Dessi v EIB (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-510/16 (19 July 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T51016.html
Cite as: EU:T:2017:525, [2017] EUECJ T-510/16, ECLI:EU:T:2017:525

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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 juillet 2017 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Évaluation – Promotion – Exercice d’évaluation et de promotion 2012 – Décision du comité de recours – Portée du contrôle – Représentants du personnel – Discrimination »

Dans l’affaire T‑510/16,

Nathalie Dessi, agent de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée initialement par Mes A. Senes et L. Payot, puis par Me L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. C. Gómez de la Cruz et E. Raimond, puis par M. Raimond et Mme G. Faedo et, enfin, par Mmes Faedo et K. Carr, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du comité de recours de la BEI du 23 octobre 2013 par laquelle celui-ci a rejeté la demande de la requérante tendant à faire revoir son rapport d’appréciation pour l’année 2012 en ce que ledit rapport ne recommandait pas au président de la BEI de la promouvoir du groupe de fonctions F au groupe de fonctions E,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et procédure de conciliation amiable

1        En 2002, la requérante, Mme Nathalie Dessi, a été engagée par la Banque européenne d’investissement (BEI), en étant classée dans le groupe de fonctions I.

2        Du mois d’octobre 2008 jusqu’au mois de juin 2010, elle a occupé les fonctions d’assistante administrative auprès du collège des représentants du personnel, en étant classée dans le groupe de fonctions H.

3        À compter du 16 juin 2010, elle a été promue au groupe de fonctions F pour occuper les fonctions de coordinatrice administrative auprès du collège des représentants du personnel, son poste relevant d’une position bifonctionnelle F/E.

4        En 2007, la requérante a également été élue en tant que représentant du personnel. Son mandat a expiré en septembre 2011.

5        La requérante a fait l’objet d’une évaluation annuelle en 2012. Le 13 décembre 2012, son évaluateur, en l’occurrence le porte-parole du collège des représentants du personnel, a conclu l’évaluation en indiquant, en substance, que, au regard de la qualité et de la constance de son activité, ainsi que du niveau de ses responsabilités, elle pouvait prétendre à une promotion au groupe de fonctions E et que son poste lui-même devait être reclassé afin de relever de la position E/D.

6        L’évaluation de la requérante a été envoyée pour avis au directeur général du personnel. Ce dernier, par une note du 6 mars 2013 au président de la BEI, a proposé de ne pas accorder de promotion à la requérante, mais uniquement une mesure de revalorisation intitulée « mini-step re-grading » (mini-étape de reclassement). Le président de la BEI a accepté cette proposition.

7        Par une note confidentielle du 19 mars 2013, la direction générale (DG) du personnel a porté à la connaissance du porte-parole du collège des représentants du personnel les motifs ayant conduit au refus de promotion de la requérante.

8        Le 19 juin 2013, la requérante a saisi le comité de recours de la BEI (ci-après le « comité de recours ») d’un recours tendant à ce qu’il soit recommandé au président de la BEI de la promouvoir au groupe de fonctions E. À la suite de l’audience tenue devant ledit comité le 5 septembre 2013, ce dernier a adopté le 23 octobre 2013 la décision de rejet de la demande de la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

9        En premier lieu, la décision attaquée comporte, dans ses paragraphes 13 à 16, un examen de la régularité de la procédure ayant conduit au rejet de la demande de promotion de la requérante, dans la mesure où cette dernière faisait valoir que, à la suite d’un accord interne informel, la validation des appréciations des membres du bureau permanent du collège des représentants du personnel relevait de la responsabilité de la direction dénommée « Information and Corporate Center » et non de la DG du personnel. Le comité de recours a toutefois conclu qu’une telle décision relevait bien des compétences de la DG du personnel et que cette dernière n’avait pas agi de manière irrégulière en s’écartant de la proposition du porte-parole du collège des représentants du personnel.

10      En second lieu, aux paragraphes 26 et 27 de la décision attaquée, le comité de recours a constaté qu’une période de trois années ne s’était pas encore écoulée depuis la promotion de la requérante au groupe de fonctions F, de sorte qu’elle ne remplissait pas un des critères énoncés au point 3.5 des lignes directrices de la procédure d’évaluation des performances du personnel pour 2012 (ci-après les « lignes directrices de 2012 »), adoptées sur le fondement de l’article 22 du règlement du personnel de la BEI, approuvé le 20 avril 1960, puis modifié à diverses reprises (ci-après le « règlement du personnel »). Selon le comité de recours, cela suffisait à justifier la décision de la BEI de ne pas lui accorder de promotion, alors même que, dans certains cas, il avait pu être dérogé à cette règle. À titre surabondant, le comité de recours a également relevé qu’il n’était pas démontré que les fonctions exercées par la requérante appartenaient à une catégorie supérieure à celles reprises dans la description du poste qu’elle occupait depuis l’année 2012, de sorte qu’il n’était pas davantage établi qu’elle remplissait la condition tenant à la capacité d’assumer des fonctions de niveau supérieur.

11      Le 13 décembre 2013, la requérante a présenté, sur le fondement de l’article 41 du règlement du personnel, une demande tendant à l’ouverture d’une procédure de conciliation amiable.

