroitement avec atmed afin d’établir quelles étaient les données manquantes. La Commission a remis au requérant une copie de la lettre adressée aux autorités allemandes à cet effet.

17      En 2008, le requérant a présenté une pétition au Parlement européen sur le suivi insuffisant de son affaire par la Commission.

18      Le 19 janvier 2011, le Parlement a adopté la résolution P7_TA (2011) 0017.

19      Le 9 mars 2011, le requérant a demandé à la Commission le paiement d’une indemnité de 170 millions d’euros pour atmed et de 130 millions d’euros pour lui-même.

20      Le 11 mars 2011, la Commission a rejeté la demande d’indemnité du requérant.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2011, le requérant a introduit un recours en indemnité fondé sur les dispositions combinées de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

22      Par arrêt du 21 janvier 2014, Klein/Commission (T‑309/10, ci-après l’« arrêt du Tribunal », EU:T:2014:19), le Tribunal a rejeté le recours en raison de l’inexistence d’un comportement illégal de la Commission au titre de la directive 93/42.

23      Tout d’abord, le Tribunal a déclaré irrecevable, car prescrite, la demande du requérant pour autant qu’elle concernait le préjudice prétendument subi avant le 15 septembre 2006. Ensuite, s’agissant de l’interdiction du dispositif Inhaler, il a estimé que l’inaction de la Commission n’était pas illégale, car, malgré l’intitulé de la lettre du 7 janvier 1998 (voir point 6 ci-dessus), une telle interdiction ne répondait pas à un cas de clause de sauvegarde au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, mais à un cas de marquage CE indûment apposé au titre de l’article 18 de la directive 93/42. Dans ce contexte, conformément à l’article 8, paragraphe 3, de cette même directive, la Commission ne devait qu’en être informée par l’État membre concerné et celle-ci n’était tenue d’adopter aucune décision. Enfin, s’agissant de l’interdiction du dispositif effecto, le Tribunal a rejeté les arguments du requérant selon lesquels, en substance, la Commission aurait dû entamer, de sa propre initiative, une procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 ou, à tout le moins, ouvrir une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE.

24      À la suite du pourvoi du requérant, la Cour, par son arrêt du 22 avril 2015, Klein/Commission (C‑120/14 P, non publié, ci-après l’« arrêt de la Cour », EU:C:2015:252), a annulé partiellement l’arrêt du Tribunal et a renvoyé l’affaire devant celui-ci.

25      Premièrement, la Cour a rejeté le pourvoi du requérant dans la mesure où ce dernier demandait des dommages et intérêts pour la période antérieure au 15 septembre 2006. Deuxièmement, en ce qui concerne l’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler, la Cour a dit pour droit que le Tribunal avait méconnu les articles 8 et 18 de la directive 93/42 en considérant que la Commission n’avait pas violé ses obligations au titre de cette directive. En particulier, elle a estimé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’était pas tenue d’engager une procédure de clause de sauvegarde conformément à l’article 8 de la directive 93/42 à la suite de la réception de la lettre du 7 janvier 1998. En outre, la Cour a considéré que l’éventuelle application de l’article 18 de la directive 93/42 au dispositif Inhaler ne dispensait pas la Commission de l’obligation d’agir en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la même directive. En ce qui concerne l’interdiction relative au dispositif effecto, la Cour a rejeté comme étant irrecevable le moyen du requérant visant à faire constater des erreurs du Tribunal dans cette partie de l’arrêt.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

26      L’affaire a été attribuée à la huitième chambre du Tribunal.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2015, le requérant a demandé à être admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle gratuite, au titre des articles 94 et 95 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. La Commission a déposé ses observations sur cette demande le 30 juillet 2015, concluant à son rejet. Par ordonnance du 13 juin 2016, le requérant a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

28      Les 8 juillet et 21 août 2015, le requérant et la Commission ont soumis leurs observations écrites respectives sur le renvoi.