12      Le 8 janvier 2014, à défaut de s’être entendus sur la désignation du président de la commission de conciliation, le représentant qu’avait préalablement désigné la requérante au sein de ladite commission ainsi que le représentant désigné par la BEI ont saisi conjointement le président de la Cour de justice de l’Union européenne afin qu’il procédât à cette désignation, qui est finalement intervenue le 24 février 2014, ce dont le représentant de la requérante a été informé le 5 mars 2014. La commission de conciliation s’est réunie pour la première fois le 14 mars 2014. Elle est parvenue à des conclusions provisoires le 11 juin 2014, puis s’est réunie à nouveau à trois reprises en octobre 2014. La procédure de conciliation amiable n’a toutefois pas abouti, la requérante ayant indiqué le 17 novembre 2014 qu’elle s’en retirait.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 31 janvier 2014, la requérante a introduit le présent recours. Ce dernier a été enregistré sous le numéro F‑8/14.

14      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 7 mars 2014, la BEI a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 13 mai 2014. Le 2 juin 2014, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

15      Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été respectivement déposés au greffe du Tribunal de la fonction publique les 9 juillet, 4 septembre et 15 octobre 2015.

16      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑510/16 et attribuée à la deuxième chambre.

17      La clôture de la phase écrite de la procédure ayant été décidée par le Tribunal de la fonction publique avant le 1er septembre 2016, le Tribunal a adressé le 8 novembre 2016 une question aux parties afin qu’elles indiquent si elles souhaitaient la tenue d’une audience.

18      Le 7 décembre 2016, la BEI a indiqué qu’elle estimait que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire. Le 8 décembre 2016, la requérante a indiqué quant à elle qu’elle souhaitait la tenue d’une audience.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la BEI aux dépens.

20      La BEI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’exception d’irrecevabilité, tirée de l’introduction prématurée du recours, alors que la procédure de conciliation amiable était encore en cours

21      Dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité, la BEI expose, en substance, que le recours serait irrecevable pour avoir été introduit prématurément, alors que la procédure de conciliation amiable était encore en cours.Ainsi, la BEI fait tout d’abord valoir que, à compter de sa saisine conjointe le 8 janvier 2014 par son représentant ainsi que par celui de la requérante, le président de la Cour de justice de l’Union européenne disposait, en vertu de l’article 41 du règlement du personnel, d’un délai de quatre semaines pour se prononcer sur la désignation du président de la commission de conciliation, soit jusqu’au 5 février 2014. Or la requérante n’a pas attendu l’expiration de ce délai pour déposer son recours devant le Tribunal de la fonction publique, le 31 janvier 2014.

22      La BEI expose ensuite que le respect des délais instaurés dans le cadre des procédures de réclamation et de recours contre les actes adoptés par les institutions et les organes de l’Union européenne, en ce qu’il répond à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, a pour objectif de protéger institutions et justiciables tant des recours tardifs que des recours prématurés. À ce titre, le Tribunal aurait retenu dans sa jurisprudence, dans une situation présentant des analogies avec celle de l’espèce, qu’un recours introduit avant l’expiration du délai octroyé à la Commission européenne pour se prononcer sur une réclamation devait être considéré comme irrecevable, car prématuré.

23      En outre, le caractère non obligatoire de la procédure de conciliation applicable en l’espèce ne saurait modifier cette conclusion. La jurisprudence du Tribunal retiendrait en effet que toute procédure entamée, même facultative, doit être respectée. Dans son arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69), le Tribunal aurait d’ailleurs observé, s’agissant notamment de la procédure facultative prévue à l’article 41 du règlement du personnel, que le délai pour l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union ne commençait à courir qu’à partir du moment où cette procédure avait pris fin, car une autre interprétation aurait conduit à une situation où l’employé de la BEI aurait été obligé d’introduire un recours devant ledit juge à un moment où il aurait encore cherché activement un règlement amiable de l’affaire, ce qui aurait privé les procédures administratives de leur effet utile.

24      Enfin, selon la BEI, l’arrêt du 20 juin 2012, Cristina/Commission (F‑66/11, EU:F:2012:88), cité par la requérante dans la réplique, ne serait pas pertinent en l’espèce, car il concernerait des circonstances et un domaine particuliers, en l’occurrence un recours formé contre l’annulation d’une décision d’un jury de concours avant que l’autorité investie du pouvoir de nomination ne se fût prononcé sur la réclamation préalable, qui seraient sans rapport avec le cadre juridique découlant de l’application de l’article 41 du règlement du personnel.

25      La requérante objecte tout d’abord que, la procédure de conciliation précontentieuse étant facultative, les employés de la BEI pourraient saisir le juge de l’Union sans recourir à cette procédure, en respectant le délai de trois mois pour introduire leur recours contentieux.

26      Elle fait ensuite valoir que l’interprétation par la BEI de l’article 41 du règlement du personnel serait erronée, dans la mesure où cet article n’imposerait pas que la procédure de conciliation fût achevée avant qu’un employé pût saisir le juge de l’Union. Les dispositions de l’article 41, deuxième alinéa, du règlement du personnel permettraient en effet que la phase de conciliation et la phase contentieuse devant le juge de l’Union soient simultanées lorsque les différends d’ordre individuel entre la BEI et les membres de son personnel font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation, et ce indépendamment de l’action introduite devant le juge de l’Union.

27      Elle expose enfin que, en vertu des dispositions de l’article 41 du règlement du personnel, le président de la commission de conciliation devait en tout état de cause être désigné au plus tard le 27 décembre 2013. Dans la mesure où il ne l’a pas été à cette date, la commission de conciliation devrait être considérée comme ayant échoué à partir du 28 décembre 2013. La requérante aurait néanmoins accepté de poursuivre la procédure de conciliation sous une forme ad hoc ou sui generis, afin de donner ses chances à la voie amiable, mais hors délai et en dehors du cadre défini par le règlement du personnel. Elle aurait attendu la date ultime du délai de recours, soit trois mois augmentés du délai de distance de dix jours, pour déposer son recours devant le juge de l’Union. Elle aurait donc sauvegardé ses droits tout en laissant ses chances à une conciliation amiable.

28      La requérante explique qu’elle a finalement décidé de se retirer de la procédure de conciliation après avoir reçu par erreur un courriel, le 15 octobre 2014, dont le contenu aurait révélé le manque d’objectivité du représentant de la BEI au sein de la commission de conciliation.

29      En l’espèce, les dispositions pertinentes de l’article 41 du règlement du personnel sont formulées comme suit :

« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la [BEI] et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Les différends, autres que ceux [relatifs à des sanctions disciplinaires], font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la [BEI,] et ce indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice [de l’Union européenne].

[…]

La procédure de conciliation est considérée, selon le cas, comme ayant échoué :

–        si dans un délai de quatre semaines à dater de la requête qui lui est adressée par le président de la [BEI], le président de la Cour de justice [de l’Union européenne] n’a pas procédé à la désignation du président [de la commission de conciliation] ;

–        si dans les deux semaines de sa constitution, la commission de conciliation n’aboutit pas à un règlement accepté par les deux parties. »

30      Il ressort en substance des dispositions de l’article 41 du règlement du personnel que tout différend entre la BEI et les membres de son personnel est susceptible d’un recours juridictionnel devant le juge de l’Union et qu’un tel recours peut être précédé d’une procédure amiable devant la commission de conciliation, indépendamment de l’action introduite devant ledit juge.

31      Or, il a déjà été jugé qu’il ressortait clairement de l’article 41 du règlement du personnel, qui prévoit une procédure de conciliation se déroulant indépendamment du recours formé devant la Cour de justice de l’Union européenne, que la recevabilité d’un tel recours n’était nullement subordonnée à l’épuisement de cette procédure administrative. L’article 41 du règlement du personnel et la procédure facultative qui y est prévue présentent en effet un caractère particulier qui les différencie de la procédure précontentieuse obligatoire prévue par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. En effet, le règlement du personnel, qui définit les voies de recours administratives, ne prévoit pas, à la différence desdits articles, de procédure précontentieuse obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, EU:T:2012:205, point 75).

32      Si, conformément à l’argumentation développée par la BEI, le Tribunal a pu considérer dans sa jurisprudence que le délai pour l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union ne commençait à courir qu’à partir du moment où la procédure de conciliation amiable de l’article 41 du règlement du personnel avait pris fin, il en résultait uniquement qu’un employé de la BEI, dès lors qu’il avait choisi de mener à son terme ladite procédure, ne pouvait se voir opposer la forclusion de son action s’il décidait de saisir le juge de l’Union à l’issue de cette procédure.

33      L’argumentation de la BEI tenant au fait que la procédure de conciliation amiable était toujours en cours lorsque la requérante a introduit son recours devant le juge de l’Union, rendant le recours irrecevable, doit donc être rejetée. De même, la question de la détermination de l’éventuelle date à laquelle la procédure de conciliation devait être considérée comme ayant échoué est sans incidence en l’espèce sur la recevabilité du recours, dès lors qu’il est établi que le recours à l’encontre de la décision attaquée a été introduit, en tout état de cause, dans le délai du recours contentieux.

34      Compte tenu des développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité.

 Sur le fond

35      Sur le fond, la requérante soulève quatre moyens, tirés, en substance, le premier, du fait que la décision attaquée serait « irrecevable » en ce que le comité de recours l’aurait adoptée en outrepassant ses pouvoirs, le deuxième, du fait que le comité de recours aurait commis une erreur de droit en considérant à tort qu’il y avait lieu d’appliquer à la requérante une condition de bonne performance pendant trois années dans la même fonction, le troisième, du fait que le comité de recours aurait commis une erreur d’appréciation en ce qui concernait la correspondance de ses fonctions actuelles et des fonctions envisagées et, le quatrième, d’une irrégularité procédurale commise en ce que le comité de recours aurait considéré que le directeur général du personnel pouvait proposer au président de la BEI de ne pas lui accorder de promotion, alors que cette décision aurait relevé uniquement du pouvoir de ce dernier.

 Sur le premier moyen, tiré du fait que la décision attaquée serait « irrecevable » en ce que le comité de recours l’aurait adoptée en outrepassant ses pouvoirs

36      À l’appui du premier moyen, la requérante expose que le comité de recours a outrepassé ses pouvoirs, car, plutôt que de se prononcer, dans les limites de sa compétence, sur le fait que les performances de la requérante pouvaient justifier ou non une promotion, il a concentré son analyse sur la question de savoir si la DG du personnel avait ou non le pouvoir de décider de cette promotion.

37      Or, en vertu du paragraphe 12 des lignes directrices relatives à la procédure d’appel devant le comité de recours en ce qui concerne les fonctions SC à K (ci-après les « instructions devant le comité de recours »), qui ont été portées à la connaissance du personnel de la BEI à l’occasion d’une communication au personnel du 8 avril 2013, le comité de recours serait compétent pour annuler ou modifier en tout ou en partie l’évaluation d’un employé de la BEI et du collège des représentants du personnel, mais il serait en revanche incompétent pour analyser ou interpréter le rôle de la DG du personnel dans l’évaluation des employés, en particulier pour vérifier si ladite DG avait agi à bon droit et dans le respect de la procédure interne et si, en l’espèce, elle disposait du pouvoir de décider de la promotion de la requérante.