29      Un membre de la chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui verser 1 562 662,30 euros, majorés d’intérêts à hauteur de 8 points au-dessus du taux de base applicable à compter du prononcé de l’arrêt ;

–        constater que la Commission devra également l’indemniser du préjudice additionnel né après le 15 septembre 2006 et devant encore être chiffré ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevable le recours concernant les préjudices prétendument subis par atmed et rejeter, en tout état de cause, le recours comme étant dénué de fondement ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

32      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de ses écritures, par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de constater que la Commission devrait l’indemniser, non seulement en raison de sa carence dans la procédure de clause de sauvegarde pour le dispositif Inhaler, mais également en raison de sa carence en ce qui concerne le dispositif effecto.

33      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour.

34      Dans l’arrêt de la Cour, la Cour a rejeté comme étant irrecevable le moyen du requérant visant à faire constater des erreurs du Tribunal dans la partie de l’arrêt consacrée à l’interdiction de mise sur le marché du dispositif effecto, en constatant que le requérant n’avait pas identifié spécifiquement l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt du Tribunal.

35      Dans ce contexte, le rejet, par l’arrêt du Tribunal, des griefs tenant au non-respect par la Commission de son obligation d’agir, en ce qui concerne le dispositif effecto et en vertu de l’article 8 de la directive 93/42, est devenu définitif. En effet, la remise en cause, à ce stade, de cette partie de l’arrêt du Tribunal, sans que la Cour mentionne une quelconque erreur faite sur ce point, reviendrait, d’une part, à instituer la huitième chambre du Tribunal en juridiction d’appel de la première chambre de celui-ci et, d’autre part, à priver l’arrêt sur pourvoi d’une partie de son effet obligatoire.

36      Par conséquent, le deuxième chef de conclusion doit être déclaré irrecevable pour autant qu’il vise une prétendue carence illégale de la Commission dans la procédure relative au dispositif effecto.

 Sur le fond

37      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

38      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 95). S’agissant de la condition relative au comportement illégal, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42).

39      Dès lors que l’une des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions sont réunies (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, EU:T:2002:34, point 37). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).

40      En l’espèce, dans la mesure où l’arrêt de la Cour a constaté que le Tribunal avait commis une erreur de droit en constatant que la Commission n’était pas tenue d’agir concernant l’interdiction du dispositif Inhaler, il convient d’examiner, d’abord, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, ensuite, l’existence d’un lien de causalité et, enfin, la réalité du préjudice allégué.

 Sur la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers

41      Tout d’abord, le requérant soutient que la violation par la Commission de l’article 8 de la directive 93/42, notamment son paragraphe 2, est suffisamment caractérisée en ce qui concerne le dispositif Inhaler, car cette institution ne disposait d’aucune marge d’appréciation à la suite de l’ouverture, par les autorités nationales allemandes, de la procédure de clause de sauvegarde en 1998. Ensuite, il demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire l’ensemble du dossier concernant ladite procédure de clause de sauvegarde et, en particulier, deux projets d’avis élaborés par cette institution en 2007. Selon le requérant, ces documents démontrent que le rapport juridique existant entre l’article 8 et l’article 18 de la directive 93/42 était évident pour la Commission et que le fait d’avoir méconnu ces deux dispositions, comme la Cour l’a constaté dans son arrêt, ne peut dès lors pas être considéré comme étant excusable. Par ailleurs, le requérant invoque une violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, prévoyant le droit au traitement des affaires dans un délai raisonnable, ainsi qu’une violation du principe de bonne administration. Enfin, le requérant considère que l’article 8 de la directive 93/42 constitue une « règle de protection » dont la violation oblige l’Union à réparer le préjudice direct qui lui a été causé en sa qualité d’entrepreneur.

42      La Commission conteste ces arguments. En substance, elle soutient, d’une part, qu’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union n’est pas établie et, d’autre part, que l’article 8 de la directive 93/42 vise uniquement la protection du fabricant des dispositifs médicaux.

–       Sur le caractère suffisamment caractérisé de la violation du droit de l’Union

43      Selon une jurisprudence constante, le critère décisif permettant de constater une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, au sens de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, est celui de la méconnaissance manifeste et grave par l’institution ou l’organe de l’Union concerné des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 55). Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 44).