38      Dans la réplique, la requérante conteste la pertinence de la référence jurisprudentielle sur laquelle la BEI s’appuie pour justifier la compétence du comité de recours en matière d’interprétation de sa règlementation interne. Elle expose également qu’elle avait saisi le comité de recours dans le but unique qu’il se prononçât sur l’impact potentiel de la « ligne hiérarchique » suivie dans le cadre de son évaluation annuelle.

39      La BEI objecte que le comité de recours dispose d’un pouvoir très étendu afin de procéder à l’évaluation des rapports d’évaluation des membres du personnel, qui consiste en un contrôle entier et non en un contrôle restreint, ainsi que l’admet la jurisprudence du Tribunal de la fonction publique. Or, la requérante avait elle-même soulevé devant le comité de recours des moyens d’ordre procédural, que ce dernier avait dû examiner, tenant en particulier à l’application en sa faveur d’un accord informel de nature dérogatoire en ce qui concernait la validation de son rapport d’évaluation. Le comité de recours n’aurait donc pas excédé sa compétence et il se serait prononcé à juste titre sur les griefs formulés par la requérante, pour les rejeter. Selon la BEI, la jurisprudence issue de l’arrêt du 11 novembre 2014, De Nicola/BEI (F‑55/08 RENV, EU:F:2014:244), retiendrait le principe d’un contrôle entier par le comité de recours, ce qui inclurait les questions de nature procédurale.

40      En ce qui concerne les règles matérielles gouvernant l’office du comité de recours, le paragraphe 4, sous i), des instructions devant le comité de recours prévoit que le recours interne doit contenir « les raisons et le but poursuivi par la contestation de l’évaluation, en ce compris les faits précis sur lesquels le [comité de recours] sera invité à présenter une conclusion et/ou une recommandation ».

41      En vertu du paragraphe 12 des instructions devant le comité de recours, ce dernier a compétence pour ce qui suit :

« i)      annuler le rapport d’évaluation d’un membre du personnel ou invalider certaines des affirmations contenues dans le formulaire d’évaluation et/ou

ii)      modifier l’évaluation finale des mérites qui est le résultat de l’évaluation globale de la performance de l’[auteur du recours interne]. »

42      En outre, le paragraphe 14 des instructions devant le comité de recours dispose en substance que, en ce qui concerne les promotions, le comité de recours est compétent pour connaître du recours formel d’un membre du personnel à l’encontre de la décision du président de la BEI de ne pas lui accorder une promotion. Dans ce cadre, il appartient au comité de recours d’adresser une recommandation motivée au président de la BEI afin qu’il adopte une décision finale à l’égard de ladite recommandation. Dans l’hypothèse où la décision du président de la BEI s’écarterait de la recommandation du comité de recours, cette décision devrait être dûment motivée.

43      Il convient de préciser que les instructions devant le comité de recours, en tant que dispositions d’une décision formelle de la BEI, établissent des règles internes de portée générale juridiquement contraignantes limitant l’exercice du pouvoir d’appréciation de la BEI en matière d’organisation de ses structures et de gestion de son personnel, dont les membres de ce personnel peuvent se prévaloir devant le juge de l’Union, qui en assure le respect (voir, par analogie, arrêt du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, EU:T:2012:205, point 40).

44      S’agissant du pouvoir dont disposait le comité de recours, il a déjà été jugé que son contrôle ne se limitait pas à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation, mais qu’il disposait d’un pouvoir de contrôle entier (voir, par analogie, arrêt du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, EU:T:2012:205, point 41).

45      En l’espèce, la décision attaquée précise en préambule son objet, qui consiste à statuer sur le recours de la requérante « contre la non-attribution d’une promotion à la fonction E durant l’année 2012 ». La décision attaquée rappelle, dans son paragraphe 9, que la requérante conteste la régularité de la procédure ayant conduit au rejet de sa demande de promotion et, dans ses paragraphes 10 et 11, que cette contestation se fonde, d’une part, sur l’existence alléguée d’un accord interne informel, qui introduirait une dérogation procédurale au bénéfice des membres du bureau permanent du collège des représentants du personnel, et, d’autre part, sur le fait que le directeur général du personnel aurait outrepassé ses compétences quand il s’est écarté de la proposition du porte-parole du collège des représentants du personnel, qui recommandait de promouvoir la requérante (voir point 9 ci-dessus).

46      L’objet du recours, défini au sens du paragraphe 4, sous i), des instructions devant le comité de recours, ne visait donc pas à la mise en œuvre des dispositions du paragraphe 12 desdites instructions, en ce que ce recours aurait tendu à remettre en cause le rapport d’évaluation ou à modifier l’évaluation finale des mérites de la requérante, mais à remettre en cause la décision du directeur général du personnel de s’écarter de la proposition de l’évaluateur direct de la requérante, à savoir le porte-parole du collège des représentants du personnel, en proposant au président de la BEI de ne pas lui accorder de promotion.

47      Compte tenu des termes de sa saisine, il appartenait donc au comité de recours d’exercer son office dans le respect du paragraphe 14 des instructions devant le comité de recours, dans la mesure où la décision de ne pas accorder de promotion à la requérante avait été adoptée par le président de la BEI, sur la base de la recommandation formulée par le directeur général du personnel.

48      En tout état de cause, la requérante ne démontre pas qu’elle aurait entendu limiter sa saisine du comité de recours à la mise en œuvre du seul paragraphe 12 des instructions devant ledit comité, ni que l’examen de sa demande par ce comité était possible au regard de ces uniques dispositions.

49      Il apparaît ainsi que le comité de recours n’a pas méconnu les limites de son pouvoir à la suite de sa saisine par la requérante, de sorte que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit tenant au fait que le comité de recours aurait considéré à tort qu’il y avait lieu d’appliquer à la requérante une condition de bonne performance pendant trois années dans la même fonction 

50      À l’appui du deuxième moyen, la requérante fait valoir que le comité de recours a commis une double erreur en estimant, d’une part, que, pour remplir les critères d’éligibilité à une promotion, il y avait lieu d’appliquer en l’espèce une règle de maintien d’une bonne performance pendant trois années et, d’autre part, que cette bonne performance devait être constatée dans la même fonction.

51      En premier lieu, la requérante expose que, s’il est exact qu’une condition de maintien d’une bonne performance pendant au moins trois années est expressément mentionnée au point 3.5 des lignes directrices de 2012, il serait dérogé à cette condition à l’égard des représentants du personnel afin de les prémunir contre d’éventuelles discriminations, en vertu des dispositions particulières issues d’un document daté de juillet 2010 et intitulé « Procédure d’évaluation des performances des représentants du personnel et du personnel travaillant pour le collège », qui prévoyaient que, à compter de l’exercice d’évaluation de l’année 2009, les délégués du personnel ne seraient pas soumis à une évaluation annuelle.

52      La requérante, élue en tant que représentant du personnel de 2007 à 2011, n’aurait pas pu être évaluée annuellement au cours de cette période, même si, afin de conserver une trace de ses bonnes performances, elle aurait, néanmoins, rempli en 2011 et en 2012 les formulaires d’appréciation relatifs aux périodes respectives de 2010 et de 2011.

53      La première évaluation normale de la requérante sur le fondement de l’article 22 du règlement du personnel, après que cette dernière avait cessé ses fonctions électives de représentant du personnel, serait intervenue en 2012. Or, la BEI, en ayant refusé à la requérante une promotion au motif qu’elle ne pouvait justifier que d’une année d’évaluation normale, alors que la qualité de son travail n’était pas en cause, lui aurait fait subir une discrimination.

54      L’application d’une telle règle conduirait en effet à priver automatiquement les représentants du personnel de promotion pendant la durée de leur mandat. Cette discrimination serait d’autant plus flagrante en ce qui concerne la requérante qu’une de ses collègues, assistante administrative au bureau des représentants du personnel, représentant du personnel en 2012 et relevant du même groupe qu’elle, aurait obtenu une promotion.

55      En second lieu, la requérante expose que la règle du maintien d’une bonne performance pendant trois années ne serait même pas une condition d’éligibilité à une promotion. Il ressortirait d’un courriel du 26 mars 2013 émanant de la DG du personnel qu’il s’agirait tout au plus d’une recommandation et non d’une règle impérative, certains membres du personnel bénéficiant de promotions sans satisfaire à cette condition.

56      Le comité de recours exigerait également à tort l’application de la règle tenant à l’exercice de mêmes fonctions pendant trois années, alors que cette règle aurait été abolie en 2008.

57      Au stade de la réplique, la requérante conteste par ailleurs l’argumentation de la BEI selon laquelle une décision de promotion serait conditionnée par le respect de quatre conditions cumulatives dont trois ne seraient pas remplies en l’espèce.

58      Premièrement, eu égard au point 3.5 des lignes directrices de 2012, la condition d’une bonne performance pendant trois années pourrait être appréciée à l’égard de la requérante non seulement dans le cadre de l’emploi de niveau F qu’elle occupait en 2012, mais également dans le cadre d’un emploi de niveau inférieur. C’est d’ailleurs sur la base de ces dispositions correctement interprétées qu’elle aurait été reconnue éligible à une promotion au titre de l’exercice 2013.

59      Deuxièmement, la BEI mentionnerait dans ses écritures un motif nouveau, et qui serait donc irrecevable, tenant à la satisfaction d’une condition d’expérience professionnelle d’au moins cinq années dont une partie dans un service de coordination relevant du groupe de fonctions F. En tout état de cause, cette condition serait remplie dès lors que l’agent serait capable d’assumer des fonctions de niveau supérieur, sans qu’il fût requis qu’il eût effectivement exercé de telles fonctions dans un emploi du groupe de fonctions F, ce qui serait le cas en l’espèce, puisque, d’une part, la BEI aurait implicitement admis, au point 11 du mémoire en défense, que, lorsqu’elle avait fait l’objet d’une promotion au groupe de fonctions F en 2010, la requérante disposait déjà de trois années d’expérience dans des fonctions équivalentes à celle du groupe de fonctions F, ces trois années, ajoutées aux deux années d’emploi dans des fonctions effectivement classées dans le groupe de fonctions F, correspondant à cinq années d’expérience dans des fonctions de niveau F, et, d’autre part, les tableaux descriptifs des fonctions effectivement exercées par la requérante et versés aux débats permettraient de constater cette identité des fonctions exercées.