44      Cependant, cette jurisprudence n’établit aucun lien automatique entre, d’une part, l’absence de pouvoir d’appréciation de l’institution concernée et, d’autre part, la qualification de l’infraction de violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union. En effet, bien qu’elle présente un caractère déterminant, l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’institution concernée ne constitue pas un critère exclusif. À cet égard, la Cour a rappelé de manière constante que le régime qu’elle avait dégagé au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE prenait, en outre, notamment en compte la complexité des situations à régler et les difficultés d’application ou d’interprétation des textes (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

45      Il s’ensuit que seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité de l’Union (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 39 et jurisprudence citée). Il appartient dès lors au juge de l’Union, après avoir déterminé, d’abord, si l’institution concernée disposait d’une marge d’appréciation, de prendre en considération, ensuite, la complexité de la situation à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise (voir arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, EU:T:2016:86, point 46).

46      À titre liminaire, il convient de rejeter comme irrecevable le grief du requérant visant à faire constater l’existence, en l’espèce, d’une violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux ainsi que du principe de bonne administration. À cet égard, il suffit de relever que, comme le fait valoir la Commission, le requérant n’avait pas invoqué ce grief lors de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal. Or, selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable en vertu de l’article 218 du même règlement de procédure, lorsque le Tribunal est saisi par un arrêt de renvoi de la Cour, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Il en résulte que, après l’arrêt de renvoi de la Cour, les parties ne sont pas recevables, en principe, à invoquer des moyens qui n’auraient pas été soulevés au cours de la procédure qui a donné lieu à l’arrêt du Tribunal annulé par la Cour (arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, point 88). En l’espèce, aucun nouvel élément de droit ou de fait n’ayant été invoqué depuis la requête initiale, le moyen fondé sur la violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et du principe de bonne administration doit être considéré comme étant un moyen nouveau à ce stade de la procédure et doit, par conséquent, être rejeté comme irrecevable.

47      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la Cour, le comportement illégal de la Commission consiste à avoir laissé sans suite la lettre des autorités allemandes du 7 janvier 1998, intitulée « Procédure de clause de sauvegarde au titre de l’article 8 de la directive 93/42 relative à l’appareil d’inhalation […] “Inhaler Broncho Air” » et, plus précisément, à n’avoir adopté aucune décision établissant que la mesure d’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler était justifiée ou injustifiée au titre de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42. C’est, dès lors, au regard de cette absence de prise de décision qu’il y a lieu d’examiner si le comportement illégal de la Commission constituait une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union.

48      S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la Commission disposait d’une marge d’appréciation, il importe de relever que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42 impose aux États membres ayant constaté des risques liés à des dispositifs médicaux certifiés conformes à cette directive de prendre toutes les mesures provisoires utiles pour retirer ces dispositifs médicaux du marché et pour interdire ou restreindre leur mise sur le marché ou leur mise en service. Dans ces conditions, l’État membre concerné est, selon cette même disposition, tenu de notifier immédiatement à la Commission les mesures adoptées, en précisant les raisons pour lesquelles celles-ci ont été prises et, notamment, si la non-conformité avec cette même directive résulte du « non-respect des exigences essentielles visée à l’article 3 », ce dernier article renvoyant à l’annexe I de la directive 93/42. Aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, la Commission, à son tour, est tenue d’examiner si ces mesures provisoires sont justifiées et, si tel est le cas, d’informer immédiatement l’État membre qui a pris l’initiative de telles mesures ainsi que les autres États membres (arrêts du 14 juin 2007, Medipac-Kazantzidis, C‑6/05, EU:C:2007:337, point 46, et du 19 novembre 2009, Nordiska Dental, C‑288/08, EU:C:2009:718, point 24).

49      Il s’ensuit que, pour autant que, dans la lettre des autorités allemandes transmise le 7 janvier 1998, celles-ci ont indiqué à la Commission que les éléments fournis par le fabricant du dispositif Inhaler ne suffisaient pas à prouver que « les exigences essentielles prévues aux points 1 et 3 de l’annexe de cette directive étaient satisfaites », la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation en ce sens que, ainsi que la Cour l’a constaté dans son arrêt, elle était tenue, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, de se prononcer sur la question de savoir si la mesure d’interdiction de mise sur le marché concernant ledit dispositif était justifiée ou injustifiée.