60      Troisièmement, en ce qui concerne la dernière condition, invoquée par la BEI et que la requérante ne satisferait pas, tenant à son habilité démontrée à travailler à un niveau supérieur conjointement à sa motivation pour le faire, la requérante conteste la pertinence des pièces produites par la BEI et fait valoir que seuls peuvent être pris en considération l’avis de vacance relatif à son poste, ses rapports d’évaluation et la recommandation pour une promotion faite par le porte-parole du collège des représentants du personnel, ces éléments démontrant sa capacité à travailler à un niveau supérieur ainsi que sa motivation à le faire.

61      La BEI objecte que, si les membres du personnel ont vocation à une progression de carrière, ils n’ont en revanche pas de droit automatique à la promotion et les décisions relatives à une promotion doivent s’inscrire dans le respect des règles internes de la BEI, qui ont une nature obligatoire. Or, parmi ces règles figureraient en particulier les lignes directrices de 2012 ainsi que les fiches descriptives des postes relevant des groupes de fonctions E et F.

62      Selon la BEI, l’exigence d’une bonne performance maintenue pendant trois années résulterait du point 3.5 des lignes directrices de 2012. Lors de son évaluation en 2012, la requérante n’aurait pas rempli cette condition, car elle n’aurait occupé un poste relevant du groupe de fonction F que deux ans et demi depuis sa promotion dans ce groupe en 2010, ce qui serait sans rapport avec son élection comme représentant du personnel.

63      Le courriel invoqué par la requérante selon lequel cette règle ne s’appliquait plus depuis 2008 ne serait pas pertinent. Par ailleurs, le fait qu’il eût pu être dérogé à cette règle pour certains membres du personnel ne saurait conférer de droits à la requérante.

64      En ce qui concerne la condition de cinq années d’expérience professionnelle dont une partie dans un service de coordination relevant du groupe de fonctions F, qui serait mentionnée dans la fiche descriptive des postes relevant du groupe de fonctions E, elle ne serait pas remplie par la requérante, puisque cette dernière n’aurait été promue qu’à partir de juin 2010 dans un poste de cette nature, qui comporterait une activité de coordination.

65      La condition tenant à l’habilité démontrée à travailler à un niveau supérieur conjointement à la motivation pour le faire ne serait pas davantage remplie au regard des éléments de preuve invoqués par la requérante.

66      Afin de contester l’approche de la requérante selon laquelle la condition de trois années de bonne performance ne nécessiterait pas d’avoir été acquise dans la même fonction, mais pourrait l’avoir été dans d’autres fonctions antérieures, dès lors qu’un agent est au service de la BEI depuis au moins trois années, cette dernière expose qu’elle est non seulement contraire aux lignes directrices de 2012, mais également au document produit en annexe C 7 par la requérante, qui est une note au personnel concernant l’exercice de promotion de 2006 et qui mentionne expressément cette condition.

67      Lors de l’audience, à la demande du Tribunal et afin de clarifier ses écritures, la BEI a expliqué que, chaque année, les lignes directrices de la procédure d’évaluation des performances du personnel auraient fait l’objet d’évolutions et que la version en vigueur au titre de l’exercice d’évaluation de l’année 2013 aurait comporté, en page 7, une note en bas de page mentionnant qu’une durée minimale de service n’était plus requise.

68      La BEI fait en outre valoir que la condition, qu’elle a mentionnée dans ses écritures (voir point 60 ci-dessus) et qui tient à l’existence d’une expérience professionnelle d’au moins cinq années dont une partie dans un service de coordination relevant du groupe de fonctions F, constituerait en tout état de cause un élément supplémentaire s’opposant à la promotion de la requérante. Cette dernière aurait eu connaissance de cette règle, qui ressortirait de la fiche des postes relevant de la fonction E, laquelle présenterait un caractère impératif.

69      Les documents produits par la requérante et intitulés « Accountability maps », qui démontreraient qu’elle avait exercé des tâches dont certaines relevaient du niveau C, seraient de nature indicative et auraient une valeur probante insuffisante.

70      En l’espèce, les règles régissant l’octroi d’une promotion aux membres du personnel de la BEI à la suite de l’exercice d’évaluation annuelle, complétées par les règles qui concernent la situation particulière des représentants du personnel ainsi que du personnel travaillant pour le collège des représentants du personnel, sont décrites au point 71 ci-après.

71      Le règlement du personnel, qui comporte des règles générales, dispose notamment :

« Article 22

Chaque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée. La procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision intérieure. Pour les fonctions C à K, les avancements d’échelons résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale de l’appréciation annuelle.

Article 23

Les promotions se font par l’accès à une fonction supérieure. Elles sont décidées d’après le mérite professionnel et impliquent l’exercice de responsabilités d’un niveau correspondant. Les promotions ne peuvent se faire qu’à un traitement supérieur. »

72      La procédure dont il est question à l’article 22 du règlement du personnel figure dans les lignes directrices de 2012. Ces dernières comportent un point 3.5, intitulé « Promotion dans le cadre de la procédure d’évaluation des performances », qui est formulé comme suit :

« Une promotion se définit par le fait pour un membre du personnel d’accéder à la fonction supérieure soit par la voie de la mobilité interne, soit dans le cadre de la procédure annuelle d’évaluation des performances.

Une promotion résulte d’une planification et d’une préparation à long terme et elle peut être proposée suite au maintien d’une bonne performance (validée par une “performance répondant à toutes les attentes”) pendant au minimum trois ans et compte tenu de la capacité avérée à prendre des responsabilités correspondant au rôle de référence supérieur.

La promotion à une fonction supérieure doit être proposée uniquement dans les cas suivants :

–        si le membre du personnel concerné est jugé capable d’assumer un rôle de niveau supérieur,

–        s’il est motivé pour le faire et

–        si la possibilité existe dans le service.