50      S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si, en tout état de cause, une telle irrégularité aurait pu être commise, dans des circonstances analogues, par une administration normalement prudente et diligente, la Commission soutient, en substance, que la violation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 devrait être considérée comme étant une erreur excusable découlant notamment d’un problème de droit non résolu ainsi que d’un manque de pratique dans l’application de ladite disposition.

51      D’emblée, il importe de rappeler que, selon les explications fournies par la Commission dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal, elle n’a pas adopté de décision à la suite de la lettre du 7 janvier 1998 au motif que l’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler répondrait, en réalité, à un cas de marquage CE indûment apposé au titre de l’article 18 de la directive 93/42 et que, dans ces circonstances, conformément à son interprétation de l’article 8, paragraphe 3, de cette même directive, elle ne devrait qu’en être informée par l’État membre concerné.

52      Cependant, premièrement, ni la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler ni la lettre des autorités allemandes du 7 janvier 1998 ne faisaient une quelconque référence à l’article 18 de la directive 93/42 ou à l’existence d’un marquage CE indûment apposé au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt de la Cour, point 74). Dans ces circonstances, la position de la Commission exposée au point 51 ci-dessus ne peut être considérée comme étayée par des éléments de preuve objectifs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour, point 75) et la Commission ne saurait faire valoir que son comportement revêtait un caractère excusable.

53      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument de la Commission selon lequel le rapport entre l’article 8 et l’article 18 de la directive 93/42 n’était pas clair et, en particulier, celui selon lequel l’article 8, paragraphe 3, de cette même directive semblait indiquer que, dans les cas de marquage CE indûment apposé sur un dispositif médical, elle n’est pas tenue d’adopter une décision à la suite de la notification de l’interdiction de mise sur le marché des autorités nationales. En effet, il y a lieu de relever, à nouveau, que, dans la mesure où la Cour a constaté dans son arrêt que la conclusion du Tribunal selon laquelle la notification répondait à un cas de marquage CE indu au titre de l’article 18 de la directive 93/42 n’était étayée par aucun élément de preuve objectif, le prétendu manque de clarté en ce qui concerne le rapport de cette dernière disposition avec l’article 8 de la directive 93/42 est dénué de pertinence en l’espèce.

54      Troisièmement, alors que la Commission soutient que le manque de pratique, notamment en 1998, concernant l’application de l’article 8 de la directive 93/42 justifie sa carence illégale, force est de constater que la Cour a établi dans son arrêt que l’engagement d’une procédure de clause de sauvegarde résultait sans aucun équivoque du libellé de ladite disposition, notamment dans un cas, comme celui de l’espèce, dans lequel la décision des autorités allemandes était fondée sur le non-respect par le dispositif Inhaler des exigences essentielles visées à l’annexe I de la directive 93/42. Il s’ensuit que le manque de pratique alléguée par la Commission ne saurait permettre de considérer que l’irrégularité commise était excusable.

55      Quatrièmement, même si la société distributrice du dispositif Inhaler, à savoir Broncho-Air Medizintechnik, avait reconnu, dans la lettre qu’elle avait fait parvenir aux autorités allemandes le 22 mai 1997, que la distribution du dispositif serait suspendue jusqu’à ce que des études et des analyses supplémentaires soient disponibles, l’absence de prise de décision à la suite de la réception de la lettre du 7 janvier 1998 ne saurait être non plus « excusée », comme la Commission le prétend, au motif que la procédure serait devenue sans objet. À cet égard, il suffit de relever que la Commission n’a pas démontré avoir eu connaissance d’une telle lettre au moment où les autorités allemandes lui ont notifié la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler, de sorte que rien ne justifiait la non-adoption d’une décision conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42.

56      Il y a lieu, dès lors, de constater qu’aucune des circonstances alléguées par la Commission, tant dans le cadre de ses écritures relatives à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal que dans ses observations écrites présentées dans le cadre de la présente procédure après renvoi, ne permet de considérer que la violation, par la Commission, de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 serait due à une erreur excusable.

57      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où, d’une part, la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant à l’adoption d’une décision à la suite de la procédure de clause de sauvegarde ouverte en 1998 conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 et où, d’autre part, une administration normalement prudente et diligente n’aurait pas dû, dans des circonstances semblables, commettre l’irrégularité constatée, la violation du droit de l’Union commise par la Commission doit être considérée comme étant suffisamment caractérisée.

58      Au demeurant, pour autant que le requérant demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission, conformément à l’article 91 du règlement de procédure, de produire l’ensemble du dossier concernant la procédure de clause de sauvegarde relative au dispositif Inhaler et, en particulier, deux projets d’avis de cette institution de 2007, il suffit de relever que, au vu de l’appréciation effectuée au point 53 ci-dessus, selon laquelle le prétendu manque de clarté en ce qui concerne le rapport entre les articles 8 et 18 de la directive 93/42 est dénué de pertinence aux fins d’apprécier si la Commission était tenue d’adopter une décision à la suite de la réception de la lettre du 7 janvier 1998, et au vu, en particulier, du constat, opéré au point 57 ci-dessus, de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, la demande d’injonction du requérant, à la supposer recevable, ne présente plus d’intérêt, de sorte qu’il n’est pas besoin de l’examiner.

–       Sur la question de savoir si l’article 8 de la directive 93/42 confère des droits au requérant

59      Selon la jurisprudence constante, afin de garantir l’effet utile de la condition tenant à la violation d’une règle conférant des droits aux particuliers, il est nécessaire que la protection offerte par la règle invoquée soit effective à l’égard de la personne qui l’invoque et, donc, que cette personne soit parmi celles auxquelles la règle en question confère des droits. Ne saurait être admise comme source d’indemnité une règle ne protégeant pas le particulier contre l’illégalité qu’il invoque, mais protégeant un autre particulier (arrêt du 9 juillet 2009, Ristic e.a./Commission, T‑238/07, non publié, EU:T:2009:263, point 60).

60      En l’espèce, la directive 93/42 s’inscrit dans le cadre des directives dites « nouvelle approche », lesquelles établissent, d’après le Guide de la Commission relatif à la mise en application des directives élaborées sur la base des dispositions de la nouvelle approche et de l’approche globale, un système fondé sur le principe selon lequel les fabricants qui suivent les procédures de conformité bénéficient d’une présomption de libre circulation au sein de l’Union. En particulier, dans le cas où le fabricant a satisfait à la procédure de conformité requise pour prouver le respect des exigences essentielles, mais où, nonobstant ce fait, l’État membre en question considère qu’il existe un risque pour la santé découlant de la commercialisation de ce produit, cet État peut prendre les mesures appropriées d’interdiction de mise sur le marché. Dans une telle hypothèse, les autorités nationales sont tenues également d’activer une clause de sauvegarde en notifiant la mesure d’interdiction à la Commission.

61      Il y a lieu également de relever que, s’agissant plus particulièrement de la procédure de clause de sauvegarde prévue à l’article 8 de la directive 93/42, celle-ci est un instrument qui permet à la Commission de procéder à une analyse aux fins d’établir si des mesures nationales de restriction à la libre circulation de produits portant le marquage CE sont justifiées. Dans cette procédure, la Commission entre en consultation avec les parties concernées pour constater que la décision de l’État membre est justifiée ou non. Conformément à l’article 8, paragraphe 2, second tiret, de ladite directive, si la Commission conclut que la mesure nationale n’est pas justifiée, elle informe non seulement l’État membre en question, mais également le fabricant concerné par la mesure d’interdiction ou son mandataire établi dans l’Union.

62      Il s’ensuit que, dans la mesure où l’article 8, paragraphe 2, second tiret, de la directive 93/42 cite explicitement, en tant que destinataire potentiel de la constatation de la Commission, le « fabricant » concerné par la mesure d’interdiction de mise sur le marché, une protection doit être reconnue aux fabricants effectifs du produit en cause en tant que destinataires de la décision d’interdiction ayant déclenché la procédure de clause de sauvegarde.