[…] »

73      En ce qui concerne les représentants du personnel et le personnel travaillant pour le collège des représentants du personnel, leur procédure d’évaluation est en outre régie par les dispositions particulières issues du document de juillet 2010, intitulé « Procédure d’évaluation des performances des représentants du personnel et du personnel travaillant pour le collège », susmentionné.

74      Ces dispositions prévoient notamment que les délégués du personnel ne sont pas soumis à une évaluation annuelle et elles mentionnent par ailleurs qu’une condition de maintien de bonne performance n’est pas mise en œuvre si elle entraîne des conséquences négatives à leur égard.

75      Il y a lieu de constater que le point 3.5 des lignes directrices de 2012 se borne à évoquer la condition tenant au « maintien d’une bonne performance (validée par une “performance répondant à toutes les attentes”) pendant au minimum trois ans », mais sans préciser si cette bonne performance doit avoir été maintenue dans un même groupe de fonctions, ni si un délai de trois années doit s’être écoulé depuis la dernière promotion obtenue par le membre du personnel concerné.

76      Les interprétations de cette disposition par les parties étant divergentes, l’examen des éléments sur lesquels elles s’appuient afin d’en déterminer la portée permet de constater ce qui suit.

77      Selon la BEI, la condition du maintien d’une bonne performance pendant trois années dans un même groupe de fonctions résulterait du point 3.5 des lignes directrices de 2012 et serait même complétée par une condition d’expérience d’au moins cinq années, dont une partie dans un service de coordination relevant du groupe de fonctions F, et ce au regard des fiches descriptives des postes relevant des fonctions E et F.

78      Or, outre le fait que le point 3.5 des lignes directrices de 2012 ne comporte pas les précisions alléguées par la BEI, l’argumentation tenant au contenu des fiches descriptives des postes relevant des fonctions E et F correspond, ainsi que le soutient la requérante, à un motif nouveau au regard du contenu de la décision attaquée, de sorte qu’il ne peut servir à en fonder la légalité (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 60), le juge de l’Union ne pouvant notamment, selon une jurisprudence constante, substituer un tel motif à celui ou à ceux retenus dans l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 64 et jurisprudence citée).

79      La requérante, qui prétend à l’inverse que la règle des trois années de bonne performance dans les mêmes fonctions a cessé de s’appliquer à partir de l’année 2008, a versé aux débats un document en anglais qui contient les règles d’évaluation de l’année 2007, applicables à l’exercice 2006.

80      Le point 2.3 de ce document, qui concerne les promotions, mentionne notamment ce qui suit :

« Règles particulières applicables aux promotions [:] 

–        minimum de trois années dans une fonction [;]

–        augmentation de salaire de 15 % au maximum [… ;]

–        obtention de la note A ou B+[.] »

81      L’annexe 1 du même document comporte également un point 3.3, intitulé « Promotions dans un poste bifonctionnel », qui mentionne notamment ce qui suit :

« Un membre du personnel doit avoir passé au minimum trois années dans une fonction donnée avant d’être éligible à une promotion. »

82      Il convient de relever que ces dispositions spécifiques, applicables à l’exercice d’évaluation de l’année 2007, ne sont plus mentionnées dans les lignes directrices de 2012. Dans la mesure où elles étaient mentionnées expressément et qu’elles ne sont plus reprises, cela peut être considéré comme un indice que, ainsi que le soutient la requérante au point 13 de la réplique, les dispositions en cause ont été volontairement abandonnées.

83      Cette évolution est corroborée par les termes du courriel du 26 mars 2013 envoyé par la DG du personnel à M. B., membre du comité des représentants du personnel. Si ce courriel ne revêt pas la forme d’une instruction de nature générale comportant la position officielle de la DG du personnel, il n’en demeure pas moins que, outre la qualité de son expéditeur, son contenu peut être considéré comme un élément supplémentaire permettant d’interpréter la portée qu’il convient de donner au point 3.5 des lignes directrices de 2012. Il y est en particulier mentionné ce qui suit en ce qui concerne les critères d’éligibilité à une promotion :

« […] Les critères d’éligibilité à une promotion sont les suivants :

–        le membre du personnel doit être éligible à un mérite [;]

–        elle/il doit être dans une position qui autorise une promotion (bifonctions) [;]

–        la règle des 15 % doit être respectée à l’exception des parcours professionnels [;]

–        elle/il ne doit pas avoir une note D au cours des trois dernières années [;]

–        (clause contractuelle relative au niveau linguistique professionnel)[.] »

84      Il est également indiqué dans la suite du courriel, d’une part, que « la mention des trois dernières années doit être considérée davantage comme une recommandation que comme un strict critère d’éligibilité » et, d’autre part, que, dans la liste des promotions de l’année en cours, figurent les noms de huit membres du personnel de la BEI qui disposent de moins de trois années de service.

85      Au vu de ces éléments, il est possible de constater, premièrement, que la durée de trois années de service n’est pas expressément mentionnée parmi les critères d’éligibilité énoncés, deuxièmement, qu’un certain nombre de membres du personnel de la BEI ont pu être déclarés éligibles à une promotion en 2013 sans satisfaire à une condition de maintien d’une bonne performance pendant trois années et, troisièmement, qu’il n’était pas requis au titre de l’exercice d’évaluation de l’année 2012 que cette performance eût été constatée pendant trois années dans un poste relevant du même groupe de fonctions.

86      Dans ces conditions, il y a lieu de constater, au regard de l’ensemble de ce qui a été exposé ci-dessus, qu’il n’est pas établi que la condition de maintien d’une bonne performance pendant trois années devait être satisfaite dans un même groupe de fonctions. Les éléments du dossier ne permettent pas davantage de considérer que cette règle trouvait à s’appliquer.

87      L’erreur alléguée par la requérante tenant à l’application erronée d’une condition de bonne performance pendant trois années dans la même fonction figure selon elle au paragraphe 26 de la décision attaquée, formulé dans les termes suivants :

« 26. Le [c]omité [de recours] constate que [la requérante] a été promue à la fonction F en juin 2010. Partant, en 2012, une période de trois ans ne s’était pas encore écoulée depuis cette promotion à la fonction F. S’il est vrai que la [BEI] a pu dans certains cas spécialement déroger à la règle, il n’en reste pas moins que la règle générale – à laquelle le [comité de recours] reste soumis – demeure. Dès lors, et ainsi que le fait valoir la [BEI] à juste titre, [la requérante] n’était pas encore en mesure de satisfaire à l’un des critères exposés par l’article 3.5 des [lignes directrices de 2012], à savoir “maintenir une bonne performance (validée au minimum par une ‘performance répondant à toutes les attentes’) pendant au minimum trois ans”. Le [comité de recours] considère donc que la non-satisfaction de cette condition suffit à justifier la décision de la [BEI] en ce qui concerne la demande de promotion de [la requérante]. »

88      La formulation du paragraphe 26 de la décision attaquée permet de constater, ainsi que le soutient la requérante, que le comité de recours a estimé que la décision de la BEI de ne pas lui accorder une promotion au groupe de fonctions E était fondée sur le fait qu’« une période de trois ans ne s’était pas encore écoulée depuis [sa] promotion à la fonction F » et, partant, sur la prétendue non-satisfaction de la condition énoncée à l’article 3.5 des lignes directrices de 2012.

89      La décision attaquée doit donc être interprétée en ce sens que, quand un employé de la BEI fait l’objet d’une promotion à un poste relevant d’un groupe de fonctions supérieur déterminé, en l’occurrence le groupe de fonctions F en ce qui concerne la requérante, un délai de trois années devrait s’écouler dans ce même groupe de fonctions avant que l’employé concerné puisse à nouveau faire l’objet d’une promotion dans un groupe de fonctions supérieur, en l’occurrence le groupe de fonctions E en ce qui concerne la requérante, et ce sous réserve du maintien d’une bonne performance pendant toute la période en cause.

90      Or, il apparaît que, en retenant à l’égard de la requérante une telle interprétation des règles régissant l’octroi d’une promotion à la suite de l’exercice d’évaluation de l’année 2012, le comité de recours a commis une erreur en ce qu’il a méconnu lesdites règles telles qu’elles ont été exposées et analysées ci-dessus. En effet, il ne pouvait être requis, afin que la requérante fût promue au groupe de fonctions E, qu’elle eût satisfait à une condition de trois années d’activité dans un poste relevant du groupe de fonctions F, mais tout au plus qu’elle eût maintenu une bonne performance pendant trois années.

91      Il y a également lieu de relever que le comité de recours n’a pas procédé à une vérification de l’appréciation effective des performances de la requérante telles qu’elles résultaient de ses évaluations annuelles, puisqu’il s’est borné à fonder sa décision sur la constatation que la requérante avait été promue depuis moins de trois années au groupe de fonctions F.

92      De même, la qualité de représentant du personnel ou de personnel travaillant pour le collège des représentants du personnel n’a pas été spécifiquement prise en compte dans cette appréciation du comité de recours, de sorte que l’argumentation tenant à une éventuelle discrimination liée à cette qualité n’est pas pertinente en l’espèce.

93      Le comité de recours a en revanche expressément mentionné au paragraphe 26 de la décision attaquée que la non-satisfaction de la condition tenant à l’écoulement d’une période de trois années depuis la promotion de la requérante au groupe de fonctions F suffisait à elle seule à justifier le rejet de sa réclamation. Il a également précisé, au paragraphe 27 de la décision attaquée, qu’il entendait procéder à « titre surabondant » à l’examen de la question tenant à l’exercice par la requérante de fonctions de catégorie supérieure à celles figurant dans la description de son poste et dans l’organigramme du service dans lequel elle était en activité. Or, il convient de rappeler que des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision faisant grief à une partie requérante doivent en tout état de cause être rejetés d’emblée comme inopérants, puisqu’ils ne sauraient entraîner l’annulation de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 146 et jurisprudence citée).

94      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’erreur commise par le comité de recours, telle que mentionnée au point 90 ci-dessus, justifie à elle seule que la décision attaquée soit annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés par la requérante au titre du deuxième moyen, notamment ceux tenant aux conditions de promotion invoquées par la BEI et soulevés pour la première fois au stade de la réplique (voir points 59 et 64 ci-dessus), ni les troisième et quatrième moyens du recours.

 Sur les dépens

95      En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

96      La BEI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI) du 23 octobre 2013 par laquelle celui-ci a rejeté la demande de Mme Nathalie Dessi tendant à faire revoir son rapport d’appréciation pour l’année 2012 en ce que ledit rapport ne recommandait pas au président de la BEI de la promouvoir du groupe de fonctions F au groupe de fonctions E est annulée.

2)      La BEI est condamnée aux dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juillet 2017.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon


*      Langue de procédure : le français.

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