63      Or, le requérant ne saurait faire valoir que l’article 8 de la directive 93/42 est susceptible de lui conférer des droits à titre personnel au sens de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus. En effet, force est de constater que, conformément aux informations que le requérant a fournies dans le cadre de la procédure, il était l’inventeur du dispositif Inhaler, le fabricant de celui-ci ayant été Primed Halberstadt, laquelle doit, par conséquent, être considérée comme appartenant au cercle des personnes que l’article 8 de la directive 93/42 vise à protéger. À cet égard, il convient d’ajouter que ce n’était qu’à cette société que la décision d’interdiction de mise sur le marché adoptée par les autorités allemandes le 23 septembre 1997 a été adressée, ladite société étant, par ailleurs, la seule mentionnée dans l’intitulé de la lettre transmise par les autorités allemandes à la Commission le 7 janvier 1998.

64      D’une part, le requérant soutient, néanmoins, que Primed Halberstadt fabriquait le dispositif Inhaler pour le compte de Broncho-Air Medizintechnik, à laquelle a succédé atmed en tant que distributeur, puis également fabricant, du dispositif effecto, de sorte que ces deux dernières devraient être également considérées comme étant visées par la norme de protection découlant de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42. D’autre part, il allègue qu’une cession des droits à réparation contre la Commission a eu lieu le 27 janvier 2007 entre Broncho-Air Medizintechnik, atmed et lui-même, lui permettant, dès lors, de faire valoir en sa faveur les droits indemnitaires relatifs à ces deux sociétés.

65      À cet égard, il y a lieu de constater que, pour autant que, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, il n’est pas contesté que Primed Halberstadt fabriquait le dispositif Inhaler pour le compte de Broncho-Air Medizintechnik, la norme de protection prévue à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42 doit également être reconnue comme étant en faveur de cette dernière société, ce que la Commission a elle-même affirmé dans le mémoire en défense. Par ailleurs, s’il est certes vrai que la Commission conteste la validité, à la lumière du droit national allemand, de l’acte de cession des droits invoqué par le requérant, il n’en demeure pas moins qu’une telle contestation se réfère à la partie de l’acte de cession concernant atmed, et non pas Broncho-Air Medizintechnik.

66      S’agissant d’atmed, une conclusion similaire ne saurait être établie. D’une part, cette société a, depuis 2002, distribué, de façon exclusive, le dispositif effecto, qu’elle a également fabriqué depuis 2003. Dans ce contexte, rien ne permet de lier cette société à la fabrication du dispositif Inhaler. D’autre part, atmed n’a été visée ni par la décision d’interdiction du 23 septembre 1997 ni par la lettre du 7 janvier 1998, mais était seulement destinataire de la décision d’interdiction de mise sur le marché adoptée par les autorités allemandes le 18 mai 2005 à l’égard du dispositif effecto.

67      Il s’ensuit que le requérant ne peut faire valoir, dans le cadre de la présente affaire, que les droits à réparation cédés par Broncho-Air Medizintechnik. En revanche, conformément aux appréciations effectuées aux points 63 et 66 ci-dessus, le requérant ne saurait invoquer les droits à réparation liés à sa condition personnelle ou à atmed, car ceux-ci ne relèvent pas de la norme de protection prévue à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42.

 Sur le lien de causalité direct

68      Le requérant soutient que la carence illégale de la Commission présente un lien de causalité direct et suffisant avec les préjudices qu’il estime avoir subis, à savoir le manque à gagner pour les inhalateurs invendus à la suite de la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler, les frais de procédure et honoraires d’avocat ainsi que les intérêts de prêts contractés pour financer ces procédures, la dépréciation des parts d’atmed, la perte de brevets et de droits similaires, les pertes de revenus du requérant en sa qualité de directeur d’atmed, les autres créances actuelles du requérant nées à l’égard d’atmed et le préjudice moral.

69      La Commission conteste ces arguments.

70      Selon une jurisprudence constante, s’agissant de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice (arrêt du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21 ; voir, également, arrêt du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 130 et jurisprudence citée).

71      Il appartient au requérant d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, EU:T:1998:228, point 101 et jurisprudence citée).

72      En l’espèce, il importe de relever, d’emblée, que les préjudices invoqués par le requérant, revêtant une nature tant matérielle que morale, se rapportent au fait, selon lui, d’avoir interdit respectivement à Primed Halberstadt et à Broncho-Air Medizintechnik de fabriquer et de mettre sur le marché le dispositif Inhaler. En substance, il estime que l’absence de ventes occasionnée par la carence de la Commission à la suite de la décision des autorités allemandes se trouve à l’origine des préjudices qu’il énumère dans ses écritures.

73      Cependant, le Tribunal constate que, même à supposer que l’existence de tous les dommages que le requérant allègue dans ses écritures fût démontrée, un lien de causalité direct ne saurait, en tout état de cause, être établi entre lesdits préjudices et le comportement illégal de la Commission.

74      En effet, en premier lieu, il y a lieu de relever que Broncho-Air Medizintechnik avait informé les autorités allemandes, par sa lettre du 22 mai 1997, de son intention de cesser volontairement la vente du dispositif Inhaler jusqu’à ce que des études et des essais supplémentaires sur la conformité de ce dispositif à la directive 93/42 soient disponibles. Il ressort, de plus, de cette lettre que le dispositif Inhaler n’avait plus été mis sur le marché, depuis le 1er janvier 1997, par décision de la société distributrice et qu’il n’avait été commercialisé dans aucun État membre en dehors de l’Allemagne. Ladite lettre concluait que les autorités allemandes ainsi que le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux) seraient de nouveau contactés dès que de nouvelles informations sur l’innocuité du dispositif seraient disponibles.

75      Il s’ensuit que la cessation de mise sur le marché et de vente du dispositif Inhaler a eu lieu, ainsi que la Commission et la République fédérale d’Allemagne le soulignent, avant l’interdiction de commercialisation dudit dispositif, adoptée le 23 septembre 1997, ainsi qu’avant la notification de cette décision à la Commission au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/42, le 7 janvier 1998. Le préjudice allégué par le requérant, qui consiste notamment, selon lui, en des pertes de ventes du dispositif Inhaler et en d’autres créances découlant de ces pertes de ventes, repose, dès lors, sur la décision prise, de sa propre initiative, par Broncho-Air Medizintechnik et non pas sur la prétendue carence de la Commission. Par ailleurs, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que le requérant fait valoir, qu’est sans incidence à cet égard la circonstance que la Commission n’a pris connaissance de cette cessation de vente qu’à un stade ultérieur de la procédure.

76      De surcroît, pour autant que le requérant ferait valoir que le dispositif Inhaler n’a pas été distribué à partir de 1997 en raison de la décision d’interdiction et de la carence de la Commission, force est de constater qu’un tel argument est contredit par les affirmations d’atmed dans le courriel qu’elle a fait parvenir à la Commission le 18 décembre 2006, lequel confirme l’arrêt volontaire de distribution du dispositif Inhaler. En effet, il convient de relever que, dans ce courriel, ladite société a expliqué que « la procédure [de clause de sauvegarde de 1998] était devenue sans objet peu après la lettre du [7 janvier 1998], puisque le fabricant de l’époque avait déclaré qu’il ne commercialiserait plus le dispositif avant que des analyses supplémentaires en aient prouvé l’innocuité ». Ce courriel indique, en outre, que cette déclaration avait été faite « oralement devant l’autorité allemande en janvier 1997 et confirmée par écrit le 22 mai 1997 ».

77      En deuxième lieu, il y a lieu de constater que les dommages invoqués par le requérant, consistant en particulier en des pertes de ventes du dispositif Inhaler et en d’autres créances découlant de ces pertes de ventes, ne pourraient être imputables au comportement illégal de la Commission que dans la mesure où celle-ci aurait dû adopter une décision, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 93/42, considérant, en toute hypothèse, que la mesure d’interdiction des autorités allemandes n’était pas justifiée.

78      Or, l’argument selon lequel la Commission aurait, en toute hypothèse, adopté une décision contraire au constat des autorités allemandes ne peut pas être accueilli.

79      En effet, d’une part, il y a lieu de relever que tant la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler que la lettre du 7 janvier 1998 reposaient sur le caractère insuffisant des éléments fournis par le fabricant dudit dispositif aux fins de dissiper les doutes quant à une « mise en danger » par ce dispositif et de prouver le respect des exigences essentielles prévues aux points 1 et 3 de l’annexe I de la directive 93/42. Or, la société chargée de la distribution du dispositif Inhaler avait elle-même reconnu, notamment dans la lettre du 22 mai 1997, que des études et des essais scientifiques supplémentaires étaient nécessaires en vue de déterminer l’innocuité du dispositif Inhaler, ce qui, de plus, a motivé la décision de ladite société de cesser la mise sur le marché de ce dispositif.

80      D’autre part, force est de constater que tant la décision d’interdiction de mise sur le marché du dispositif Inhaler que la lettre du 7 janvier 1998 relevaient, sans que cela ait été contesté par le requérant, que les informations devant accompagner le dispositif Inhaler afin de permettre son utilisation en toute sécurité conformément au point 13.6 de l’annexe I de la directive 93/42 faisaient défaut. À cet égard, il y a lieu de relever que, pour autant que cette affirmation de la part des autorités allemandes découlait d’un constat objectif de défaut d’informations, et non pas d’une appréciation sur des informations fournies, il ne saurait être tenu pour certain que la Commission aurait déclaré qu’un tel constat n’était pas justifié.

81      Par conséquent, il y a lieu de conclure qu’il n’existe aucune certitude que la Commission ait adopté une décision dans le sens allégué par le requérant. Par ailleurs, dans la mesure où l’argument du requérant quant à l’issue de la procédure de clause de sauvegarde n’est fondé que sur des affirmations purement hypothétiques, l’existence d’un lien de causalité ne peut pas être constatée en l’espèce.

82      En troisième lieu, alors que le requérant fait valoir que les frais et les honoraires d’avocats, ainsi que les prêts et intérêts qu’il a dû contracter pour financer les procédures devant les tribunaux nationaux, n’auraient pas été exposés si la Commission avait adopté une décision, dans un sens favorable ou défavorable, au titre de la directive 93/42, force est de constater que ces frais ont été consentis par le requérant, de sa propre initiative, en vue de contester la légalité des décisions des autorités allemandes et ne peuvent, dès lors, pas être imputés à la Commission. À cet égard, il convient de rappeler que les dispositions du traité relatives à la responsabilité non contractuelle de l’Union ne donnent compétence au Tribunal que pour réparer les dommages causés par les institutions de l’Union ou les agents de celles-ci agissant dans l’exercice de leurs fonctions. En revanche, les dommages éventuellement causés par les autorités nationales ne sont susceptibles de mettre en jeu que la responsabilité de ces institutions et les juridictions nationales demeurent seules compétentes pour en assurer la réparation (voir arrêt du 7 juillet 1987, L’Étoile commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, EU:C:1987:337, point 17 et jurisprudence citée). En l’espèce, alors que le requérant fait valoir une éventuelle inaction fautive de la part de la Commission, il est constant que le dommage qu’il invoque trouve son origine, comme il l’indique lui-même dans ses écritures, dans la prétendue appréciation erronée des autorités administratives et judiciaires allemandes.

83      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’établit pas l’existence d’un lien de causalité direct et suffisant susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

84      Dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, l’absence d’une seule des conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l’Union suffit pour rejeter la demande indemnitaire, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition relative à l’existence d’un préjudice.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 149, paragraphe 5, du règlement de procédure, lorsque le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle succombe, le Tribunal peut, si l’équité l’exige, en statuant sur les dépens dans la décision mettant fin à l’instance, décider qu’une ou plusieurs autres parties supportent leurs propres dépens ou que ceux-ci sont, totalement ou en partie, pris en charge par la caisse du Tribunal au titre de l’aide juridictionnelle.

86      En l’espèce, le requérant étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et ayant succombé, l’équité exige que chaque partie principale à la présente procédure supporte ses propres dépens.

87      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Christoph Klein, la Commission européenne et la République fédérale d’Allemagne supporteront leurs propres dépens.

Gratsias

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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